Horizons lointains
Notre collègue journaliste Martine Kis a communiqué aux Dépêches tsiganes, cet article publié dans le Courrier des Maires. Il offre un intéressant point de vu sur les problèmes du mal logement à partir de Tokyo…
Japon
« Invisibles » SDF de Tokyo
Dans le parc d’Ueno, au nord de Tokyo, des centaines d’hommes patientent sans broncher, assis chacun sur un carton. Pauvrement vêtus mais propres, certains en train de lire. Tous attendent une distribution de nourriture gratuite. Pour la plupart, ils sont sans domicile. Sujet tabou dans un pays fier de sa cohésion sociale et de sa sécurité de l’emploi. Ils seraient entre 10 000 et 25 000, pour une population de plus de 127 millions (à rapporter aux 100 000 sans-abri estimés
en France pour 64 millions d’habitants). Un chiffre qui cependant ne prend en compte que les personnes dans l’espace public. Chômeurs et travailleurs pauvres réfugiés dans les hôtels capsules ou dans les cafés web sont oubliés.
Recensement
« En 2008, la ville a recensé 2 700 sans-abri, explique David- Antoine Malinas, enseignant à l’université de Hitotsubashi. Mais les fonctionnaires ne comptaient qu’entre 12 heures et 18 heures. Or, les sans-abri sortent plus tard. » Le phénomène des sans-abri apparaît au début des années 90, avec la première crise économique. Des journaliers du BTP, habitant pour la plupart un quartier ghetto ne figurant sur aucune carte, se retrouvent au chômage. Artisans du boom économique du Japon, bâtisseurs des JO de 1964, âgés de plus de 50 ans en général, ils n’ont aucun espoir de retrouver un travail. La crise des années 2000 amplifie le problème. Les SDF récupèrent des matériaux et construisent des abris de fortune dans les parcs, sous les ponts, sur les rives de la Sumida, le fleuve de Tokyo. Certains se sédentarisent sous des villages de tentes en bâche bleue Au début des années 2000, la ville de Tokyo crée un centre d’hébergement d’urgence et un centre d’aide à l’autonomie par le travail. Mais les démarches pour accéder au centre sont lourdes et la majorité des sans abri est trop âgée pour une réinsertion professionnelle.
Renoncement de l’Etat
A partir de 2004, la ville se concentre sur les personnes installées sous des tentes dans les parcs en leur proposant un logement privé à très faible loyer pour deux ans seulement : 2 000 logements sont disponibles. Les tentes restantes sont détruites aussitôt vides ce qui réduit la sédentarisation. Après une baisse apparente du nombre de SDF, le système est débordé par la dernière crise. Depuis, l’Etat a quasiment renoncé à intervenir, laissant les bénévoles des associations religieuses et partis politiques, souvent d’extrême gauche, intervenir. Et la société continue à détourner le regard.
Martine Kis
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