Par Olivier Berthelin, Gazette des communes 20/12/2010
Renardo Lorier, l'un des porte-parole de l'Union française des associations tsiganes, n'ignore rien des difficultés du dialogue avec les collectivités. Il manie avec allégresse les outils du 21e siècle.
En français, en dialecte lorrain et en langue romani, Renardo Lorier utilise les mots avec vigueur. Militant tsigane ayant fait ses premières armes de négociateur dans les années 70, il est aujourd'hui l'un des porte-parole de l'Union française des associations tsiganes (Ufat). Loin d'être impressionné par les détenteurs du pouvoir, il ne craint pas, au sortir d'un rendez-vous à l'Elysée, d'affronter des forêts de micros et de caméras pour exprimer son scepticisme. « Comme leurs prédécesseurs, ils nous écoutent poliment mais n'entendent pas ce que nous leur disons », soupire-t-il. Préférant la franchise à la diplomatie, ce communicant hors normes ne mâche pas ses mots et ses critiques sur les instances nationales s'occupant des gens du voyage.Désillusions.
« Lorsque les commissions consultatives ont été créées, nous avons espéré que nous pourrions réellement travailler à améliorer les conditions de vie de notre peuple. Mais nous servons d'alibis et toutes les lois qui sont votées vont dans le mauvais sens », affirme le délégué national de l'Ufat qui, en 2006, a démissionné au bout de six mois de la commission nationale consultative. « Heureusement que les maires n'obéissent pas à la loi sur les aires d'accueil où l'on voudrait nous enfermer, car elles sont mal conçues et ne résolvent ni nos problèmes, ni ceux des communes. » Il consacre une grande partie de son temps à sillonner le Grand Est pour plaider la cause de familles en difficulté directement avec les directeurs généraux des services, les maires et les préfets. « Dans les mairies, je rencontre la plupart du temps des hommes qui cherchent sincèrement des solutions. Mais les différentes autorités interprètent rarement les textes de la même manière et nous devons, encore et encore, expliquer. »Il évoque avec émotion son père qui, au sortir de la seconde guerre mondiale, fût l'un des pionniers des associations tsiganes. Luthier et marchand forain, interrompant le voyage durant les longues périodes nécessaires aux études de ses enfants, Niki Lorier quittait souvent ses étals et ses outils pour se précipiter dans le bureau d'un maire ou d'un ministre pour plaider la cause de son peuple. « Nos familles ont souffert dans les camps d'internement et certains sont morts en déportation. Nous n'avions confiance ni dans les autorités, ni dans les sédentaires, qui veulent faire notre bien sans nous comprendre ni vraiment nous demander notre avis », raconte Renardo Lorier, qui a peu à peu repris le flambeau des anciens. « Au début, j'assistais aux réunions et je prenais des notes, jusqu'à ce que l'on me fasse l'honneur de me confier la parole lors de négociations avec Pierre Mauroy, à Lille. »
Miser sur l'avenir.
Aujourd'hui encore, il consulte son père et les compagnons de celui-ci. « Avec les portables et le TGV, nous avons un peu plus de facilité que les anciens, mais les journées restent trop courtes », remarque le militant du 21e siècle qui, entre son actuelle profession de commercial, les réunions, les interventions auprès des maires et les manifestations, utilise ses nuits pour actualiser le site internet de l'Ufat. Inscrivant son action dans la longue durée, il s'investit dans la formation des jeunes générations et parle avec fierté de sa fille aînée qui travaille dans un cabinet d'architecte. « Nous avons aussi des choses à vous apporter dans des domaines qui n'ont rien à voir avec le voyage », remarque le porte-parole de l'Ufat. Avec sa rude franchise, il explique à ses interlocuteurs des médias qu'il encourage de jeunes Tsiganes à embrasser la profession de journaliste : « Afin que vous n'écriviez plus n'importe quoi sur nous. »BIO-EXPRESS
1952 : naissance à Lille.1969 : s'engage dans la militance aux côtés de son père.
1973 : création du Comité national des gens du voyage, qui devient l'Office national des affaires tsiganes en 1980.
2006 : membre de la Commission nationale consultative des gens du voyage, démissionnaire au bout de 6 mois.
2008 : membre fondateur de l'Union française des associations tsiganes.
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