mardi 15 février 2011

La Loppsi2 devant le conseil constitutionnel


Droits des mineurs
-         SUR L’ARTICLE 41
L’article 41 a pour objet d’intégrer dans l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante un article 8-3 aux termes duquel : « Le procureur de la République peut poursuivre un mineur devant le tribunal pour enfants selon la procédure prévue à l'article 390-1 du code de procédure pénale si des investigations supplémentaires sur les faits ne sont pas nécessaires et que des investigations sur la personnalité du mineur ont été accomplies, le cas échéant à l'occasion d'une procédure engagée dans les six mois précédents ou d'une procédure ayant donné lieu à une condamnation dans les six mois précédents ».
Il serait ainsi permis au Procureur de la République de convoquer un mineur par officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfant. En d’autres termes, il s’agit ni plus ni moins d’aligner encore un peu plus la comparution des mineurs sur le modèle de la comparution immédiate réservée aux majeurs, et de court-circuiter, in fine, le juge des enfants.
Un rapprochement de la sorte avait déjà été entamé par la loi n° 2007-597 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance qui avait institué la procédure de « présentation immédiate devant la juridiction pour mineurs ».
Pour les requérants, cette étape supplémentaire dans l’alignement du droit pénal des mineurs sur celui des majeurs constitue une violation manifeste du principe fondamental reconnu par les lois de la république qui impose que les mesures adoptées à leur endroit soient « adaptées à leur âge et à leur personnalité », et qu’elles soient « prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées » (2007-553 DC du 03 mars 2007, cons. 9).
Comme vous ne manquerez pas de le constater en effet, les conditions et les garanties qui vous avaient conduit à valider la procédure de présentation immédiate en 2007 ne sont en l’espèce absolument plus réunies.
La seule limite à l’application de la convocation par OPJ des mineurs est ici que des investigations sur la personnalité du mineur aient été effectuées dans un délai de moins de 6 mois. A cet égard d’ailleurs, le fait de prendre en compte les condamnations prononcées dans les 6 mois précédents n’est manifestement pas pertinent pour connaître de la personnalité du mineur en cause. Car si la condamnation est récente, l’enquête sur sa personnalité peut, elle, lui être très antérieure.
La limite, pourtant a minima, qu’avait tenté d’introduire le Sénat selon laquelle il devait au moins y avoir similarité entre les faits commis a, quant à elle, été balayée d’un revers de la main.
Ainsi, une fois cette condition des 6 mois remplie, ce sont bien tous les mineurs qui pourront faire l’objet de cette procédure, qu’ils aient entre 13 et 16 ans, ou 16 ans et plus, et pour toutes les infractions, quel que soit le quantum de la peine encourue, flagrantes ou non, le tout sans que soit respecté le délai minimal de dix jours qui doit, en principe, séparer la date de présentation de celle de l'audience du tribunal pour enfants, et ce sans que ni le mineur, ni son avocat, ni ses représentants légaux ne puissent s'y opposer.
Or, pour valider le dispositif de la loi de 2007 votre haute juridiction avait notamment relevé que :
-         la procédure de présentation immédiate n’était applicable « qu'aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans » (cons. 15) ;
-         « si le quantum des peines qui détermine la faculté de recourir à cette procédure est abaissé, il demeure supérieur à celui qui conditionne le recours à la comparution immédiate pour les majeurs » (cons. 16) ;
-         « si la loi permet de procéder au jugement de l'affaire sans que soit respecté le délai minimal de dix jours, c'est à la condition que le mineur et son avocat y consentent expressément et que les représentants légaux du mineur, dûment convoqués, ne s'y opposent pas » (cons. 16).
Et c’est seulement « eu égard à l'ensemble des précautions ainsi prises par le législateur » que vous aviez conclu au respect des « principes constitutionnels propres à la justice des mineurs » (cons. 17).
A cet égard, et en l’absence totale de précautions semblables en l’espèce, vous ne pourrez ainsi que constater que, à l’inverse, le législateur a méconnu lesdits principes constitutionnels applicables à la justice des mineurs.

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