dimanche 27 février 2011

Raccordement au réseau d’électricité



Le 15 décembre dernier le Conseil d’Etat a  rappelé que les juges administratifs devaient tenir compte de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. Dans le cas d’un refus de raccordement à l’électricité, la haute juridiction a estimée que ce refus n’avait pas été justifié de manière à légitimer une ingérence d’une autorité publique dans la vie privée.  En l’occurrence la commune doit démontrer que l’habitation constituée de caravanes sur une propriété située dans le périmètre d’un monument classé en zone ND du POS représente « une ingérence dans la vie privée nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
« Le conseil d’Etat a-t-il  signé la mort de l'article L111-6 du code de l'urbanisme qui permet au maire de s'opposer au raccordement définitif au réseau des constructions et installations illicites? », s’interroge un juriste.


Document article 8 de la convention européenne des droits de l’homme
Décision N° 323250
Olivier Berthelin (note réalisée avec l’aide des juristes de l’ANGVC et de la rubrique droit des collectivités de la gazette des communes)




Article 8
Droit au respect de la vie privée
et familiale
1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à
la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du
pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui


Conseil d’État


N° 323250

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

8ème et 3ème sous-sections réunies


M. Stirn, président

M. Guillaume Prévost, rapporteur

Mme Escaut Nathalie, commissaire du gouvernement

SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE, avocat(s)



lecture du mercredi 15 décembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2008 et 11 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Sandra A, demeurant 36, rue de la Fontaine à Gouvernes (77400) ; Mme A demande au Conseil d’Etat :


1°) d’annuler l’arrêt n° 07PA01761 du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0406457 du 15 février 2007 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet opposée par le maire de la commune de Gouvernes à sa demande, en date du 20 septembre 2004, tendant au raccordement du terrain dont elle est propriétaire au réseau d’eau potable ;


2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête ;


3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;


Vu convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;


Vu le code de l’urbanisme ;


Vu la loi du 2 mai 1930 ;


Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,


- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A, et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes,


- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes ;





Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a installé sur un terrain dont elle est propriétaire situé à Gouvernes (Seine-et-Marne) deux caravanes dans lesquelles elle habite avec son compagnon et leurs cinq enfants ; que ce terrain étant situé en zone ND du plan d’occupation du sol, dans le périmètre d’un site classé et dans le périmètre de protection d’un monument historique, l’installation des caravanes y était interdite par les dispositions en vigueur de l’article R. 449-9 du code de l’urbanisme ; que le maire de la commune de Gouvernes a implicitement rejeté sa demande en date du 20 septembre 2004 tendant au raccordement de ce terrain au réseau d’eau potable ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 15 février 2007 qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision implicite ;


Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ;


Considérant que la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, un raccordement d’une construction à usage d’habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d’une ingérence d’une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d’urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l’environnement, il appartient, dans chaque cas, à l’administration de s’assurer et au juge de vérifier que l’ingérence qui découle d’un refus de raccordement est, compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;


Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que le refus implicite de raccordement du terrain au réseau d’eau potable opposé par le maire de la commune de Gouvernes à la demande présentée par Mme A ne pouvait être regardé comme une ingérence dans son droit au respect de la vie privée et familiale, la cour a commis une erreur de droit et méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;


Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Gouvernes le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :

--------------


Article 1er : L’arrêt du 16 octobre 2008 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.


Article 3 : La commune de Gouvernes versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Gouvernes tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Sandra A, à la commune de Gouvernes et au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire