jeudi 20 janvier 2011

Proposition de loi "mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage, rapport à la commission des lois



 N°3105
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2011.
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE
L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 3042) DE
MM. JEAN-MARC AYRAULT ET PIERRE-ALAIN MUET ET PLUSIEURS DE LEURS COLLÈGUES visant à
mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage,
PAR M. DOMINIQUE RAIMBOURG,
Député.
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SOMMAIRE
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Pages
INTRODUCTION.............................................................................................................. 5
I. LE DISPOSITIF DE LA LOI DU 3 JANVIER 1969 ........................................................... 7
A. LE PRÉCÉDENT DE LA LOI DE 1912....................................................................... 7
B. LE TITRE DE CIRCULATION.................................................................................... 8
1. Le carnet de circulation...................................................................................... 8
2. Le livret de circulation ........................................................................................ 8
3. Le livret spécial de circulation ........................................................................... 9
C. LES COMMUNES DE RATTACHEMENT.................................................................. 9
II. UNE LOI DISCRIMINATOIRE QU’IL CONVIENT D’ABROGER..................................... 10
A. LES RESTRICTIONS À LA LIBERTÉ D’ALLER ET DE VENIR.................................. 10
B. LES RESTRICTIONS DANS L’ACCÈS À LA CARTE NATIONALE D’IDENTITÉ ....... 11
C. LES RESTRICTIONS DANS L’ACCÈS AU DROIT DE VOTE.................................... 11
D. UNE LOI, DE SURCROÎT, INADAPTÉE.................................................................... 13
DISCUSSION GÉNÉRALE............................................................................................. 15
EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE............................................................................... 19
Article unique (loi n° 69-3 du 3 janvier 1969) Abrogation de la loi du 3 janvier 1969..... 19
TABLEAU COMPARATIF .............................................................................................. 23
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF ...................................................................... 25

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Mesdames, Messieurs,
Lors de sa réunion du 23 septembre 2009, la commission des Lois a décidé
de la création d’une mission d’information sur le bilan et l’adaptation de la
législation relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage.
Membre de cette mission d’information (1), votre rapporteur a participé
activement à ses travaux qui devaient s’achever à la fin de l’année 2010. Elle a
entendu 24 personnes et a procédé à un déplacement dans l’Ain.
La mission d’information s’est réunie, pour la dernière fois, le
14 décembre dernier avec, pour ordre du jour, l’adoption du rapport de la mission
d’information. Au cours de cette réunion, la mission a décidé de poursuivre ses
travaux. À l’occasion de cette réunion, votre rapporteur a pu faire état de ses
observations sur le projet de rapport d’information.
Il est vrai que dix ans après la mise en oeuvre de la loi n° 2000-614 du
5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite loi
« Besson », la situation n’est pas satisfaisante. Sur les 42 000 places nécessaires et
prévues, seules 25 000 auraient été réalisées soit un taux de 60 % de réalisation,
qui paraît faible.
L’appellation « gens du voyage » est une création administrative qui
apparaît dans les années 1970 pour désigner les populations nomades composées
des Tziganes (Rom, Sinti, Kalé, Gitan…) qui sont originaires du nord de l’Inde,
des Yéniches d’origine germanique, mais également de toutes les personnes ayant
adopté un mode de vie nomade.
(1) La commission a nommé, le 29 septembre 2009, MM. Didier Quentin, Charles de La Verpillière, Dominique
Raimbourg membres de la mission d’information. Au cours de sa réunion constitutive du 20 octobre
2009, la mission d’information a nommé M. Didier Quentin, président.
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Même si aucun chiffre fiable n’est disponible, on estime généralement à
environ 300 000 personnes le nombre de gens du voyage nomades ou semisédentaires
en France.
Bien que l’objet de la mission d’information portât uniquement sur la
législation relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, de nombreuses
personnes auditionnées ont naturellement abordé la question de l’accès des gens
du voyage aux différents droits.
Sur le plan des droits sociaux, les auditions de la mission d’information
ont montré les difficultés des gens du voyage dans l’accès à la santé ou aux
prestations sociales. De même, des difficultés ont été mises en lumière dans
l’accès à la scolarisation des enfants.
Il est incontestable que des discriminations dans l’accès à la citoyenneté,
aux droits sociaux ou à la scolarité ont pu toucher les gens du voyage par le passé.
Les auditions conduites par la mission ont cependant permis à votre rapporteur de
constater que des difficultés majeures subsistaient.
C’est pourquoi le groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche a
déposé une proposition de loi tendant à l’abrogation de la loi du n° 69-3 du
3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime
applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, qui
constitue aujourd’hui l’une des principales discriminations à l’encontre des gens
du voyage.
Ce sujet ne relève pas directement du champ de la mission d’information
créée par la commission des Lois, qui porte sur l’accueil et l’habitat des gens du
voyage ; c’est pourquoi l’examen de la présente proposition de loi paraît pertinent
même si cette mission n’a pas encore rendu son rapport définitif.
*
* *
— 7 —
I. LE DISPOSITIF DE LA LOI DU 3 JANVIER 1969
Loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes
et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni
résidence fixe comporte trois titres et treize articles.
Son titre premier, intitulé : « Exercice des activités ambulantes et
délivrance des titres de circulation » comporte cinq articles qui prévoient des
titres de circulation pour les gens du voyage.
Son titre II, intitulé : « Communes de rattachement », comporte cinq
articles et prévoit, notamment, que toute personne qui sollicite la délivrance d’un
titre de circulation prévu aux articles précédents « est tenue de faire connaître la
commune à laquelle elle souhaite être rattachée » (article 7).
Son titre III, intitulé : « Dispositions diverses », comporte trois articles
relatifs aux modalités de mise en oeuvre de la loi.
A. LE PRÉCÉDENT DE LA LOI DE 1912
La loi du 3 janvier 1969 précitée a abrogé une autre loi du 16 juillet 1912
dans la filiation de laquelle elle s’établit. L’existence d’une législation relative aux
gens du voyage semble se justifier uniquement par le mode de vie spécifique de
cette population qui rend nécessaire une réglementation qui leur soit propre.
La loi du 16 juillet 1912 sur l’exercice des professions ambulantes et la
réglementation de la circulation des nomades a créé des obligations spécifiques
pour les commerçants ou industriels forains « qui, n’ayant en France ni domicile,
ni résidence fixe, voudront circuler sur le territoire français ». Ils devaient
demander « un carnet d’identité reproduisant leur signalement avec photographie
à l’appui et énonçant leurs noms, prénoms, lieux et dates de naissance »
(article 2).
Les gens du voyage qui n’étaient pas commerçants ou industriels forains
étaient qualifiés de « nomades ». L’article 3 de la même loi précisait que « sont
réputés nomades (…) tous individus circulant en France sans domicile ni
résidence fixes, même s’ils ont des ressources ou prétendent exercer une
profession ». Ce même article instituait pour ces nomades un « carnet
anthropométrique d’identité ».
Dans sa délibération n° 2007-372 du 17 décembre 2007, la HALDE
observait que ce dispositif, « directement inspiré des méthodes d’identification
élaborées par les criminologues, les assimilait ostensiblement à des délinquants ».
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B. LE TITRE DE CIRCULATION
La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités
ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans
domicile ni résidence fixe prévoit que toute personne de plus de seize ans n’ayant
pas de domicile ou de résidence fixe doit être en possession d’un carnet de
circulation, si elles n’ont pas de ressources régulières, ou d’un livret de circulation
si elles exercent une activité professionnelle.
Il est donc prévu trois types de titres de circulation.
1. Le carnet de circulation
Le carnet de circulation est remis aux personnes qui ne remplissent pas les
conditions nécessaires à la délivrance du livret de circulation, c’est-à-dire les
personnes sans ressources régulières – les minima sociaux ne sont pas considérés
comme des ressources régulières.
L’article 5 de la loi du 3 janvier 1969 précitée prévoit que le fait de
circuler sans carnet de circulation constitue un délit puni de trois mois à un an
d’emprisonnement. Cet article oblige également les titulaires du carnet à le faire
viser tous les trois mois par un commissaire de police ou un commandant de
brigade de gendarmerie. Le non-respect de cette obligation est passible d’une
contravention de la cinquième classe.
2. Le livret de circulation
Le livret de circulation est délivré aux personnes (et leurs familles) « qui
justifient de ressources régulières leur assurant des conditions normales
d’existence », notamment par l’exercice d’une activité salariée, comme les
employés d’entreprise de construction ou certains voyageurs de commerce.
L’article 9 du décret n° 70-708 du 31 juillet 1970 portant application du
titre Ier et de certaines dispositions du titre II de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969
relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux
personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe indique que le livret
doit être visé par un commissaire de police ou un commandant de brigade de
gendarmerie au moins une fois par an. D’ailleurs, ce visa devait être effectué tous
les 6 mois dans la rédaction initiale du décret – rappelons que les articles 4 et 5 de
la loi du 3 janvier 1969 prévoient que ce délai ne peut être inférieur à trois mois.
Le non-respect de cette obligation est passible d’une contravention de la
cinquième classe. La version initiale du décret prévoyait même une peine
d’emprisonnement, abrogée à l’occasion de l’entrée en vigueur du nouveau code
pénal en 1994.
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3. Le livret spécial de circulation
Le livret spécial de circulation est destiné aux commerçants ambulants
ainsi qu’à leurs conjoints, ascendants et descendants. Le livret spécial de
circulation « A » est délivré aux professionnels exerçant pour leur propre compte
et inscrits au registre du commerce ou au répertoire des métiers.
Le livret spécial de circulation « B » est délivré aux employés des
titulaires du livret spécial de circulation « A » et aux personnes qui
l’accompagnent habituellement.
Selon l’article 9 du décret du 31 juillet 1970 précité, « le livret spécial de
circulation n’est soumis à aucun visa ». Cependant, jusqu’à ce que la loi
n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie conduise à
l’abrogation de cette disposition, ses titulaires devaient faire viser le livret tous les
deux ans par les chambres consulaires.
Le décret n° 2009-194 du 18 février 2009 relatif à l’exercice des activités
commerciales et artisanales ambulantes a maintenu le livret spécial de circulation
en supprimant l’obligation de visa et en soumettant ses titulaires à l’obligation de
posséder également la nouvelle carte permettant l’exercice d’une activité
commerciale ou artisanale ambulante.
C. LES COMMUNES DE RATTACHEMENT
La loi du 3 janvier 1969 loi prévoit que la délivrance d’un titre de
circulation n’est possible que si le demandeur indique la commune à laquelle il
souhaite être rattaché (article 7). Mais elle limite à 3 % de la population
municipale le nombre de personnes, titulaires d’un titre de circulation,
rattachées à une commune (article 8).
En conséquence, le choix du rattachement à une commune n’est pas
totalement libre pour le demandeur : lorsque le pourcentage de 3 % est atteint, le
préfet ou le sous-préfet invite le déclarant à choisir une autre commune de
rattachement. Cependant, le préfet peut déroger à cette règle, notamment pour
assurer l’unité des familles.
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II. UNE LOI DISCRIMINATOIRE QU’IL CONVIENT D’ABROGER
La loi du 3 janvier 1969 précitée est ressentie comme instaurant un régime
discriminatoire et dégradant par les gens du voyage.
A. LES RESTRICTIONS À LA LIBERTÉ D’ALLER ET DE VENIR
La loi du 3 janvier 1969, qui impose un titre de circulation aux gens du
voyage, qui doit être visé tous les trois mois est en contradiction avec l’article 13
de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, qui dispose que : « toute
personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur
d’un État ».
Selon la délibération du 17 décembre 2007 précitée, la HALDE estime que
ce dispositif « instaure manifestement une différence de traitement à l’égard des
gens du voyage au sens de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de
l’Homme (CEDH) qui interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de
chacun à circuler librement », qui est prévu par l’article 2 de son protocole n° 4
qui dispose que « quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un État a
le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence ».
La HALDE estime également que la réglementation applicable aux carnets
de circulation apparaît comme mettant en oeuvre des moyens disproportionnés de
contrôle, que ce soit au regard de leur fréquence ou de la gravité des peines.
Cette disproportion doit également être appréciée au regard du fait que
tout citoyen français a la possibilité d’aller et venir librement sur le territoire, sans
avoir à présenter un document l’autorisant à aller d’un point à l’autre ou à entrer
dans certaines zones géographiques, et que par ailleurs les contrôles d’identité
auxquels ils sont soumis ne peuvent être réalisés que dans le respect d’un cadre
légal strict.
La HALDE recommande donc que les conditions de délivrance et de suivi
du carnet de circulation soient redéfinies afin d’éliminer l’obligation de le faire
viser, et que les peines encourues pour défaut de carnet soient alignées sur celles
des commerçants ambulants.
Votre rapporteur souligne que cette loi a même attiré l’attention de la
Commission européenne qui, dans un rapport publié en 2004 et intitulé « La
situation des Rom dans une Union européenne élargie », souligne que « les
Voyageurs sont tenus de produire un " permis de voyage ", lequel impose
paradoxalement à un seul groupe ethnique une obligation concernant ce qui est
un droit général, le droit à la liberté de mouvement ».
De même, dans son rapport sur le respect effectif des droits de l’homme en
France, publié en février 2006, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil
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de l’Europe, M. Alvaro Gil-Robles, avait souligné que « l’obligation de détenir un
tel document ainsi que celle de le faire viser régulièrement constitue une
discrimination flagrante. En effet, il s’agit de la seule catégorie de citoyens
français pour laquelle la possession d’une carte d’identité ne suffit pas pour être
en règle ».
B. LES RESTRICTIONS DANS L’ACCÈS À LA CARTE NATIONALE
D’IDENTITÉ
Comme tous les ressortissants français, les gens du voyage peuvent obtenir
une carte nationale d’identité. Dans les faits, l’obtention de ce document est
parfois délicate à cause des difficultés liées à la notion de « commune de
rattachement ».
En effet, la rubrique : « adresse », figurant au dos de la carte nationale
d’identité, doit être renseignée. Concrètement, l’adresse se résumant au code
postal de la ville, voire l’apposition de mention « sans domicile fixe » permet
d’identifier le titulaire de la carte comme membre de la communauté des gens du
voyage.
Dans les faits, cette adresse, stigmatisante, peut être à la source de
discrimination dans la vie quotidienne.
Il convient de souligner que, sur ce point, le ministère de l’Intérieur a
prévu, par une circulaire n° 179 C du 27 novembre 2008, que la délivrance d’une
carte nationale d’identité ou d’un passeport pourrait exclure la mention de
commune de rattachement. L’adresse seule de la mairie de la commune de
rattachement peut y figurer.
Votre rapporteur souhaite que la suppression du livret de circulation – par
l’effet de la présente proposition de loi – s’accompagne d’un meilleur accès des
gens du voyage à la carte nationale d’identité. Il souhaite que la mention de
l’adresse sur le document soit présentée d’une manière qui ne permette pas
de déduire, à la seule lecture de cette mention, que le titulaire de la carte
appartient à la communauté des gens du voyage.
C. LES RESTRICTIONS DANS L’ACCÈS AU DROIT DE VOTE
L’article 10 de la loi du 3 janvier 1969 précitée garantit que l’inscription
sur les listes électorales des gens du voyage est de droit, sur demande de
l’intéressé, après trois ans de rattachement ininterrompu sur la même commune.
Ce délai a été critiqué par la HALDE, dans sa délibération n° 2007-372 du
17 décembre 2007. En effet, il se distingue du délai fixé à l’article L. 15-1 du code
électoral, qui ne prévoit qu’un délai de six mois pour l’inscription sur les listes
électorales de toute personne sans domicile stable.
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La HALDE observe que « l’article L. 15-1 du code électoral prévoit que
« les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et
auxquels la loi n’a pas fixé une commune de rattachement » sont inscrits sur la
liste électorale de la commune où est situé l’organisme d’accueil dont l’adresse
figure depuis au moins six mois sur la carte nationale d’identité ».
Elle estime que ce délai « fonctionne comme une discrimination directe
dans l’accès à l’un des droits élémentaires du citoyen. Rien ne justifie la
distinction ainsi opérée entre personnes sans domicile fixe et gens du voyage, et ce
dispositif doit être réformé pour mettre fin à cette situation ».
En conséquence, le régime appliqué à cette catégorie de citoyens français,
identifiés par leur appartenance à la communauté des gens du voyage, apparaît
comme une violation manifeste des dispositions :
– de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui
prévoit que « tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par
leurs représentants à [la] formation [de la loi] » ;
– de l’article 3 de la Constitution, qui dispose que « sont électeurs, dans
les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux
sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques » ;
– de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH), qui stipule que : « la jouissance
des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans
distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la
religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou
sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute
autre situation » ;
– de l’article 3 du premier protocole additionnel à la CEDH, qui prévoit
que les élections assurent « la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix
du corps législatif » ;
– des articles 2 et 25 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, qui prévoient, respectivement, que les droits reconnus dans le Pacte
sont garantis à tous les individus se trouvant sur le territoire des États signataires,
« sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de
religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou
sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » et que tout citoyen a
« le droit et la possibilité », sans aucune discrimination, de « voter et d’être élu,
au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au
scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ».
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Dès 1990, les effets négatifs de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1969
avaient été mis en lumière par le rapport de M. Arsène Delamon (1), qui avait estimé
que le délai de rattachement à une commune en vue de l’inscription sur les listes
électorales était une discrimination directe dans l’accès à l’un des droits élémentaires
du citoyen.
D. UNE LOI, DE SURCROÎT, INADAPTÉE
Outre les difficultés juridiques majeures de la loi du 3 janvier 1969
précitée, il convient de souligner que cette loi aux effets discriminatoire est
largement inadaptée.
En effet, il semble qu’une part importante des gens du voyage ne se
conforme à l’obligation de faire viser leur titre de circulation régulièrement par la
police ou la gendarmerie nationales.
Parallèlement, même si votre rapporteur ne dispose pas de statistiques
fiables sur point, il apparaît que très peu de sanctions pénales sont prononcées
pour non-respect de l’obligation de faire viser ces documents.
De ce double constat, votre rapporteur conclut que les titres de circulation
sont inutilement stigmatisants et discriminatoires pour les gens du voyage…
En conséquence, il estime que les autres pièces d’identité doivent permettre
de remplir les fonctions dévolues au titre de circulation. Il relève d’ailleurs que
l’article 51 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement
opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale a créé un
article L. 264-1 dans le code de l’action sociale et des familles permet aux « personnes
sans domicile stable » d’élire domicile soit auprès d’un centre communal
ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé pour prétendre
au service des prestations sociales légales, réglementaires et conventionnelles.
(1) M. Arsène Delamon, « La situation des gens du voyage et les mesures proposées pour l’améliorer », rapport
remis au Premier ministre le 13 juillet 1990.

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DISCUSSION GÉNÉRALE
Au cours de sa séance du mercredi 19 janvier 2011, la Commission
examine, sur le rapport de M. Dominique Raimbourg, la proposition de loi visant
à mettre fin au traitement discriminatoire des gens du voyage (n° 3042).
Après l’exposé du rapporteur, une discussion générale a lieu.
M. Charles de La Verpillière. La loi du 3 janvier 1969 pose un véritable
problème. Mais la Commission des lois a constitué une mission d’information sur
la législation relative aux gens du voyage, présidée par Didier Quentin – qui m’a
demandé de l’excuser, étant actuellement retenu ailleurs dans nos murs en tant que
président du groupe d’amitié France-Japon –, de Dominique Raimbourg et moimême.
Notre rapport est en voie de finalisation ; la Commission devrait pouvoir
en être saisie sinon en février, du moins en mars. Il me paraît donc inopportun de
débattre de cette proposition de loi maintenant et je souhaiterais soit que nos
collègues la retirent, soit que la Commission la repousse.
Sur le fond, il est clair que les titres de circulation créés par la loi de 1969
posent un problème de constitutionnalité, voire de conformité à la Convention
européenne des droits de l’homme. Le problème sera certainement soulevé un
jour, notamment par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité. Pour
autant, il ne faut pas se précipiter, au risque de « jeter le bébé avec l’eau du
bain » : certes le titre de circulation est une restriction à la liberté d’aller et venir,
mais c’est aussi un document permettant d’identifier les gens du voyage et, par
conséquent, leur donnant accès à des droits qui leur sont propres – je pense
notamment à la possibilité de stationner dans les aires permanentes d’accueil. Il
faut donc continuer à réfléchir ; la Commission sera amenée à se déterminer sur la
base du rapport de la mission d’information.
M. Pierre-Alain Muet. Je pense au contraire qu’il y a urgence à
intervenir, la situation actuelle étant aberrante : les gens du voyage, qui sont des
citoyens français et qui peuvent donc, quand ils ont un passeport, circuler partout
en Europe, ne peuvent pas circuler librement dans leur propre pays. Les sanctions
pénales prévues par la loi de 1969 pour défaut de carnet de circulation sont ellesmêmes
aberrantes.
À cette atteinte à la liberté de circulation s’ajoute une discrimination en
matière de droits civiques : les gens du voyage doivent avoir été rattachés trois ans
à la même commune pour pouvoir y exercer un droit de vote, alors qu’une
personne sans domicile fixe peut exercer ce droit au bout de six mois. Maintenant
que le dispositif de la question prioritaire de constitutionnalité existe, il est évident
que, tant au regard du droit de circuler librement qu’au regard du droit de vote, les
dispositions de la loi de 1969 sont appelées à être déclarées inconstitutionnelles.
Nous avions émis l’idée d’une proposition de loi il y a près d’un an. Nous
attendions que la mission rende son rapport, comme c’était prévu, en septembre,
— 16 —
mais elle ne l’a pas encore fait. Notre Assemblée s’honorerait à abroger dès
maintenant une loi qui n’est pas appliquée et qui est contraire aux principes de
notre République et aux principes européens, plutôt que d’attendre une censure du
Conseil constitutionnel.
M. le président Jean-Luc Warsmann. Initialement le rapport n’avait pas
été prévu pour septembre, mais pour décembre.
M. Pierre-Alain Muet. Soit, mais nous sommes en janvier.
M. Serge Blisko. La loi de 1969, discriminatoire, est marquée par
l’hypocrisie : comme on voulait éviter d’y inscrire des dispositions à caractère
ethnique, on a retenu, pour mettre en place les documents remplaçant le carnet
anthropométrique de la loi du 16 juillet 1912, des critères d’activité et de domicile.
Il est très pénible qu’une personne voulant installer un manège ou un stand de
bonbons au moment des fêtes soit obligée de produire aux autorités municipales
un titre de circulation – sur lequel ne figure plus, au demeurant, aucun tampon de
la gendarmerie. N’attendons pas pour agir d’y être forcés par le Conseil
constitutionnel ou la CEDH, alors que, si j’ai bien compris, la mission
d’information incline elle-même vers la suppression de ces titres de circulation –
qui aurait également pour avantage de mettre fin au paradoxe actuel, en matière
d’inscription sur les listes électorales, d’exigences beaucoup plus grandes pour les
gens du voyage que pour les personnes errantes accueillies en centre
d’hébergement d’urgence ou pour les personnes condamnées à la prison.
M. Jean-Michel Clément. Dans le prolongement du texte que nous
venons d’examiner, visant à la simplification et à l’amélioration de la qualité du
droit, nous serions bien inspirés, s’agissant de droit des personnes, de mettre fin à
un dispositif vexatoire, en anticipant ainsi sur les décisions de censure qui seront
immanquablement prises.
M. Patrice Verchère. Monsieur le rapporteur, connaissez-vous la position
de l’Association des maires de France et celle de l’Association des maires ruraux
de France sur l’article 8 de la loi de 1969, relatif au dispositif de rattachement ?
M. Guénhaël Huet. Tous les membres de la représentation nationale sont
attachés aux principes républicains mais, tant dans la jurisprudence
constitutionnelle que dans la jurisprudence administrative, l’égalité n’est pas
l’uniformité. À des situations différentes peuvent correspondre des statuts
différents.
Je suis par ailleurs un peu choqué par l’un des arguments de Dominique
Raimbourg : ce n’est pas parce qu’une loi n’est pas appliquée qu’il faut la
supprimer ; quand une loi existe, il faut peut-être plutôt faire en sorte qu’elle soit
appliquée…
Proposer la suppression pure et simple de la loi de 1969, sans dispositions
de rechange, c’est créer un vide juridique. Attendons donc les conclusions de la
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mission d’information, faute de quoi cette suppression aboutirait à ce que les
dispositions juridiques concernant les gens du voyage se réduisent aux obligations
des collectivités locales inscrites dans la loi du 5 juillet 2000, dite « loi Besson ».
Ne versons pas dans l’angélisme : un bon système juridique suppose l’équilibre ;
les gens du voyage ont des droits, ils ont aussi des devoirs. Je suis assez favorable
à une évolution de la législation, mais très opposé à cette proposition de loi.
M. le rapporteur. Il ne faudrait pas, me semble-t-il, trop tarder à rendre
nos dispositions législatives conformes à la Constitution…
Actuellement elles constituent une discrimination évidente, par la
restriction à la liberté de circulation comme en matière de droit de vote – par
rapport, notamment, aux personnes sans domicile fixe, qui acquièrent ce droit
après six mois.
Je n’ai pas d’information particulière sur la position des maires, mais on
ne créerait pas réellement de vide juridique puisqu’on remplacerait le système du
rattachement – avec le plafond de 3 % – par celui de l’élection de domicile déjà en
vigueur. La commune à laquelle une demande d’élection de domicile est adressée
peut exprimer un refus.
Le seul vide juridique qui existe concerne l’accès aux aires d’accueil. La
question pourrait être réglée par un système d’adhésion volontaire, en quelque
sorte sur le mode des auberges de jeunesse. Ce ne serait pas en contradiction avec
le travail de la mission, qui portait, en premier lieu, sur l’application de la loi
« Besson ».
Je souhaite que nous nous retrouvions la semaine prochaine sur une
proposition somme toute assez consensuelle.
La Commission passe à l’examen de l’article unique de la proposition de
loi.

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EXAMEN DE L’ARTICLE UNIQUE
Article unique
(loi n° 69-3 du 3 janvier 1969)
Abrogation de la loi du 3 janvier 1969
Le présent article unique propose d’abroger la loi n° 69-3 du 3 janvier
1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux
personnes circulant en France sans domicile ni résidence, qui comporte trois titres
et treize articles.
Son titre premier, intitulé : « Exercice des activités ambulantes et
délivrance des titres de circulation » comporte cinq articles qui prévoient des
titres de circulation pour les gens du voyage. Son titre II, intitulé : « Communes de
rattachement », comporte cinq articles et prévoit, notamment, que toute personne
qui sollicite la délivrance d’un titre de circulation prévu aux articles précédents
« est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être rattachée »
(article 7). Son titre III, intitulé : « Dispositions diverses », comporte trois articles
relatifs aux modalités de mise en oeuvre de la loi.
1. Les dispositions relatives aux titres de circulation
L’article 2 de la loi du 3 janvier 1969 prévoit que les personnes n’ayant ni
domicile ni résidence fixes de plus de six mois dans un État membre de l’Union
européenne doivent être munies d’un livret spécial de circulation délivré par les
autorités administratives.
Ce même livret est attribué aux personnes qui accompagnent celles
précédemment mentionnées si elles sont âgées de plus de seize ans et n’ont en
France ni domicile, ni résidence fixe depuis plus de six mois. Il en est de même
pour les employés de ces personnes si elles ont une activité économique.
L’article 3 de la même loi prévoit que les autres personnes âgées de plus
de seize ans autres que celles mentionnées à l’article 2 et dépourvues de domicile
ou de résidence fixe depuis plus de six mois doivent, pour pouvoir circuler en
France, être munies de l’un des titres de circulation prévus aux articles 4 et 5 si
elles logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout autre
abri mobile.
Ces titres de circulation sont donc de deux types :
— un livret de circulation, prévu à l’article 4 de la même loi, qui est
destiné aux personnes qui justifient de ressources régulières « leur assurant des
conditions normales d’existence notamment par l’exercice d’une activité
salariée ». Ce livret doit être visé à des intervalles qui ne pourront être inférieurs à
trois mois par la police ou la gendarmerie nationales.
— 20 —
— un carnet de circulation, prévu à l’article 5 de la même loi, qui est
destiné aux personnes qui ne justifient pas de ressources régulières. Ce carnet doit
être visé tous les trois mois par la police ou la gendarmerie nationales. Si ces
personnes circulent sans avoir obtenu un tel carnet, elles seront passibles d’un
emprisonnement de trois mois à un an.
Enfin, l’article 6 de la même loi permet la délivrance de ces titres de
circulation aux « personnes venant de l’étranger » que si elles justifient de façon
certaine de leur identité.
2. Les dispositions relatives aux communes de rattachement
L’article 7 de la même loi prévoit que la délivrance d’un titre de
circulation n’est possible que si le demandeur indique la commune à laquelle il
souhaite être rattaché. Il précise que le rattachement est prononcé par le préfet ou
le sous-préfet après avis motivé du maire.
L’article 8 de la même loi limite à 3 % de la population municipale le
nombre de personnes, titulaires d’un titre de circulation, rattachées à une
commune.
En conséquence, le choix du rattachement à une commune n’est pas
totalement libre pour le demandeur : lorsque le pourcentage de 3 % est atteint, le
préfet ou le sous-préfet invite le déclarant à choisir une autre commune de
rattachement. Cependant, afin de ne pas priver le demandeur au droit à une vie
familiale normale, le préfet peut déroger à cette règle, notamment pour assurer
l’unité des familles.
L’article 9 de la même loi ajoute que le choix de la commune de
rattachement est effectué pour une durée minimale de deux ans. Un changement
anticipé peut toutefois intervenir si le demandeur fait valoir des « attaches » dans
une autre commune.
L’article 10 de la même loi dresse la liste des effets, attachés au domicile,
dont les personnes titulaires d’un titre de circulation bénéficient. Le rattachement
vaut élection de domicile en matière de célébration de mariage, d’inscription sur la
liste électorale, sur la demande des intéressés, mais après trois ans de rattachement
ininterrompu dans la même commune, d’accomplissement des obligations fiscales,
sociales ou du service national.
3. Les dispositions diverses
L’article 11 de la même loi renvoie à des décrets en Conseil d’État les
modalités d’application des dispositions des articles précédents.
L’article 12 prévoit que la loi du 3 janvier 1969 n’est pas applicable aux
bateliers. C’est ainsi que, par exemple, les bateliers peuvent être inscrits sur les
— 21 —
listes électorales de 35 communes, en application de l’article L. 15 du code
électoral.
L’article 13 prévoit l’abrogation de la loi du 16 juillet 1912 sur l’exercice
des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades et
l’article 14 précise les conditions d’entrée en vigueur de la loi.
4. Une loi dont l’abrogation paraît incontournable
Comme votre rapporteur l’a indiqué dans l’exposé général, cette loi est
source de discriminations à l’encontre des gens du voyage :
– en imposant aux gens du voyage un titre de circulation spécifique, les
dispositions de son titre premier constituent une entrave à la liberté d’aller et de
venir ;
– en prévoyant des modalités de rattachement à une commune qui figure
sur la carte nationale d’identité, elle stigmatise les gens du voyage dans leurs
papiers d’identité ;
– en conditionnant l’inscription sur les listes électorales au respect d’un
délai de trois ans de rattachement ininterrompu sur la même commune, elle viole
la capacité des gens du voyage à s’exprimer pleinement dans notre société
démocratique.
*
* *
La Commission rejette l’article unique, la proposition de loi étant ainsi rejetée.
*
* *
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la
législation et de l’administration générale de la République vous demande de
rejeter la proposition de loi visant à mettre fin au traitement discriminatoire des
gens du voyage (n° 3042).

— 23 —
TABLEAU COMPARATIF
___
Texte en vigueur
___
Texte de la proposition de loi
___
Conclusions de la Commission
___
Proposition de loi visant à mettre fin
au traitement discriminatoire des
gens du voyage
Proposition de loi visant à mettre fin
au traitement discriminatoire des
gens du voyage
Article unique Article unique
Loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative
à l’exercice des activités ambulantes
et au régime applicable aux personnes
circulant en France sans domicile ni
résidence fixe
Cf. annexe.
La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969
relative à l’exercice des activités ambulantes
et au régime applicable aux personnes
circulant en France sans domicile
ni résidence fixe est abrogée.
Rejeté

— 25 —
ANNEXE AU TABLEAU COMPARATIF
Loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et
au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni
résidence fixe
Titre Ier : Exercice des activités ambulantes et délivrance des titres de circulation.
Art. 2. – Les personnes n’ayant ni domicile ni résidence fixes de plus de six mois
dans un État membre de l’Union européenne doivent être munies d’un livret spécial de
circulation délivré par les autorités administratives.
Les personnes qui accompagnent celles mentionnées à l’alinéa précédent, et les
préposés de ces dernières doivent, si elles sont âgées de plus de seize ans et n’ont en France
ni domicile, ni résidence fixe depuis plus de six mois, être munies d’un livret de circulation
identique.
Les employeurs doivent s’assurer que leurs préposés sont effectivement munis de ce
document, lorsqu’ils y sont tenus.
Art. 3. – Les personnes âgées de plus de seize ans autres que celles mentionnées à
l’article 2 et dépourvues de domicile ou de résidence fixe depuis plus de six mois doivent,
pour pouvoir circuler en France, être munies de l’un des titres de circulation prévus aux
articles 4 et 5 si elles logent de façon permanente dans un véhicule, une remorque ou tout
autre abri mobile.
Art. 4. – Lorsque les personnes mentionnées à l’article 3 justifient de ressources
régulières leur assurant des conditions normales d’existence notamment par l’exercice d’une
activité salariée, il leur est remis un livret de circulation qui devra être visé à des intervalles
qui ne pourront être inférieurs à trois mois par l’autorité administrative. Un livret identique
est remis aux personnes qui sont à leur charge.
Art. 5. – Lorsque les personnes mentionnées à l’article 3 ne remplissent pas les
conditions prévues à l’article précédent, il leur est remis un carnet de circulation qui devra
être visé tous les trois mois, de quantième à quantième, par l’autorité administrative.
Si elles circulent sans avoir obtenu un tel carnet, elles seront passibles d’un
emprisonnement de trois mois à un an.
Art. 6. – Les titres de circulation ne peuvent être délivrés aux personnes venant de
l’étranger que si elles justifient de façon certaine de leur identité.
La validité du livret spécial de circulation prévu à l’article 2, des carnet et livret
prévus aux articles 3, 4 et 5, doit être prorogée périodiquement par l’autorité administrative.
Titre II : Communes de rattachement.
Art. 7. – Toute personne qui sollicite la délivrance d’un titre de circulation prévu
aux articles précédents est tenue de faire connaître la commune à laquelle elle souhaite être
rattachée.
— 26 —
Le rattachement est prononcé par le préfet ou le sous-préfet après avis motivé du
maire.
Art. 8. – Le nombre des personnes détentrices d’un titre de circulation, sans
domicile ni résidence fixe, rattachées à une commune, ne doit pas dépasser 3 % de la
population municipale telle qu’elle a été dénombrée au dernier recensement.
Lorsque ce pourcentage est atteint, le préfet ou le sous-préfet invite le déclarant à
choisir une autre commune de rattachement.
Le préfet pourra, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, apporter
des dérogations à la règle établie au premier alinéa du présent article, notamment pour
assurer l’unité des familles.
Art. 9. – Le choix de la commune de rattachement est effectué pour une durée
minimale de deux ans. Une dérogation peut être accordée lorsque des circonstances d’une
particulière gravité le justifient. Toute demande de changement doit être accompagnée de
pièces justificatives, attestant l’existence d’attaches que l’intéressé a établies dans une autre
commune de son choix.
Art. 10. – Le rattachement prévu aux articles précédents produit tout ou partie des
effets attachés au domicile, à la résidence ou au lieu de travail, dans les conditions
déterminées par un décret en Conseil d’État, en ce qui concerne :
La célébration du mariage ;
L’inscription sur la liste électorale, sur la demande des intéressés, après trois ans de
rattachement ininterrompu dans la même commune ;
L’accomplissement des obligations fiscales ;
L’accomplissement des obligations prévues par les législations de sécurité sociale et
la législation sur l’aide aux travailleurs sans emploi ;
L’obligation du service national.
Le rattachement à une commune ne vaut pas domicile fixe et déterminé. Il ne
saurait entraîner un transfert de charges de l’État sur les collectivités locales, notamment en
ce qui concerne les frais d’aide sociale.
Titre III : Dispositions diverses.
Art. 11. – Des décrets en Conseil d’État déterminent les modalités d’application des
titres Ier et II et, notamment, les conditions dans lesquelles les titres de circulation sont
délivrés et renouvelés et les mentions devant y figurer, les modalités des contrôles
particuliers permettant d’établir que les détenteurs des titres de circulation mentionnés aux
articles 2, 3, 4 et 5, et les mineurs soumis à leur autorité ont effectivement satisfait aux
mesures de protection sanitaire prévues par les lois et règlements en vigueur et les conditions
dans lesquelles le maire, conformément à l’article 7, doit donner son avis motivé et dans
lesquelles les personnes titulaires d’un titre de circulation apportent les justifications
motivant la dérogation prévue par l’article 9.
Art. 12. – Les dispositions qui précèdent ne sont pas applicables aux bateliers.
— 27 —
Elles ne font pas obstacle à l’application des conventions et traités internationaux.
Art. 13. – Sont abrogées toutes dispositions contraires à la présente loi et
notamment la loi modifiée du 16 juillet 1912 sur l’exercice des professions ambulantes et la
réglementation de la circulation des nomades, l’article 1649 quater, paragraphe 3 du code
général des impôts, le troisième alinéa de l’article 102 du code civil.
Art. 14. – Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur le 1er janvier 1971.
Toutefois, dès la publication de la loi, le visa des carnets anthropométriques prévus
aux articles 3 et suivants de la loi modifiée du 16 juillet 1912 sera remplacé par un visa
mensuel délivré par le commissaire de police ou le commandant de brigade de gendarmerie

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