vendredi 21 janvier 2011

Loppsi2 Sénat : compte rendu des débats sur l’article 32 TER A





Chapitre VII
Dispositions relatives aux compétences du préfet de police et des préfets de département
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Article 32 ter A
I. – (Non modifié) 
II. – (Non modifié) 
III. – (Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 44 est présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 109 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l’amendement n° 44.
M. Alain Anziani. Cet article, qui concerne l’évacuation des campements illicites, est l’un des articles les plus emblématiques de ce texte.
Il faut en rappeler l’origine : dans les chaleurs de l’été, le Président de la République a fait plusieurs déclarations incendiaires ; l’une d’elles, en particulier, a mis le feu à toute une communauté, la communauté des Roms et celle des gens du voyage.
Même si l’Élysée a dû baisser d’un cran ses prétentions, le texte qui nous est soumis aujourd’hui en est la traduction législative, qui vise, cette fois-ci, les plus mal lotis et les plus mal logés, ceux qui vivent dans des habitations de quatre sous ou dans des bidonvilles.
Sans doute faut-il reconnaître que, en première lecture, le Sénat a une nouvelle fois fait preuve de sa hauteur de vue habituelle en s’efforçant d’encadrer ces dispositions. Pour autant, le résultat définitif n’est pas fameux, parce que les raisons qui ont motivé ces dispositions ne sont elles-mêmes guère fameuses.
Ce texte déroge au droit commun sur tous les points.
Ainsi, il déroge au droit commun en matière d’expulsion. En principe, une expulsion est ordonnée par un tribunal ; là, le tribunal ne décidera rien, l’expulsion aura lieu. Certes, celle-ci pourra faire l’objet d’un recours, mais encore faut-il que les personnes concernées en soient informées et sachent comment l’introduire.
Donc, je le répète, le droit commun est modifié, qui exige en principe une décision judiciaire préalable.
Pareillement, le doit commun interdit habituellement toute expulsion en période hivernale. Les dispositions prévues dans le présent texte, alors même qu’elles visent l’une des populations les plus défavorisées qui soient, s’affranchissent de ces règles.
Ce projet de loi déroge également au droit commun puisque, en principe, une expulsion suit une procédure bien précise dont même le préfet doit être averti de manière qu’il puisse prévoir des solutions de relogement. Tel ne sera pas le cas ici. En outre, la destruction des biens pourra être ordonnée, autre manquement au droit commun.
Surtout, un point nous choque particulièrement dans ce texte : la loi se veut dure avec ces personnes sans logis, cependant que la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale n’est pas appliquée. C’est une drôle de situation, si j’ose dire : nous avons voté un principe, celui du droit au logement opposable, principe à valeur constitutionnel, selon tous les commentateurs, mais un principe qui reste lettre morte. Voilà ce qui est choquant !
Deux poids, deux mesures, dit-on. Dans le cas d’espèce, il faudrait plutôt dire : deux lois, deux mesures.
En conclusion, ce qui rend sans doute ce projet de loi inadmissible, c’est que, selon que vous serez puissant ou misérable, la loi vous sera dure ou favorable. Voilà ce que nous ne pouvons accepter en République !
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 109.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous nous opposons fermement à l’adoption de cet article, qui crée une nouvelle procédure concurrente de celle des articles 27 et 28 de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, à savoir une procédure d’évacuation d’exception, expéditive et arbitraire pour expulser les habitants installés de manière « illicite » dans des habitats de fortune.
En plus de neutraliser le pouvoir des juges, puisqu’elles donnent un pouvoir exorbitant au préfet, ces dispositions aboutissent en outre à un contournement progressif de l’esprit de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Cette loi, qui, nous le regrettons, n’est pas vraiment appliquée, en particulier dans les villes de droite, avait pourtant pour but d’inciter les collectivités locales à se doter d’aires d’accueil pour les gens du voyage afin de permettre à ces derniers de disposer d’un habitat salubre et conforme à leur mode de vie.
Dans le même temps, elle permettait aux communes dotées d’aires d’accueil de procéder à des expulsions.
Le nouveau dispositif vise à étendre à toutes les communes la possibilité de procéder à ces mêmes expulsions, ce qui vide complètement de son sens la loi SRU.
Le recours à l’habitat de fortune est lié à une augmentation des situations d’exclusion par le logement, la mise en œuvre de la loi DALO étant pour l’instant insuffisante au regard de l’ampleur de la crise du logement, ainsi que le démontrent les tableaux de bord du comité de suivi DALO.
De plus, cet article prévoit l’éventualité de la démolition des habitations, ce qui peut provoquer un risque majeur de violation du droit de propriété. Nombreux sont ceux qui risquent d’être victimes de cette disposition répressive : SDF vivant sous une tente ou dans des cabanes ; gens du voyage en voie de sédentarisation habitant parfois sur des terrains leur appartenant ou qui leur sont concédés mais dans des locaux sans permis, des mobiles home ; gens du voyage traversant des communes qui refusent de construire des aires d’accueil ; occupants d’habitat alternatif, etc.
En réalité, cet article organise la répression de la frange la plus exclue et la plus précaire de la population, comme les SDF et ceux qui, ayant un mode de vie un peu différent du nôtre, sont considérées comme des marginaux à la fois par les institutions et, apparemment, par ce gouvernement. Vous créez ainsi une nouvelle discrimination concernant la protection du domicile et vous traitez comme des coupables ceux qui sont en réalité les victimes de l’incurie de l’État en matière tant de logement que d’accueil.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces amendements visent à supprimer la procédure spéciale d’évacuation des camps illicites mise en place par le présent texte et adoptée en première lecture par le Sénat.
Cette procédure, dont la commission des lois a renforcé les garanties en première lecture, vise à remédier à une lacune de la législation. En effet, cette dernière prévoit une procédure spécifique pour l’évacuation des résidences mobiles en cas de stationnements illégaux, mais sans prévoir un dispositif comparable pour celle des campements illicites, alors même que ceux-ci peuvent présenter les mêmes atteintes à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement partage cet avis.
M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote.
M. Pierre Hérisson. Le président de la commission nationale consultative sur les gens du voyage que je suis souhaiterait ajouter quelques mots d’explication.
Nous sommes, me semble-t-il, dans un processus d’amélioration de la situation des personnes qui, dans notre pays, utilisent des habitations précaires ou des caravanes. M. le rapporteur vient de rappeler très justement que la mesure précédente pouvait presque être discriminatoire et qu’il s’agit de prendre globalement en considération des situations illégales, et ce sur deux critères : d’une part, l’insalubrité, d’autre part, le trouble à l’ordre public.
Le nouveau texte prévoit également la possibilité de recourir devant le tribunal administratif pour demander au juge de dire le bien-fondé d’une évacuation ordonnée par le préfet.
Pour en avoir parlé avec les organisations des gens du voyage, je peux dire que si ces derniers ont d’abord été inquiets, ils ont maintenant bien compris que cette mesure n’allait pas spécifiquement à leur encontre.
Les parlementaires, plutôt que de critiquer le système, feraient à mon avis mieux, à un moment où 98 des 100 schémas départementaux sont en révision, d’inviter les maires et les présidents d’intercommunalité à prendre en considération la réalité que constituent les terrains familiaux des gens du voyage ayant décidé d’une sédentarisation ou d’une semi-sédentarisation. Nous devons trouver les moyens d’un assouplissement du code de l’urbanisme afin de permettre à ces populations de mieux s’intégrer sur le territoire à un moment où la nouvelle génération s’engage plutôt dans une sédentarisation ou une semi-sédentarisation. Il s’agit donc de trouver des solutions pour accompagner ces populations dans cette voie.
Ce texte donne aux préfets la possibilité de recourir à des mesures d’évacuation dès lors que, sur des points précis, une situation anormale est dénoncée à la fois par le maire de la commune et par la population, le but étant de garantir à tout le monde une situation de légalité. Il s’agit d’un devoir, y compris envers les personnes mentionnées.
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Je suis d’accord sur ce qui vient d’être dit : nous devons tous mettre en place les dispositions que nous impose la loi, non seulement parce qu’il nous faut nous y conformer, mais aussi parce que c’est bien évidemment notre devoir moral de le faire.
Toutefois, n’avancez pas cet argument juste pour occulter toute l’autre partie de la loi ! Vous traitez là de la situation des gens du voyage. Mais nous savons bien que ce texte va bien au-delà et concerne, je le répète, les populations les plus précaires, celles qui logent dans des habitations éphémères. Que fait-on pour ces personnes ? Devons-nous aboutir, pour elles, à des régimes dérogatoires ? Pourquoi ne pas appliquer le droit commun, qui induit une décision judiciaire préalable ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 et 109.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Beaumont et Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. - L'article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait de séjourner dans le domicile d'autrui sans l'autorisation du propriétaire ou du locataire et de ne pas le quitter immédiatement à la requête du propriétaire ou du locataire. »
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je présenterai également l’amendement n° 52 rectifié quinquies, qui, comme l’amendement n° 2 rectifié, concerne l’occupation illicite du domicile d’autrui.
Le Sénat, conscient de ce problème, avait voté en 2007 une disposition qui permettait de saisir le préfet dans une procédure d’urgence. Toutefois, cette disposition maintient en pratique un délai de plusieurs jours avant que le propriétaire ou le locataire légitime ne puisse récupérer son logement alors que, pour une victime, chaque nuit hors de son domicile représente un traumatisme et des frais importants.
En outre, cette disposition est très mal connue des forces de l’ordre et donc rarement appliquée.
À la suite des observations justifiées de la commission des lois, cet amendement apporte deux précisions indispensables au texte voté par l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, il exclut les cas permis par la loi comme dans le premier alinéa de l’article 226-4 du code pénal.
Ensuite, il vise l’occupation du domicile et non pas le simple séjour, ce qui restreint la disposition au cas où la personne séjournant illicitement dans le domicile empêche son propriétaire ou locataire légitime de rentrer chez lui. En revanche, il ne semble pas y avoir lieu de distinguer entre le cas où l’occupation était illicite dès le départ et le cas où elle l’est devenue par la suite, les conséquences pour le propriétaire ou locataire légitime étant strictement identiques.
M. le président. L'amendement n° 52 rectifié quinquies, présenté par MM. Demuynck, Cambon, Portelli et du Luart, Mme Mélot, M. Dulait, Mme Lamure, MM. Lefèvre et Cointat, Mme Bruguière, MM. Laurent, Revet, Mayet, Leleux, Milon, Trillard, Huré, Couderc et Nègre, Mmes Sittler et Malovry et MM. Cléach, B. Fournier, J.P. Fournier, Martin, Bordier et Pierre, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. - L'article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait d’occuper le domicile d'autrui sans l'autorisation du propriétaire ou du locataire, hors les cas où la loi le permet, et de ne pas le quitter immédiatement à la requête du propriétaire ou du locataire. »
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° 54 rectifié, présenté par Mme Procaccia, MM. Cambon et J. Gautier, Mmes Sittler, Troendle et Bout, MM. Laménie, Leroy et P. Dominati, Mmes Henneron, Debré et Lamure, M. del Picchia, Mme Desmarescaux, MM. Pointereau, Dulait et Vial et Mmes Bruguière, Deroche, Malovry, Rozier et Mélot, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rétablir le III dans la rédaction suivante :
III. - L'article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est puni des mêmes peines le fait d'avoir pénétré et de séjourner à titre frauduleux dans le domicile d'autrui sans l'autorisation du propriétaire ou du locataire, hors les cas où la loi le permet, et de ne pas le quitter immédiatement à la requête du propriétaire ou du locataire. »
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. En 2007, j’ai été à l’origine, avec un certain nombre de nos collègues, de la disposition permettant d’expulser les squatteurs qui s’introduisent dans des domiciles occupés. Je rappelle que l’article en question avait été voté à la quasi-unanimité de la droite et de la gauche. Nous avions en effet reçu les associations de « squatteurs organisés », si je puis m’exprimer ainsi, à savoir « Droit au logement » et « Jeudi noir », qui, comme nous, dénonçaient ces squatteurs pénétrant et s’installant non dans des logements vides, mais au domicile de personnes parties à l’hôpital ou en vacances. Nous sommes par conséquent heureux de l’existence de cette disposition.
Mais, comme le disait Antoine Lefèvre, force est de constater que cette mesure est mal appliquée : elle commence seulement à être connue des préfets alors qu’elle a tout de même plus de quatre ans d’existence !
L’Assemblée nationale avait introduit à cet effet une disposition que la commission des lois du Sénat a souhaité modifier. En tenant compte des remarques de cette dernière, j’ai fait figurer dans mon amendement n° 54 rectifié le fait « d’avoir pénétré et de séjourner à titre frauduleux dans le domicile d’autrui », ainsi que la mention « hors les cas où la loi le permet », et ce pour que l’introduction frauduleuse prouve bien qu’il ne s’agit pas d’un locataire qui ne peut plus payer et que le propriétaire voudrait expulser.
Il s’agit donc bien des cas très spécifiques que j’ai mentionnés auparavant, cas que j’ai d’ailleurs pu observer dans ma commune : sans la vigilance de voisins, le logement d’une personne âgée partie durant un mois et demi dans sa famille aurait été complètement squatté, les effets personnels étant mis sur le trottoir… Par conséquent, l’amendement n° 54 rectifié permettrait de rendre la disposition de 2007 plus efficace dans la pratique.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Elle ne sera pas pour autant appliquée !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ces trois amendements visent à rétablir la création de l’infraction de vol de domicile qui a été rejetée par le Sénat en première lecture, adoptée à l’Assemblée nationale, et supprimée par notre commission des lois.
Si la commission des lois a supprimé cette disposition, c’est que l’objectif poursuivi est largement satisfait par le droit en vigueur.
En effet, non seulement l’article 226-4 du code pénal vise d’ores et déjà le maintien illicite au domicile d’autrui, mais l’article 38 de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable organise une procédure d’expulsion rapide de l’occupant illégal du domicile d’autrui, qui permet au propriétaire ou au locataire du logement occupé de demander au préfet de mettre en demeure l’occupant illégal de quitter les lieux. Lorsque la mise en demeure n’a pas été suivie d’effet, le préfet doit procéder à l’évacuation forcée de l’intéressé.
Cette procédure n’est enfermée dans aucun délai, le titulaire du domicile n’ayant qu’à déposer plainte, rapporter la preuve que le logement constitue son domicile et faire constater l’occupation illicite par un officier de police judiciaire. Elle ne nécessite donc pas de décision d’expulsion et s’avère plus performante que l’expulsion pour violation de domicile en cas de flagrance.

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