mardi 15 février 2011

Loppsi2 devant le conseil constituionnel


Objectifs de sécurité à l’horizon 2013


-         SUR L’ARTICLE 1er
L’article 1er de la loi qui dispose que : « Le rapport annexé sur les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à horizon 2013 est approuvé ».
Vous avez eu l’occasion de juger, à propos d’une disposition équivalente, que les « "orientations" présentées dans le rapport figurant à l'annexe I de la loi déférée ne relèvent (…) d'aucune des catégories de textes législatifs prévues par la Constitution et ne sont dès lors pas revêtues de la valeur normative qui s'attache à la loi » (2002-460 DC du 22 août 2002, cons. 21. Cf. également 2002-461 DC, 29 août 2002, cons. 90). Pour autant, vous aviez considéré un temps que les dispositions « dépourvues de caractère normatif (…) ne sauraient (…) être utilement arguées d'inconstitutionnalité » (2003-467 DC, 13 mars 2003, cons. 90).
Puis votre jurisprudence a évolué, et vous avez été amené à prononcer la censure de certaines dispositions sur le fondement de cette absence de caractère normatif. Ainsi avez-vous censuré l’article 4 de la loi organique n°2004-758 du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales qui, « du fait de sa portée normative incertaine », ne respectait pas « le principe de clarté de la loi »  (2004-500 DC du 29 juillet 2004, cons. 15). De même est-ce parce que vous aviez considéré que ses dispositions étaient « manifestement dépourvues de toute portée normative » que vous aviez censuré le II de l’article 7 de la loi n°2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école (2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. 17).
Ainsi, au regard de votre jurisprudence antérieure à la révision constitutionnelle de 2008, il n’aurait fait aucun doute que l’article 1er de la loi qui vous est ici déférée aurait été censuré.
Par la révision constitutionnelle de 2008, le pouvoir constituant a inséré un antépénultième alinéa à l’article 34 de la Constitution aux termes duquel : « Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’Etat ».
Mais est-ce à dire que dans ce cas, sous prétexte d’intituler un projet de loi d’orientation et de programmation, le législateur pourrait dorénavant faire fi des exigences de clarté et d’intelligibilité de la loi que lui impose par ailleurs la Déclaration des droit de l’homme et du citoyen de 1789 ?
Car c’est bien de cela dont il s’agit ici. En effet, cette exigence de normativité des lois, vous l’avez déduite de l’article 6 de la Déclaration de 1789 dont vous avez considéré qu’il résultait, « comme de l'ensemble des autres normes de valeur constitutionnelle relatives à l'objet de la loi que, sous réserve de dispositions particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d'énoncer des règles et doit par suite être revêtue d'une portée normative » (2005-512 DC du 21 avril 2005, cons. 8).
Or, cette jurisprudence ne résultait pas d’une quelconque volonté de votre part de museler arbitrairement le législateur, mais répondait à la légitime préoccupation, comme l’indique le commentaire aux cahiers de cette décision, de « condamnation de la " loi bavarde " (…) justifiée par la nécessité d'enrayer le processus de dégradation de la qualité de la législation » (cahier n° 19). De cette préoccupation ô combien salutaire, vous ne devriez vous départir.
Aussi vous appartient-il aujourd’hui de vous prononcer sur la validité d’une disposition qui n’a manifestement pas de caractère normatif, au regard de la nouvelle rédaction de l’article 34 de la Constitution.
Cette absence de caractère normatif de l’article 1er et du rapport auquel il renvoie doit à tout le moins emporter une conséquence : débaptiser la loi de son titre de loi de programmation.
En effet, elle ne saurait recevoir cette qualification car, contrairement à sa prédécesseur, la loi n°2002-1094 du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, elle ne possède pas de disposition programmant les moyens de la sécurité intérieure. Or c’était justement en vous fondant sur cette programmation que vous aviez admis la valeur normative de l’article 2 de ladite loi (2002-460 DC du 22 août 2002, cons. 21. Cf. mutatis mutandis pour la programmation de moyens de la justice votre décision n° 2002-461 DC, 29 août 2002, cons. 90).
Ici en revanche, les seuls moyens à venir envisagés figurent dans des tableaux annexés à la loi, pas dans le corps de la loi elle-même. Et de surcroît, la seule programmation envisagée porte en réalité uniquement sur les années 2012 et 2013. Quant aux années antérieures, 2009, 2010 et 2011, elles relèvent de lois de finances déjà votées et pour partie exécutées, ce qui lui ôte de facto tout caractère prospectif.

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