mardi 25 janvier 2011

Le TGI de Melun rebranche provisoirement l’électricité dans un terrain familial privé




Dans sa décision DL RG : 1000488 ordonnance 11/00020, le tribunal de grande instance de Melun ordonne à ERDF de rétablir un raccordement provisoire à une famille vivant en caravanes sur un terrain lui appartenant. S’appuyant sur l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, le juge considère que « le refus de faire droit à une demande d’alimentation électrique provisoire constitue une ingérence d’une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale ». Il précise en outre que le pouvoir du police du maire (Article L 2212-2 du code de l’urbanisme), ne s’appliquent qu’en matière de raccordement définitif au réseau). Il fait en outre référence à une décision du Conseil d’Etat du 15 décembre dernier se rapportant à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés publiques, annule les décisions refusant les raccordements aux réseaux d’eau, d’électricité et de gaz à un terrain familial privé.

Document décision du coseil sur laquelle s'appuie le TGI
Conseil d’État
N° 323250
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
M. Stirn, président
M. Guillaume Prévost, rapporteur
Mme Escaut Nathalie, commissaire du gouvernement
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE, avocat(s)
Lecture du mercredi 15 décembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2008 et 11 mars
2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Sandra A, demeurant 36, rue
de la Fontaine à Gouvernes (77400) ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 07PA01761 du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de
Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0406457 du 15 février 2007 du tribunal
administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet
opposée par le maire de la commune de Gouvernes à sa demande, en date du 20 septembre 2004,
tendant au raccordement du terrain dont elle est propriétaire au réseau d’eau potable ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1
du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi du 2 mai 1930 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A, et de la SCP Coutard,
Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A et à la
SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a installé sur un
terrain dont elle est propriétaire situé à Gouvernes (Seine-et-Marne) deux caravanes dans lesquelles elle
habite avec son compagnon et leurs cinq enfants ; que ce terrain étant situé en zone ND du plan
d’occupation du sol, dans le périmètre d’un site classé et dans le périmètre de protection d’un monument
historique, l’installation des caravanes y était interdite par les dispositions en vigueur de l’article R. 449-
9 du code de l’urbanisme ; que le maire de la commune de Gouvernes a implicitement rejeté sa demande
en date du 20 septembre 2004 tendant au raccordement de ce terrain au réseau d’eau potable ; que Mme
A se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de
Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 15 février 2007
qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision implicite ;
Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité
publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle
constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la
sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés
d’autrui. ;
Considérant que la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l’article L. 111-6 du code
de l’urbanisme, un raccordement d’une construction à usage d’habitation irrégulièrement implantée aux
réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d’une ingérence d’une autorité
publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, si une
telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d’urbanisme et
de sécurité ainsi que la protection de l’environnement, il appartient, dans chaque cas, à l’administration
de s’assurer et au juge de vérifier que l’ingérence qui découle d’un refus de raccordement est, compte
tenu de l’ensemble des données de l’espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que le refus implicite de raccordement du
terrain au réseau d’eau potable opposé par le maire de la commune de Gouvernes à la demande
présentée par Mme A ne pouvait être regardé comme une ingérence dans son droit au respect de la vie
privée et familiale, la cour a commis une erreur de droit et méconnu les stipulations de l’article 8 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, dès
lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander
l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Gouvernes
le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code
de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la
présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par elle et non
compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er
L’arrêt du 16 octobre 2008 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.
Article 2
L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3
La commune de Gouvernes versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative.
Article 4
Les conclusions de la commune de Gouvernes tendant à l’application des dispositions de l’article L.
761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5
La présente décision sera notifiée à Mme Sandra A, à la commune de Gouvernes et au ministre de
l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
 

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