N° 2487
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2010.
PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre l’absentéisme scolaire,
(Renvoyée à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Éric CIOTTI, Xavier BERTRAND, Alain GEST, Arnaud ROBINET, Bernard DEPIERRE, Bernard GÉRARD, Charles-Ange GINESY, Christian KERT, Christine MARIN, Claude GREFF, Damien MESLOT, Daniel MACH, David DOUILLET, Denis JACQUAT, Dominique DORD, Édouard COURTIAL, Élie ABOUD, Jean-Marie BINETRUY, Éric STRAUMANN, Étienne BLANC, François-Michel GONNOT, François GROSDIDIER, Francis SAINT-LÉGER, Françoise GUÉGOT, Frédéric REISS, Gabriel BIANCHERI, Henriette MARTINEZ, Jacques LAMBLIN, Jacques Alain BÉNISTI, Jean-Paul ANCIAUX, Jean-Claude BOUCHET, Jean-Claude GUIBAL, Jean-François MANCEL, Jean-Marc ROUBAUD, Jean-Michel FERRAND, Lionnel LUCA, Marguerite LAMOUR, Marie-Louise FORT, Nicolas DHUICQ, Pascal CLÉMENT, Patrick BALKANY, Philippe GOUJON, Philippe VITEL, Rudy SALLES, Valérie BOYER, Jean-Pierre SCHOSTECK, Yanick PATERNOTTE, Gérard GAUDRON, Patrice CALMÉJANE, Daniel SPAGNOU, Jean-Pierre DECOOL, Nicolas PERRUCHOT, Claude BODIN, Jean-Paul GARRAUD, Muriel MARLAND-MILITELLO, Dominique TIAN, Christian VANNESTE, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Guy GEOFFROY, Gérard HAMEL, Gérard VOISIN, Michel TERROT, Thierry LAZARO, Christian MÉNARD et Thierry MARIANI,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En France métropolitaine, pour l’année scolaire 2007-2008, 7 % des élèves en moyenne étaient en situation d’absentéisme scolaire ou de décrochage, soit plus de quatre demi-journées d’absence non justifiée par mois, tous types d’établissements du second degré confondus(1).
Cette situation concerne de plus en plus d’élèves. Elle est inacceptable car elle est le premier indicateur d’une situation de danger pour ces enfants qui peut les conduire à la marginalisation, à l’exclusion, voire à la délinquance.
L’objectif de cette proposition de loi est donc de lutter avec détermination contre ce fléau.
Le constat est clair : les outils d’accompagnement et de soutien dispensés n’ont pas permis, à eux seuls, d’enrayer ce phénomène.
La loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances a mis en place le contrat de responsabilité parentale (CRP) avec une faculté de suspension et de suppression des allocations familiales dont le champ d’application est plus large que le seul absentéisme scolaire.
Plusieurs contrats de responsabilité parentale ont été mis en œuvre entre familles et présidents de conseils généraux. C’est notamment le cas dans les Alpes-Maritimes où 65 contrats ont été signés. Les résultats dans ce département sont positifs, puisque 80 % des enfants concernés ont retrouvé le chemin de l’école.
Malheureusement, très peu de conseils généraux recourent effectivement à ce dispositif.
Nous devons donc refonder notre politique de lutte contre l’absentéisme scolaire en l’inscrivant dans une logique d’efficacité, de simplicité et d’équilibre entre droits et devoirs. En effet, l’octroi d’allocations familiales constitue le corollaire de l’exercice de l’autorité parentale. Face aux droits correspondent des devoirs, ceux d’être vigilants et attentifs à l’éducation des enfants.
Ce lien est un principe ancien de notre politique familiale.
Quel que soit le dispositif, du décret loi du 12 novembre 1938 à l’ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959, du décret n° 66-104 du 18 février 1966 (qui prévoit un dispositif de suspension et suppression en cas d’absentéisme scolaire) en passant par la loi de 1946, la même logique prévaut : le droit aux prestations familiales s’accompagne de devoirs dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
Si les parents n’exercent pas leur autorité parentale, si des carences en matière éducative sont constatées, des sanctions doivent être exercées et la suspension des allocations familiales effectivement réalisée.
Cette réponse doit être graduée et adaptée au comportement de l’enfant et à la situation de la famille.
Nous disposons, d’ores et déjà, d’un grand nombre d’outils d’aide sociale qui peuvent être mobilisés à tous les niveaux : la commune, le conseil général et le réseau des caisses d’allocations familiales peuvent orienter les familles vers des actions d’accompagnement. Ces dispositifs dans lesquels l’ensemble des acteurs institutionnels sont mobilisés doivent être mieux valorisés.
Cette proposition de loi visant à lutter contre l’absentéisme scolaire repose résolument sur la réhabilitation de l’exercice de l’autorité parentale. En effet, la lutte contre l’absentéisme scolaire doit s’appuyer sur un équilibre entre accompagnement et soutien des parents d’un côté et effectivité de la sanction de l’autre.
Renforcer l’autorité parentale.
Il est proposé un dispositif gradué et proportionné pour alerter, accompagner et, le cas échéant, sanctionner par la suspension des allocations familiales, les parents dont les enfants seraient absents à l’école de manière récurrente et non justifiée.
– Lorsque le chef d’établissement constate l’absentéisme de l’élève, selon le critère actuel, à savoir au moins quatre demi-journées d’absence non justifiées sur un mois, il le signale alors à l’inspecteur d’académie.
– L’inspecteur d’académie adresse alors un avertissement à la famille concernée pour la rappeler à ses obligations légales et l’informer sur les différents outils d’accompagnement parental. Il saisit parallèlement le président du conseil général en vue, le cas échéant, de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale.
– Si au cours de la même année scolaire, l’absentéisme de l’élève est à nouveau constaté par le chef d’établissement (selon le même critère d’au moins quatre demi-journées d’absences non justifiées sur un mois), l’inspecteur d’académie, après avoir permis aux parents de justifier ces absences, a l’obligation de saisir le directeur de la CAF, qui a lui-même compétence liée pour suspendre immédiatement le versement de la part des allocations familiales afférente à l’enfant en cause.
– La reprise du versement n’intervient que si l’inspecteur d’académie constate que l’élève est à nouveau assidu pendant une durée d’au moins un mois de scolarisation (hors vacances scolaires) depuis la prise d’effet de la suspension.
– Le rétablissement est rétroactif sauf si, depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences d’au moins quatre demi-journées par mois sans motif légitime ou excuse valable ont été constatées. Dans ce dernier cas, à la demande de l’inspecteur d’académie et après que les représentants légaux de l’enfant ont été mis à même de présenter leurs observations, le versement est amputé d’autant de mensualités que de mois où les absences injustifiées d’au moins quatre demi-journées ont été constatées depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension.
Le chaînage ainsi proposé est vertueux :
– il crée un ensemble de solutions adaptées et proportionnées à toutes les étapes du cycle d’absentéisme scolaire ;
– il donne une chance aux parents, à chaque étape de la procédure, de se remettre en position d’autorité face à leurs enfants.
Mieux accompagner les parents.
Afin de soutenir les parents dans leur rôle, les contrats de responsabilité parentale, institués par la loi du 31 mars 2006 relative à l’égalité des chances, permettent de traduire dans un texte co-signé par les parents et le président du conseil général les engagements, les mesures d’accompagnement et les sanctions encourues. Toutefois, ces contrats étaient jusqu’à présent à la seule initiative des présidents des conseils généraux.
C’est la raison pour laquelle il est proposé de permettre aux parents, ainsi qu’aux représentants légaux du mineur d’être à l’initiative de contrats de responsabilité parentale.
Par ailleurs, les différents outils d’accompagnement des parents, créés et renforcés au cours de ces cinq dernières années, sont présentés et proposés aux familles à tous les stades du nouveau dispositif de lutte contre l’absentéisme scolaire :
– lorsque l’inspecteur d’académie adresse un premier avertissement aux parents ;
– lorsque le directeur de la caisse d’allocations familiales informe les parents de la suspension de leurs allocations familiales.
Parallèlement, le président du conseil général est saisi dès la phase d’avertissement de la situation d’absentéisme et peut prendre contact avec la famille pour lui proposer la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale.
Ainsi, les articles 1 et 2 instaurent un nouveau dispositif de responsabilisation des parents et en décrivent les nouvelles modalités dans le code de l’éducation.
Ces articles définissent le rôle de l’ensemble des acteurs concernés (directeur d’établissement, inspecteur d’académie, président du conseil général, directeur de la caisse d’allocations familiales) dans la lutte contre le défaut d’assiduité à l’école.
Ils instituent un dispositif de sanction graduée et proportionnée à destination des parents dont les enfants sont absentéistes en prévoyant, après un premier avertissement, la suspension immédiate du versement de la part des allocations familiales afférentes à l’enfant absentéiste.
Ils précisent que le versement n’est rétabli que lorsque l’assiduité de l’enfant a pu être constatée pendant une période d’un mois de scolarisation.
Ils prévoient également que le rétablissement des allocations familiales est rétroactif sauf si, depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension, au moins quatre demi-journées d’absence ont été à nouveau relevées. Dans ce cas le versement est amputé d’autant de mensualités que de mois d’absence constatés.
Enfin, ils tirent les conséquences de ce nouveau dispositif de suspension des allocations familiales dans le code de la sécurité sociale.
L’article 3 prévoit les nouvelles modalités de mise en œuvre du contrat de responsabilité parentale.
I. – Cet article inscrit dans la loi une nouvelle occasion pour le président du conseil général de proposer un contrat de responsabilité parentale, à savoir lorsque l’inspecteur d’académie lui signale l’absentéisme d’un enfant, afin de proposer des solutions le plus en amont possible.
II. – Il renforce cet outil de responsabilisation en instituant la possibilité pour les parents d’être à l’initiative de sa signature.
III. – Il tire les conséquences de la création du nouveau dispositif de lutte contre l’absentéisme scolaire en supprimant la possibilité pour le président du conseil général de saisir le directeur de la Caisse d’allocations familiales pour suspension des allocations familiales, et ce uniquement dans le cas de défaut d’assiduité à l’école, en maintenant les autres cas dans lesquels il pourra solliciter une telle mesure.
L’article 4 tire les conséquences de ce nouveau dispositif de responsabilisation sur l’ensemble des revenus minimum (revenu de solidarité active, ainsi que le revenu minimum d’insertion et l’allocation parent isolé qui subsistent dans les départements d’Outre-mer).
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’article L. 131-8 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les cas suivants, le directeur ou la directrice de l’établissement d’enseignement saisit l’inspecteur d’académie afin qu’il adresse un avertissement aux personnes responsables de l’enfant, leur rappelle les sanctions administratives et pénales applicables et les informe sur les dispositifs d’accompagnement parental auxquels ils peuvent avoir recours : »
2° Les sixième et septième alinéas sont remplacés par les dispositions suivantes :
« L’inspecteur d’académie saisit sans délai le président du conseil général du cas des enfants pour lesquels un avertissement est intervenu en vue, le cas échéant, de la mise en place d’un contrat de responsabilité parentale prévu à l’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles. »
3° À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « communique », est inséré le mot : « trimestriellement ».
4° L’article est complété par les dispositions suivantes :
« Dans le cas où, au cours d’une même année scolaire, une nouvelle absence de l’enfant mineur d’au moins quatre demi-journées sur un mois est constatée en dépit de l’avertissement adressé par l’inspecteur d’académie, ce dernier, après avoir mis les responsables légaux à même de présenter leurs observations, et en l’absence de motif légitime ou d’excuse valable, saisit le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qui suspend immédiatement le versement de la part des allocations familiales dues au titre de l’enfant en cause, calculées dans les conditions fixées par l’article L. 552-3-1 du code de la sécurité sociale. Le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales informe l’inspecteur d’académie ainsi que le président du conseil général de la date de mise en œuvre de cette suspension. Il informe les familles de cette décision et des dispositifs d’accompagnement parental qui sont à leur disposition.
« Le versement n’est rétabli que lorsque l’inspecteur d’académie a signalé au directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales qu’aucun défaut d’assiduité sans motif légitime ou excuse valable n’a été constaté pour l’enfant concerné pendant une période d’un mois de scolarisation, éventuellement interrompu par des vacances scolaires, depuis le mois au titre duquel le versement des allocations familiales a été suspendu.
« Le rétablissement est rétroactif sauf dans le cas où, depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension, une ou plusieurs nouvelles absences de quatre demi-journées par mois sans motif légitime ou excuse valable ont été constatées. Dans ce dernier cas, à la demande de l’inspecteur d’académie et après que les représentants légaux de l’enfant ont été mis à même de présenter leurs observations, le versement est amputé d’autant de mensualités que de mois où les absences injustifiées d’au moins quatre demi-journées ont été constatées depuis l’absence ayant donné lieu à la suspension.
« La suspension des allocations familiales ne peut prendre effet qu’à une date permettant de vérifier sous deux mois la condition de reprise d’assiduité définie aux deux alinéas précédents. »
Article 2
Après l’article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, est inséré un article L. 552-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-3-1. – En cas de manquement à l’obligation d’assiduité scolaire, le directeur de l’organisme débiteur des prestations familiales suspend sur demande de l’inspecteur d’académie le versement de la part des allocations familiales due au titre de l’enfant à l’origine du manquement, dans les conditions définies à l’article L. 131-8 du code de l’éducation. Le rétablissement des allocations familiales s’effectue selon les modalités précisées à ce même article. Les modalités de calcul de la part due au titre de l’enfant en cause sont définies par décret en Conseil d’État. »
Article 3
L’article L. 222-4-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Avant le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque le président du conseil général est saisi par l’inspecteur d’académie en cas d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, il peut proposer aux parents ou représentants légaux du mineur concerné la signature d’un contrat de responsabilité parentale. »
2° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « d’absentéisme scolaire, tel que défini à l’article L. 131-8 du code de l’éducation, » sont supprimés.
3° Après la première phrase du premier alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Un contrat de responsabilité parentale peut également être signé à l’initiative des parents ou du représentant légal d’un mineur. »
4° Au deuxième alinéa, après le mot : « mineur », sont insérés les mots : « , à l’exception de celles relatives à l’obligation d’assiduité scolaire, ».
Article 4
I – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L’article L. 262-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte pour le calcul du revenu de solidarité active. »
2° L’article L. 262-10, dans sa version maintenue en application de l’article 29 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, la part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation demeure prise en compte pour déterminer le montant des ressources servant au calcul de l’allocation. »
II – Après la première phrase du second alinéa de l’article L. 524-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version maintenue en application de l’article 29 de la loi n° 2008-1249 du 1er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion, est ajoutée la phrase suivante :
« La part des allocations familiales dont le versement fait l’objet d’une mesure de suspension ou de suppression en application de l’article L. 131-8 du code de l’éducation restent prises en compte dans les ressources de la personne. »
1 () Repères et références statistiques – édition 2007 – Direction de l’évaluation, de la prévision et de la performance (DEPP), Éducation Nationale, p. 58 et 59.
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