REFUSER L’EXPULSION DE LOGEMENT AU NOM DE L’ORDRE PUBLIC : POUR LES SQUATTEURS AUSSI ?
(Cour eur. dr. h., Société COFINFO c. France, 12 octobre 2010)
Nicolas BERNARD,
Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis
INTRODUCTION
1. Ce 12 octobre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme a, en sa cinquième section, déclaré irrecevable le recours formé par la société Cofinfo contre l’absence d’exécution par l’Etat français d’une décision de justice tendant à expulser les occupants introduits illégalement dans l’un de ses biens. En l’espèce, la requérante invoquait conjointement l’article 6, § 1er, de la Convention européenne (droit à un procès équitable) et l’article premier du premier protocole additionnel (droit au respect de ses biens).
Comment toutefois la Cour en est venue à valider ainsi le refus opposé à ce qui semble pourtant constituer un principe cardinal dans nos régimes démocratiques (consubstantiel à l’idée même d’Etat de droit), à savoir la bonne mise en application des décisions judiciaires ? Comment cette situation de non droit qu’est au départ le squat en est-elle arrivée à bénéficier, tant de la part des autorités nationales que de la Cour européenne, d’une véritable protection, durable ? Et, pour audacieux qu’il puisse paraître, le présent arrêt constitue-t-il un précédent ou, bien plutôt, s’inscrit-il dans une jurisprudence établie ? Quel impact, enfin, exercera la décision Cofinfo sur le droit français ? Telles sont quelques unes des interrogations que le présent article se propose d’instruire.
I. LES FAITS DE LA CAUSE
2. La société Kentucky, « aux droits de laquelle vient la requérante », fait acquisition d’un immeuble en 1997, en le laissant toutefois à l’abandon. Deux ans plus tard, le bien fait l’objet d’une occupation non autorisée, par un groupe de 16 familles (comprenant au total une soixantaine de personnes, dont deux tiers d’enfants en bas âge). La propriétaire obtient en justice, le 22 mars 2000, une décision d’expulsion, pour l’exécution de laquelle elle demande le concours de la force publique ; celui-ci lui est cependant refusé par le préfet. La société querelle en référé cette décision devant un juge administratif, mais se voit déboutée, pour défaut d’urgence (ayant attendu trop longtemps pour entreprendre cette démarche).
Elle réitère sa demande quelques mois plus tard, mais essuie un refus similaire, basé cette fois sur les troubles à l’ordre public que ne manquerait pas de susciter, selon le juge, une éviction massive de 62 personnes, dépourvues de solution de relogement.
Une troisième requête — sembable — fut adressée, un an plus tard, sans davantage connaître le succès. C’est que, entre-temps, Kentucky avait mis en vente l’immeuble. La ville de Paris, toutefois, a manifesté son intention d’exercer son droit de préemption, ce qui a conduit la propriétaire à renoncer à cette aliénation.
3. Lassée de ces blocages à répétition, la société Kentucky demande alors réparation pécuniaire du préjudice causé par l’inexécution de la décision judiciaire d’expulsion. Le tribunal administratif, qui reconnaît la responsabilité de l’Etat dans cette situation, accorde à la requérante un montant important (supérieur en tout cas à celui qu’elle postulait), calqué notamment sur le « juste loyer » qu’elle était en droit de tirer de son bien.
Cette somme, la cour administrative d’appel a décidé de la réduire significativement (de près de deux tiers), estimant l’immeuble de toute façon impropre, de par son état, à la mise en location (aux conditions du marché en tout cas). Saisi de la question, le Conseil d’Etat déclara « non admis » le recours de Kentucky.
4. De son côté, la ville de Paris lance, à propos du même immeuble, une procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique, validée par le tribunal de grande instance (dont le jugement est cependant entrepris devant la Cour de cassation[1]).
Ultime avatar dans cette véritable « saga » immobilière (dont on aura épargné au lecteur les éléments plus accessoires) : le bien est évacué en 2007 consécutivement à un incendie et, par suite, fait l’objet d’un arrêté d’interdiction d’habiter.
5. On l’a vu, la société Kentucky se heurte à l’impossibilité, répétée, d’obtenir la mise en application de la décision de justice du 22 mars 2000 ordonnant l’expulsion des occupants de son immeuble. Elle se rend alors à Strasbourg, mobilisant donc pour ce faire l’article 6, § 1er, de la Convention européenne (pour la longueur de la procédure) en même temps que l’article premier du protocole additionnel n°1 (pour la dépossession de facto de son bien et l’absence forcée de revenus locatifs).
II. DE L’EXECUTION DES DECISIONS DE JUSTICE COMME DROIT CONVENTIONNEL A PART ENTIERE
6. On le sait, l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme consacre le droit à un procès (équitable) ; ce « tribunal indépendant et impartial », la société Kentucky y a toutefois bien eu accès, ce qu’elle ne conteste nullement d’ailleurs. Ce droit au procès emporte-t-il néanmoins le droit de voir mise en oeuvre la décision qui en est issue ? L’exécution des décisions de justice constitue-t-elle le prolongement obligé de l’article 6, § 1er, et bénéficie-t-elle à ce titre de la protection conventionnelle ? Assurément, répond la Cour dans la présente cause. « Ce droit [à un tribunal] serait illusoire si l'ordre juridique interne d'un Etat contractant permettait qu'une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d'une partie. En effet, on ne comprendrait pas que l'article 6, § 1er, décrive en détail les garanties de procédure — équité, publicité et célérité — accordées aux parties et qu'il ne protège pas la mise en oeuvre des décisions judiciaires; si cet article devait passer pour concerner exclusivement l'accès au juge et le déroulement de l'instance, cela risquerait de créer des situations incompatibles avec le principe de la prééminence du droit que les Etats contractants se sont engagés à respecter en ratifiant la Convention », énonce la haute juridiction, qui conclut : « L'exécution d'un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du "procès" au sens de l'article 6 ».
7. Pour primordial soit-il, ce droit à l’exécution des décisions de justice est-il sans limites ? Pas davantage qu’un autre, rétorque la Cour, qui admet classiquement la possibilité pour un Etat de réglementer la matière. Cependant, un éventuel sursis à l’exécution d’une décision ne peut se concevoir que « pendant le temps strictement nécessaire » et dans des « circonstances exceptionnelles ». En tout état de cause, cette intervention ne saurait retarder « de manière excessive » l’exécution (ni, à plus forte raison, l’empêcher).
Si donc les autorités nationales disposent d’une certaine marge d’appréciation, les limitations apportées doivent répondre à un but légitime, tout en présentant un « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ».
8. A ces arguments, on pourrait opposer que le refus de concours de la force publique ne s’est aucunement fait, dans l’affaire Cofinfo, sans contrepartie pour le propriété concerné. La société Kentucky s’est bel et bien vue offrir, par une juridiction administrative, une indemnisation pécuniaire pour l’immobilisation forcée de ce patrimoine (certes, d’un montant moindre qu’escompté). Cette compensation en espèces suffit-elle cependant à réparer le trouble de jouissance subi et, partant, à purger le défaut d’exécution de son caractère litigieux ? Non pas, rétorque la Cour européenne, pour laquelle l’éventuelle indemnisation « ne saurait, en tout état de cause, constituer une exécution ad litteram de la décision litigieuse, de nature à permettre à la requérante de recouvrer la jouissance de son bien ».
9. Est-on autorisé, dans ce type d’affaire où il s’agit d’apprécier l’opportunité du refus de concours de la force publique pour exécuter une décision d’expulsion, à prendre en compte l’existence — ou non — de solutions de relogement ? Le contexte immobilier et, plus spécifiquement, l’éventuelle carence en mesures alternatives d’hébergement peuvent-ils entrer en ligne de compte et, le cas échéant, justifier la non application d’une décision d’éviction ? La cour, à nouveau, oppose un vif démenti : « l'absence de logements de substitution ne saurait justifier un tel comportement ». Le droit à l’exécution des décisions de justice n’a donc pas à s’accommoder de ce genre de contingences matérielles.
10. Pour étayés soient-ils, ces arguments en batterie n’ont pas suffi à ce que droit soit fait, ici, aux arguments de la propriétaire ; une multitude de raisons, propres à l’espèce, expliquent cette décision a priori étonnante, comme on le verra plus loin. Si la Cour n’hésite pas à reconnaître une atteinte aux intérêts de la requérante, cette atteinte n’est pas considérée comme « disproportionnée », au regard des « considérations sérieuses d'ordre public et social ayant motivé le refus qui lui a été opposé, dans les circonstances exceptionnelles de l'espèce, par l'administration ».
11. Pour ce qui est, cette fois, du droit au respect de ses biens consacré par l’article premier du protocole additionnel n°1, la Cour estime que le grief se « confond dans une large mesure » avec le précédent, tiré de l’article 6 de la Convention ; « aucune question distincte » n’émerge à ses yeux.
Pourtant, la question se posait bien de savoir si, in casu, l’indemnité offerte par les autorités en contrepartie de l’inexécution de la décision de justice ordonnant l’expulsion a effectivement atteint un niveau équivalent au préjudice réel[2]. La réparation, en d’autres termes, était-elle appropriée ? La réponse de la Cour ne permet pas de le savoir.
III. UN TOURNANT DANS LA JURISPRUDENCE CONVENTIONNELLE ?
12. Prima facie, la décision du 12 octobre 2010 innove, qui aboutit à valider le refus de concours de la force publique opposé par le préfet à une décision d’expulsion de squatteurs, alors que des arrêts devenus célèbres (comme Immobiliare Saffi c. Italie, Matheus c. France, R.P. c. France, Barret et Sirjean c. France ou encore Sud Est Réalisations c. France[3]) rendus par la même Cour européenne des droits de l’homme tendent, au contraire, à faire de l’exécution des décisions de justice un droit conventionnel à part entière, éminemment digne de protection, y compris — voire surtout — dans le domaine de l’occupation (devenue) illégale. La présente affaire Confinfo, pour autant, signe-t-elle un tournant dans la jurisprudence de Strasbourg, voire un revirement ? Il ne semble pas permis d’aller jusque là. Détaillons.
1. Un cadre conceptuel inchangé
13. Dans le raisonnement mobilisé, la Cour européenne des droits de l’homme s’inscrit intimement dans le sillage conceptuel de ses arrêts antérieurs. Elle emprunte à sa propre jurisprudence l’armature argumentative qui fournit le socle de sa motivation dans l’affaire Cofinfo ; la Cour assume pleinement d’ailleurs cette filiation étroite. Ainsi, l’exécution des décisions de justice comme partie intégrante du droit au procès est directement tiré de l’arrêt Hornsby c. Grèce[4]. La haute juridiction aurait pu également renvoyer, plus en amont encore, à ses arrêts Di Pede c. Italie[5] et Zappia c. Italie[6], où elle épinglait déjà « l’inertie du juge de l’exécution ».
C’est l’occasion de dire que cet enseignement, s’il a émergé dans un contexte non proprement immobilier, trouve également à s’appliquer lorsque la décision en question concerne des occupations — illégales — de logements ou de terrains, comme en atteste l’arrêt Matheus c. France (où la haute juridiction n’hésite pas à comparer le refus d’expulsion à une « sorte d’expropriation privée », débouchant sur une « justice privée contraire à la prééminence du droit »[7]).
14. Plus généralement, l’exécution des décisions de justice ressortit des « obligations positives » mises à charge des Etats dans la concrétisation des prérogatives reconnues par la Convention européenne (dont l’article 6, § 1er)[8]. « La réalisation effective du droit à un tribunal implique que l’Etat adopte des "mesures positives" d’exécution du jugement », souligne Pacale Boucaud[9]. L’arrêt Airey c. Irlande peut, en cette matière, être considéré comme précurseur[10], et l’affaire Burdov c. Russie comme une illustration particulièrement éloquente[11]. « En s’abstenant de prendre des mesures efficaces, nécessaires pour se conformer à une décision judiciaire exécutoire [...], les autorités judiciaires ont privé, en l’occurrence, les dispositions de l’article 6 § 1er précité de tout effet utile », confirme la Cour dans son arrêt Plasse-bauer c. France[12]. Et, dans l’arrêt Raylyan c. Russie[13], la Cour explique que le caractère « raisonnable » du retard pris par l’exécution d’une décision de justice dépend de certains facteurs, tenant tout à la fois à la complexité de la procédure en droit interne (même si cette circonstance ne suffit pas à délier l’Etat de son obligation de donner chair aux jugements et arrêts, comme le rappelle la Cour dans la seconde affaire Burdov[14]), au propre comportement du requérant, à celui des autorités nationales ou encore à la nature de la sentence judiciaire en cause. La responsabilité des cours et tribunaux eux-mêmes peut aussi, le cas échéant, être mise en cause (arrêt Treial v. Estonia[15]). Et s’il peut être justifié d’exiger du créancier l’accomplissement de certains actes procéduraux destinés à conférer exécution à la décision, ces formalités ne sauraient être d’une lourdeur ou d’une contrainte telle qu’elles porteraient atteinte à la substance même du droit à un tribunal (arrêt Shvedov c. Russie[16]).
Certes, l’obligation positive d’assurer une effectivité aux décisions de justice doit s’analyser comme une obligation de moyens et non de résultat, mais cela n’empêche pas la Cour d’exercer, sur les efforts déployés par les instances étatiques, un contrôle « d’une relative sévérité », observe Sébastien Van Drooghenbroeck[17].
15. Dans certains cas, même, l’exécution d’une décision de justice « requiert un traitement urgent », souligne la Cour (dans l’arrêt Pini et autres c. Roumanie, relative à l’adoption d’un enfant), car « le passage du temps peut avoir des conséquences irrémédiables »[18]. Et ce, même si « l'emploi de la force aurait été, en l'occurrence, très délicat »[19]. S’agissant des huissiers expressément, commis à la mise en application des jugements et arrêts, « il appartient à l'Etat de prendre toutes les mesures nécessaires afin qu'ils puissent mener à bien la tâche dont ils ont été investis, notamment en leur assurant le concours effectif des autres autorités qui peuvent prêter main forte à l'exécution là où la situation s'impose, à défaut de quoi les garanties dont a bénéficié le justiciable pendant la phase judiciaire de la procédure perdent toute raison d'être »[20].
16. Par ailleurs, la possible suspension de l’exécution des décisions de justice, durant le temps strictement indispensable (et dans des circonstances exceptionnelles seulement), est redevable en droite ligne de l’arrêt Immobiliare Saffi c. Italie[21]. On mentionnera également l’arrêt Lunari c. L'Italie[22], du même tonneau[23]. Et le fait que la durée de l'occupation illégale ne puisse être déterminée avec exactitude n'est pas de nature non plus à justifier un refus d’exécution, avance la Cour dans l’affaire R.P. c. France[24].
Si, se basant toujours sur Immobiliare Saffi c. Italie[25], la Cour s’octroie le droit d’apprécier l’intervention de l’Etat dans l’exécution des décisions de justice, elle aurait pu préciser que cette compétence ne l’habilite point à vérifier si, en soi, l’ordre juridique interne est apte à garantir l’exécution des décisions prononcées par les tribunaux, ainsi qu’il résulte de l’affaire Ruianu c. Roumanie[26].
En tout état de cause, laisser perdurer une occupation illégale revient, dans le chef des instances étatiques, à encourager des individus à « dégrader en toute impunité » des biens ne leur appartenant pas, tout en diffusant un « climat de crainte et d’insécurité » (lequel ne s’avère pas propice à une réappropriation du bien par son propriétaire), affirme la Cour dans son arrêt Fernandez et autres c. France[27]. Les autorités ne sont-elles pas les « dépositaires de la force publique », rappelle la haute juridiction dans son arrêt Ruianu[28] ?
17. Pareillement, la nécessaire soumission de toute limitation en matière d’exécution des décisions de justice à un but légitime ainsi qu’à un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé a fait l’objet d’une consécration antérieure, dans l’arrêt Sabin Popescu c. Roumanie notamment[29]. On renverra également, sur le principe même d’une restriction à l’article 6, § 1er, aux affaires Prince Hans Adam II de Liechtenstein c. Allemagne[30], T.P. et K.M. c. Royaume-Uni[31] ou encore Z et autres c. Royaume-Uni[32].
18. Sur l'absence de solution de relogement comme non-cause de justification à l’inertie de l’Etat à appliquer l’éviction décidée par un juge, la Cour renvoie elle-même à l’arrêt Prodan c. Moldova[33] ; l’affaire Kukalo, à cet égard, est également digne d’intérêt[34].
On peut enchérir : les difficultés des autorités à asseoir l’Etat de droit sur leur territoire ne constituent pas davantage un motif d’exonération (Barret et Sirjean c. France, à propos de la Corse[35]), ni même la perspective d’une résistance armée de l’occupant en cas d’expulsion (Sud Est Réalisations c. France[36]).
19. Enfin, l’idée suivant laquelle l’indemnisation ne saurait compenser intégralement la défaillance des autorités nationales dans la mise en oeuvre d’une décision de justice est inspirée, entre autres, de l’arrêt Matheus c. France[37].
2. Des circonstances propres à l’espèce
20. On le voit, la Cour place ses pas dans ses arrêts antérieurs, dont les enseignements cumulés forment l’épine dorsale de la motivation de la décision Cofinfo. Il ne relève point du hasard, du reste, si la requête (« manifestement mal fondée ») est rejetée dès le stade de la recevabilité, n’apportant aucun élément réellement neuf ; il n’y a même pas « l’apparence d’une violation »[38]. Ce n’est donc nullement dans les prémisses du raisonnement déployé dans la présente affaire que la Cour ferait éventuellement rupture. Ce, d’autant moins qu’elle prend soin, plus généralement, d’adosser à l’arrêt Prodan c. Moldova[39] l’absence d’absoluité du droit d’accès à un tribunal (lequel implique l’exécution des jugements et arrêts), même si on aurait pu également citer Golder c. Royaume-Uni[40], ou encore Waite et Kennedy c. Allemagne[41].
21. Comment expliquer, alors, que la conclusion d’un syllogisme aussi fidèlement imprégné de la jurisprudence conventionnelle la plus établie diffère dans le cas présent ? Seules les circonstances propres à la cause sont susceptibles de rendre compte de cette divergence.
22. Si, s’agissant du droit à un procès tout d’abord, le propriétaire bien essuyé un triple refus (de concours de la force publique) de la part du préfet, force est de constater que ces dénis en cascade ont, tous, été soumis à un contrôle juridictionnel, exercé par le juge administratif en l’occurrence.
En cela, les circonstances d’espèce de l’affaire Cofinfo démarquent radicalement celle-ci du contexte des arrêts Lunari c. Italie et Immobiliare Saffi c. Italie par exemple[42], ce qui justifie une décision différente.
23. Ensuite, le défaut d’exécution de la décision d’expulsion ne procède nullement, contrairement à certaines affaires antérieures, d’une quelconque « carence » dans le chef des autorités françaises (qui se seraient montrées impuissantes, dépassées ou résolues à ne rien faire). Tout à l’inverse, estime la Cour, cette situation résulte du souci, assumé, d’éviter les risques « sérieux » de troubles à l’ordre public qu’occasionnerait l’éviction de seize familles, composées très majoritairement de jeunes enfants. Et ce danger sort encore renforcé du caractère « militant » conféré à l’occupation, conjugué à sa visée « médiatique ». En tout état de cause, il n’est point vrai que les pouvoirs publics soient restés « inertes » dans la résorption du problème posé. Rappelons, à cet effet, que la ville de Paris a manifesté son souhait d’exercer son droit de préemption au moment de la mise en vente (ensuite rétractée) de l’immeuble, avant de lancer, quelques années plus tard, une procédure d’expropriation en bonne et due forme.
A titre de comparaison, l’administration a été convaincue de faute dans l’affaire Matheus c. France puisqu’elle a refusé le concours de la force publique « sans que des considérations sérieuses d’ordre public ou social n’expliquent ce délai déraisonnable »[43]. Il serait cependant indu de conférer à ce critère un quelconque caractère décisif dans la mesure où, dans la récente affaire Sud Est Réalisations c. France (maintien des anciens propriétaires sur un terrain agricole attribué à un tiers après enchères publiques), la Cour a nonobstant conclu à la violation du droit au respect des biens en dépit du fait que les autorités françaises ne pouvaient nullement, là, voir leur responsabilité engagée (dès lors que les nécessités de l’ordre public requéraient effecivement de retarder l’évacuation)[44]. Il semble, bien plutôt, que l’absence de démarches des instances nationales en vue de « trouver une solution de relogement satisfaisante pour les occupants » ait, couplée à la durée de la dépossession (16 années), motivé cette dernière décision[45]. Dit autrement, il est intolérable que l’Etat, aussi fondé que pût être le refus d’expulsion à l’origine, n’ait point mis ce long laps de temps à profit pour imaginer une alternative.
24. Par ailleurs, souligne la Cour dans l’affaire Cofinfo, la marge d’appréciation dont les instances nationales disposent traditionnellement dans l’application de leur politique sociale et économique est plus importante encore dans le domaine du logement, singulièrement à propos de « l’accompagnement social de locataires en difficultés ». Impossible, à cet égard, de ne pas prendre en compte les délais — fatalement extensifs — qui auraient été nécessaires au relogement de pas moins de 62 personnes.
Il s’agit précisément, ici, de ménages se trouvant « en situation de précarité et fragilité » qui, à ce titre, méritent une « protection renforcée ». Dans les affaires Matheus c. France et Immobiliare Saffi c. Italie[46], en revanche, les occupants n’émargeaient aucunement à la sphère de la grande pauvreté.
25. Et si le lien entre éviction du logement et trouble potentiel de la tranquillité publique avait déjà été tracé auparavant, dans l'arrêt Immobiliare Saffi c. Italie notamment (où les expulsions étaient vues comme des sources d' « importantes tensions sociales » susceptibles de mettre « en danger l'ordre public »[47]), cette qualification n’avait, à l’époque, point débouché sur une condamnation. Ici, le contexte empirique est passablement différent, du fait entre autres du nombre de squatteurs, de leur situation sociale délicate, de la forte présente d’enfants, etc. Et alors que, dans son arrêt Barret et Sirjean c. France par exemple, la Cour reprochait au Gouvernement de « se contente[r] de faire référence, d'une façon générale et non suffisamment circonstanciée, aux nécessités de l'ordre public »[48], ce risque, dans l’affaire Cofinfo, est soigneusement étayé.
26. Enfin, l’insertion de la démarche d’occupation dans une stratégie de militance n’a pas manqué d’échapper à la Cour. L’agitation médiatique que n’aurait pas manqué de susciter la fermeture forcée d’un squat aussi emblématique que celui-là est explicitement prise en considération, au titre de facteur de désordre social, pour évaluer si le risque de trouble à l’ordre public justifie de surseoir à l’évacuation.
Reste à s’interroger alors sur le sort qu’aurait connu une occupation, elle, davantage marquée par la discrétion, moins porteuse d’enjeux sociétaux et, in fine, peu ou pas revendicative. L’ordre public serait-il atteint dans les mêmes proportions ? Seules les quelques « causes significatives », portées à bout de bras par des associations quasi professionnelles, mériteraient-elles protection ? Et, au final, le trouble à l’ordre public doit-il se calculer à l’aune des conditions d’habitat des expulsés ou, bien plutôt, de l’émoi et des turbulences politico-médiatiques causées dans la grande société par une telle éviction[49] ?
En toute hypothèse, les occupations en cause dans les affaires Barret et Sirjean c. France ou Fernandez et autres c. France, par exemple, n’étaient pas moins sous-tendues par des motifs militants (respectivement, le nationalisme corse et la défense des « jeunes agriculteurs »), ce qui leur valait, d’ailleurs, le franc soutien de groupes de pression ; il n’est pas sûr, dans ces conditions-là, que l’expulsion se soit déroulée plus harmonieusement. La différence dans l’affaire Cofinfo réside, sans doute, dans le fait que l’arraisonnement de l’immeuble parisien, pour revendicatif fût-il lui aussi, ne répondait justement pas qu’à ces mobiles idéologiques ; le squat était principalement destiné, en ces temps où la crise du logement sévit durement, à fournir un toit à une soixantaine de personnes (qui, autrement, connaîtraient probablement la rue). Ici, le réel souci d’apporter une solution pratique d’hébergement a rejoint les motivations militantes (à moins que ce soit l’inverse) ; les deux, en définitive, semblent intriqués.
27. Elle peut bien, enfin, mobiliser l’enseignement précité de son arrêt Prodan c. Moldova[50], la Cour ne manque pas de pointer ici, en filigrane, l’absence de mesure de relogement. Un point de chute aurait été aménagé pour les squatteurs que l’ordre public n’aurait point été affecté, et l’expulsion, plus constitutive de désordre social dès lors, autorisée. En cela, la décision Cofinfo peut être rapprochée de l’arrêt Stanková c. Slovaquie[51], dans lequel la juridiction strasbourgeoise avait mis en exergue la nécessité d'assortir l'éventuelle décision d'expulsion d'une solution de relogement. Certes, les circonstances factuelles ne sauraient être comparées pied à pied[52] (ne serait-ce que parce que cette dernière affaire ne concerne pas un squat), mais un certain parallélisme s’indique néanmoins. Il serait abusif, toutefois, de purement et simplement « plaquer » sur les dossiers strasbourgeoises relatifs à des occupations illégales, ab initio s’entend (et non pas des refus de quitter les lieux au terme du bail par exemple), la jurisprudence développée par la Cour en matière d’expulsions décrétées, sinon pour des motifs strictement contractuels, à tout le moins lorsque l’entrée dans les lieux a, là, été autorisée[53].
Il semble, en définitive, que l’arrêt Prodan c. Moldova doive se comprendre de la manière suivante : l’irrelevance de l’absence de logements de substitution comme cause de justification au refus d’expulsion ne vaut que dans un contexte de carence de l’Etat. Ce dernier multiplierait-il (comme dans l’affaire Cofinfo) les efforts de relogement, même de manière infructueuse, que ce déficit d’habitations de remplacement mériterait assurément, alors, de jouer un rôle dans l’analyse de l’opportunité d’une expulsion.
28. Last but not least, la haute juridiction épingle, dans l’affaire Cofinfo, le manque de consistance de la société Kentucky. D’abord, la propriétaire tarde à contester le (premier) refus d’exécution de la décision d’expulsion A l’occasion, ensuite, de la mise en vente de l’immeuble squatté, elle n’hésite pas à se dédire, sitôt connue l’intention de la ville de Paris d’exercer son droit de préemption. Le tout, alors que jamais, au cours des deux années qui ont précédé l’occupation, elle n’a développé un « projet de viabilisation » pour ce site.
Pour leur part, force est de constater que les requérants dans des affaires françaises trop vite présentées comme similaires (Matheus, R.P., Barret et Sirjean ou encore Sud Est Réalisations par exemple), développent des motivations autrement cohérentes (et, au global, plus lisibles) : recouvrer la jouissance du bien, en vue de l’occuper ou le faire occuper.
IV. L’IMPACT POSSIBLE SUR LE DROIT FRANCAIS
29. Si l’affaire Cofinfo c. France ne constitue point la revirement dans la jurisprudence conventionnelle qu’une lecture trop rapide de la décision du 12 octobre 2010 pouvait laisser augurer, nul doute, en revanche, qu’elle est vouée à exercer un impact non négligeable sur le droit français.
1. Le contexte (empirique et normatif)
30. Depuis plusieurs années, la France est particulièrement marquée par le phénomène du squat. Menées sous l’impulsion d’activistes et d’organisations militantes telles que « Jeudi noir » ou « Droit au logement », les opérations d’occupation illégale (« spontanée ») d’immeubles se multiplient, à Paris et Lyon en particulier[54]. Ceci, sans même parler de l’appropriation des berges du canal Saint-Martin au cours de l’hiver 2006-2007 par les sans-abri (rassemblés à l’initiative des « Enfants de Don Quichotte »), laquelle action a débouché sur l’adoption de la désormais célèbre loi DALO (droit au logement opposable)[55]. Et, quand bien même une expulsion aurait été ordonnée par un juge, il est fréquent de voir celle-ci paralysée, comme dans la présente cause, par défaut de concours de la force publique.
Le droit au respect de ses biens et le droit à l’exécution des décisions de justice constituant deux prérogatives protégées par la Convention européenne des droits de l’homme et ses protocoles additionnels, il était écrit que cette question française du squat d’immeuble devait, un jour, atterrir à Strasbourg ; c’est chose faite désormais.
31. On connaît le rang du droit de propriété en France, érigé par l’article 544 du Code civil en « droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue » (« pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ») ; mais de quel statut exactement jouit, en guise de pendant, le droit au logement (au-delà de la loi DALO précitée) ? À l'origine, les élus français ont adopté le 22 juin 1982 une loi (dite « Loi Quillot ») relative aux droits et obligations du locataire et qui, dans une optique avant tout civiliste, promouvait le droit à l'habitat comme « impliquant la liberté de choix pour toute personne de son mode d'habitation et de sa localisation »[56]. Ensuite, les autorités proclament, par la loi « Mermaz » du 6 juillet 1989, que le droit au logement[57] est un « droit fondamental »[58], avant d’édicter le 31 mai 1990 une loi « Besson » qui évoque à cette occasion un « devoir de solidarité »[59]. Relative à la « lutte contre les exclusions », la loi du 29 juillet 1998 (dite « Aubry »), qui contient un très important volet dédié au logement à destination des familles précarisées, confirme ce mouvement[60].
32. Certes, le droit au logement n’est — à l’instar du droit de propriété — point coulé dans la Constitution mais, en 1995, le Conseil constitutionnel a officiellement présenté comme un « objectif de valeur constitutionnelle » la « possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent »[61], suivi en cela par la cour d'appel de Paris (« Le droit au logement est considéré comme un droit fondamental et comme objectif constitutionnel »)[62]. Et, parachevant le raisonnement, le Conseil constitutionnel consacre le droit au logement comme la « possibilité d'accéder à un logement décent »[63].
Que peut bien signifier cependant un pareil « objectif de valeur constitutionnelle » ? En clair, cette catégorie juridique désigne explicitement le « corollaire nécessaire à la mise en œuvre d'un droit constitutionnellement reconnu », explique Bruno Genevois. « C'est une habilitation donnée au législateur pour apporter certaines limitations aux droits fondamentaux, afin de les concilier entre eux »[64]. Le Conseil constitutionnel en est d'ailleurs lui-même convenu, expressis verbis, lors de l'examen ultérieur de la loi Aubry : « Il appartient au législateur de mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent […]. Il lui est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires », à la condition toutefois que ces restrictions « n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés »[65].
33. Il n'empêche, un double tempérament s'impose. Relevons tout d'abord que le Conseil d'État français a, dans sa décision du 3 mai 2002, réduit la portée de l'enseignement du Conseil constitutionnel. La reconnaissance du droit au logement comme objectif de valeur constitutionnelle ne suffit pas à élever celui-ci au rang de « liberté fondamentale » au sens de l'article 521-2 du Code de justice administrative, ni davantage au titre de « principe constitutionnel »[66]. L'inverse, il est vrai, aurait contraint le Conseil d'État à concéder à des associations de squatteurs les bases juridiques susceptibles de renverser le refus de l'administration de réquisitionner des logements pour assurer de manière décente l'hébergement de réfugiés.
En tout état de cause, et c'est le second tempérament, la consécration du droit au logement par le Conseil constitutionnel ne concerne en réalité qu'une situation marginale de logement : le logement d'urgence. La reconnaissance ne regarde qu'un droit minimal, celui des personnes sans-abri et des gens du voyage à accéder respectivement à des locaux d'hébergement d'urgence et à des terrains d'accueil. En fait, ce que le Conseil constitutionnel a entériné, c'est la possibilité pour les communes d'investir dans le logement d'urgence plutôt que dans le logement social, dont elles étaient auparavant tenues d'étoffer le parc. Seule, en définitive, est constitutionnalisée l'expression minimale du droit au logement[67]. Ou plutôt, c'est précisément parce que la requête était conçue a minima qu'elle s'est vue accorder pareille posture constitutionnelle. Or, résume Frédérique Pollet-Rouyer, « le risque ne peut être ignoré que la dualisation du droit au logement, entre logement ordinaire et logement d'urgence, ne débouche sur l'affirmation d'un simple droit au toit afférent à un hébergement qui répondrait à des normes quantitatives réduites et qui enfermerait ses destinataires dans leur statut d'exclus »[68].
34. En ce qui concerne, enfin, la question spécifique de l’effectivité des jugements et arrêts, signalons que la loi du 9 juillet 1991 impose à l'État de « prêter son concours à l'exécution des jugements » et que son refus « ouvre droit à réparation »[69]. Les autorités sont ainsi tenues d'indemniser les propriétaires, à proportion du profit locatif dont ils sont privés[70], pour le retard mis par la force publique dans l'exécution de décisions de justice (expulsion du logement par exemple)[71].
35. Une méprise reste à éviter. Si la France s’est dotée de mécanismes normatifs destinés à freiner les expulsions de logement[72] (avec l’instauration d’un moratoire hivernal entre autres[73]), ceux-ci ont été conçus d’abord pour les évictions décidées dans un cadre contractuel (pour impayés par exemple). Pour celles, en revanche, qui sont la suite d’occupations illégales (à tout le moins lorsque les personnes sont entrées dans les lieux par « voie de fait »), les garanties offertes déclinent[74].
En tout état de cause, l’existence d’habitations de remplacement (couplée à la précarité de la situation socio-économique des intéressés) constitue un paramètre non négligeable dans l’application par les magistrats de ces dispositifs[75]. Cette tendance, du reste, s’observe également en Belgique, singulièrement lorsqu’il s’agit d’un bailleur public (en ce sens que la décision d’expulsion est ainsi subordonnée à la fourniture préalable d’un nouveau logement[76], quand bien même l’occupation initiale n’aurait nullement été autorisée[77] !).
35. Ceci étant, le droit à l’exécution des décisions de justice, en matière de logement entre autres, n’est point absolu ; le Conseil d’Etat lui-même admet que des motifs exceptionnels puissent ajourner leur mise en application. Ainsi, comme il le rappelait encore dans un arrêt du 30 juin 2010, « des considérations impérieuses tenant à la sauvegarde de l'ordre public ou à la survenance de circonstances postérieures à la décision judiciaire d'expulsion telles que l'exécution de celle-ci serait susceptible d'attenter à la dignité de la personne humaine, peuvent légalement justifier, sans qu'il soit porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs, le refus de prêter le concours de la force publique ». Dès lors, « en cas d'octroi de la force publique il appartient au juge de rechercher si l'appréciation à laquelle s'est livrée l'administration sur la nature et l'ampleur des troubles à l'ordre public susceptibles d'être engendrés par sa décision ou sur les conséquences de l'expulsion des occupants compte tenu de la survenance de circonstances postérieures à la décision de justice l'ayant ordonné, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation »[78].
2. La notion, centrale (mais à contenu variable), de trouble à l’ordre public
36. Le débat se cristallise en France, comme dans la décision Cofinfo, autour de la notion de trouble à l’ordre public. Mis en péril par une éventuelle évacuation, celui-ci requiert le report de la décision ; dans toute autre hypothèse, en revanche, l’expulsion ne saurait souffrir de retard. La question, on le voit, est éminemment factuelle et doit faire l’objet d’une appréciation au cas par cas.
Dans cette évaluation, le simple constat de l’inexistence d’habitations de remplacement ne semble pas toujours pouvoir engendrer, à lui seul, une telle perturbation[79]. Ainsi, dans l’arrêt précité du 30 juin 2010, le Conseil d’Etat a annulé la décision administrative ordonnant la suspension de l’éviction car, « en estimant que le seul fait que les personnes expulsées n'aient pas de solution de relogement était susceptible d'entraîner un trouble à l'ordre public justifiant que l'autorité administrative, puisse, sans erreur manifeste d'appréciation, ne pas prêter son concours à l'exécution d'une décision juridictionnelle, le juge des référés a commis une erreur de droit ».
Peut-être, dans ce cadre, la décision Cofinfo rendue par la Cour européenne des droits de l’homme (qui, pour rappel, avait pris en compte le manque d’habitations de substitution) sera-t-elle amenée à infléchir certaines positions[80].
37. Dans une autre espèce (27 janvier 2010), le Conseil d’Etat a invalidé la décision d’une juridiction administrative tendant à dégager l’Etat, pour la période couverte par le moratoire hivernal (1er novembre au 15 mars), de toute responsabilité quant au défaut d’exécution d’une décision d’expulsion[81]. C’est que, souligne le Conseil d’Etat, « les occupants du logement étaient entrés dans les lieux sans avoir jamais eu l'accord du propriétaire ni été titulaires d'un titre quelconque et que, par suite, les intéressés devaient être regardés comme y étant entrés par voie de fait » ; pour cette raison, ils ne sauraient bénéficier de la suspension de l’expulsion durant les mois froids[82].
Précédemment déjà, à propos ici aussi d’une occupation illégale, la même juridiction avait, pour des motifs similaires, annulé une ordonnance prise en référé par un juge administratif tendant à refuser en hiver le concours de la force publique destinée à mettre en oeuvre une décision judiciaire d’expulsion. C’est que « le droit de propriété a [...] le caractère d’une liberté fondamentale », observe le Conseil d’Etat. Or, en s’abstenant de conférer effectivité à l’éviction ordonnée par la justice, le préfet a, « compte tenu des fins, de nature principalement revendicative, poursuivies par les occupants et en l’absence de trouble grave à l’ordre public susceptible d’être engendré par l’exécution de la décision de l’autorité judiciaire », porté à l’exercice de cette liberté « une atteinte grave et manifestement illégale »[83].
Pour mâles soient-ils, ces considérants n’en livrent pas moins, en creux, un important message, en forme de confirmation : l’éventuel trouble à l’ordre public est de nature à surseoir à l’expulsion, même dans le cas de figure d’un squat. S’il applaudit la décision précitée du Conseil d’Etat (qui met un terme à ce qu’il qualifie d’ « exaction » — l’occupation — dictée par un comportement « presque indécent » et destinée à « instrumentaliser la misère humaine »), Patrick Grosieux est amené à admettre que, au bout du compte, « tout dans la pratique dépendra à l’avenir de l’interprétation qui sera donnée à la notion de menace grave à l’ordre public ». Et puisque « tout dépendra [...] des circonstances », alors « le concours de la force publique pourrait légalement être refusé si la situation de précarité réelle des squatteurs, aggravée par une expulsion sans relogement, risquait de menacer l’ordre public »[84].
38. A cette lueur, la décision Confinfo (rendue à propos d’un squat) est loin d’être inessentielle ; elle est susceptible, à nouveau, de bouger les lignes de la jurisprudence administrative française en la matière.
A cet égard, il convient de relever le jugement rendu (en référé) par le tribunal de grande instance de Lyon le 16 novembre 2009. Confrontée à une occupation a priori illicite d’un terrain par des Roms, la juridiction a débouté le propriétaire (public) dans ses prétentions de recouvrer la jouissance de sa parcelle au motif, précisément, que « malgré son caractère précaire, le campement dans lequel sont installés les défendeurs constitue leur domicile », lequel est « protégé par, au titre du respect dû à la vie privée et familiale des personnes, par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ». Au demeurant, « le droit de propriété [...] ne semble pas remis en question par la présence de personnes occupant le campement installé puisque le département du Rhône n’utilise pas ce terrain et ne justifie d’aucun projet immédiat »[85].
Difficile, ici, de passer sous silence l’évolution législative en cours, qui vise à faciliter significativement l’expulsion des ménages occupant une « installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d’y établir des habitations ». Si l’article 32ter A de la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (dite loi LOPPSI 2) est adopté[86], et tout prête à croire qu’il va l’être (prochainement[87]), il touchera aussi bien les gens du voyage que les squatteurs au sens large (ceux qui développent des habitats de fortune par exemple).
39. A ce stade, il peut être utile de brosser — succinctement — le régime juridique associé aux occupations d’immeubles vacants[88]. Pour être illégales, celles-ci n’en jouissent pas moins d’une certaine protection juridique ; sans titre, mais pas sans droit, en quelque sorte[89]. D’abord, l’expulsion des squatteurs est subordonnée au prononcé d’une décision de justice[90]. Ensuite, même autorisée judiciairement, l’expulsion doit, dans sa mise en oeuvre effective, satisfaire à certaines conditions matérielles ; à défaut de quoi, c’est elle qui hérite de la qualification de « voie de fait »[91] (et, plus généralement, tombe alors sous l’appellation d’« expulsion forcée » que prohibent expressis verbis les Nations unies[92]). Enfin, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, le squat n’est nullement élevé, par soi, au rang d’infraction pénale[93].
Ce qui, en revanche, est bien passible de poursuites répressives, c’est la violation de domicile[94] (l’inviolabilité du domicile émargeant pleinement, du reste, aux droits de l’homme les plus établis[95]), pourvu naturellement que les lieux soient effectivement habités[96]. La violation de la propriété privée (non incriminée pénalement) n’est donc pas à placer sur le même pied que la violation de domicile. Une conséquence s’en infère : pour peu que les squatteurs aient effectivement fixé le siège principal de leur existence dans les locaux vacants (le concept de domicile repose sur une assise factuelle justement, indépendant en tout cas — suivant une jurisprudence constate de la Cour de cassation[97] — du caractère légal ou non de l’installation), ces dispositions pénales-là, invoquées par les occupants, sont susceptibles de se retourner contre les propriétaires de l’immeuble ainsi « arraisonné ».
40. Une autre question reste à élucider : indépendamment même de l’interprétation à donner à cette notion, aux yeux de qui doit s’évaluer le trouble à l’ordre public (propre à reculer l’évacuation) ? Les riverains par exemple (dont la quiétude serait entamée par l’évacuation et les nuisances qui l’accompagnent) ? Les autorités publiques en matière de logement (déjà saturées et pourtant chargées, en sus, de trouver des habitations de remplacement aux évincés) ? Ou encore les services de police (sommées de rétablir la tranquillité sur la voie publique tout en manifestant de l’humanité vis-à-vis des individus jetés sur le carreau, tâche rendue plus malaisée encore par le caractère parfois revendicatif donné à une occupation, suivie de près alors par la presse) ? A notre estime, cette perturbation doit surtout s’apprécier dans le chef des premiers intéressés que sont les ménages expulsés. Dit autrement, l’ordre public est atteint lorsque les personnes à qui l’on a ordonné le déguerpissement n’ont pas, faute de moyens, la possibilité de retrouver rapidement un point de chute décent, dans un environnement salubre. C’est le séjour prolongé d’une famille à la rue qui est constitutif, in se, de trouble à l’ordre public, quand bien même celle-ci souffrirait en silence, cachée (le sentiment de honte — intrinsèque à l’état de précarité — inclinant d’ailleurs à la dissimulation), recluse, loin de la noria associative ou tenue à l’écart du maelström médiatique.
Au passage, le concept d’ordre public se pare ici de connotations plus « subjectives » puisque son mètre-étalon est intimement chevillé aux conditions concrètes d’habitat des ménages expulsés, hic et nunc, davantage qu’à la situation objective qui prévaut sur la voie publique (conflits avec les forces de l’ordre, errance des familles évincées, journalistes éconduits, manifestations de nature politique, etc.), qu’évaluent d’ailleurs des acteurs purement institutionnels. L’ordre public, en somme, renvoie surtout à la sphère de l’intime ; le glissement n’est sans doute pas anodin. Et, à nouveau, le thème du relogement s’impose en filigranes.
41. Précisément, le Conseil d'État français a, dans une autre espèce (toujours en lien avec le squat), jugé, là, que « le risque de troubles à l'ordre public qui résulterait de l'expulsion de plusieurs familles comportant des enfants en bas âge, pour lesquelles il n'y a pas actuellement de solution de relogement » justifiait le refus de concours de la force publique opposé au propriétaire par le préfet de police[98]. Le parallèle avec l’affaire Cofinfo (où la Cour européenne a, elle aussi, relevé expressément dans les lieux occupés la présence de nombreux jeunes enfants) est frappant. Dans la ligne, le tribunal de grande instance de Colmar a estimé que « si l'occupation illicite d'un immeuble appartenant à la ville [...] s'oppose au droit de propriété de la ville, elle ne saurait à elle seule justifier en référé la mesure d'expulsion requise » ; la fratrie s’élevait, là, à sept unités, rien moins et, en l’espèce, la municipalité n’a rien entrepris pour reloger la famille[99]. Enfin, dans un arrêt du 17 septembre 1993, la cour d'appel de Paris a expressément reconnu qu'une occupation pouvait à la fois être « contraire à la loi mais dictée par un état de nécessité »[100]. Comme en matière pénale, l'état de nécessité a donc constitué un fait justificatif de la violation d'un droit[101].
42. L’insistance mise sur l’ordre public et l’atteinte y portée par une éventuelle évacuation de logement appelle une ultime réflexion. Lorsque, de manière générale, le titulaire du droit de propriété est appelé à rogner sur ses prérogatives, c’est parce que, souvent, se dresse face à lui une prérogative juridique de niveau équivalent (ou presque), mais inverse, comme le droit au logement. C’est l’invocation de l’un qui ferait fléchir l’autre, apparaît-il[102]. « Dès lors que l’application du droit de propriété et celle du droit au logement se trouvent simultanément revendiquées par leurs titulaires respectifs », explique par exemple le tribunal de grande instance de Saintes, saisi d'une demande d'expulsion, « il appartient au juge de faire prévaloir l’une de ces deux règles de droit de valeur constitutionnelle en fonction des éléments qui lui sont soumis par les parties »[103]. Or, dans les espèces précitées qui aboutissent à différer l’expulsion, il n’est que très rarement question du droit au logement (même pour celles qui sont postérieures à la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable), comme si la perturbation de l’ordre public suffisait déjà à postposer l’éviction, indépendamment des attributs juridiques dont peuvent se parer en guise de défense les occupants. Ce surcroît argumentatif ne joue donc pas ici, non point parce qu’il serait par soi inopérant, mais plutôt parce qu’il s’avère, in casu, superfétatoire.
CONCLUSION
43. La décision d’irrecevabilité prise le 12 octobre 2010 par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Cofinfo c. France cultive un paradoxe certain : empruntant très largement son architecture conceptuelle à la jurisprudence antérieure, elle dénote par une issue a priori imprévisible, à savoir la validation du refus d’exécution d’un jugement d’expulsion, concernant des squatteurs qui plus est. Le paradoxe n’est cependant qu’apparent dans la mesure où les circonstances propres à l’espèce assurent au présent contexte factuel une réelle singularité par rapport aux affaires précédentes.
Pour autant, il ne convient pas de faire dire à la décision du 12 octobre 2010 ce qu’elle ne dit pas. Celle-ci, autrement dit, ne consacre en rien un droit au squat, ni ne revient à faire interdiction aux Etats d’évincer les occupants illégaux. Du reste, le droit au logement n’est pas reconnu in se par la Convention européenne (même s’il fait l’objet d’une consécration médiate[104]), pas davantage que le droit au domicile (ou, à tout le moins, le droit de se voir fournir un domicile[105]). En revanche, cette prérogative, à ranger parmi les droits économiques et sociaux dits de la deuxième génération, a été érigée par la Cour en « intérêt conventionnellement protégé »[106], avec pour vertu d’apporter un contrepoint à l’exercice de certains droits comme le droit de propriété (le droit au respect des biens). Une multitude d’arrêts est illustrative de cette tendance[107] ; la décision Cofinfo vient grossir ces rangs.
Il s’en infère que si la décision du 12 octobre 2010 ne saurait aucunement s’entendre comme d’une prohibition généralisée des expulsions de logement, elle conduit à élargir sensiblement la latitude dont jouissent les Etats en matière d’exécution des décisions de justice. Au nom du droit au logement sensu lato, les instances nationales bénéficient désormais d’une marge d’appréciation élargie. Il resterait borgne, assurément, celui qui ne percevrait point la portée d’une telle évolution.
[2] Pour rappel, la cour administrative d’appel avait refusé de calquer ce montant sur le loyer escompté, attendu que Kentucky n’avait aucunement l’intention de se comporter en bailleur (ne serait-ce que parce que le bâtiment souffrait de défaut divers).
[3] Voy. les références infra.
[5] Cour eur. dr. h., arrêt Di Pede c. Italie, 26 septembre 1996, § 23.
[6] Cour eur. dr. h., arrêt Zappia c. Italie, 26 septembre 1996, § 19.
[7] Cour eur. dr. h., arrêt Matheus c. France, 31 mars 2005, § 71.
[8] Voy. à cet égard Fr. SUDRE, « Les "obligations positives" dans la jurisprudence européenne des droits de l'homme », cette revue, 1995, pp. 363 et s., ainsi que P. KENNA, « Housing rights : positive duties and enforceable rights at the European court of humain rights », E.H.R.L.R., 2008, n°2, pp. 198 et s.
[9] P. BOUCAUD, « Le droit aux contacts familiaux sous le prisme des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme », cette revue, 2007, p. 511.
[10] Cour eur. dr. h., arrêt Airey c. Irlande, 9 octobre 1979, § 25.
[11] Cour eur. dr. h., arrêt Burdov c. Russie, 7 mai 2002, § 34 et 37. Cf. aussi Cour eur. dr. h., arrêt Jasiuniene c. Lituanie, 6 mars 2003, § 27.
[17] S. VAN DROOGHENBROECK, La Convention européenne des droits de l'homme. Trois années de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme 2002-2004, vol. 1, Bruxelles, Bruylant (Les Dossiers du Journal des tribunaux), 2006, p. 120.
[18] Cour eur. dr. h., arrêt Pini et Bertani et Manera et Atripaldi c. Roumanie, 22 juin 2004, § 175. Voy. également Cour eur. dr. h., arrêt Maire c. Portugal, 26 juin 2003, § 73.
[19] Cour eur. dr. h., arrêt Pini et Bertani et Manera et Atripaldi c. Roumanie, 22 juin 2004, § 187.
[20] Cour eur. dr. h., arrêt Pini et Bertani et Manera et Atripaldi c. Roumanie, 22 juin 2004, § 183.
[21] Cour eur. dr. h., Gde ch., arrêt Immobiliare Saffi c. Italie, 28 juillet 1999, § 69, D., 2000, p. 187, note N. Fricero.
[22] « S'il est vrai qu'il existe en théorie la possibilité de demander au juge de l'exécution que la suspension de l'exécution forcée ne s'applique pas à une situation où le locataire est en retard dans le paiement des loyers, ce qui rendrait l'expulsion prioritaire, la nécessité en pratique d'entamer une procédure à cet effet, qui, dans son cas, a duré environ deux ans rendrait le système inopérant. De plus, le système législatif ne lui fournit aucun moyen de réagir en protégeant ses intérêts » (Cour eur. dr. h., arrêt Lunari c. Italie, 11 janvier 2001, § 27).
[23] Voy. également les affaires A.O. c. Italie du 30 mai 2000, Edoardo Palumbo c. Italie du 30 novembre 2000 et Tanganelli c. Italie du 11 janvier 2001.
[25] Cour eur. dr. h., Gde ch., arrêt Immobiliare Saffi c. Italie, 28 juillet 1999, § 74, D., 2000, p. 187, note N. Fricero.
[26] « Il appartient à chaque État contractant de se doter d’un arsenal juridique adéquat et suffisant pour assurer le respect des obligations positives qui lui incombent. La Cour a uniquement pour tâche d’examiner si en l’espèce les mesures adoptées par les autorités roumaines ont été adéquates et suffisantes » (Cour eur. dr. h., arrêt Ruianu c. Roumanie, 17 juin 2003, § 66). Voy. également Cour eur. dr. h., arrêt Ignaccolo-Zenide c. Roumanie, 25 janvier 2000, § 108.
[29] Cour eur. dr. h., arrêt Sabin Popescu c. Roumanie, 2 mars 2004, § 66.
[30] Cour eur. dr. h., Gde ch., arrêt Prince Hans Adam II de Liechtenstein c. Allemagne, 12 juillet 2001, § 44.
[36] Cour eur. dr. h., arrêt Sud Est Réalisations c. France, 2 décembre 2010, § 53.
[37] Cour eur. dr. h., arrêt Matheus c. France, 31 mars 2005, § 58.
[43] Cour eur. dr. h., arrêt Matheus c. France, 31 mars 2005, § 71.
[44] Cour eur. dr. h., arrêt Sud Est Réalisations c. France, 2 décembre 2010, § 54.
[45] § 57.
[47] Cour eur. dr. h., Gde ch., arrêt Immobiliare Saffi c. Italie, 28 juillet 1999, § 48, D., 2000, p. 187, note N. Fricero.
[49] Voy. infra.
[52] Du reste, la décision du 12 octobre 2010 ne juge pas utile de faire renvoi à l’arrêt Stanková c. Slovaquie.
[53] Voy. notamment, outre certaines des affaires précitées (comme Immobiliare Saffi c. Italie), le récent arrêt Kryvitska et Kryvitskyy c. Ukraine du 2 décembre 2010. Cf. aussi Cour eur. dr. h., arrêt McCann c. Royaume-Uni, 13 mai 2008.
[54] Voy. notamment Le Monde, 23 octobre 2010 (à propos de l’évacuation des squatteurs de la Place des Vosges à Paris).
[55] Loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, J.O., 6 mars 2007. Cf. également. le décret n°2007-1677 du 28 novembre 2007 relatif à l'attribution des logements locatifs sociaux, au droit au logement opposable et modifiant le code de la construction et de l'habitation, J.O. n°277 du 29 novembre 2007, ainsi que le décret n°2010-431 du 29 avril 2010 relatif à la procédure d'enregistrement des demandes de logement locatif social, J.O. n°0102, 2 mai 2010. Sur le DALO, voy. E. SALES, « La dualité du droit au logement opposable », Revue française de droit constitutionnel, 2009, pp. 601 et s., ainsi que N. BERNARD, « Le droit opposable au logement vu de l'étranger : poudre aux yeux ou avancée décisive ? », Revue du droit public et de la science politique en France et à l'étranger, 2008, n°3, pp. 833 et s., ainsi que E. JAULNEAU, « La force normative des 'droits à ...': le prisme du droit au logement opposable en France », La force normative. Naissance d'un concept, sous la direction de C. Thibierge, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 211 et s. Pour des applications jurisprudentielles, voy. notamment C.E. fr., 4 février 2010, n°334958, A.J.D.A., 2010, p. 1723, note, ainsi que C.E. fr., 21 juillet 2009, n°324809, A.J.D.A., 2009, p. 1463. Voy. également l’avis C.E. fr., 2 juillet 2010, n°332825, A.J.D.A., 2010, p. 1948, note.
[56] Loi n°82-526 du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations du locataire, J.O., 23 juin 1982, art. 1er, souligné par nous. Sur cette législation, voy. notamment R. SAINT-ALARY, « Le droit à l’habitat et les nouvelles relations entre propriétaires et locataires », D., 1982, pp. 239 et s.
[57] Et non plus le droit à l'habitat comme mentionné dans la loi du 22 juin 1982; il y a là plus qu'une nuance.
[58] Loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, J.O., 8 juillet 1989.
[59] Art. 1er, al. 1er, de loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, J.O., 2 juin 1990. Sur le détail de cette législation, voy. A. DURANCE, « La loi du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement », Rev. droit immob., 1990, pp. 313 et s. Cf. également R. ROUQUETTE, « Le droit au logement », A.J.P.I., 1990, pp. 763 et s
[60] Loi n°98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, J.O., 31 juillet 1998, art. 31. Voy. également l’art. 1er : « La lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation. La présente loi tend à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance. L’État, les collectivités territoriales, les établissements publics dont les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, les organismes de sécurité sociale ainsi que les institutions sociales et médico-sociales participent à la mise en œuvre de ces principes ». Sur cette législation cadre, voy. notamment W. CASSIERS, « La loi française du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions : un exemple à suivre? », D.Q.M., n°22, 1999, pp. 17 et s.
[61] C.C., n°94.359 DC (Loi relative à la diversité de l'habitat), 19 janvier 1995, Rec., p. 176 et A.D., 1995, p. 455, note B. Jorion. Voy. H. PAULIAT, « L'objectif constitutionnel de droit à un logement décent : vers le constat de décès du droit de propriété ? », D., 1995, p. 284
[62] Paris, 15 septembre 1995, D., 1995, p. 224.
[63] C.C., n°98-403 DC (Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions), 29 juillet 1998, Rec., p. 276.
[64] B. GENEVOIS, La jurisprudence du Conseil constitutionnel. Principes directeurs, Paris, STH, 1988, p. 205.
[65] C.C., n°98-403 DC (Loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions), 29 juillet 1998, Rec., p. 276.
[66] C.E. fr., 3 mai 2002, A.J.D.A., liv. 11, p. 818, note E. Deschamps.
[67] Voy. de manière générale F. ZITOUNI, « Le Conseil constitutionnel et le logement des plus démunis », Les petites affiches, 1996, pp. 14 et s.
[68] F. POLLET-ROUYER, « Droit au logement. Contribution à l'étude d'un droit social », Revue de la recherche juridique. Droit prospectif, 2000, p. 1657.
[69] Art. 16 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, J.O., 14 juillet 1991. Voy. également l'art. 50 du décret n°92/755 du 31 juillet 1992, J.O., 5 août 1992.
[70] Septante-sept millions d'euros ont ainsi été déboursés en 2005 par exemple. Voy. pour de plus amples développements le Rapport sur les indemnisations de refus de concours de la force publique publié en 2006 par la Mission d'audit de modernisation du Gouvernement français.
[71] Voy., pour une application, C.E. fr., 27 avril 2007, n°291410. Le Conseil d’Etat, en l’espèce, rejette le recours formé par le Ministre de l’intérieur contre une décision d’un tribunal administratif octroyant à des bailleurs une indemnité « pour refus de concours de la force publique lors d’une procédure d’expulsion locative ».
[72] Cf. notamment les articles L 613-1 et s. du Code de la construction et de l’habitation, ainsi que l’art. 62 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution. Pour de plus amples développements sur la question, voy. J.-L. RADIGON et S. HORVATH, Expulsion et droit au logement, Paris, Dalloz, 2002, G. FLAMANT, « La législation française », Expulsions du logement et dignité humaine (actes du colloque organisé à Bruxelles le 18 mai 2001 par les Facultés universitaires Saint Louis), D.Q.M., 2003, n°34, pp. 51 et s., ainsi que X., « Un aperçu de la procédure d’expulsion en droit français », Echos log., 1999, pp. 76 et s.
[73] Art. L 613-3 du Code de la construction et de l’habitation.
[74] Voy. l’al. 2 de l’art. L 613-3 du Code de la construction et de l’habitation, ainsi que la deuxième phrase de l’al. 1er de l’art. 62 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution.
[75] Voy., pour une application récente, Cour appel de Paris, 11 mars 2010, Echos log., 2010, n°2, p. 34. Le locataire (dont l’expulsion était postulée) émargeant au R.M.I., la juridiction estime qu’il « ne peut à l’évidence se reloger dans le secteur locatif privé, et n’apparaît pas avoir pu faire les démarches adéquates pour avoir un logement social avant il y a quelques mois ; que son expulsion rapide des lieux où il vit depuis de nombreuses années, eu égard à la fragilité de sa situation tant psychique que pécuniaire, aurait pour lui des conséquences irréversibles, l’entraînant dans une situation de perdition ; que cette situation justifie l’octroi d’un délai d’un an pour se maintenir dans les lieux ». Voy. également, dans un registre quelque peu différent, Cass. fr. (crim.), 30 mai 2000, n°99-83613 : « D’autre part, qu’en considérant que la société d’ HLM était fondée à invoquer l’inadaptation du logement à la taille et à la composition du ménage pour justifier le refus d’attribution d’un logement vacant en plein hiver à une famille démunie comprenant les parents et cinq enfants dont plusieurs en bas âge, la privant ainsi du droit à un logement décent, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen. Alors, de troisième part, qu’en ne considérant pas comme discriminatoire, en tant que constituant un traitement inhumain et dégradant, le refus de relogement de la famille dans de telles conditions, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen. Alors, de quatrième part, qu’en ne retenant pas le délit de discrimination tandis que les conditions de refus de relogement constituaient une atteinte au respect de la vie familiale, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ».
[76] Voy. sur le thème N. BERNARD, « Pas d'expulsion sans relogement... du moins lorsqu'il s'agit d'un bailleur public », obs. sous J.P. Uccle, 16 avril 2007, J.L.M.B., 2007, pp. 1006 et s. Cf. également N. BERNARD, « Expulsion et obligation de relogement : quand le droit constitutionnel au logement change de nature », obs. sous J.P. Bruxelles, 26 mai 2009, R.G.D.C., 2009, pp. 510 et s.
[77] Civ. Bruxelles, 19 juin 2002, Échos log., 2004, p. 29, note L. THOLOMÉ. Voy. également Civ. Bruxelles, 29 janvier 2001, J.T., 2001, p. 576 (« La doctrine et la jurisprudence reconnaissent au droit au logement décent consacré par la Constitution la nature d'un droit subjectif, particulièrement à l'égard des institutions chargées de l'aide sociale »).
[79] Voy. notamment Trib. gr. inst. Pontoise, 1er mars 1996, D.Q.M., 1997, n°15, p. 50, note A. Duquesne. Cf. aussi Cour eur. dr. h., arrêt Fadeyeva c. Russie, 9 juin 2005.
[80] Voy. à cet effet l’Observation générale n°7 (« Le droit à un logement suffisant (art. 11.1) du Pacte : expulsions forcées ») adoptée le 20 mai 1997 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies (commis à la surveillance de l'application, par les Etats parties, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels) : « Lorsqu'une personne ne peut subvenir à ses besoins, l'Etat partie doit, par tous les moyens appropriés, au maximum de ses ressources disponibles, veiller à ce que d'autres possibilités de logement, de réinstallation ou d'accès à une terre productive, selon le cas, lui soient offertes » (point 16).
[84] P. GROSIEUX, note sous C.E., 29 mars 2002, A.J.D.A., 2003, p. 349.
[85] Trib. gr. inst. Lyon (réf.), 16 novembre 2009, Echos log., 2010, n°2, p. 33.
[86] « Lorsqu’une installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d’y établir des habitations comporte de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l’État dans le département, ou, à Paris, le préfet de police, peut mettre les occupants en demeure de quitter les lieux [...] Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions prévues au II, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des lieux, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. Le cas échéant, le préfet saisit le président du tribunal de grande instance d’une demande d’autorisation de procéder à la destruction des constructions illicites édifiées pour permettre l’installation en réunion sur le terrain faisant l’objet de la mesure d’évacuation. Le président du tribunal ou son délégué statue, en la forme des référés, dans un délai de 48 heures ».
[87] La législation a déjà été votée par l’Assemblée nationale le 16 décembre 2010 et, à l’heure actuelle, est à l’examen au Sénat.
[88] Sensiblement différente est la question de l’immeuble qui, s’il est effectivement libre de toute habitation au moment de son arraisonnement, constitue bien toujours le domicile d’un ménage. A cet égard, voy. notamment l’art. 38 de la loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, J.O., 6 mars 2007 : « En cas d'introduction et de maintien dans le domicile d'autrui à l'aide de manoeuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, le propriétaire ou le locataire du logement occupé peut demander au préfet de mettre en demeure l'occupant de quitter les lieux, après avoir déposé plainte, fait la preuve que le logement constitue son domicile et fait constater l'occupation illicite par un officier de police judiciaire.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou au locataire.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé, le préfet doit procéder à l'évacuation forcée du logement, sauf opposition du propriétaire ou du locataire dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure ».
[89] Voy. à ce propos Trib. gr. inst. Colmar (réf.), 26 septembre 1997, D.Q.M., 1998, n°20, p. 8, note : « [...] la défenderesse [une famille en situation de squat] étant sans titre mais non sans droit pour bénéficier de la protection de la loi du 31 mai 1990 qui consacre en son article premier le principe général pour toute personne de disposer d’un logement décent [...] ».
[90] « Sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux. S'il s'agit de personnes non dénommées, l'acte est remis au parquet à toutes fins » (art. 61 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution).
[91] Dans certains cas, par conséquent, il peut advenir que « les délais et les méthodes d'expulsion so[ie]nt constitutifs d'une voie de fait justifiant que l'expulsion soit annulée, quand bien même [le bailleur] était en droit de poursuivre » (Trib. gr. inst. Evry, 3 septembre 1996, D.Q.M., 1997, n°15, p. 46, note A. Duquesne). En l’espèce, « l'huissier s'est présenté très tôt le matin, accompagné d'une vingtaine de personnes qualifiées de "commando" ou de "videurs". La porte a été défoncée, les bruits et les cris entendus ont été très violents, des meubles ou cartons ont été jetés et manipulés de façon particulièrement brutale, certains étant même brisés ».
[92] Voy. l’Observation générale n°7 (« Le droit à un logement suffisant (art. 11.1) du Pacte : expulsions forcées ») adoptée le 20 mai 1997 par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies. « Ainsi, outre qu'elle constitue une violation manifeste des droits consacrés dans le Pacte, la pratique des expulsions forcées peut aussi entraîner des atteintes aux droits civils et politiques, tels que le droit à la vie, le droit à la sécurité de sa personne, le droit de ne pas faire l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille ou son domicile et le droit au respect de ses biens » (point 4).
[93] Malgré des tentatives législatives en ce sens. Voy., pour la Belgique par exemple, la proposition de loi déposée le 30 octobre 2003 par Tony Van Parijs incriminant le squat d'immeubles et étendant l'incrimination de la violation de domicile (Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2003-2004, n°51-336/1).
[94] Voy. notamment les art. 226-4 et 432-8 du Code pénal français. Cf. également l’art. 439 du Code pénal belge.
[95] Voy., outre l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
[96] Voy. entre autres l’arrêt de la cour d’appel de Versailles du 31 janvier 1995 : « N'est pas constitué le délit de violation de domicile au sens de l'article 226-4 du Code pénal, qui exige une introduction dans le domicile d'autrui, lieu servant effectivement à l'habitation et occupé, dès lors qu'il est constant que l'appartement dans lequel s'est introduit le prévenu, en forçant la serrure, était totalement vide de toute occupation » (8e ch. corr.., n°95-423).
[97] Le domicile est ainsi le « lieu où une personne, qu'elle y habite ou non, a le droit de se dire chez elle, quel que soit le titre juridique de son occupation et l'affectation donnée aux locaux » (Cass. fr. (crim.), 22 janvier 1997, n°95-81.186, souligné par nous). Voy. également Rennes, 4 septembre 2001, n°00-01417.
[98] C.E. fr. (réf.), 17 juillet 2003, n°258506, Échos log., 2003, p. 184.
[99] Trib. gr. inst. Colmar (réf.), 26 septembre 1997, D.Q.M., 1998, n°20, p. 8, note.
[100] Paris, 17 septembre 1993, D., 1993, p. 230.
[101] C'est que le propriétaire ne cultivait aucun projet précis pour son bien laissé vacant tandis que les occupants, certes sans titre ni droit, se trouvaient eux dans la « nécessité » de se loger. L'invocation du droit au logement a permis, en définitive, de purger l'occupation de son illégalité originaire. Voy. toutefois Paris, 26 novembre 1997, A.J.P.I., 1988, p. 623 : les intimés, « en pénétrant dans les locaux murés et en les occupant sans titre ni droit, avaient causé au propriétaire un trouble manifestement illicite, leur situation et leur demande de logement décent ne justifiant pas une telle atteinte au droit ».
[102] Voy. plus généralement F. COHET-CORDEY, « Le droit au logement et le droit de propriété sont-ils inconciliables ? », L'actualité juridique Droit immobilier, 1998, pp. 604 et s.
[103] Trib. gr. inst. Saintes (réf.), 28 mars 1995, D.Q.M., 1996, n°12, pp. 24 et s., obs. N. Bernard. En l’espèce, c’est le principe du droit au logement qui a prévalu (avec, à la clef, une prorogation de bail de 6 mois). Dans cette affaire, synthétise Hélène Pauliat, « le juge a fait clairement prévaloir le droit au logement sur le droit de propriété comme étant à un moment donné socialement plus utile que le droit de propriété en tant que tel » (H. PAULIAT, « L'objectif constitutionnel de droit à un logement décent : vers le constat de décès du droit de propriété ? », D., 1995, p. 285).
[104] Voy. notamment N. BERNARD, « Pas d'expulsion de logement sans contrôle juridictionnel. Le droit au logement et la Cour européenne des droits de l'homme », cette revue, 2009, pp. 527 et s. Cf. également K. GARCIA, « Le droit au logement décent et le respect de la vile familiale », cette revue, 2007, pp. 1128 et s., P. de FONTBRESSIN, « De l'effectivité du droit à l'environnement sain à l'effectivité du droit à un logement décent », cette revue, 2006, pp. 87 et s., S. PRISO, « La dignité par le logement : l’article 1er du Protocole n°1 de la CEDH et la lutte contre la précarité », Les droits fondamentaux, sous la direction de J.-Y. Morin, Bruylant, Bruxelles, 1997, p. 109 et s., ainsi que P. LAMBERT, « Le droit de l’homme à un logement décent », cette revue, 2001, pp. 45 et s.
[106] Cf. Fr. TULKENS et S. VAN DROOGHENBROECK, « Le droit au logement dans la Convention européenne des droits de l'homme. Bilan et perspectives », Le logement dans sa multidimensionnalité : une grande cause régionale, sous la direction de N. Bernard et Ch. Mertens, Ministère de la Région wallonne, Namur, collection Études et documents, 2005, p. 320.
[107] Voy., pour une application récente, Cour eur. dr. h., arrêt Almeida Ferreira et Melo Ferreira, 21 décembre 2010. Cf. plus généralement N. BERNARD, « Pas d'expulsion de logement sans contrôle juridictionnel. Le droit au logement et la Cour européenne des droits de l'homme », cette revue, 2009, pp. 527 et s.
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