mercredi 19 janvier 2011

CNDS

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Flash infos du 19 janvier 2011


Colloque Défenseur des Droits

CNDS






 Un Défenseur des droits… et après ?
Chacune des autorités administratives destinées à être absorbées par le défenseur des droits a une mission qui lui est propre et qui implique des compétences ainsi qu’une démarche particulières inhérentes aux problèmes à résoudre.
Au regard de la réforme envisagée chaque autorité réagit donc selon les exigences de la tâche qu’elle doit accomplir. C’est pourquoi mon propos sera limité à l’examen de cette réforme du seul point de vue de la déontologie de la sécurité.
Il n’est évidemment pas question de défendre la CNDS simplement parce qu’elle existe et qu’elle doit donc perdurer. Au demeurant si celle ci a pu remplir pour une bonne part la mission qui lui était impartie et obtenir ainsi la reconnaissance des grandes institutions internationales ou nationales, des ONG et de personnalités qui oeuvrent pour la défense des droits de l’homme, on peut regretter que l’action de notre commission n’ait pas été plus étendue et mieux connue.
Cela tient au mode de saisine, c'est-à-dire à l’obligation pour le réclamant, celui-ci ne pouvant s’adresser directement à nous, de passer par un parlementaire, le médiateur, le défenseur des enfants, la Halde ou le contrôleur général des lieux de privation de liberté, afin que cette autorité transmette la plainte à la CNDS. Cela tient aussi à un manque de moyens humains et matériels, à une forte résistance de certaines autorités ou administrations concernées et, il faut bien l’avouer, à une insuffisante communication de notre part.
Toutefois si la CNDS mérite d’être réformée, voire transformée, elle ne doit pas perdre pour autant ce qui fait sa force, son efficacité, à savoir, notamment, l’indépendance de ses membres et l’image de cette indépendance, leur compétence et leur diversité ainsi que leurs pouvoirs d’investigation.
Ces garanties sont elles préservées par le projet de réforme ?
Ce texte a varié depuis sa version initiale présentée par le gouvernement. Il a été très amélioré lors de son examen en première lecture par le Sénat avant d’être soumis prochainement à l’Assemblée nationale. Il ne parait pas utile de revenir en détail dans le présent document sur les différentes modifications intervenues.
En revanche il est important de rechercher si, selon la dernière rédaction telle que proposée par la commission des lois de l’Assemblée nationale, l’institution du Défenseur des droits constituera une avancée ou un recul par rapport à la situation actuelle.
C’est dans cet esprit que sont abordés les différents points évoqués ci après.
- la composition et le mode de désignation des membres du collège chargé de donner un avis au Défenseur des droits.
En l’état la CNDS est composée de 14 membres dont deux députés et deux sénateurs, un représentant du Conseil d’Etat, un de la Cour de cassation, un de la Cour des comptes. Avec le président, nommé par le Président de la République, ces personnalités désignent six autres membres. Ceux-ci sont choisis en fonction
de leurs origines diverses ainsi que de leur connaissance des problèmes de déontologie et de sécurité. Ce sont actuellement un avocat, un magistrat, un professeur de médecine légale, un 2
professeur d’université, un ancien directeur des services actifs de la police et un ancien directeur des services pénitentiaires.
Ainsi sont garantis l’indépendance de membres dont la désignation ne relève pas du pouvoir exécutif, responsable des administrations contrôlées, et surtout qu’est préservée l’image de cette indépendance aux yeux du public, la nécessité de montrer une telle image, qui conditionne la crédibilité au regard des citoyens, étant à juste titre soulignée par la Cour européenne des droits de l’homme.
De plus le caractère multidisciplinaire de la Commission ne peut qu’enrichir l’analyse des affaires qui lui sont soumises, chacun apportant sa contribution en fonction de ses connaissances et de son expérience.
Dans le nouveau texte il est prévu que le Défenseur des droits aura, en matière de déontologie de la sécurité, un adjoint placé sous son autorité et nommé sur sa proposition par le Premier ministre.
En outre le Défenseur pourra consulter un collège composé de six personnes à savoir deux personnalités qualifiées désignées respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat, deux autres par le Défenseur des droits, un représentant du Conseil d’Etat, un de la Cour de cassation.
Le collège étant présidé par le Défenseur ou son adjoint trois sur sept des membres de l’organe appelé à lui soumettre un avis relèveront donc directement du destinataire de cet avis.
Outre que les chances de multidisciplinarité sont, dans le meilleur des cas, diminuées de manière conséquente, l’image de l’indépendance est sérieusement brouillée.
Il faut ajouter à cela que la consultation du collège devient purement facultative.
En d’autres termes à une formation collégiale bénéficiant d’un statut d’indépendance risque d’être substitué le pouvoir d’appréciation d’une seule personne.
- la possibilité pour les juridictions ou le procureur de la République de bloquer les investigations du Défenseur des droits.
Le projet de loi organique prévoit que lorsque le Défenseur est saisi de faits donnant lieu à une enquête préliminaire ou de flagrance, à une information ou à des poursuites judiciaires il doit recueillir l’accord de la juridiction saisie ou du procureur de la République pour procéder à la plupart des mesures d’investigation. Compte tenu de la durée de certaines procédures, en particulier lorsque des agents des forces de sécurité sont mis en cause, le refus d’accord serait de nature à enlever, en fait, toute possibilité d’intervention au Défenseur.
Une disposition aussi astreignante n’existe pas dans la législation actuelle.
- La motivation des décisions.
Selon l’article 20 du projet de loi organique issu des travaux de la commission des lois de l’Assemblée nationale : « le Défenseur des droits apprécie si les faits qui font l’objet d’une réclamation ou qui lui sont signalés appellent une intervention de sa part ». Il s’ensuit que l’examen d’une réclamation peut être écarté sans aucune motivation. Une telle disposition est porteuse d’un risque d’arbitraire ou en tout cas est susceptible d’être perçue comme telle alors que la CNDS instruit toutes les réclamations qui lui parviennent et que ses décisions d’irrecevabilité ou de classement sont toujours motivées. Il est fondamental qu’un plaignant connaisse la raison pour laquelle il n’est pas donné suite à sa réclamation. 3
- la publication des avis, recommandations, rapports spéciaux ou autres décisions du Défenseur des droits.
Dans la rédaction adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale cette publication n’est jamais automatique et relève toujours de l’initiative du Défenseur.
Sauf à anonymiser les écrits et à publier simultanément les réponses des autorités mises en cause le devoir de transparence démocratique et la fonction pédagogique du contrôle exercé devraient conduire à rendre publics tous les avis, recommandations ou rapports établis par le Défenseur au vu des affaires qui lui sont soumises. Il serait regrettable que la pratique suivie en cette matière par la CNDS soit appelée à disparaître.
Ainsi sur des points fondamentaux le Défenseur des droits ne disposerait pas, en l’état du projet, des mêmes pouvoirs que l’actuelle CNDS et n’offrirait pas les mêmes garanties.
De plus si la saisine directe et la faculté d’autosaisine dont bénéficiera le Défenseur des droits constituent d’indéniables progrès il est en revanche à craindre que les effets de cette avancée soient limités, d’une part, par la faculté de rejeter les réclamations sans avoir à motiver, d’autre part, par le transfert de l’instruction des dossiers, actuellement assurée par les membres de la commission eux-mêmes, assistés par un rapporteur adjoint, à des délégués qui n’auront pas nécessairement une stature suffisante, à l’échelon local, pour vaincre les réticences, voire les oppositions, des administrations ou des entreprises dont le personnel serait mis en cause.
En conclusion de ce rapide bilan qu’il soit permis d’exprimer une crainte et un espoir. Si le remplacement de la CNDS par le Défenseur des droits est parfois qualifié de fusion, il ne faudrait pas que celle-ci prenne la forme d’une « fusion-régression » par une atteinte aux garanties apportées aux habitants de ce pays pour la défense de leurs droits. Ce serait pour la nouvelle institution une bien mauvaise base de départ. Il est à espérer que l’Assemblée nationale et en dernier lieu le Parlement sauront éviter ce danger.
R. Beauvois
Président de la CNDS

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