LE STATIONNEMENT
DES GENS DU VOYAGE
RAPPORT AU PREMIER MINISTRE
PIERRE HÉRISSON
Sénateur
MAI 2008
Alors que la loi n° 2000 - 614 du 5 juillet 2000 a marqué une étape importante dans la prise en charge par les pouvoirs publics des réalités de la mobilité des gens du voyage, la mission confiée par le Premier ministre auprès de Madame la ministre de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales, sur le stationnement des gens du voyage s’inscrit dans un contexte particulièrement intéressant marqué par :
- une application à mi-parcours des exigences de la loi du 5 juillet 2000 relatif à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ;
- la révision, en cours ou à brève échéance, de nombreux schémas départementaux ;
- un renouvellement des élus issus des élections municipales et cantonales de mars 2008.
Avant tout, il n’est pas inutile de rappeler ce que recouvre la notion de « gens du voyage » qui n’est utilisée qu’en France et en Belgique alors que tous les autres Etats de l’Union et les institutions européennes et communautaires emploient le terme générique de « roms », ce dernier recouvrant une réalité hétéroclite issue de plusieurs siècles d’histoire.
A ce jour, les gens du voyage sont des citoyens français et les « roms » sont des étrangers, ressortissants de l’Union Européenne (essentiellement, de Roumanie et de Bulgarie).
Si une relative confusion a pu exister, il n’en va pas de même aujourd’hui dans la mesure où tant le gouvernement que la commission nationale consultative des gens du voyage ont adopté des positions claires et concordantes.
En effet, la commission nationale consultative des gens du voyage a précisé, dans sa séance du 16 octobre 2007, que les roms ne sauraient être assimilés aux gens du voyage français.
De plus, la Ministre de l’intérieur a indiqué, lors d’une question orale sans débat posée par Mme Alima Boumediene-Thiery, sénatrice de Paris que la loi du 5 juillet 2000 ne s’appliquait pas aux roms : « Les Roms n'appartiennent donc pas à la communauté des gens du voyage, lesquels, aux termes de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, doivent être en possession d'un titre de circulation. Ce sont deux catégories différentes, et les Roms ne relèvent donc pas du dispositif d'accueil des gens du voyage qui a été prévu par la loi du 5 juillet 2000. » (JO Sénat, 7 novembre 2007).
Une application à mi-parcours de la loi du 5 juillet 2000
Antérieurement à la loi du 5 juillet 2000, l’article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 posait, à la charge des communes de plus de 5000 habitants l’obligation de réaliser des aires de stationnement après qu’un schéma départemental ait été élaboré en concertation entre le président du conseil général et le représentant de l’Etat.
Les résultats ont été modestes et un nouvel élan a été donné par la loi du 5 juillet 2000.
Cette dernière a renouvelé l’obligation d’élaboration d’un schéma départemental et la réalisation d’aires.
Au 31 décembre 2007, 50% des prescriptions des schémas départementaux ont été financées.
La révision de nombreux schémas départementaux en 2008 et 2009
L’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 a prévu une révision des schémas départementaux tous les six ans. Compte tenu de leur date d’adoption, de nombreux schémas sont en cours de révision.
Cette période de révision quasi généralisée à l’ensemble du territoire constitue un moment propice pour s’interroger sur la réalité des conditions de stationnement des gens du voyage.
En effet, 42 schémas ont été signés et publiés en 2002, 40 l’ont été en 2003, ce qui implique la révision et la signature d’autant de nouveaux schémas respectivement en 2008 et 2009.
La révision des schémas devrait, en toute logique, s’effectuer dans des délais plus brefs que ceux constatés lors de leur élaboration initiale : le cadre offert par les schémas actuels a mobilisé des équipes, des structures, des services qui ont pris l’habitude de travailler ensemble.
Pour autant, la révision des schémas ne doit pas être envisagée comme la seule reconduction des objectifs définis dans le schéma initial et non atteints.
Comme tous les phénomènes humains, la mobilité des gens du voyage n’échappe pas aux mutations de la société française.
La révision des schémas doit être mise à profit pour s’interroger sur la validité des objectifs élaborés il y a 6 ans.
L’évaluation préalable des besoins (fréquence, durée des séjours, possibilités de scolarisation…) prévue par l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 doit donner lieu à l’établissement d’un véritable diagnostic de la situation existante.
Ce diagnostic doit être assorti d’un bilan, non pas seulement défini par les services de l’Etat et/ou des collectivités territoriales, mais d’un bilan débattu en commission consultative départementale où s’expriment toutes les sensibilités et tous les acteurs de ce dossier y compris, par conséquent, les gens du voyage eux-mêmes.
Les délais prévus par la loi pour la révision des schémas et précisés par la circulaire du 5 juillet 2001 ne doivent pas limiter le temps consacré à cette phase de diagnostic qui détermine la pertinence de la réponse des pouvoirs publics au stationnement des gens du voyage pour les six années à venir et ce même si des avenants sont toujours possibles.
Une circulaire aux préfets, pour relais auprès des élus concernés, pourrait rappeler tout l’intérêt qui s’attache à la réalisation préalable d’un diagnostic très complet et largement partagé après débat.
Le renouvellement récent des équipes
L’arrivée de nouvelles équipes municipales, intercommunales et départementales nécessite de renouveler l’attention portée sur ces dossiers. Elle peut également entraîner la remise en cause de projets initiés par les équipes précédentes. Sur ce sujet difficile, mal compris par les citoyens – électeurs, qui n’y voient que des motifs de dépenses supplémentaires, l’inaction du début de mandat n’est que rarement rattrapée.
Les services de l’Etat entretiennent un dialogue souvent fructueux avec les collectivités locales et 2007 a constitué une année où le taux de réalisation des places financées a connu une substantielle progression.
Les préfets doivent mettre à profit cette dynamique pour rappeler les obligations qui pèsent sur les collectivités concernées.
Au-delà de ces circonstances conjoncturelles, le constat, établi en 2000, lors de l’élaboration de la loi demeure d’actualité : très attachés à une culture commune et à un mode de vie particulier qui les distingue du reste de la population, les gens du voyage constituent cependant une réalité hétérogène et connaissent un rapport au voyage qui diffère.
Les élus, les responsables associatifs et les services de l’Etat constatent un ancrage territorial de plus en plus marqué. L’évolution des modes de vie, la paupérisation croissante de cette population exposée plus que d’autres aux difficultés économiques impliquent des voyages de moins en moins fréquents et de plus en plus courts. La mise en œuvre progressive des schémas départementaux par la création des aires « d’accueil », contribue à l’évolution de l’image identitaire des gens du voyage, construite pour partie sur le rejet qui leur a été longtemps opposé.
Nonobstant la diversité des réalités individuelles, trois catégories de relation au Voyage peuvent être identifiées:
- Les gens du voyage, nomades.
- Les gens du voyage semi sédentaires qui effectuent des déplacements limités dans l’espace et dans le temps, souvent à l’échelle d’un département ou d’une région.
- Les gens du voyage qui ne voyagent plus.
Ces comportements sollicitent des besoins différents et appellent une pluralité de réponses :
- Les déplacements individuels et familiaux des gens du voyage trouvent une réponse adaptée dans les aires d’accueil prévues au schéma départemental aménagées et entretenues par les collectivités locales.
- Les déplacements de groupes constitués de 50 à 200 caravanes ont vocation à trouver un stationnement sur les aires dites de grands passages.
- Les grands rassemblements constituent des réunions à vocation festive ou cultuelle qui rassemblent plusieurs milliers de caravanes et nécessitent des très grands terrains.
- Ceux qui se sont sédentarisés doivent trouver des réponses avec les politiques de logement social.
L’aménagement, par la collectivité, de ces différents types d’aires assure l’effectivité de la liberté d’aller et venir à ces citoyens français.
Des interlocuteurs européens de la mission, gens du voyage et représentant du Conseil de l’Europe, ont souligné que la plupart des Etats de l’Union européenne avait adopté, par le passé, des législations qui avaient soit pour objet soit pour conséquence de freiner ou de mettre fin à leur mobilité.
Ils reconnaissent que la France, à l’instar par exemple de l’Irlande, constitue une « exception » : la législation garantit la mobilité des gens du voyage et définit des règles quant à son application.
En matière de stationnement, la politique développée par la France est pleinement conforme aux objectifs précisés par le Conseil de l’Europe dans sa recommandation 2004-14 du comité des ministres des Etats membres relative à la circulation et au stationnement des gens du voyage en Europe et son annexe (point C : l’accueil des gens du voyage) adoptées le 1e décembre 2004 qui développent un droit au stationnement facilité par la création et l’entretien d’aires équipées et adaptées aux besoins.
Quoiqu’il en soit, l’effort engagé doit être poursuivi : la logique posée par la loi du 5 juillet 2000 reste pertinente et les déplacements effectués au cours de la mission ont permis de constater que là où la loi est pleinement appliquée, les nuisances liées aux stationnements illicites diminuent voire disparaissent.
Dès lors que la problématique du stationnement présentera une acuité moins forte, d’autres difficultés ressenties par les gens du voyage pourront être prises en charge avec plus d’efficacité car cette partie de la population n’est pas épargnée par la conjoncture économique qui fragilise ceux de nos concitoyens les plus précaires (déscolarisation, illettrisme, manque de formation, emplois instables…).
En effet, à l’instar de la population sédentaire, des conditions défaillantes de logement désorganisent l’ensemble de la vie.
Au contraire, la stigmatisation dont sont encore l’objet les gens du voyage donne une acuité particulière à ces handicaps sociaux même s’il appartient, avant tout, aux gens du voyage eux-mêmes d’offrir une image plus positive de leur groupe social.
Avec le cadre législatif de la loi du 5 juillet 2000, les pouvoirs publics se sont dotés d’une véritable politique destinée à permettre l’insertion plus aisée des gens du voyage dans la communauté nationale.
Les collectivités locales (communes et leurs établissements publics, départements) constituent, à travers les schémas départementaux, les acteurs de proximité de cette politique. Leur engagement, leur choix, leur pragmatisme sont déterminants. Souvent dotés des meilleures intentions mais souvent relativement « peu au fait » de ces questions, ils doivent être aidés dans la mise en place des actions qu’ils initient.
Le préfet doit, comme pour l’ensemble des politiques publiques, assurer la coordination des initiatives locales et convaincre ses partenaires que seule la réalisation des objectifs de la loi est de nature à assurer la meilleure réponse aux attentes convergentes de nos concitoyens.
Pour les y aider, l’Etat contribue de manière substantielle au financement des équipements.
Les crédits d’investissement engagés par l’Etat pour aider les communes à réaliser leurs obligations d’aménagement d’aires d’accueil et de grands passages se sont élevés, pour la période 2000/2007 à 219 millions d’euros dont 64 millions pour la seule année 2007.
En dernier lieu, l’article 138 de la loi du 24 décembre 2007 donne un délai supplémentaire afin de permettre aux communes et EPCI de mener à terme leurs projets d’aires avec un taux de subvention de 50%.
L’Etat doit poursuivre cet effort en maintenant des financements adaptés à l’aménagement et à la gestion des aires.
L’Etat doit aussi pleinement assumer un rôle de conseils aux collectivités qui agissent. Cette fonction pourrait, idéalement, trouver sa traduction dans l’existence d’un centre de ressources dont l’animation serait confiée au secrétariat général de la commission nationale consultative des gens du voyage.
De plus, pour mieux appréhender les problèmes du stationnement, les services de l’Etat pourraient initier un recensement, au cours d’une journée) unique (plutôt en hiver) sur l’ensemble du territoire national, du taux d’utilisation des équipements ouverts.
*
Les aires d’accueil aménagées constituent la seule réponse aux stationnements illicites (I).
Les difficultés posées par le phénomène des grands passages appellent une prise en charge par l’Etat grâce à un régime juridique nouveau (II) alors que la compétence exercée par l’Etat s’agissant des grands rassemblements mérite d’être confortée (III).
Les aires d’accueil amenagées : seule réponse aux stationnements illicites
Les aires d’accueil sont des espaces aménagés destinés à accueillir les gens du voyage itinérants sur des emplacements équipés pour des durées de séjour variable mais strictement limitées à 5 mois cumulés par an
La circulaire interministérielle du 3 août 2006 lève toute ambigüité et précise la capacité d’un emplacement (les notions d’emplacement et de place étant aujourd’hui équivalentes).
Un emplacement d’une aire d’accueil permet le stationnement d’une caravane, de son véhicule tracteur et, le cas échéant, de sa remorque.
Cette définition claire donne au gestionnaire de l’aire la capacité de refuser les usagers qui ne s’y conformeraient pas mais n’exclut pas la prise en compte, dans les conditions définies par le règlement intérieur de l’aire, d’une « petite caravane » supplémentaire.
Ces aires n’ont pas vocation à accueillir les familles qui ont adopté un mode de vie sédentaire.
Au 31 décembre 2007, les schémas départementaux prescrivent l’aménagement de 41840 places en aires d’accueil.
A cette même date, 13583 places sont en service soit un taux de réalisation de 32%, en progression de 7 points sur le bilan établi au 31 décembre 2006.
Toutefois, la tendance s’est nettement accélérée, notamment en 2007. A la fin de l’année 2007, 21 165 places étaient financées (soit un taux de réalisation de 50%) soit 7582 places supplémentaires financées dont la mise en service interviendra dans les mois à venir.
Une fois l’aire aménagée (1) sa gestion doit être strictement assurée (2) ainsi que le démontre certaines expériences très réussies (3). L’équilibre du système invite à développer des politiques d’habitat social (4). Dès lors que les communes ont satisfait à leurs obligations, elles doivent pouvoir bénéficier pleinement des dispositions relatives aux stationnements illicites (5). Enfin, les aires d’accueil doivent être comptabilisées dans le seuil de la loi SRU (6).
1 – L’aménagement des Aires
Au-delà d’un démarrage relativement lent notamment dans l’élaboration des schémas départementaux, des contraintes techniques, souvent jugées excessives, ont grevé le cout d’aménagement des aires d’accueil et découragé certaines collectivités.
Le décret n° 2001-569 du 29 juin 2001 relatif aux normes techniques applicable aux aires d’accueil des gens du voyage définit un certain d’équipement minimal (une douche et deux WC pour cinq places)
L’administration a, par une circulaire en date du 5 juillet 2001, préconisé l’installation de nombreux équipements ayant pour conséquence de renchérir le coût des aires allant au-delà des normes établies par le décret du 29 juin 2001.
La circulaire du 3 août 2006 a abrogé certaines dispositions de la circulaire de 2001 incitant les collectivités à réduire les dépenses liées à l’aménagement et à l’équipement des aires.
L’optimisation des dépenses d’équipement des aires recommande, par exemple, de construire des blocs sanitaires communs tout en offrant un sanitaire et une douche individualisée par place.
L’individualisation des équipements et des compteurs de fluides responsabilise les utilisateurs.
Au-delà de la difficulté, résolue aujourd’hui, des équipements nécessaires à la satisfaction des besoins légitimement attendus sur un lieu de vie, il convient de rappeler que l’aire doit être située dans les zones urbaines ou à proximité de celles-ci afin de permettre un accès aux services publics (équipements scolaires, sociaux et de santé) en évitant tout effet de relégation.
L’aire ne doit pas seulement être construite ; elle requiert une gestion de proximité dans le respect du règlement intérieur.
2 - La gestion des aires d’accueil et le respect du règlement intérieur
La gestion d’une aire d’accueil est assurée par les mêmes modalités que les autres équipements publics : la régie reste le mode de gestion le plus usité. Toutefois, les modes contractuels de gestion se développent, y compris par les délégations de service public qui permettent aux délégataires de se rémunérer, pour partie, grâce aux paiements des usagers.
Quelles qu’en soient les modalités, la réussite de la mission du gestionnaire nécessite une interaction à 3 niveaux :
- Le gestionnaire doit être pleinement investi de la mission de faire vivre l’aire en percevant les redevances dues et en assurant l’application du règlement intérieur.
- Les collectivités locales établissent un diagnostic pertinent et apportent des solutions adaptées pour une réelle prise en charge des difficultés rencontrées par les gens du voyage.
- Les services de l’Etat qui financent les projets et subventionnent le fonctionnement des aires doivent apporter toute leur expertise mais aussi et surtout toute l’autorité qu’ils incarnent lorsqu’elle est nécessaire.
De manière générale, les aires qui ne posent pas de difficulté de gestion sont celles qui sont gardiennées en permanence (y compris la nuit par la présence d’un gardien logé sur place). Cette solution présente l’inconvénient immédiat de renchérir l’investissement par la réalisation d’un logement de fonction pour l’agent de permanence mais apporte des garanties à long terme.
Les expériences positives rencontrées au cours de la mission montre qu’une capacité se situant entre 30 et 50 places d’accueil sur une aire représente un bon compromis au regard des contraintes de gestion financière et de fonctionnement quotidien.
La réalisation d’aires d’une capacité inférieure à 20 places doit être déconseillée. En deçà de ce plancher, l’équilibre financier de sa gestion est menacé.
Une capacité trop importante n’offre pas des conditions de séjour satisfaisantes et la présence de groupes trop importants entraine des difficultés de fonctionnement.
La réalisation d’un nombre d’aires plus important mais de capacités plus réduites facilite leur gestion et contribue à une meilleure intégration.
Sauf à modifier la loi, l’Etat ne peut imposer un mode de gestion plus qu’un autre mais il doit diffuser les bonnes pratiques qui ont pu être relevées ici et là.
Par ailleurs, marquée par une précarité croissante, la population des gens du voyage requiert un encadrement renforcé notamment par la présence de travailleurs sociaux.
Certains gestionnaires d’aire incluent nécessairement dans leur projet de gestion l’intervention à
mi-temps ou temps plein selon la capacité d’accueil de l’aire, d’un personnel socio-éducatif qui assure un travail de médiation pour la régularisation des dossiers administratifs, sociaux et professionnels des usagers, le suivi de la scolarisation des enfants, la protection maternelle infantile (PMI), l’accès aux soins des adultes, en liaison avec les services du département et des communes concernées.
mi-temps ou temps plein selon la capacité d’accueil de l’aire, d’un personnel socio-éducatif qui assure un travail de médiation pour la régularisation des dossiers administratifs, sociaux et professionnels des usagers, le suivi de la scolarisation des enfants, la protection maternelle infantile (PMI), l’accès aux soins des adultes, en liaison avec les services du département et des communes concernées.
La gestion d’une aire ne peut être comparée à la gestion de n’importe quel autre équipement public. Au-delà de la nécessaire implication des élus, il convient de former les personnels en contact avec les gens du voyage. Pour des modes de gestion en régie, les modalités de droit commun de recrutement de la fonction publique territoriale ne conviennent pas à l’exercice d’un métier dont il faut reconnaitre qu’il requiert un profil particulier voire une formation qui n’existe pas à ce jour.
Actuellement, une dizaine de sociétés a émergé sur le marché de la gestion des aires d’accueil. Ces sociétés développent des savoirs faire et des méthodes qui leur sont propres mais qui donnent satisfaction aux collectivités auprès desquelles elles candidatent à l’obtention de contrats de gestion d’aires.
le respect du règlement intérieur
Le gestionnaire de l’aire établit un règlement intérieur (article 4 du décret n° 2001- 569).
Les interlocuteurs de terrain ont tous souligné la nécessaire fermeté dans l’application du règlement intérieur de l’aire. Toute faiblesse dans son application conduit à fragiliser la mission du gestionnaire, quel qu’il soit.
C’est à la collectivité, responsable de l’aire, de le définir selon des données qui peuvent, le cas échéant, être propres à l’aire créée.
Il devrait être validé par les services de l’Etat qui octroient et contrôlent l’attribution de l’Aide à la Gestion des Aires d’Accueil – AGAA.
Le règlement intérieur doit prévoir des règles relatives aux entrées, aux sorties, aux conditions de stationnement, aux règles de vie sur l’aire et son inobservation doit être sanctionnée.
Le respect du règlement intérieur requiert également que le paiement du stationnement soit effectif.
De plus en plus, la délivrance des fluides (eau, électricité) s’effectue par pré paiement, ce qui participe à la pleine responsabilisation des utilisateurs des aires.
Toutefois, face à des politiques tarifaires trop éparses, le préfet doit veiller à ce que sur un périmètre géographique pertinent (arrondissement, zones littorales, ou à défaut, sur l’ensemble du département), il ne puisse exister des tarifs trop différents.
Une harmonisation doit être recherchée et un seuil à ne pas franchir pourrait être établi. Un mécanisme n’autorisant pas pour une aire un dépassement de 20% du tarif le plus élevé observé dans le même périmètre pourrait être créé.
Le respect du règlement intérieur garantit que l’aire remplit sa vocation de satisfaction du besoin de stationnement de gens de voyages itinérants.
A défaut de rotation, l’aire devient un espace « réservé » à certains gens du voyage qui se sédentarisent et lui interdit, dès lors, d’assurer sa mission d’accueil d’itinérants.
Dans cette hypothèse, le « risque » existe que l'aire aménagée soit disqualifiée comme aire d'accueil et considérée comme terrain familial, ce qui peut contraindre la collectivité concernée à aménager une nouvelle aire d'accueil générant un nouvel investissement.
Enfin, la rotation dans l’utilisation des aires doit s’accompagner de mesures d’information (via, par exemple, les sites internet des préfectures après recollement hebdomadaire des informations auprès des collectivités) afin d’offrir aux usagers une meilleure connaissance des places disponibles.
3 -Un exemple vertueux : la communauté d’agglomération troyenne : un diagnostic pertinent, une réponse adaptée, la disparition des stationnements sauvages
Les déplacements effectués au cours de la mission permettent de retenir l’agglomération de Troyes (Aube) comme un exemple très réussi de la prise en charge de l’accueil des gens du voyage.
Ce succès résulte d’une implication soutenue, intelligente et adaptée des élus.
L’Etat est partie prenante de ce succès dans la mesure où il sait faire preuve de fermeté et accompagne, en cela, la politique des collectivités locales qui ont satisfait à leurs obligations.
Le message de fermeté, affiché par le préfet et développé par les services de police, est bien connu des gens du voyage et aboutit à ce qu’en pratique, les services de police ne soient que très rarement sollicités par des problèmes de stationnements illicites. Dans les hypothèses où ils l’ont été, les services de police sont intervenus dans les heures suivant l’apparition de ce type de stationnement.
Les collectivités locales avaient consenti un effort d’investissement important pour la création de 6 aires.
En moins d’un an, ces aires étaient rendues, par actes de vandalisme, impropres à leur usage de sorte qu’elles étaient désertées au profit de nombreux stationnements sauvages en périphérie de la ville de Troyes.
Ce constat d’échec a suscité beaucoup de réserves de la part des élus pour le nouvel effort financier rendu nécessaire.
Avec le soutien de l’Etat et de l’expérience d’un gestionnaire d’aires d’accueil, une nouvelle politique a été définie et menée à son terme en février 2007 : 3 aires d’accueil développant une capacité de 110 places, en gestion 24 heures/ 24 et une politique de l’agglomération axée sur la scolarisation et l’environnement social (intervention d’un travailleur social sur les aires).
Le respect de la durée de séjour fixe à deux périodes maximales de deux mois sur chaque aire (nécessaire à une bonne gestion des flux et au caractère temporaire du stationnement) est facilité par l’existence de ces 3 aires qui permet d’assurer, à ceux qui le souhaitent, une scolarisation effective dans le même établissement.
Enfin, la situation troyenne fonctionne bien parce que des passerelles ont été établies entre cette politique de création d’aires avec d’autres politiques locales, notamment, celle relative à l’habitat social.
4 - Les gens du voyage et les politiques d’habitat social : une demande croissante à satisfaire pour le bon fonctionnement des aires d’accueil aménagées
Le phénomène de plus en plus marqué d’ancrage territorial d’une partie de la population des gens du voyage nécessite de développer des solutions alternatives aux aires d’accueil aménagées.
Cette réponse sociale s’impose d’autant plus qu’elle apparaît comme la condition essentielle de viabilité des aires aménagées.
Il ne servirait à rien de financer des aires aménagées destinées à recevoir des itinérants si elles n’ont, en réalité, que pour seul objet de satisfaire les besoins d’une population sédentaire.
L’impossibilité d’accéder à des aires aménagées conduit inévitablement les gens du voyage à pratiquer des stationnements illicites d’autant plus incompréhensible que la collectivité a investi pour satisfaire ses obligations légales.
L’équilibre est donc fragile et le respect du règlement intérieur a pour premier objectif d’assurer une rotation de l’occupation des aires.
Il faut donc encourager une forme d’habitat adapté à ceux des gens du voyage qui ne voyagent plus, ou réduisent leurs déplacements.
Cet habitat prend des formes diversifiées :
- Les terrains familiaux locatifs (sans habitat en dur) permettent de fixer sur un territoire un groupe familial sans renoncer, le cas échéant, à quelques mois de voyage.
- L’habitat mixte permet une construction en dur destinée à l’habitation tout en maintenant la présence de caravanes et les Maison Ultra – Sociale (MUS) bénéficiant de financements PLAI et ouvrant droit à l’APL..
- Enfin, le droit logement du logement social en immeuble collectif peut répondre à la demande de familles sédentarisées depuis un certain temps.
La loi du 5 juillet 2000 n’a eu pour ambition que d’organiser le droit des gens du voyage de circuler librement et de stationner dans des conditions conciliant l’ordre public au sens le plus étendu et les attentes légitimes d’une population de disposer d’infrastructures publiques répondant à ses besoins.
Ceux dont l’ancrage territorial est le plus fort ne posent, en général, pas de difficulté aux collectivités locales qui les prennent en charge scolairement, socialement (assistants sociaux, CCAS…).
A l’instar d’une partie importante de la population, ils rencontrent des difficultés aigües de logement.
Des actions doivent être envisagées dans le cadre des PALPD (plan d’action pour le logement des personnes défavorisées) et des PLH (plans locaux d’habitat). Elles ont le mérite de mobiliser la solidarité et la complémentarité départementale en impliquant des communes non soumises à l’obligation de création d’aires d’accueil, et peuvent s’inscrire dans le cadre des PLU-Plan Locaux d’Urbanisme.
De plus, des actions visant à résorber l’habitat indigne peuvent être envisagées dans le cadre de la maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS).
Les conseils généraux doivent soutenir ces actions plus activement qu’ils ne le font aujourd’hui.
Faute de réponse de ce type, ou en nombre très insuffisant, les gens du voyage ont acquis, en propriété, des terrains dits familiaux. Ce phénomène s’est développé de manière empirique et pas toujours maîtrisée de sorte qu’il soulève aujourd’hui des difficultés nouvelles auxquelles les collectivités publiques sont confrontées.
En effet, ces terrains sont fréquemment situés en zone non constructible de sorte que des difficultés liées à l’usage des sols se multiplient.
Enfin, le mitage entraîné par le développement de ces terrains familiaux constitue un phénomène contre lequel il convient de lutter.
La réponse la plus adaptée consiste pour les collectivités locales, à prendre en compte le besoin existant et à construire des logements adaptés qui n’excluent pas la présence d’une caravane, qui reste souvent l’élément central de la culture des gens du voyage.
L’amélioration de l’intégration des gens du voyage sollicite plusieurs politiques locales, notamment celle de l’habitat social.
A ce titre, le bilan établi au 31 décembre 2007 indique l’existence de 200 places en terrains familiaux locatifs aménagés par les collectivités locales. Les besoins sont bien supérieurs.
Beaucoup de familles ont amorcé un processus de sédentarisation pour lequel des solutions adaptées doivent être développées parallèlement à la création d’aires d’accueil.
Il semblerait donc pertinent de réaliser un diagnostic des besoins en Habitat Adapté simultanément à la révision des schémas départementaux et pour une complémentarité d’objectifs.
5 - Les limites de la législation relative aux stationnements illicites
La loi du 5 juillet 2000 posait la logique que les collectivités locales devaient pouvoir bénéficier d’une protection contre les stationnements illicites dès lors qu’elles avaient satisfait leurs obligations légales d’aménagement d’aires d’accueil. Ce « donnant –donnant » bien compris des élus a entrainé de nombreuses déceptions devant la complexité des procédures à mettre en œuvre.
Pour pallier cette situation, la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a modifié les dispositions de la loi de juillet 2000 sans toutefois concerner les dispositions du IV de l’article 9 de la loi qui régit l’hypothèse d’un terrain privé affecté à une activité à caractère économique dont l’occupation illicite entrave cette activité.
Or, ce sont ceux là même qui sont les plus touchés par une occupation illicite.
La loi du 5 mars 2007 n’a en effet pas modifié les dispositions antérieures et le juge judicaire reste compétent pour prononcer des mesures tendant à l’évacuation des terrains occupés. La circulaire de la ministre en date du 10 juillet 2007 semble suggérer que le caractère économique de l’activité du terrain exclut le dispositif de droit commun. Or, l’occupation de ce type de terrain n’exclut pas que le trouble à l’ordre public soit constitué, ce qui rendrait fondé le recours à la procédure de la mise en demeure par le préfet.
Le sénateur Marini a déposé une proposition de loi qui autoriserait le recours à la mise en demeure en cas de troubles à l’ordre public. L’objectif étant donc d’appliquer la nouvelle procédure de droit commun aux terrains « économiques ». Cet objectif doit être poursuivi.
6 - La prise en compte des aires d’accueil aménagées dans le seuil de la loi SRU
La loi du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement tend à améliorer le financement des aires.
Elle modifie l’article L 302-7 du code de la construction et de l’habitation relatif au prélèvement fiscal supporté par les communes soumises à l’obligation de disposer de 20% de logements locatifs sociaux.
Les dépenses en faveur de la création d’aires permanentes d’accueil peuvent s’imputer sur le prélèvement au même titre que les dépenses en faveur du logement social (dispositif applicable sur le prélèvement 2008).
Toutefois, il convient d’aller plus loin.
Considérant que les aires sont financées sur des crédits du logement social, il paraît normal que les places crées puissent être prises en compte dans le cadre de l’article 55 de la loi S.R.U.
Aussi, chaque emplacement créé devrait être comptabilisé comme un logement social.
L’addition des objectifs des schémas départementaux établit un besoin de plus de 41000 places en aires d’accueil aménagées.
Comme indiqué précédemment, ce besoin doit faire l’objet de nouveaux diagnostics et sous réserve du développement de l’offre en habitat adapté, il y a tout lieu de penser que le besoin réel est inférieur à ces 41000 places de sorte que le maillage du territoire en aires d’accueil serait plus rapidement satisfait que prévu.
A l'instar de l'initiative du conseil général des Yvelines qui participe de manière significative au financement de la réalisation des aires permanentes en apportant une aide de 10% du cout HT des travaux, dans un plafond de dépenses de 30 000 euros par place, il faut saluer et encourager les actions en investissement financées par les départements dans cette politique qui requiert une forte cohérence territoriale.
Les aires de grands passages : une nécessaire clarification pour un regime de droit commun ouvert a tous
Lors de sa publication, la loi du 5 juillet 2000 ne définissait pas la notion d’aires de grands passages.
Il était seulement indiqué que le schéma départemental détermine les emplacements susceptibles d’être occupés temporairement à l’occasion de passages traditionnels ou occasionnels.
C’est la circulaire interministérielle du 5 juillet 2001 qui a distingué et précisé les notions de grand passage et de grand rassemblement.
Aujourd’hui, l’article 4 de la loi du 5 juillet 2000 prévoit que les aires de grands passages sont destinées à répondre aux besoins de déplacement des gens du voyage en grands groupes à l’occasion des rassemblements traditionnels ou occasionnels avant ou après ces rassemblements.
Une instruction commune des ministres de l’équipement et de l’intérieur en date du 8 juillet 2003 indique que les lieux de passages occasionnels de gens du voyage se rendant à un rassemblement traditionnel sont au nombre de ceux que le schéma départemental doit prendre en compte.
Cette instruction précise que les terrains nécessaires à l’accueil de ces groupes doivent être recherchés prioritairement dans le patrimoine de l’Etat et, à défaut, dans les domaines publics ou privés des collectivités locales voire des terrains appartenant à des particuliers.
Les aires d’accueil aménagées, dont les caractéristiques ont été précisées, ne répondent pas à la finalité de l’accueil de grands groupes.
Face à ces besoins, le bilan établi au 31 décembre 2007 recense 66 aires réalisées pour une capacité totale de 8193 places (soit une moyenne de 124 places par aire). 60 départements ne disposent toutefois pas d’aires de grand passage.
Pour faire face aux difficultés posées par l’accueil, marqué par la faiblesse des infrastructures existantes, de ces grands groupes, qui circulent principalement au cours des mois d’avril à septembre, le ministère de l’intérieur s’est engagé dans une démarche pragmatique avec une association représentative tzigane.
Très en amont de ces déplacements qu’elle planifie, l’association sociale nationale internationale tzigane (ASNIT) prend attache avec les communes susceptibles d’accueillir ces groupes afin de recueillir leur accord et d’établir des conventions.
L’objectif poursuivi est de limiter le nombre de stationnements irréguliers. L’expérience, renouvelée depuis quelques années, ne donne pas encore tous les résultats escomptés compte tenu du taux, relativement faible, de réponse de la part des collectivités locales sollicitées. Les médiateurs des gens du voyage désignés parmi les proches collaborateurs des préfets dans chaque département peuvent être mobilisés mais leur saisine (et donc leur action) est souvent tardive ce qui ne permet pas de résoudre des difficultés souvent immédiates.
C’est la raison pour laquelle, l’Etat doit s’impliquer davantage dans ce dispositif, non pas en facilitant l’accès à des terrains du domaine public de l’Etat qui, en tout état de cause, se raréfient mais en organisant un mécanisme efficient destiné à permettre le stationnement en règle des gens du voyage.
L’objectif doit être de créer un droit commun des grands passages.
Afin de clarifier les compétences exercées par les différents partenaires publics, les dispositions légales et réglementaires relatives aux grands passages doivent être modifiées et complétées. Ce travail aurait ainsi l’avantage d’offrir un cadre commun applicable à tous ceux qui en satisferaient les conditions.
C’est la raison pour laquelle un régime de déclaration administrative permettrait de mieux prendre en compte les grands passages (1) sous réserve de déterminer les terrains susceptibles de les accueillir (2).
1 - Un régime juridique nouveau : la déclaration administrative du grand passage auprès du préfet
Un système déclaratoire pourrait être créé en adaptant, aux gens du voyage, la réglementation existante pour les rassemblements festifs dits « raves –parties ».
L’article 33 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001, créant un article 23-1 dans la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, a mis en œuvre un régime de déclaration pour les rassemblements festifs à caractère musical répondant à des critères posés par le décret n° 2002-887 du 3 mai 2002.
Le décret n° 2006-334 du 21 mars 2006 a relevé le seuil de fréquentation à partir duquel ces rassemblements sont soumis à la procédure déclarative en le portant de 250 à 500 personnes.
Ce mécanisme a permis un dialogue de meilleure qualité entre les pouvoirs publics et les organisateurs de ces manifestations. Il n’a cependant pas réglé le problème des terrains compte tenu de la faible réceptivité des collectivités locales à ces manifestations.
Ainsi, inspiré de cette législation particulière aux rassemblements festifs, le législateur pourrait décider de créer un régime de déclaration conciliant ce qui est revendiqué comme l’expression d’une liberté et le respect de l’ordre public.
Ce régime présenterait les caractéristiques suivantes :
- Un grand passage compris comme un groupe constitué de 50 à 200 caravanes.
- Un passage ayant une motivation cultuelle, culturelle, économique.
- Une durée de passage n’excédant pas 15 jours.
- La mise à disposition d’un terrain de 4 hectares.
- L’obligation d’une déclaration auprès du préfet du département dans lequel le passage est envisagé 2 mois au plus tard avant le début de ce passage.
- La possibilité pour le préfet de prescrire des mesures complémentaires à celles déclarées par le pétitionnaire.
- La possibilité pour le préfet d’interdire le passage en cas de troubles graves à l’ordre public.
- Un état des lieux contradictoire à l’entrée et à la sortie en présence du déclarant en préfecture.
- Le paiement intégral par le déclarant des frais générés (consommation d’eau, ramassage des ordures ménagères, nettoyage terrain…) avec le cas échéant consignation d’une partie de l’estimation des coûts.
Il ne fait pas de doute que cette réglementation, si elle devait être retenue, serait accueillie positivement par les gens du voyage qui, pour la plupart, sont demandeurs d’un encadrement de ce type de manifestations.
Le récépissé délivré par le préfet constituerait l’assurance de pouvoir organiser le passage dans de bonnes conditions notamment de salubrité.
La création d’un régime juridique nouveau présenterait une nette avancée dans la prise en compte du phénomène des grands rassemblements mais les bénéfices attendus peuvent se heurter à l’insuffisance voire au défaut d’espaces.
Ces terrains, cela a été souligné, ne répondent absolument pas à la même logique que les aires permanentes d’accueil.
Ils connaissent une utilisation non continue et autorise d’autres usages compatibles avec leur mission d’accueil.
La superficie nécessaire aux grands passages commande que ces aires se situent en milieu rural, à l’écart des centres urbains.
L’équipement doit être sommaire : il comporte une alimentation permanente en eau ainsi qu’un dispositif de collecte du contenu des déchets.
Un dispositif de ramassage des ordures ménagères doit pouvoir être mobilisé dès l’arrivée du groupe.
L’alimentation électrique n’est pas nécessaire ; elle apparaît même déconseillée compte tenu des risques importants de sécurité générés par son installation et par son usage non conforme (installations de branchements parallèles, manque de fiabilité des branchements, présence d’eau…) d’autant que les organisateurs de grands passages n’expriment pas ce besoin compte tenu de leur équipement, de plus en plus répandu, en groupes électrogènes.
Les prestations délivrées donnent lieu à paiement dans le cadre d’une convention conclue entre le responsable du groupe et les services assurant ces besoins collectifs. Cette convention constitue une des pièces requises pour la délivrance du récépissé du préfet dans le cadre de la déclaration.
2 - La nécessité d’identifier deux terrains par département pour l’accueil des grands passages
La mise en œuvre efficiente de ces règles suppose qu’une identification des espaces susceptibles d’accueillir des grands passages soit réalisée.
Les besoins sont à définir avec pragmatisme après étude des mouvements observés les années précédentes. Les départements connaissent une exposition variable aux grands passages déterminée, souvent, par leur situation géographique (grands axes de circulation ; au contraire, zones montagneuses assez peu concernées).
En tout état de cause, deux terrains devront être, au minimum, identifiés par département. Au sein du département, la répartition par arrondissement peut être intéressante même si le découpage administratif n’est pas toujours compatible avec la configuration des bassins de vie.
La commission départementale consultative doit se saisir de cette question et le schéma départemental doit mentionner les espaces retenus.
Les départements les plus sollicités par ces passages peuvent organiser une rotation des terrains ayant cet usage.
En l’absence de terrains identifiés dans le schéma départemental ou dans l’hypothèse où ceux-ci ne répondent pas au besoin exprimé, le délai de déclaration fixé à 2 mois avant le début du passage doit permettre au préfet de tout mettre en œuvre pour offrir une réponse à la demande.
Ces aires d’accueil ne comportant pas d’équipements fixes, elles ne sont pas soumises à autorisation de construire. Elles peuvent donc être localisées en zone naturelle sous réserve de restrictions liées à la sécurité des personnes, la salubrité publique et la protection de l’environnement.
L’utilisation de terrains situés en zones agricoles est possible sous réserve des dispositions liées aux règles communautaires de la jachère qui exclut, par principe, toute autre activité.
Les instances européennes et communautaires étant attentives au dossier « gens du voyage – roms », une action pourrait être engagée par les pouvoirs publics français (amorcée, le cas échéant, dans le cadre de la présidence française de l’Union) pour faire admettre une dérogation à l’interdiction générale d’utilisation des sols en jachère.
A ce jour, une des principales difficultés rencontrées par les gens du voyage, et facteur de troubles à l’ordre public, concernent les grands passages.
Pour y remédier, l’Etat doit clairement prendre en charge cette problématique et offrir un cadre cohérent et de nature à répondre aux besoins liés à l’itinérance des gens du voyage et dépasser les réticences locales, encore trop souvent observées.
Si le département doit rester l’échelon administratif pertinent (chaque préfet étant responsable du maintien de l’ordre public dans son département), l’action de coordination, mentionnée par l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000, des préfets de région dans le suivi des grands passages prend ici tout son sens et doit être améliorée.
Les grands rassemblements : une compétence de l’Etat à conforter
Les grands rassemblements des gens du voyage regroupent plusieurs milliers de caravanes et des dizaines de milliers de personnes à l’occasion de manifestations à caractère cultuel.
Les terrains nécessaires à l’organisation de ces rassemblements couvrent une superficie supérieure à 100 hectares.
Par leur ampleur, et conformément aux dispositions de l’article L 2214-4 du code général des collectivités territoriales, l’Etat assume cette compétence.
Le rythme actuel observé d’une manifestation annuelle au cours de l’été permet à l’Etat de trouver dans son patrimoine une parcelle de son domaine public et de la mettre à disposition des gens du voyage.
La superficie nécessaire à la réalisation de tels rassemblements explique fréquemment que les terrains relevant du ministère de la défense soient mis à contribution.
Le ministère de la défense, comme les autres ministères, met en œuvre la politique immobilière de l’Etat marquée par la vente d’un certain nombre de lots dont il n’a plus l’usage de sorte que peu à peu, l’Etat se prive des facilités que lui permettaient d’honorer sa compétence.
La situation des terrains du ministère de la défense recouvre deux hypothèses :
- Le terrain sollicité pour l’organisation d’un grand rassemblement est un « terrain actif », affecté au ministère de la défense et utilisé par ses services : seule la voie de la réquisition est, alors, envisageable pour que cette manifestation puisse avoir lieu sur ce terrain.
- Le terrain, en cours de cession, connait une phase de dépollution et rend problématique tout rassemblement.
Si la logique de réalisation des actifs immobiliers de l’Etat devait être poursuivie sans qu’une réflexion soit menée sur l’opportunité d’en conserver, l’Etat pourrait se priver, à moyen terme, des moyens d’agir en la matière.
Or, seul l’Etat a la légitimité pour prendre en charge cette compétence. Ces grands rassemblements dépassent, de très loin, les capacités des collectivités territoriales.
Plusieurs axes de réflexion peuvent, dès lors, être avancés :
La première hypothèse est que l’Etat conserve des capacités de satisfaire l’organisation des grands rassemblements.
Sur des propositions effectuées par France Domaine, des arbitrages interministériels doivent être rendus pour déterminer les dépendances du domaine (public ou privé) de l’Etat susceptibles de répondre aux caractéristiques notamment foncières et géographiques des terrains nécessaires à la réalisation de cette mission.
Le ministère de la défense n’a pas vocation à assumer, du seul fait de l’importance du domaine dont il est affectataire, la mission de conserver des terrains destinés aux gens du voyage même si, dans les faits, il a jusqu’à présent assumé cette mission.
L’annonce de nouvelles fermetures de structures du ministère de la défense ouvre des perspectives nouvelles qui doivent être prise en compte dans la réflexion interministérielle à mener.
La mise en œuvre satisfaisante de cette compétence doit pouvoir reposer sur quatre terrains de grande superficie harmonieusement répartis sur le territoire national.
A rythme annuel inchangé, il est souhaitable d’instaurer une rotation qui puisse rendre acceptable, pour les élus et les populations concernés, le choix d’un des terrains nécessaires sur leur territoire.
La deuxième hypothèse consiste en la vente par l’Etat des terrains nécessaires à ces manifestations aux collectivités territoriales et particulièrement aux régions (toute autre collectivité de taille inférieure n’apparaissant pas un choix pertinent). Cette vente pourrait être grevée d’une servitude de nature à permettre l’organisation de ces rassemblements.
Cette solution semble devoir être écartée dans la mesure où elle fait entrer un acteur nouveau (la région) dans la réalisation d’une politique publique à laquelle il n’a jamais été associé et dont on peut craindre sa réticence à l’assumer.
D’autre part, l’organisation d’un grand rassemblement nécessite des moyens de nature à garantir l’ordre public que seul l’Etat met en œuvre.
La troisième hypothèse permettrait l’achat par des associations de gens du voyage des terrains nécessaires avec, le cas échéant, une servitude destinée à en autoriser d’autres usages.
Cette solution est susceptible de rencontrer une certaine hostilité de la part des acteurs locaux concernés qui rendra la vente difficile.
La nécessité de pré- affecter, exclusivement ou en combinaison avec d’autres usages, certains grands terrains, propriété de l’Etat pour permettre le rassemblement annuel de gens du voyage constitue la meilleure préconisation.
Cette pré-affectation devrait ainsi mettre un terme à l’exercice, toujours délicat, de l’annonce tardive, par l’autorité publique, de l’emplacement du terrain retenu pour le rassemblement estival.
Au 15 mai 2008, le terrain choisi pour le rassemblement de l’été n’a toujours pas été annoncé.
PRÉCONISATIONS
POUR AMÉLIORER LA POLITIQUE DU STATIONNEMENT DES GENS DU VOYAGE
Préconisations générales :
- Recommander la réalisation d’un diagnostic approfondi des besoins avant la révision des schémas départementaux.
- S’assurer de la périodicité des réunions des commissions départementales consultatives.
- Mettre en place et confier au secrétariat général de la commission nationale consultative des gens du voyage un centre de ressources chargé d’apporter un soutien aux acteurs de terrain et de diffuser et de recommander les bonnes pratiques de gestion.
- Développer un système d’information des gens du voyage sur les capacités d’accueil des aires via les sites internet des préfectures.
- Inciter les conseils généraux à développer leur politique d’habitat social adapté
S’agissant des aires d’accueil aménagées :
- Prendre en compte le nombre d’emplacements en aires aménagées au sens du logement social fixé par la loi SRU.
- Faciliter la mise en œuvre des dispositions de l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000 sur les modalités de lutte contre les stationnements illicites.
- Veiller à la nécessaire cohérence territoriale en matière tarifaire des aires d’accueil.
- Recommander un strict respect du règlement intérieur des aires et l’absence de tout régime dérogatoire à la durée du séjour.
- Développer, en lien avec les conseils généraux, l’accompagnement social sur les aires d’accueil.
S’agissant des aires de grands passages
- Créer un régime de déclaration pour l’organisation des grands passages dans les conditions précisées dans le rapport.
S’agissant des grands rassemblements
- Prendre la décision d’affecter durablement quatre grandes parcelles du domaine de l’Etat à l’organisation de grands rassemblements des gens du voyage (concurremment, le cas échéant, avec d’autres usages).
ANNEXES
LISTE DES ANNEXES
Annexe 1 : liste des personnes auditionnées
Annexe 2 : cartographie de la réalisation des aires d’accueil
(Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction - DGUHC))
Annexe 3 : bilan par département, au 31 décembre 2007, de la réalisation des aires
(DGUHC)
Annexe 4 : fiche sur la participation de l’Etat au financement des aires
(DGUHC)
Annexe 5 : fiche sur les procédures permettant la mise en place d’un aire d’accueil dans les PLU
(DGUHC)
Annexe 6 : cahier des charges pour une maitrise d’œuvre urbaine et sociale concernant l’habitat adapté des gens du voyage sédentarisés.
(Association pour le logement, l’accueil et la promotion –ALAP-)
Annexe 7 : exemple d’habitat adapté
(ALAP)
Annexe 8 : exemple de règlement intérieur d’aire d’accueil
(Société GDV)
ANNEXE 1
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
- M. Jean-Louis Dumont, député, chargé d’une mission auprès de la ministre de l’intérieur, de l’outre mer et des collectivités territoriales sur l’organisation des grands rassemblements du mouvement « techno » dits rassemblements festifs spontanés.
- M. Patrice Calméjane, député de la 8ème circonscription de Seine-Saint-Denis
- Monsieur Stéphen De Sa Conto et M. Didier Proust, de la société VAGO (conseil et gestion d’aires d’accueil des gens du voyage).
- Mme Geneviève Cerf, Association des maires de France
- Mme Emmanuelle Guilloteau, gérante de la société GDV
- M. Denis Klumpp, directeur de l’Association régionale d’études et d’actions auprès des Tsiganes (AREAT) - Marseille
- Mme Kristine Glucksmann, conseiller technique pour le patrimoine et la culture au cabinet de M. Morin, ministre de la défense
- M. Thierry Bourlot, commissaire-colonel au cabinet de M. Morin, ministre de la défense
- M. Claude Cochonneau, vice-président de la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA)
- M. Etienne Crepon, directeur, adjoint au directeur général de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction (DGUHC) au Ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire
- Mme Isabelle Hennion, chef du bureau des politiques sociales à la DGUHC
- M. Philippe Baffert, chef du bureau de la législation et de la réglementation à la DGUHC
- Mme Januel, présidente de l’association nationale des gens du voyage catholique ; membre de la commission nationale consultative des gens du voyage
- M. Christophe Sauvé, membre de la commission nationale consultative des gens du voyage
- M. Michaël Guet, chef de la division des Roms et des Gens du voyage au Conseil de l’Europe (Strasbourg)
Déplacement à Annecy
- Mme Odile Aubel, Association pour le logement, l’accueil et la promotion (ALAP)
- M. Jacques Gérault, préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône.
Déplacement à Troyes
- M.Yves Rehn, 1er vice –président de la communauté d’agglomération troyenne (CAT)
- M.Marc Lemoine, directeur général adjoint de la CAT
- M. Marc Graedel, chargé de mission gens du voyage de la CAT
- M. Philippe Pichery, directeur général des services du conseil général de l’Aube
- M. Nacer Meddah, préfet de l’Aube
Déplacement à Compiègne
- M. Aubert, sous-préfet de Compiègne
- M. Ternacle, maire de Le Meux, 1er vice-président de l’agglomération de la région de Compiègne (ARC)
- Mme Fresch, maire de Venette, vice-présidente de l’ARC,
- M. Navarro, maire de Jaux, vice-président de l’ARC
- M. Hallo, directeur des services de l’ARC
- M. Lacroix, directeur des services techniques de l’ARC
- M. Ternacle, chargé de mission à l’ARC
Déplacement à Bordeaux
- M. Bernard Gonzalez, secrétaire général de la préfecture de la Gironde
- M. Paul Buchoux, directeur du développement des projets de l’Etat à la préfecture de la Gironde
- Mme Marie-Luce Bousseton, directrice déléguée de la direction départementale de l’équipement de la Gironde
- Mme Anne Brézillon, adjointe au maire à la vie associative et à la diversité de Bordeaux
Déplacement à Versailles
- M. Christian Galliard de Lavernée, préfet des Yvelines et l’ensemble du corps préfectoral du département.
- M. Colas Durrleman, directeur départemental de l’équipement et de l’agriculture (DDEA) des Yvelines
- Table ronde avec les services de l’Etat (DDEA, DDASS, gendarmerie nationale, police nationale).
- Table ronde avec des élus du département :
- M. Poisson, député de la 10ème circonscription des Yvelines
- Mme Lopez-Jollivet, maire de Vernouillet
- M. Lépineux, maire –adjoint de Plaisir
- M. Belhomme, adjoint au maire d’Aubergenville et chargé des gens du voyage à la communauté de communes Seine-Mauldre
- M. Garay, maire des Mureaux
Déplacement à Nevoy
Rencontre avec les dirigeants français et européens de l’association sociale nationale internationale tsigane (ASNIT), notamment :
- M. Jimmy Meyer, président de l’association Vie et Lumières
- M. Désiré Vermeersch, président de l’ASNIT
- M. Joseph Charpentier, coordinateur « grand rassemblement «
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