dimanche 27 février 2011

Flash infos tsiganes du 28 février 2011


A noter :

En attendant la remise du rapport de la mission de l’assemblée nationale annoncée pour début mars, et l’avis du conseil constitutionnel sur des articles de la Loppsi 2, (lisez ou  relisez les épisodes précédents de ces feuilletons sur le blog des Dépêches tsiganes), nous vous proposons dans votre rubrique A suivre dans la fabrique des lois et des politiques publiques des éléments à verser au dossier « Titres de circulations ». A la demande de la Gazette des communes nous avons réalisé une enquête parmi les agents des collectivités sur l’importance des titres de circulation dans l’exercice de leurs missions. (lisez Les titres de circulation des papiers sans valeur ?).
Du côté de l’urbanisme : les jurisprudences et les pratiques évoluent autour de l’habitat caravane. Dans la rubrique A suivre sur le terrain lisez trois brèves sur les délicats problèmes des raccordements aux réseaux d’eau et d’électricité (Lisez l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme). Le Conseil d’Etat rappel l’importance de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et la nécessité de justifier les refus de raccordements. Dans l’héraut c’est le raccordement à l’eau qui fait question alors que la justice est très loin d’avoir définitivement tranché les litiges autour de l’aménagement d’un terrain familial.
Cette grande prudence des juges ne satisfait pas l’ensemble des élus dont certains aimeraient disposer des armes que peuvent représenter les coupures d’électricité et d’eau contre des propriétaires occupant des terrains au sujet des quels se posent des problèmes d’interprétation du code de l’urbanisme. (Lisez la question au gouvernement de… et des extraits du bulletin municipal de Thiverval Grignon).
Très médiatisée, l’affaire de Frédéric Lièvy, personnalité du monde associatif local des gens du voyage et agriculteur apporte d’autres éclairages sur ces débats. En reportant sa décision sur une demande d’expulsion de son terrain situé en zone agricole à l’option ou non d’un permis de construire pour un logement de fonction d’agriculteur le tribunal correctionnel de Toulouse a soulever des espoirs du côté des associations s’occupant de l’habitat caravane. Celui-ci sera-t-il pris en compte dans le cadre du droit commun de l’urbanisme indépendamment du mode de vie supposé des propriétaires habitants ? Cela implique alors que la légalité des documents d’urbanisme qui interdisent de fait l’habitat caravane soit étudiée à la loupe. (lisez :Toulouse le tribunal correctionnel demande un permis de construir). Pour approfondir ces questions, vous trouverez en document, un article du courrier des maires datant de 2007 qui pose les questions du point de vu des élus.
L’approche des élections cantonales de mars prochains favorise t- elle le dérapage de certains discours publics ? (Lisez humeurs municipales…). En document nous vous proposons une analyse du « mythe du Rom nomade dans la politique européenne », par le sociologue Rome de nationalité roumaine Nicolae Gheorghe. Retrouvez aussi sur le blog des Dépêches tsiganes des portraits d’acteurs : Annie Egu : infirmière briseuse de préjugés et Renardo Lorier Manouche Online.
Olivier Berthelin

Agenda du Flash infos tsiganes du 28 février



Loppsi 2 : Attente des décisions du Conseil constitutionnel saisi le 15 février dernier par 120 parlementaires


15 mars : Web conférence avec le sénateur Pierre Hérisson, parlementaire en mission  sur le statut juridique des gens du voyage. Vous pourrez interroger le président de la commission nationale consultative sur sa mission, sur le financement des aires d’accueil et la révision des schémas départementaux.
Pour en savoir plus contactez : Magalie Raimbault, animatrice du réseau Gens du voyage d’idéal Connaissances m.raimbault@idealconnaissances.com
Attention le nombre des places est limité



Du 30 mars au 1er avril : Strasbourg  Assemblée générale du forum européen des Roms et Gens du voyage Strasbourg. Entre autres sujets cette assemblée générale débattra des orientations stratégiques pour la période 2011-2016 et du rôle des organisations internationales.
Pour en savoir plus :www.ertf.org
Le forum européen des Roms et Gens du voyage n’est pas un organisme du Conseil de l’Europe mais une association indépendante hébergée par l’Institution.

26 avril : Centre de Vie et Lumière, Nevoy (Loiret) Rencontre entre les responsables des missions et les représentants des collectivités en vue de la préparation des Grands passages.

Dernière minute Claude Guéant remplace Brice Hortefeux au ministère de l’Intérieur




Ancien collaborateur de Charles Pasqua, secrétaire général de l’Elysée jusqu’au 27 février Claude Guéant a longtemps été directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l’intérieur. Selon le point, il est resté très actif dans les affaires de ce ministère collaborant à la mise au point des projets de loi concernant la sécurité. Certains commentateurs estiment que Michèle Alliot Marie et Brice Hortefeux n’étaient que des portes paroles de Claude Guéant.

A quoi servent les titres de circulation ?


 

Cette enquête publiée par la Gazette des communes présente les titres de circulation vus par le bout de la lorgnette  des fonctionnaires territoriaux et quelques usagers. Nous reviendrons sur ce sujet avec d’autres enquêtes auprès d’autres catégories de professionnels.
Gens du voyage
Les titres de circulation, des papiers sans valeur ?
Par Olivier Berthelin, Gazette des communes du 7 février 2011
n Sur le terrain, policiers municipaux et gardes champêtres confirment la difficulté, voire l'inutilité, du contrôle.
n Les gens du voyage dénoncent ces titres spéciaux qu'ils jugent discriminatoires.
«Ce n'est que lorsque le dialogue n'est plus possible et que les comportements ne sont plus acceptables que nous demandons aux gens du voyage de nous montrer leurs titres de circulation. Je n'ai connu une telle situation que deux ou trois fois en vingt-sept ans de carrière », constate Jacques Armesto, garde champêtre chef à La Salvetat-sur-Agout (Hérault) et président de la Fédération nationale des gardes champêtres. « Les nomades considèrent que ces documents spéciaux les désignent de manière négative et vivent ces contrôles comme des signes de méfiance », ajoute-t-il en s'appuyant sur son expérience et celle de ses collègues. Pour expliquer l'extrême sensibilité des voyageurs vis-à-vis des titres de circulation, instaurés en 1969, il rappelle que ces citoyens ordinaires sont obligés de se rendre tous les trois mois au commissariat de police ou à la gendarmerie, pour justifier de leurs activités et faire tamponner leurs papiers.
Une source de tensions.
« Nous n'avons pas besoin de contrôler les papiers pour identifier des personnes qui vivent en caravane. La consultation du fichier des cartes grises à partir du numéro d'immatriculation nous confirme le nom du propriétaire. Si nous ne constatons pas d'infractions, nous n'avons aucune raison de les traiter avec plus de suspicion que les autres administrés et de créer des tensions », explique le garde champêtre.
Disposant, en vertu du statut de la police rurale, de la possibilité de contrôler les identités hors de la présence d'officier de police judiciaire, il n'utilise ce pouvoir qu'en cas de nécessité. « Le statut nous importe moins que le comportement de la personne. Nous connaissons les voyageurs qui viennent tous les ans. Ils font des efforts pour donner une bonne image d'eux-mêmes, travaillent comme forains ou sur les marchés environnant. Nous constatons moins de délits qu'avec d'autres publics », précise-t-il.
A Tours, Grenoble, Rennes, Bordeaux, dans l'Hérault, les policiers municipaux confirment globalement ce constat, en nuançant selon le degré de conflictualité des situations et la personnalité des protagonistes. Prudents, ils refusent de s'impliquer dans les polémiques sur la stigmatisation des gens du voyage.
Privilégier le dialogue.
L'action des polices municipales vis-à-vis des gens du voyage se concentre sur la gestion des stationnements, les contrôles des titres de circulation représentant un facteur de tension supplémentaire. « Même lorsque les élus nous donnent des consignes de répression systématique, nous ne nous intéressons aux titres de circulation que lorsque nous intervenons en soutien de la gendarmerie dans des opérations d'envergures », précise Jean-Charles Glatigny, secrétaire national de la Fédération autonome de la fonction publique territoriale chargé de la police municipale.
Le responsable brosse le tableau très conflictuel du département des Alpes-Maritimes, qui ne compte que deux aires d'accueil et dans lequel les élus engagent systématiquement des procédures d'expulsion. « Avec les groupes qui tentent de s'imposer, nous devons établir des relations de dialogue, car, pendant les délais des procédures d'expulsion, nous devons protéger le site contre des riverains très remontés et veiller à ce que tout se passe le moins mal possible », explique-t-il en notant que ces situations peuvent durer 72 heures, lorsque la commune, ayant respecté ses obligations, utilise avec succès l'expulsion administrative, ou se prolonger jusqu'à 15 jours, lorsque le juge donne raison aux voyageurs.
« Nous sommes dans des situations extrêmement délicates, car nous devons d'abord signifier le désaccord des autorités, sans pouvoir nous opposer physiquement, dans certains cas, à plusieurs centaines de personnes ayant loué des engins de chantier pour détruire les obstacles qui interdisent l'entrée des terrains. Ensuite, nous devons vivre avec eux, au quotidien, jusqu'à leur départ. Prendre l'initiative de demander les carnets ne ferait qu'envenimer inutilement des situations déjà tendues, sans rien apporter en terme de maintien de l'ordre », raconte le policier municipal.
Sans doute majoritaires, ces pratiques, en situation de conflit, privilégiant le dialogue au contrôle des titres de circulation ne font pas l'unanimité. Sous formes de confidences en expliquant que la méthode est condamnable, des maires et un gendarme à la retraite avouent avoir utilisé la menace de confiscation des titres de circulation pour chasser des voyageurs récalcitrants. Ils faisaient l'économie de longues, aléatoires et onéreuses procédures légales. La méthode, inapplicable avec les grands groupes structurés défendus par des avocats, est réputée particulièrement efficace contre les familles isolées du fait des peines, allant de 1 500 euros à un an de prison, encourues par le voyageur incapable de produire son titre.
Moyen de pression.
« Ces chantages touchent surtout les plus démunis, qui savent que, s'ils résistent ou se plaignent, ils ne seront pas entendus, même lorsque ceux qui les menacent enfreignent la loi. Alors, plutôt que de risquer des ennuis graves, ils vont chercher à stationner ailleurs », confirme le pasteur Désiré Vermeersch, président de l'Association sociale nationale internationale tsigane (Asnit).
Dans des contextes moins conflictuels, policiers municipaux et gestionnaires d'aires d'accueil ne se préoccupent quasiment pas des titres de circulation. Ainsi, la police municipale de Tours, qui dispose de 290 emplacements en aire d'accueil et prépare avec les intéressés, dès le mois de décembre, les étapes estivales de six à huit groupes de grands passages, ne s'intéresse aux titres de circulation que dans le cadre de ses trente marchés.
« Depuis 2010, des cartes professionnelles de commerçants non sédentaires remplacent les titres de circulation, mais comme elles ne sont pas encore généralisées, nos placiers continuent à demander, comme par le passé, les titres de circulation et les registres du commerce », explique la mairie de Tours.
Effets pervers.
« Sur nos aires d'accueil, nous demandons, comme dans les campings, les références d'une pièce d'identité, qui n'est pas obligatoirement un titre de circulation, et une photocopie de la carte grise », explique Dominique Careil, responsable du pôle « habitats spécifiques » du bailleur social Aquitanis, qui gère 14 aires totalisant 150 emplacements sur le département de la Gironde. Reste que les pratiques divergent d'un gestionnaire à l'autre. Certains exigent les titres, d'autres non. Or, ce sésame administratif ne suffit pas toujours.
Soumis malgré lui à l'obligation de détenir un carnet de circulation, Jean-Marie Magister dénonce les effets pervers du statut de gens du voyage. Même avec son carnet, il ne pouvait accéder aux aires d'accueil : dans son cas, ces places-là se révélaient très chères. Nullement itinérant dans son mode de vie, ayant dû laisser son logement après un licenciement, devenu sans ressources, il avait demandé une aide au CCAS de la commune où il se trouvait.
« Ils ne voulaient rien savoir car, pour eux, je n'étais pas SDF puisque j'avais un véhicule. N'étant pas domicilié dans la commune, je ne relevais pas des compétences du CCAS. Ils acceptaient seulement que mon fils soit scolarisé », explique Jean-Marie Magister. Ne pouvant plus le laisser stationner dans la commune, les policiers municipaux l'avait envoyé à la préfecture, qui lui avait attribué un carnet de circulation.
« Cela n'a rien arrangé, au contraire. On me considérait alors avec méfiance, comme un Tsigane, et j'aurais même dû attendre trois ans pour pouvoir voter de nouveau », déplore Jean-Marie Magister. Un « cas loin d'être exceptionnel » observe Fernand Delage, vice-président de l'Union française des associations tsiganes (lire son témoignage, p. 31).
« Supprimer l'obligation de faire viser les titres et donner le droit de vote est indispensable pour consolider la citoyenneté des gens du voyage. Mais supprimer les titres et l'ensemble de la loi risque de remettre en cause la reconnaissance légale du droit à un mode de vie itinérant », conclut Denis Klumpp, directeur de l'Association régionale d'études et d'actions auprès des Tsiganes (Areat).
LES POINTS CLÉS
Carnet anthropométrique Créé en 1912 pour les nomades, le carnet anthropométrique a été modernisé en 1969 sous la forme d'un titre de circulation.
Livret et carnet Destiné aux personnes ayant des revenus fixes, le livret est visé tous les ans. Le carnet, qui concerne les personnes ayant des revenus aléatoires, est visé tous les trimestres. Ni l'un ni l'autre n'ont la valeur de papier d'identité.
Carte de commerçant ambulant La carte professionnelle de commerçant ambulant a été créée en 2010.
Fernand Delage, vice-président de l'Union française des associations tsiganes (Ufat) - « Ces titres qui font de nous des demi-citoyens »
« Il faut abolir ces titres qui font de nous des demi-citoyens. Ils sont les héritiers des carnets anthropométriques, sur la base desquels nos grands-parents et parents ont été enfermés pendant la Seconde Guerre mondiale. Certains disent qu'ils sont notre identité et qu'ils garantissent notre mode de vie ; au contraire, ils nous donnent plus de devoirs que de droits et nous désignent de manière négative. Le gouvernement prétend que c'est notre seul contact avec l'administration, mais nous sommes en permanence en contact avec des policiers, des travailleurs sociaux et les services qui s'occupent des entreprises, des taxes. Les règles de stationnement doivent être améliorées. Sédentaires et itinérants sont complémentaires et sont faits pour vivre ensemble. »
Un statut complexe et controversé
La loi du 3 janvier 1969 « relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe » instaure des titres de circulation obligatoires à partir de l'âge de 16 ans, pour les personnes circulant plus de six mois dans l'année. Elle possède deux volets : économique et administratif. Dans le domaine économique, la carte professionnelle de commerçant non sédentaire, instaurée par l'arrêté du 21 janvier 2010, remplace les titres de circulation pour les activités économiques itinérantes. Mais elle n'abolit pas l'usage administratif de ces titres, l'obligation de les détenir et de les faire viser par les forces de police, tous les ans pour les livrets et tous les trois mois pour les carnets. Ils ne remplacent pas une carte d'identité mais assignent une commune de rattachement et imposent un délai de trois ans pour être inscrits sur les listes électorales. Néanmoins ceux qui, étant en difficulté économique, sont éligibles à la domiciliation peuvent voter comme les autres citoyens. Ils doivent cependant continuer à faire viser leurs titres. Cet usage en tant que document de police est dénoncé, par la Halde, comme une stigmatisation d'une partie de la population, considérée comme dangereuse. Associations et partis réclament une abolition de la loi. Pourtant, de nombreux Tsiganes y restent attachés : ils craignent que la disparition des titres n'implique l'interdiction du voyage et la perte de leur identité.
AVIS D'EXPERT - Jean-François Restoin, directeur du groupement d'intérêt public « Accueil des gens du voyage en Ille-et-Vilaine » - « 90 % ont la nationalité française »
« La loi du 5 juillet 2000 associe clairement les aires d'accueil et les titres de circulation définis par la loi du 3 janvier 1969. Mais réserver un équipement public à une seule catégorie de la population est une forme de discrimination. Même si la France ne reconnaît pas les minorités et que, sous certaines conditions, des étrangers peuvent recevoir des livrets de circulation, il faut reconnaître que plus de 90 % des personnes soumises à la loi de 1969 sont françaises et, pour leur très grande majorité, tsiganes. Mais, dans chaque famille, certains membres n'ont plus de titres de circulation car ils voyagent moins de six mois. Or ils doivent aussi pouvoir accéder aux aires d'accueil. En outre, la commune de rattachement, où se déroulent les démarches d'état civil, est rarement la même que celle de domiciliation, où se passent toutes les démarches sociales et professionnelles. »

Humeurs Municipales



Cet article réalisé par un journaliste de l’équipe des Dépêches tsiganes dans le cadre d’une enquête sur l’instrumentalisation du thème des Gens du voyage dans la politique locale et d’un dossier Médias et Gens du voyage a été publié le 22 février dernier par la Gazette des Communes.


   
ROMS ET GENS DU VOYAGE

Gens du voyage : deux bulletins municipaux publient des textes ouvertement racistes

Par O. Berthelin
Publié le 22/02/2011
Mis à jour le 23/02/2011
La publication dans le bulletin municipal de Moigny (Essonne) de propos agressifs à l’égard des gens du voyage relance la polémique sur l’amalgame entre délinquance mode de vie et appartenance à une communauté. Un autre bulletin municipal dans les Yvelines et la communication des services de gendarmerie dans le Bas-Rhin, suscitent à leur tour la réactions des associations du secteur.
Un article publié en janvier 2010 dans le bulletin municipal de Moigny-sur-Ecole (Essonne) a déclenché polémique et dépôts de plaintes pour diffamation et discrimination soutenu par une demi-douzaine d’associations :
  • ADGVE
  • Union Française des Associations Tsiganes,
  • Le Droit de Vivre,
  • FNASAT,
  • Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples – Essonne,
  • LDH – Évry
La commune a effet publié des photos de plaques minéralogiques et un texte accusant les gens du voyage de multiples nuisances et de délits variés. L’article se conclut sur la préconisation de renforcer le statut spécial des Gens du voyage en rattachant cette population à une unique collectivité.
Au même moment, alors que les députés engageaient des débats sur le statut des Gens du voyage, que Philippe Richert, ministre chargé des Collectivités territoriales compte mener à bien d’ici à la fin de l’année, le bulletin de Moigny résonne au-delà du cadre local.
Les associations dénoncent des accusations sans preuves. Elles précisent que les Gens du voyage sont soumis aux mêmes règles d’accès aux droits sociaux et aux mêmes régimes fiscaux que l’ensemble des administrés tout en connaissant des obligations supplémentaires liées à la loi du 3 janvier 1969 sur les titres de circulation.
Loin d’être liées à un incident isolé, ces polémiques rebondissent dans d’autres communes.
Un autre bulletin municipal dans le collimateur des associations
Rémi Lucet, maire de Thiverval-Grignon (Yvelines) a lui aussi publié dans son bulletin municipal un billet d’humeur où il déplore en termes particulièrement violents de ne pas avoir réussi à s’opposer par des moyens légaux à l’acquisition d’une propriété par une famille de gens du voyage qu’il qualifie de « connue des services de gendarmerie ».
Les juristes de plusieurs associations étudient ce texte dans la perspective d’un dépôt de plainte.
Ils pointent le fait que le maire désigne ainsi une famille précise à la vindicte de la population allant même jusqu’à revendiquer implicitement un droit de sélection de ses administrés, notamment au moyen du droit de préemption sur la vente des propriétés.
« Délinquance itinérante », une formule remise en cause
Pour les associations,  la banalisation dans les bulletins municipaux des amalgames entre délinquance et Gens du voyage est une conséquence d’une utilisation sans discernement de la formule « délinquance itinérante ».
« L’office central de lutte contre la délinquance itinérante s’occupe de délits et de crimes commis loin de leurs domiciles par des personnes de toutes origines. Nous ne nous intéressons pas particulièrement à la communauté des Gens du voyage. Il ne faudrait pas aggraver les tensions autour de problèmes de stationnement qui n’ont aucun lien direct avec les délits dont nous nous occupons », affirme le service de communication de la gendarmerie (SIRPA). Très embarrassé par les polémiques autour de la stigmatisation des Roms ou des Gens du voyage, l’organisme renvoie sur la presse la responsabilité de l’usage très contesté de la formule « issu de la communauté des Gens du voyage », pour qualifier des individus suspectés ou condamnés pour des actes délictueux.
«Avant d’utiliser cette expression, nous nous appuyons sur nos sources policières ou judiciaires locales comme la cellule Balkan 68. Nous nous demandons s’il s’agit d’une information pertinente liée à un mode de vie pour ne pas stigmatiser une population, et nous précisons la nationalité des mis en cause », explique Antoine Bonin, journaliste de la rubrique faits divers des Dernières nouvelles d’Alsace. Il justifie ainsi le qualificatif « membres de la communauté des Gens du voyage » associé à des ressortissants Croates impliqués dans des cambriolages en Alsace.
Dans une chronique européenne, 4 auteurs-chercheurs dénoncent « le mythe du rom nomade » ; un amalgame entre mode de vie itinérant et émigration. Ils précisent que l’itinérance représente un phénomène limité à la France et la Grande Bretagne sans équivalent dans le reste de l’Europe.
Le Conseil de l’Europe a récemment publié un glossaire précisant les définitions des termes Gens du voyage, roms, tsiganes, nomades, etc.
Références
Le glossaire terminologique du Conseil de l'Europe relatif aux Roms

Toulouse Dans l’affaire du tsigane agriculteur, le tribunal correctionnel demande un permis de construire



Le 22 février dernier, le  tribunal correctionnel de Toulouse a repassé le problème d’un terrain familial en zone agricole aux services d’urbanismes et à la justice administrative. A l’issue de quatre ans de procédures diverses, Frédéric Liévy qui exploite un élevage de poules ne s’est toujours pas si il peut vivre sur sa propriété qui est aussi son lieu de travail.


Accusé d’habiter illégalement sur sa propriété située en zone agricole Frédéric Liévy, s’est vu reconnaître le statut d’exploitant agricole par le tribunal correctionnel de Toulouse. Le juge suspend sa décision jusqu’au 3 octobre prochain. Celle-ci dépendra des résultats de l’instruction d’une nouvelle demande de permis de construire un logement de fonction d’exploitant agricole sur cette parcelle.  En refusant de trancher suite aux procédures engagées par la préfecture et la mairie de Frouzins (Haute Garonne), contre la famille Liévy, le juge judiciaire renvoie de fait à ses collègues de la justice administrative un problème rendu brûlant par les polémiques autour de la Loppsi 2 et des discriminations visant les tsiganes. « En n’ordonnant pas immédiatement la destruction de mes biens comme le lui demandait la préfecture et la mairie la justice, n’a pas suivit les réquisitions du procureur qui voulait la destruction de mes biens », commente l’intéressé. Néanmoins, il ne cache pas sa lassitude de devoir pour la quatrième fois s’engager dans une procédure de permis d’aménager ou de construire. « D’ici au mois d’octobre, je devrais aussi me battre pour le renouvellement de mon contrat provisoire d’électricité », précise t-il. « Maintenant le débat va pouvoir être sérieusement traité dans le cadre des règles de l’urbanisme et de la construction  », remarque Eric Vanderwal, directeur du Syndicat mixte pour l’accueil des gens du voyage de Haute Garonne. (SIEANAT). L’EPCI regroupant 85 communes, qui se penche activement depuis 2006 sur la question des terrains familiaux, regrette la situation de blocage de Frouzins. «  Les premières demandes de Frédéric Lièvy qui n’est ni juriste, ni architecte n’étaient peut être pas toujours parfaites, mais il faut constater qu’elles n’ont pas été sérieusement instruites et que l’enquête présentée au tribunal par les services d’urbanisme n’a pas pris en compte de nombreux éléments concernant la réalité de l’exploitation agricole et des installations existantes (lien avec les conclusions du préfet et la lettre argumentaire juridique de C Grèze en faveur de FL ) », ajoute Eric Vanderwal. «  Un permis de construire en bonne et due forme devrait pouvoir être établit sans trop de problèmes d’urbanisme,  car ce terrain se situe dans un secteur du POS où il est envisagé la construction de 200 logements. Les débats vont maintenant porter sur la nature de l’habitation et sur la légalité des documents d’urbanisme et arrêtés municipaux qui interdisent l’installation de caravanes y compris dans le cadre de terrains familiaux aménagés selon les règles », explique le directeur du SIEANAT. Pour lui ce type d’habitat composé de constructions légères et de résidences mobiles peut s’intégrer sans difficulté dans le paysage urbain (lien avec projet terrains familiaux). Il cite la commune de Ramonville qui le 23 février s’est engagée en partenariat avec le syndicat mixte dans un projet de trois terrains familiaux sur son territoire.

ANGVC : « Enfin, l’habitat de voyageurs peut être abordé dans le cadre du droit commun de l’urbanisme »

Au-delà du cas particulier de la famille Liévy, l’affaire de Frouzins est suivie avec une grande attention par l’ensemble des associations impliquées dans les questions relatives à la diversité des types d’habitats*. « Les documents d’urbanisme doivent tenir compte de la diversité des types d’habitats et ne peuvent interdire de manière général ou absolue les résidences mobiles ou légères sur les propriétés de leurs habitants qui doivent être considérées comme les autres types d’habitations », affirme Marc Béziat, délégué général de l’ANGVC qui insiste sur l’importance des contrôle de légalité des documents d’urbanismes par les services de l’Etat (lien avec lettre PLU). « Trop souvent les PLU se trouvent entachés d’irrégularité car ils ne tiennent pas compte de ce point. Il faut alors des années de procédures pour régulariser des situations qui ne posent pas de problèmes majeurs en termes d’aménagement et d’habitations », précise le délégué qui sur un questionnaire adressé en octobre dernier à 95 préfectures n’a pour l’instant reçu que deux réponses attestant que ce point particulier est prit en compte par les services en charge du contrôle des documents d’urbanisme.
Olivier Berthelin

Associations engagées dans le domaine de l’habitat caravanes : la FNASAT et l’ANGVC disposent de services juridiques et collaborent à l’animation de pôle de recherche sur l’habitat. Le réseau GDV d’Ideal-Connaissances a tenu une rencontre technique sur les terrains familiaux le 8 Février dernier. Bien que ne disposant pas de permanents dédiés à ces questions l’UFAT, l’ASNIT, Halem sont très actives sur questions, ainsi que la fondation abbé pierre, la fnars et le DAL.

Raccordement au réseau d’eau



De nombreux litiges entre des propriétaires habitants de terrains familiaux concernent les raccordements à l’électricité plus rarement à l’eau. Néanmoins, les associations Marianne Voyage (membre de l’UFAT) et la FNASAT ont signalé un cas récent dans le département de l’Hérault, où elles ont du intervenir auprès d’agents d’un service des eaux pour rappeler quelques principes. « Le raccordement aux fluides qui sont des services indispensables au confort et à l’hygiène n’ont rien à voir avec les autres litiges. L’eau et l’électricité sont considéré comme la scolarisation des enfants. Même si les parents commettent des infractions vis-à-vis du code de l’urbanisme, vous ne pouvez refuser leurs enfants à l’école. Il en va de même pour l’habitation tant que la justice n’a pas définitivement tranchée sur l’ensemble des questions il n’est pas possible d’interdire des branchements provisoires », explique Jérôme Weinhard, du pôle juridique de la FNASAT. 

Référence :   Article 1 de la loi sur l’eau

Article L210-1
L'eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d'intérêt général.
Dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l'usage de l'eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous.
Les coûts liés à l'utilisation de l'eau, y compris les coûts pour l'environnement et les ressources elles-mêmes, sont supportés par les utilisateurs en tenant compte des conséquences sociales, environnementales et économiques ainsi que des conditions géographiques et climatiques.

Insatisfactions de certains élus




Le cadre juridique nécessitant des décisions de justices à l’encontre de propriétaires habitants leurs terrains en désaccord avec le maire, ne satisfait pas tous les élus. Jean Bardet député UMP du Val d’Oise a le 8 février dernier posé au gouvernement une question demandant dans qu’elle mesure les maires peuvent s’opposer aux branchements provisoires.
Question n°99406

« M. Jean Bardet attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme qui permet aux maires de s'opposer à l'alimentation en eau ou en électricité de caravanes installées en méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme et notamment de l'article L. 443-1. Cette mesure ne concerne toutefois que les branchements définitifs et non les branchements provisoires qui sont exclus du champ d'application de l'article L. 111-6. Or l'impossibilité de raccordement aux réseaux est l'un des seuls moyens de lutter contre l'installation illégale des gens du voyage. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui préciser dans quelle mesure les maires peuvent effectivement s'opposer à une demande de branchement provisoire ».


Dans un billet d’humeur très controversé (Lire aussi humeurs municipales) Rémi Lucet, maire Grignon, déplore de ne pouvoir longtemps refuser l’eau et l’électricité ainsi qu’un accès carrossable à sa parcelle à famille de Gens du voyage ayant acquit une propriété depuis deux ans.

Raccordement au réseau d’électricité



Le 15 décembre dernier le Conseil d’Etat a  rappelé que les juges administratifs devaient tenir compte de l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme. Dans le cas d’un refus de raccordement à l’électricité, la haute juridiction a estimée que ce refus n’avait pas été justifié de manière à légitimer une ingérence d’une autorité publique dans la vie privée.  En l’occurrence la commune doit démontrer que l’habitation constituée de caravanes sur une propriété située dans le périmètre d’un monument classé en zone ND du POS représente « une ingérence dans la vie privée nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
« Le conseil d’Etat a-t-il  signé la mort de l'article L111-6 du code de l'urbanisme qui permet au maire de s'opposer au raccordement définitif au réseau des constructions et installations illicites? », s’interroge un juriste.


Document article 8 de la convention européenne des droits de l’homme
Décision N° 323250
Olivier Berthelin (note réalisée avec l’aide des juristes de l’ANGVC et de la rubrique droit des collectivités de la gazette des communes)




Article 8
Droit au respect de la vie privée
et familiale
1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à
la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du
pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui


Conseil d’État


N° 323250

Mentionné dans les tables du recueil Lebon

8ème et 3ème sous-sections réunies


M. Stirn, président

M. Guillaume Prévost, rapporteur

Mme Escaut Nathalie, commissaire du gouvernement

SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE, avocat(s)



lecture du mercredi 15 décembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2008 et 11 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Sandra A, demeurant 36, rue de la Fontaine à Gouvernes (77400) ; Mme A demande au Conseil d’Etat :


1°) d’annuler l’arrêt n° 07PA01761 du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0406457 du 15 février 2007 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet opposée par le maire de la commune de Gouvernes à sa demande, en date du 20 septembre 2004, tendant au raccordement du terrain dont elle est propriétaire au réseau d’eau potable ;


2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête ;


3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;




Vu les autres pièces du dossier ;


Vu convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;


Vu le code de l’urbanisme ;


Vu la loi du 2 mai 1930 ;


Vu le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :


- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,


- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A, et de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes,


- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;


La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A et à la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes ;





Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a installé sur un terrain dont elle est propriétaire situé à Gouvernes (Seine-et-Marne) deux caravanes dans lesquelles elle habite avec son compagnon et leurs cinq enfants ; que ce terrain étant situé en zone ND du plan d’occupation du sol, dans le périmètre d’un site classé et dans le périmètre de protection d’un monument historique, l’installation des caravanes y était interdite par les dispositions en vigueur de l’article R. 449-9 du code de l’urbanisme ; que le maire de la commune de Gouvernes a implicitement rejeté sa demande en date du 20 septembre 2004 tendant au raccordement de ce terrain au réseau d’eau potable ; que Mme A se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 15 février 2007 qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision implicite ;


Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ;


Considérant que la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, un raccordement d’une construction à usage d’habitation irrégulièrement implantée aux réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d’une ingérence d’une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d’urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l’environnement, il appartient, dans chaque cas, à l’administration de s’assurer et au juge de vérifier que l’ingérence qui découle d’un refus de raccordement est, compte tenu de l’ensemble des données de l’espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;


Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que le refus implicite de raccordement du terrain au réseau d’eau potable opposé par le maire de la commune de Gouvernes à la demande présentée par Mme A ne pouvait être regardé comme une ingérence dans son droit au respect de la vie privée et familiale, la cour a commis une erreur de droit et méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;


Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Gouvernes le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;




D E C I D E :

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Article 1er : L’arrêt du 16 octobre 2008 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.


Article 3 : La commune de Gouvernes versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Gouvernes tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Sandra A, à la commune de Gouvernes et au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

Le mythe du Rom « nomade »



Comment se défausser
de la question rom sur l’Europe
Nicolae Gheorghe
avec Bertrand du Puch, Alan Clark et Rupert Wolfe Murray
cet article a été publié dans la revue projet  http://www.revue-projet.com/articles/2010-6-le-mythe-du-rom-nomade/

Nicolae Gheorghe était l’un des rares sociologues roms lors de la révolution roumaine de 1989. Il
a travaillé avec les gouvernements de la période post-communiste et a créé la principale Ong rom :
le Centre rom pour l’intervention sociale et les études, Romani Criss, en 1993. Premier expert rom
auprès de l’Osce, il est désormais consultant à Bucarest pour le think-tank rom Pakiv-Européen, qui
participe au Forum pour l’intégration des Roms.
Bertrand du Puch, Alan Clark et Rupert Wolfe Murray, qui vivent à Bucarest, participent à la
gestion des projets du programme d’aide communautaire aux pays d’Europe centrale et orientale.
Ce texte doit beaucoup à une présentation faite à Bucarest lors d’une conférence (les 12 et 13 octobre
2010) sur « la contribution des Fonds européens à l’intégration de la population rom ».




Ces mois derniers, la question de la mobilité internationale des Roms
a pris une tournure explosive, dans les médias et les forums de l’Union
européenne (UE). Selon les textes de la Commission européenne à propos
des Roms, le groupe qui a attiré les foudres du président Sarkozy est
défini comme celui des « Roms mobiles, citoyens d’un des pays membres
de l’UE, et installés provisoirement sur le territoire d’un autre État membre
». Or les médias et les leaders politiques français et roumains ont utilisé
un autre adjectif, l’étiquette péjorative de « nomades » pour parler des
Roms récemment expulsés de France. Mais il n’y a virtuellement plus de
« nomades » en Roumanie, même si l’on peut toujours trouver, comme en
France, des groupes qui « sont mobiles » pour échapper à une très grande
pauvreté.
Je voudrais montrer comment ceux que l’on appelle les Roms « nomades
» ont émergé dans l’histoire moderne de la Roumanie, comment la
question a ressurgi et avec quelle brutalité on a voulu la résoudre. Le
mythe du Rom « nomade » est aujourd’hui utilisé par différents gouver-



nements qui cherchent à se défausser du problème sur l’Europe. J’aimerais
expliquer comment envisager autrement la « dimension européenne », qui
existe, de la question rom.
L’émergence du Rom « nomade »
Le terme « nomade » se réfère à l’histoire des arrangements ancestraux
sur les pâturages. Il était adopté pour décrire ceux qui faisaient paître
leur bétail sur les prés communaux. Il désignait les bergers et les vachers
qui se déplaçaient d’un pâturage à l’autre, souvent avec leurs tentes, leurs
familles, leur culture de clan. Ce n’est que récemment que l’étiquette
« nomade » a été accolée aux Roms.
Dans les principautés roumaines d’autrefois, les Roms étaient des esclaves.
Ceux qui étaient sédentaires étaient la propriété des nobles ou des
monastères, tandis que les artisans itinérants appartenaient pour l’essentiel
au prince. C’est ce second groupe que l’on connaît désormais sous le nom
de « nomades ». Dans les années 1850 et 1860, les esclaves roms furent
libérés par les principautés roumaines . Depuis lors, la division entre itinérants
et sédentaires s’est consolidée. Les itinérants ont conservé des professions
liées au voyage : travail du métal, du bois, musique, négoce, alors
que les Roms sédentaires menaient un mode de vie rural en constituant
des villages entiers de Roms.
Une histoire marquée par la répression
Dans les années 1930, l’Union soviétique a commencé à interdire aux
artisans roms et à leurs familles de se déplacer à travers le pays pour chercher
du travail. Les autorités soviétiques recouraient au qualificatif de
« nomades » pour justifier la répression de ces Roms itinérants. Dans les
années 1950, cette étiquette était reprise dans toute l’Europe centrale et
orientale.
Parallèlement, dans les régions sous influence allemande, un débat
émergeait sur la façon dont les Roms « nomades » contaminaient la
société . Cette accusation a conduit à la déportation de quelque 30 000
. L’abolition de l’esclavage des Roms faisait partie des négociations à la fin de la guerre de Crimée.
C’était une des clauses pour que l’Angleterre et la France reconnaissent l’union des deux principautés
roumaines. En septembre 2010, le Sénat roumain a rejeté la proposition de faire de la libération
des esclaves une fête nationale.
. Parallèlement à ce débat, un débat sur le statut des Juifs dans la Grande Roumanie faisait encore
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Roms roumains pendant la Seconde guerre mondiale. Les soi-disant
« nomades » Roms ont été déportés de façon collective, tandis que les
Roms sédentaires l’étaient individuellement.
Dans les années 1950, les nouveaux régimes communistes d’Europe
centrale ont considéré le « nomadisme » comme un problème sérieux. Les
régimes proposaient de les assimiler, de les « humaniser », de faire d’eux un
« nouvel être socialiste ». En Bulgarie, en Hongrie, en Slovaquie, en Serbie
et en Roumanie, les Roms ont été assimilés dans des secteurs de l’industrie,
de l’agriculture et des services. En Roumanie, les Roms itinérants sont
parvenus à garder une certaine autonomie durant la période communiste.
Nombreux sont ceux qui ont conservé des pratiques de clan, le cadre des
échanges familiaux, ainsi que des métiers et des noms traditionnels.
Ouverture des frontières
Après la révolution roumaine de 1989, les Roms ont perdu leurs principales
sources de revenus : les grosses entreprises et fermes d’État ont réduit
leurs effectifs et les employés roms ont été les premiers mis à la porte. La
fermeture d’un grand nombre de fermes d’État a conduit à un chômage
massif. Aussi le « problème tsigane » des années 1930 et la « question
rom » des années 1950 ont-ils continué de ressurgir sous de nouvelles
formes.
La période de préadhésion à l’UE les a placés au coeur du débat : l’amélioration
de la situation des Roms était d’ailleurs un des deux critères politiques
sur lesquels la Roumanie devait progresser pour être admise dans
l’Union. Le second était la protection des orphelins et des enfants des rues.
En 2001, le gouvernement a alors développé une stratégie : une agence
nationale des Roms était créée, ainsi qu’un parti politique rom représenté
au Parlement ; des représentants roms ont été nommés à l’échelon des
autorités locales ; de nombreuses Ong roms ont été créées ; une petite élite
intellectuelle rom a émergé, qui a commencé à faire entendre ses demandes
en faveur des droits de l’homme et des minorités.
Ce mouvement a contribué à augmenter la visibilité de la classe
moyenne rom, dont je fais partie. Nous sommes allés à l’école et le taux
d’alphabétisation des Roms est bien plus élevé en Europe centrale et de
plus polémique. À cette époque, vous pouviez vous rendre auprès d’une « Commission de roumanisation
» pour obtenir un certificat prouvant que vous étiez membre de la société roumaine à part
entière. Une nouvelle catégorie est apparue : celles des « Tziganes roumanisés ». L’expression est
encore utilisée aujourd’hui par certains groupes. Pendant la seconde guerre mondiale, elle permettait
d’échapper à la déportation.
Le mythe du Rom « nomade »
Chronique européenne
80
l’Est qu’en Europe de l’Ouest, où la question de l’éducation a été ignorée.
Le paradoxe est que ma génération (celle des grands-parents) est plus éduquée
que nombre de jeunes des communautés roms des pays d’Europe de
l’Est aujourd’hui.
Au début des années 1990, des milliers de Roms sont venus demander
l’asile politique en Allemagne. Mais en 1992, l’Allemagne et la Roumanie
signaient un accord de rapatriement, visant principalement les Roms roumains.
Des dizaines de milliers d’entre eux ont été renvoyés d’Allemagne
par ce qu’on a appelé dans les médias le « Zigeuner Protocol », le « protocole
gitan ». Durant cette période, certains Roms itinérants se sont aussi
installés en Italie, en France ou en Espagne.
Avec l’adhésion de la Roumanie à l’UE en janvier 2007 est apparue
la liberté de circulation à l’intérieur de l’Union, que nous considérons
comme l’aspect le plus bénéfique de l’adhésion. Beaucoup de Roumains
en ont profité pour travailler, étudier ou prendre des vacances à travers
l’UE. Et certains groupes de Roms ont commencé à explorer les nouveaux
espaces de l’UE. Ceux qui ont le mieux tiré parti de cette fantastique
opportunité étaient les groupes itinérants roumains (les soi-disant
« nomades ») ; ils avaient l’expérience de la déportation et du voyage. Ils
étaient mieux préparés à ce type d’aventure que les Roms sédentaires. Ils
ont trouvé des niches où tirer parti des allocations, de la solidarité et de la
tolérance. Au départ, ils faisaient spontanément appel aux autorités locales,
à la population, aux associations caritatives et aux Églises. Pour beaucoup,
en particulier ceux qui trouvèrent refuge dans des camps improvisés,
parfois illégaux, en bordure des métropoles européennes, c’était comme
arriver en terre promise.
Tout ceci s’est déroulé spontanément, et nombreuses sont les réussites
individuelles, pour ceux qui ont étudié, travaillé, comme négociants ou
travailleurs agricoles, et appris de nouvelles langues. En général, les Roms
s’adaptent facilement et sont habiles. Beaucoup d’entre eux ont su valoriser
leurs expériences de la période communiste dans l’industrie, les fermes
collectives et l’élevage.
Migration en chaîne et trafics
Avec le temps, ce qui était d’abord une migration spontanée est devenue
une migration en chaîne : voisins, familles au sens large et clans entiers
ont suivi. En Roumanie et en Bulgarie, des villages entiers de Roms ont
été vidés par ce phénomène. À l’Ouest, la solidarité et la tolérance qui
existaient auparavant pour des groupes de dix à quarante personnes ont
81
Chronique européenne
commencé à faiblir avec l’augmentation drastique du nombre de Roms
demandant de l’aide.
Mais ces personnes de nationalités et d’origines différentes, et j’inclus
les Roms pour lesquels l’expérience migratoire des années 1990 et du
début des années 2000 a été réussie, entraînent à présent les pauvres de
leur communauté locale. Par exemple, à un moment donné à Naples, en
Italie, presque toute la communauté rom roumaine de Naples était exclusivement
composée du clan Spoitori , un ancien groupe itinérant venu de
la ville de Calarasi, au sud-est de la Roumanie. Aujourd’hui, les Spoitori
organisent la migration vers Naples des Roms musulmans de Calarasi, qui
sont dans une détresse bien plus grande que la leur.
Plus sérieux est le problème du trafic qui, lui, est de nature criminelle.
Il implique des intermédiaires, des prêteurs sur gage, des organisateurs
de transport, la vente d’informations, des taux d’intérêt exorbitants, la
location de logements… Il implique l’exploitation d’hommes exerçant
tout type de métiers, de femmes qui se prostituent ou encore d’enfants
travaillant dans le secteur informel ou pratiquant la mendicité. Beaucoup
de victimes de ces trafics sont innocentes, manipulées pour participer à
des activités illégales.
L’instrumentalisation du nomadisme
Dès lors, ce qui inquiète, ce sont les tentatives de politiciens d’enfermer
les Roms dans la catégorie des nomades, stigmatisant ainsi l’ensemble de
la population rom. Pour le Président roumain, Traian Băsescu, les Roms
sont tout simplement des nomades : « Nous avons un problème qui doit
être connu et qui rend difficile l’intégration des Roms nomades. Très peu
d’entre eux veulent travailler. La plupart, et ce par tradition, vivent de vols.
Tant que nous ne reconnaitrons pas honnêtement les problèmes de cette
ethnie et les problèmes que nous avons à comprendre cette ethnie, nous
ne trouverons pas de solution au problème » . Son style, à la fois direct et
autoritaire, a un impact important sur le processus de décision du pays.
On voit poindre, encore, l’instrumentalisation du nomadisme dans la
. Les Spoitori vivaient traditionnellement de la galvanisation des récipients en métal.
. À ce propos, un appel, « Les droits des enfants d’abord : dire non à l’exploitation et à la discrimination
des enfants roms. », rédigé par Hvzi Cazim (Macédoine, Belgique), Lorne Walters (Canada,
Belgique) et Nicolae Gheorghe (Roumanie), a circulé lors du deuxième sommet européen consacré
à la population rom, les 8 et 9 avril 2010, à Cordoue (Espagne) et lors de la conférence d’examen
de l’Osce de Varsovie, pendant la session dédiée à l’application du plan d’action de l’Osce pour les
Roms et les Sinti, le 6 octobre 2010.
. Déclaration du président Băsescu au cours d’une discussion avec des journalistes, le 3 novembre
2010, après une discussion avec son homologue slovène.
Le mythe du Rom « nomade »
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confusion qui règne autour des conditions d’entrée de la Roumanie et de
la Bulgarie dans l’espace Schengen, prévue pour fin mars 2 011. Comme
je l’avais prévu, la France propose de repousser cette entrée et les Roms
risquent être utilisés comme bouc-émissaires.
Mais c’est précisément dans le contexte actuel d’expulsions, de populisme
et de préjugés qu’il peut être trompeur, sinon dangereux, de parler
du « problème rom » comme d’un « problème européen », nécessitant une
« solution européenne », comme l’illustre la partie de ping-pong à laquelle
se sont livrées la France et la Roumanie au cours de l’été 2010. Car la responsabilité
est avant tout celle des pays dont les Roms ont la nationalité
ou dans lesquels ils résident légalement depuis longtemps. Il s’agit donc,
en ce qui nous concerne, d’un problème roumain. En parler comme d’une
question européenne est une grossière tentative des hommes politiques
roumains d’échapper à leurs responsabilités vis-à-vis de leur minorité, à
laquelle ils ne parviennent toujours pas à procurer les services publics
essentiels. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de « dimension européenne » à la
question. Au contraire, j’en ai fait ma carrière depuis vingt ans.
La dimension européenne
Les Roms ont besoin de lois et de mécanismes institutionnels pour garantir
leurs droits, car le niveau des préjugés à leur égard est très élevé, l’histoire
de leurs persécutions est profonde et ils n’ont pas d’État-nation qui
peut leur offrir protection et plaider leur cause. La Hongrie, elle, a réussi
à améliorer les droits des minorités hongroises en Roumanie, en Slovaquie
et en Serbie. C’est là qu’intervient la dimension européenne de la question
rom. Au cours de ces dix dernières années, les activistes roms (dont je fais
partie) sommes parvenus à faire adopter des résolutions et des engagements
politiques concernant les Roms par l’UE, le Conseil de l’Europe,
l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (Osce) et la
Commission des droits de l’homme de l’Onu. Par ailleurs, la « Décennie
pour l’inclusion des Roms », 2005-2015, est une initiative intergouvernementale
lancée et soutenue par douze gouvernements, la plupart d’Europe
centrale ou d’Europe du Sud-Est, par l’Open Society Institute , la Banque
mondiale et le Fonds pour l’éducation rom.
Cette approche s’appuie sur le « principe de subsidiarité » de l’UE,
selon lequel les questions doivent d’abord être résolues au niveau local.
La véritable citoyenneté se traduit alors de bas en haut, du niveau local
. Association financée par le milliardaire George Soros.
83
Chronique européenne
vers le niveau national et la citoyenneté européenne devient un élément
de « valeur ajoutée ». L’UE est contactée si les ressources nationales font
défaut, et à condition que les autorités locales ou nationales aient l’humilité
de demander son assistance.
Selon ce principe, et à condition que soit respectée la notion de ressortissant
de pays d’origine, le pays de destination partage avec le pays
d’origine la responsabilité de procurer des services aux citoyens ou aux
migrants, ce qui implique des prestations de services publics par le pays
d’origine et une bonne communication entre les agences des différents
pays concernés.
Dans la récente « Déclaration de Strasbourg sur les Roms » , le Conseil
de l’Europe déclare : « Si la responsabilité première de promouvoir l’intégration
incombe aux États membres dont les Roms sont ressortissants ou
dans lesquels ils résident durablement et légalement, les développements
récents concernant les Roms en Europe ont montré que certains des défis
auxquels nous sommes confrontés ont des implications transfrontalières et
appellent par conséquent une réponse paneuropéenne. »
La délégation roumaine a adopté la Déclaration de Strasbourg, tout
en émettant une « réserve interprétative » selon laquelle la responsabilité
d’intégrer les Roms incombe au pays d’accueil dès lors qu’ils y séjourneraient
légalement au moins trois mois. Le secrétaire d’État français aux
Affaires européennes, Pierre Lellouche, s’est dit « surpris » de cette réserve.
Selon la position française, un individu est libre de voyager, d’étudier et
de travailler, mais pas de s’installer indéfiniment s’il n’a pas les moyens de
subvenir à ses propres besoins...
La Roumanie se défausse sur l’UE
L’approche roumaine de la citoyenneté (et de l’élaboration des politiques
publiques) va du haut vers le bas, à l’encontre du principe de subsidiarité.
Elle pérennise la tradition très centralisée du processus de décisions de l’ère
communiste. Le gouvernement roumain a vu dans la « citoyenneté européenne
» l’occasion de réduire sa responsabilité vis-à-vis de son importante
minorité rom.
En 2001, le gouvernement a adopté une stratégie pour « l’amélioration
de la condition des Roms en Roumanie », dans l’urgence, à l’occasion de la
visite du commissaire de l’UE, Günter Verheugen. Mais elle est restée très
. « Déclaration de Strasbourg sur les Roms », Conseil de l’Europe, réunion de Strasbourg sur les
Roms du 20 octobre 2010.
Le mythe du Rom « nomade »
84
rhétorique, suscitant une attente chez les Roms, créant certes des obligations
pour les ministères mais pour des mesures non budgétées ni discutées
de manière convenable. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle stratégie
politique, comme en 2001, mais d’un système efficace, d’une administration
publique qui fonctionne pour tout le monde et consente un réel
effort pour que les Roms aient le même accès que les autres citoyens aux
services publics et à l’emploi. Une nouvelle stratégie ouvrirait peut-être de
nouvelles voies, mais elle serait surtout utilisée comme monnaie d’échange
dans les négociations sur Schengen.
Le défi pour les législateurs est d’associer les compétences et le dynamisme
des Roms à des activités légitimes, à de l’entreprenariat dans l’économie
formelle : travail indépendant, commerce international d’artisanat
et autres activités qui s’inscrivent dans le contexte de libre circulation des
capitaux, des biens, des services et des personnes. Une réussite dans ce
domaine conforterait d’ailleurs l’autre grande priorité des Roms : l’accès
à l’éducation.
« Se débarrasser des gitans », ce fut une obsession roumaine depuis les
déportations de la Seconde guerre mondiale. Aujourd’hui, la majorité de
la population tolère l’idée que les Roms puissent « devenir européens »,
dans l’espoir qu’ils partiront et que les Occidentaux prendront en charge
le fardeau. Les leaders roumains, au plus haut niveau, sont prêts à réinventer
dans ce but le terme de « nomades » : « Nous avons ici un groupe
de nomades qui n’aiment pas travailler, mais qui aiment voyager ; nous
les appelons les Roms ! » Le danger est que cette idéologie se traduise en
pratiques administratives.
Reconnaître nos concitoyens
L’enjeu est d’imaginer comment nous, citoyens roumains, pouvons mettre
en pratique notre responsabilité envers ces soi-disant « nomades » roms.
Car il s’agit d’abord de les reconnaître comme nos concitoyens, et non
comme des étrangers. C’est à nous, Roumains et Roms roumains, qu’incombe
la responsabilité de trouver une solution.
Aujourd’hui les obstacles sont multiples. Intérêts particuliers, suspicion,
fragmentation, compétition entre les agences chargées de l’exécution
des projets, théorie du complot et rumeurs, échec des Ong, manque de
compétence et de responsabilité, accusations de détournement de « l’argent
européen pour les Roms », jeu de la culpabilisation et formes diverses
de corruption.
Pour inverser le processus, l’approche doit se faire à partir d’autres
notions : communication, leadership, confiance, transparence. Nous
85
Chronique européenne
avons besoin de structures qui s’appuient sur ce que nous avons atteint,
qui instaurent le dialogue, créent des partenariats. Il est question de
« transformer » les Roms, mais quelles transformations pour nous-mêmes,
qui sommes supposés concevoir et mettre en place le processus, tenir le
rôle de facilitateurs ?
L’avenir, c’est l’émergence d’une culture rom paneuropéenne, dont le
fondement serait une population rom diverse, à travers l’Europe. Chacun
aurait l’assurance d’une citoyenneté individuelle solide, propre à son pays
d’origine, avec le choix entre plusieurs possibilités : soit une vie d’itinérants
pratiquant leurs métiers, soit une vie de sédentaires, y compris dans
de grandes communautés roms bien localisées, bénéficiant de services
municipaux et de degrés divers d’autogestion et payant leurs impôts
comme tout citoyen européen.
Nicolae Gheorghe,
avec Bertrand du Puch, Alan Clark et Rupert Wolfe Murray
Traduit de l’anglais par Aurore Chaillou