mardi 15 février 2011

La loppsi2 devant le conseil constitutionnel


Police des transports

-         SUR L’ARTICLE 58
L’article 58 vise à remplacer le second alinéa de l'article L. 2241-2 du code des transports par trois alinéas ainsi rédigés :
« Si le contrevenant refuse ou se déclare dans l'impossibilité de justifier de son identité, les agents mentionnés au premier alinéa du II de l'article 529-4 du code de procédure pénale en avisent sans délai et par tout moyen un officier de police judiciaire territorialement compétent.
« Pendant le temps nécessaire à l'information et à la décision de l'officier de police judiciaire, le contrevenant est tenu de demeurer à la disposition d'un agent visé au premier alinéa du même II.
« Sur l'ordre de l'officier de police judiciaire, les agents peuvent conduire l'auteur de l'infraction devant lui ou bien le retenir le temps nécessaire à son arrivée ou à celle d'un agent de police judiciaire agissant sous son contrôle. »
L’actuel second alinéa de l'article L. 2241-2 du code des transports est rédigé en ces termes : « Si le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, ces agents en avisent sans délai et par tout moyen un officier de police judiciaire territorialement compétent. Sur l'ordre de ce dernier, les agents visés au premier alinéa du II de l'article 529-4 du code de procédure pénale peuvent être autorisés à retenir l'auteur de l'infraction le temps strictement nécessaire à l'arrivée de l'officier de police judiciaire ou, le cas échéant, à le conduire sur-le-champ devant lui. »
Sur le fond, et en apparence, les pouvoirs octroyés aux agents assermentés de l'exploitant du service de transport visés au 4° de l’article L. 2241-1 du code des transports auquel renvoie l’article L. 2241-2 ne sont pas modifiés : pouvoir de faire prévenir un officier de police judiciaire ; pouvoir de retenir le contrevenant ; et pouvoir de le conduire à un OPJ.
Ce qui en revanche est radicalement modifié, ce sont les garanties offertes à l’intéressé que les délais dans lesquels il peut être ainsi retenu contre sa volonté seront les plus courts possibles. En effet, l’obligation de diligence consistant à ne pouvoir retenir le contrevenant uniquement le « temps strictement nécessaire à l'arrivée » de l’OPJ ou à ce qu’il soit conduit devant lui « sur-le-champ » a été supprimée.
Or, en n’encadrant pas suffisamment les délais pendant lesquels le contrevenant peut être retenu par les agents de transport, le législateur est resté en deçà de sa compétence, et a ainsi privé de garanties légales les exigences constitutionnelles protectrices de la liberté individuelle, et particulièrement de la liberté d’aller et venir.
Il ressort en effet de manière constante de votre jurisprudence qu’il incombe au législateur de préciser les limites s'imposant aux autorités compétentes afin d'éviter toute « rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d'infractions » (2010-604 DC du 25 février 2010, cons. 8).
Ainsi se doit-il « d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties », au nombre desquelles figurent la liberté individuelle, et particulièrement la « liberté d'aller et venir » (2008-562 DC du 21 février 2008, cons. 13).
Et s’il lui est loisible à tout moment « d'adopter, pour la réalisation ou la conciliation d'objectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité », ce n’est qu’à la stricte condition que l'exercice de ce pouvoir n’aboutisse pas « à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel » (99-416 DC du 23 juillet 1999, cons. 6 et 10).
Aussi, parce que la possibilité donnée aux agents des transports de retenir une personne contre sa volonté doit répondre à l’ensemble de ces exigences constitutionnelles, qu’elle doit être adaptée, nécessaire et proportionnée (2008-562 DC du 21 février 2008, cons. 13), elle ne doit pouvoir se faire que dans les délais strictement nécessaires à la réalisation des raisons qui la justifient, et non être laissée à la discrétion soit de l’OPJ, soit des agents en question.
Or, en ne limitant pas de manière suffisamment restreinte les délais pendant lesquels les personnes pourront être retenues par les agents ou conduites devant l’OPJ pour vérification de leur identité, le législateur a laissé ici une marge de manœuvre trop importante à ces autorités, et ainsi privé de garanties légales l’exigence constitutionnelle de la liberté d’aller et venir (80-127 DC du 20 janvier 1981, cons. 58 et 93-323 DC du 05 août 1993, cons. 9). C’est pourquoi vous censurerez également cette disposition.

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