lundi 27 décembre 2010

Loppsi 2 : Tribune commune « Halem, La Voix des Rroms »



Saimir Mile, président de la Voix des Rroms et Clément David de l’association Halem ont écrit un texte commun au sujet de la Loppsi2. Au-delà de son contenu l’existence même de ce texte , publié dans l'humanité et les Dépêches tsiganes, confirme une évolution engagée depuis plusieurs mois. En effet, des organisations impliquées dans les domaines de l’habitat, des gens du voyage, des Rroms migrants collaborent de plus en plus étroitement sur des problèmes techniques, juridiques et politiques…    

Encore un projet de loi contre les Roms

Par Clément DAVID, de l’association Halem (Habitants de logements éphémères ou mobiles), et Saimir MILE, de l’association La voix des Rroms (*).
En tant que candidat, le président de la République nous avait pourtant promis : «Ensemble, tout devient possible.» Les aléas des mots «ensemble» et «tout» ne le sont plus. Sur les retraites, les syndicats n’étaient pas dans l’« ensemble », et chercher du bon dans le «tout» est pour le moins difficile. Les professionnels du droit se perdent dans la diarrhée législative des dernières années. Le justiciable, lui, est toujours censé connaître la loi. Jamais deux sans trois, que sera la LOPPSI 3 ? Même Bohémiens pour certains, nous ne savons pas dire l’avenir. La lecture de quelques articles de loi nous permet néanmoins de tracer une ligne droite qui peut s’allonger encore, puisque tout est devenu possible.
En 2003, la loi sur la sécurité intérieure avait conféré au seul préfet le pouvoir d’évacuer par la force, après une mise en demeure de quarante-huit heures, les caravanes de « gens du voyage » stationnées en dehors des emplacements réservés. D’un champ d’application relativement limité, la loi a pu être appliquée, y compris pour des caravanes non roulantes servant d’abris à des Rroms roumains à La Courneuve. Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel n’a rien trouvé à redire sur cette loi aux allures ethniques. La procédure risque de se terminer à la cour de Strasbourg dans quelques années.
Sept ans plus tard, la LOPPSI 2 (loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure) étend le dispositif aux « installations illicites en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d’y établir des habitations », lorsque celles-ci comportent des « risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Tous les ingrédients de l’ordre public, dont tous les juristes, disent que c’est un concept flou et que chacune de ses extensions réduit les libertés. Refusant de résoudre des problèmes sociaux, l’État les requalifie en menaces intérieures, incriminant les plus défavorisés. L’arsenal juridique de criminalisation de la précarité qui se renforce ne laisse rien présager de bon pour l’avenir. « L’État social » devient l’État qui punit, accusant ses citoyens d’être la cause de la crise.
La dotation des préfets du pouvoir d’expulser et de détruire biens et habitations en dehors de toute décision de justice et sans aucun relogement ou hébergement, prévue par l’article 32ter A de la loi touche un public large, que la crise accroît chaque jour : des Rroms, mais aussi d’autres habitants d’abris de fortune, des gens du voyage, des occupants de maisons et locaux construits sans permis, de mobil-homes, de caravanes, de tipis, de yourtes, de camions… Certaines personnes ont choisi leur « mode d’habiter » et l’assument totalement. D’autres y ont trouvé la solution face à la crise du logement et à l’absence de l’État dans ce domaine.
Depuis plusieurs années, des arguments cohérents et solides en faveur de la reconnaissance des habitats légers et/ou mobiles sont discutés tant d’un point de vue social qu’écologique. Aujourd’hui, il est temps de faire valoir ce travail, au lieu de pénaliser ceux qui le mènent.
Il est sûr que l’expulsion ne sera jamais une solution. De nombreuses manifestations, la plupart spontanées, se déclarent dans toute la France pendant la discussion à l’Assemblée nationale qui devrait se terminer le 21 décembre, avant de retourner au Sénat une fois de plus. L’UMP se défend avec un cynisme effrayant.
Parti avec les gens du voyage, poursuivi avec les « installations illicites » et avec les Rroms en filigrane, où s’arrêtera ce processus ? Tout au plus, 3 % des Roms en France sont acculés à des habitations de fortune qui risquent de pâtir de la nouvelle loi. Ils sont les premiers, mais pas les seuls, visés. L’affaire des Rroms de La Courneuve risque donc d’être rejointe, ou suivie, par des demandeurs aux noms moins exotiques, dans son parcours vers la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg. Peut-être y aura-t-il aussi des noms de propriétaires de terrains condamnés pour complicité « d’installation illicite », comme le prévoit l’avant-dernier alinéa de l’article 32ter A ? Peut-être aussi des noms de collectivités locales ?

Clément DAVID et Saimir MILE

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