mercredi 22 décembre 2010

Projet de loi de finances rectificative pour 2010 compte rendu assemblée nationale 21 décembre


Document

Discussion du texte de la commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2010 (n° 3063).
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire.
M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, mes chers collègues, à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale, le projet de loi de finances rectificative de fin d’année comportait soixante-treize articles. Le Sénat a adopté quarante-quatre articles dans les mêmes termes que notre assemblée, a ajouté quarante-six articles et en a supprimé neuf autres. Au total, soixante-quinze articles restaient en discussion en commission mixte paritaire. Nous sommes parvenus à un accord sur l’ensemble, en adoptant soixante-trois de ces articles et en en supprimant douze autres.
Je voudrais vous rendre compte des principales décisions prises en commission mixte paritaire, en insistant tout d’abord sur les quelques points très importants sur lesquels nous sommes arrivés, je crois, à un accord équilibré avec nos collègues sénateurs.
J’évoquerai tout d’abord la taxe générale sur les activités polluantes sur les déchets.
Considérant que la trajectoire d’évolution des taux de la TGAP qui avait été fixée l’an dernier, notamment sur les usines d’incinération et les dispositifs de stockage, et qui conduisait mécaniquement à une augmentation de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères, était trop rapide compte tenu de l’état des finances locales et des finances publiques en général, et de la nécessité de préserver le pouvoir d’achat des contribuables, il a semblé à juste titre à nos collègues sénateurs qu’il fallait prévoir une augmentation plus modérée de TGAP.
Nos collègues avaient adopté un dispositif conséquent mais qui avait pour effet de réduire assez brutalement les ressources de l’ADEME, qui reçoit l’essentiel de la TGAP : de 85 millions d’euros dès 2012 et de 50 millions en 2013. Nous avons opté pour une solution intermédiaire, plus proche, je dois le dire, de la version du Sénat que du texte du Gouvernement, mais qui ne privera l’ADEME d’une augmentation de ressources que de 50 millions d’euros en 2012 et de 35 millions en 2013, les taux de TGAP étant adaptés en conséquence.
Le deuxième sujet que je voudrais aborder concerne le fonds exceptionnel d’aide aux départements en difficulté.
Nos collègues sénateurs avaient souhaité ajouter deux critères supplémentaires pour mieux prendre en compte les charges supportées au titre de la prise en charge des personnes âgées, mais la commission mixte paritaire a considéré que les trois critères proposés par le Gouvernement – le potentiel fiscal, que nous transformons à la demande du Sénat en potentiel financier, le revenu moyen par habitant et la proportion de personnes de plus de soixante-quinze ans – suffisaient. Nous avons trouvé un accord sur cet équilibre.
M. François Sauvadet. C’est bien !
M. Gilles Carrez, rapporteur. Le troisième point important sur lequel nous sommes parvenus à un accord concerne le financement des chambres de commerce et d’industrie.
Nous avions adopté, vous vous en souvenez, un dispositif spécifique pour les années 2010 et 2011. À partir de 2012, suivant en cela les recommandations du rapporteur Charles de Courson, nous avions prévu de mettre en place un système de cotisations reposant sur les deux assiettes de la nouvelle taxe professionnelle, d’une part, l’assiette foncière, avec la cotisation foncière des entreprises, d’autre part, l’assiette valeur ajoutée, avec la cotisation sur la valeur ajoutée. Nos collègues sénateurs ont souhaité rouvrir la discussion que nous avions eue il y a plus d’un an, avant de se rallier finalement au dispositif adopté par l’Assemblée pour 2012.
Nous réglons en même temps, et je remercie le Gouvernement, le problème du manque à gagner de 50 millions d’euros que nous avions évoqué lors de l’examen de la loi de finances initiale pour 2011, manque à gagner à la fois pour 2010 et dans la base à prendre en compte à partir de 2011. Ainsi, les chambres de commerce sont tout à fait convenablement traitées par le dispositif que nous allons, j’espère, adopter définitivement.
Par ailleurs, nous avons été conduits à confirmer les positions du Sénat sur plusieurs points.
Le premier concerne les prêts d’épargne logement. La commission mixte paritaire a estimé à l’unanimité, je le souligne même si je sais qu’on ne doit pas rendre compte trop précisément de ce qui se passe en commission mixte paritaire, qu’il fallait centrer l’aide de l’État aux plans d’épargne logement – aide conséquente puisqu’elle représente chaque année environ 1 milliard d’euros – sur l’acquisition ou les travaux relatifs à la résidence principale et donc exclure les résidences secondaires. Bien entendu, cette mesure ne concerne pas les PEL en cours, elle ne jouera que pour les PEL ouverts à partir de mars prochain.
La deuxième disposition concerne le célèbre amendement Chartier sur la taxe sur les caravanes. Nos collègues sénateurs nous ont proposé de la transformer en une vignette de 150 euros, apposable sur la caravane ou le véhicule qui la tire.
M. Jean-Pierre Brard. Et quand la caravane n’a plus de vitres ?
M. Gilles Carrez, rapporteur. Nous aurons le temps de réfléchir à cette question, monsieur Brard, puisque cette disposition ne devrait s’appliquer qu’à partir de 2014.
La commission mixte paritaire a également confirmé un amendement cher à un certain nombre d’entre nous, puisque nous l’avions adopté en séance il y a quinze jours, instituant la fameuse TGAP sur les sacs plastiques.
M. Charles de Courson. Très bien !
M. Gilles Carrez, rapporteur. Charles de Courson ne peut qu’approuver l’instauration d’une TGAP sur les sacs de caisse non biodégradables à partir de 2014.
S’agissant des réincorporations de donations antérieures dans une donation-partage, nous avons prévu une clause anti-abus pour éviter qu’on applique l’abattement sur des donations fictives aux enfants qui, in fine, se font au bénéfice des petits-enfants.
La commission mixte paritaire a également suivi le Sénat dans la suppression de deux dispositions.
La première créait un fonds d’accompagnement « vers et dans le logement ». Nous avons déjà beaucoup de fonds, notamment d’aménagement urbain, qui recueillent les pénalités SRU, aussi avons-nous estimé qu’il faudrait essayer de mettre en place un dispositif dans le cadre des procédures existantes.
La seconde suppression concerne, à la demande unanime de nos collègues d’outre-mer au Sénat, l’extension à l’outre-mer de la taxe sur les recettes des salles de cinéma. Nos collègues sénateurs nous avaient suivis, la semaine dernière, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, sur l’excellent amendement proposé par notre collègue Gaël Yanno concernant l’application du rabot et qui avait été adopté à l’unanimité de nos collègues députés d’outre-mer.
En revanche, nous avons supprimé quelques dispositions qui avaient été proposées par nos collègues sénateurs, sans trop de difficultés d’ailleurs puisque la première instaurait une taxe de 15 % sur les contrats d’assurance de garantie de loyers impayés tandis que la seconde créait une taxe sur les activités privées de sécurité. Tout le monde a été d’accord pour dire que l’avenir était plutôt à la diminution qu’à la multiplication du nombre de taxes.
En outre, compte tenu de l’accord que nous avions obtenu la semaine dernière sur le quantum de la taxe qui va désormais peser sur les retraites chapeau, nous avons décidé, en tout cas dans un premier temps, de ne pas retenir la déductibilité les concernant ou concernant les contributions mises en place au titre des levées de stock-options et d’acquisitions d’actions gratuites.
Enfin, la CMP a rétabli quelques dispositions votées par l’Assemblée et supprimées par le Sénat. S’agissant des auto-entrepreneurs, le Gouvernement avait proposé, par l’article 24 du projet, de supprimer complètement le principe de proratisation des cotisations. L’Assemblée avait adopté un dispositif équilibré : l’absence de proratisation était maintenue pour 2009 et 2010, puisque l’administration, en particulier celle des organismes sociaux, en avait informé les auto-entrepreneurs ; en revanche, pour la suite, la proratisation était maintenue, car il est rassurant pour les auto-entrepreneurs de connaître clairement le régime fiscal et social qui va leur être appliqué.
Par ailleurs, le ministre des comptes publics ne pourra certainement qu’approuver notre décision concernant la taxe d’urbanisme : elle ne pourra être versée qu’à la section d’investissement du budget des collectivités qui la perçoivent, car c’est bien ce type de dépenses qu’elle est censée financer.
Quant au versement transport, qui avait fait l’objet d’un vote unanime de l’Assemblée en loi de finances initiale – mais, souvenir un peu désagréable, avait disparu dans une célèbre seconde délibération –, nous parvenons finalement à un dispositif très équilibré. Le Sénat a considéré que si l’on augmentait le versement transport, qui n’est que de 0,55 % actuellement, dans les collectivités locales de 50 000 à 100 000 habitants, il fallait que les entreprises assujetties bénéficient en contrepartie d’une amélioration de la qualité de transport de leurs salariés.
M. Guy Malherbe. Absolument !
M. Gilles Carrez, rapporteur. Une telle augmentation est donc conditionnée à la mise en place d’un transport en commun en site propre. La CMP a rétabli la durée de trois ans pour le lissage de la modeste augmentation de ce versement transport qui pourrait intervenir par décret.
Pour conclure, je salue à nouveau la qualité du travail accompli avec tous vos services, monsieur le ministre, et en particulier avec les membres de votre cabinet qui vous accompagnent aujourd’hui. Je les remercie de leur disponibilité et du climat de confiance dans lequel nous avons travaillé.
Je tiens aussi à remercier nos collègues, car, sur ce projet, nous avons eu des débats de qualité, des débats de fond allant au-delà des considérations partisanes, ce qui a beaucoup facilité le travail en CMP.
Je remercie enfin le président de séance, la presse et les administrateurs de l’Assemblée dont l’excellence et le professionnalisme nous ont permis de travailler sur un pied d’égalité avec l’administration de l’État…
M. Patrick Lemasle. Ce sont les meilleurs !
M. Gilles Carrez, rapporteur. …et donc en confiance avec le ministre et son entourage.
Je vous remercie tous et je vous invite à voter ce projet de loi de finances rectificative pour 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Nicolas Forissier. Et nous, nous vous remercions, monsieur Carrez.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, chers collègues, voici donc la dernière loi de finances rectificative de l’année – au demeurant, en examiner une autre serait peut-être délicat, étant donné la date ! C’est la dernière, mais la quatrième de l’année.
Le rapporteur général ayant terminé par des remerciements, je commencerai par y joindre les miens, car ils s’adressent aux mêmes personnes : la présidence, nos collègues, vous-même, monsieur le ministre, pour votre présence, les collaborateurs de la commission des finances et bien entendu, Gilles Carrez qui, comme la semaine dernière, a remercié tout le monde sans s’inclure dans ce satisfecit.
Et puisque la periode s’y prête, je formulerai un vœu pour l’an prochain : si une loi de finances rectificative est inéluctable au printemps et une autre sûrement nécessaire en fin d’année, que nous en restions à deux et pas davantage. Cela permettrait de reprendre un rythme plus accoutumé et qui sans doute, faciliterait le travail, au moins pour le Parlement.
Cette loi de finances rectificative arrête le déficit budgétaire à 149,7 milliards d’euros. Comme l’a expliqué le rapporteur général, ce montant traduit la situation que nous avons connue, mais aussi des décisions discrétionnaires qui ne pourront vraisemblablement pas être reconduites. Imaginons ce que serait la réaction de notre collègue Michel Bouvard si le prélèvement supplémentaire sur la Caisse des dépôts était renouvelé… Un acompte sur dividendes de 330 millions d’euros a également été prélevé au détriment de la Caisse des dépôts. L’État a enfin reporté sur 2011 le payement d’une amende de 900 millions d’euros à laquelle il a été condamné. Ce sont là des artifices budgétaires, guère originaux et même répétitifs ; ce n’en sont pas moins des artifices. En tenir compte donne une idée de ce qu’est réellement le déficit budgétaire cette année : il a été légèrement minoré par rapport à la dernière loi de finances rectificative, à cause des artifices que je viens de décrire.
À ce propos, j’observerai, monsieur le ministre, qu’il faudrait, à l’avenir, mieux respecter les règles des finances publiques en vigueur, surtout si l’on veut en élaborer d’autres. L’article 34 de la loi organique relative aux finances publiques prévoit que c’est en loi de finances initiale qu’est fixée l’affectation des éventuels surplus de recettes constatés dans l’année. La loi de finances pour 2010, dans son article 67, posait clairement que tout surplus devait être réservé au désendettement du pays. Or, dans la loi de finances rectificative relative au prêt à la Grèce, nous avons constaté l’augmentation du déficit de 3 milliards d’euros, mais aussi l’affectation, en cours d’année, d’un surplus de recettes estimé à 900 millions d’euros au titre de la TVA ; or ces 900 millions, nous ne les constatons pas en fin d’année. Il y a là un double manquement. D’abord, si nous avions bien disposé de ce surplus, il aurait fallu le consacrer au désendettement et non à un prêt à la Grèce ; ensuite, il y a, qu’on le veuille ou non, aggravation du déficit puisque, finalement, ce surplus n’était pas de 900 millions mais seulement de 300 millions, de même que le manque à gagner est de 1,4 milliard d’euros au titre de l’impôt sur le revenu et de 140 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés, comme l’indiquait Aurélie Filipetti lors du débat la semaine dernière. Que le pouvoir exécutif n’observe pas les règles des finances publiques en vigueur au moment même où il propose d’en élaborer d’autres est, à mes yeux, plutôt de mauvais augure. À l’avenir, mieux vaudrait veiller au respect des règles par tous plutôt que d’en élaborer d’autres.
Je ferai deux remarques, dont la première porte sur le statut de l’auto-entrepreneur. Que le Gouvernement prenne des décisions et que le Parlement les vote pour se mettre en conformité avec la pratique de l’administration fiscale est une méthode quelque peu surprenante. Pourrais-je, en cette période, émettre un autre vœu : qu’à l’avenir, ce soit les décisions du Gouvernement et éventuellement le vote du Parlement qui amènent l’administration fiscale à adopter l’attitude adéquate et non pas l’inverse ? Si nous en sommes à accepter pour 2009 et 2010 la situation que l’administration avait indiquée aux auto-entrepreneurs et à n’accepter la proratisation qu’à partir de 2011, c’est bien pour ne pas mettre en porte-à-faux ces derniers, qui sont de bonne foi, ni l’administration fiscale, laquelle s’est un peu trop avancée. Mais ce n’est pas de bonne méthode.
Quant au statut d’auto-entrepreneur lui-même, nous savons qu’il pose des problèmes réels de concurrence, que d’aucuns jugent objectivement déloyale, avec des artisans qui ont des frais d’assurance, d’inscription à divers organismes, de formation et doivent, en un mot, observer des règles dont les auto-entrepreneurs sont affranchis. Je ne suis pas certain que ce statut dure longtemps.
Ma deuxième remarque porte sur le versement transport. Comme l’a rappelé le rapporteur général, il s’agit de passer le cas échéant de 0,55 % à 0,85 % dans les villes de 50 000 à 100 000 habitants. Cela pose le problème du financement des sites propres de transport en commun, et celui des transports en commun de manière générale, même si cette disposition, rejetée par le Gouvernement en seconde délibération, va être votée à l’issue de la CMP.
De façon générale, comment financer le déficit d’exploitation des transports en commun ? Comment financer les investissements, indispensables, pour renouveler ou créer des voies en site propre ? Quel peut être le projet industriel dans ce domaine, alors que Alstom a perdu le marché de l’Eurostar qui lui semblait promis et se débat dans les difficultés ? Enfin si, à terme, la concurrence est inéluctable comme le pensent certains, quel sera le statut social des employés des entreprises publiques de transport en commun ? Ce sont là quatre chantiers qu’il nous faudrait ouvrir l’année prochaine. Je me permets de l’indiquer à propos de cette disposition sur le versement transport.
La CMP s’est déroulée dans un très bon climat. Elle s’est conclue de façon positive. Je forme encore un dernier vœu : puisse le Gouvernement accepter ses conclusions, sauf peut-être à la marge, de sorte que, même si tous ici ne les voterons pas, le travail des parlementaires soit respecté comme il se doit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, je veux d’abord saluer à mon tour la qualité de nos débats. Cependant, monsieur le président de la commission, j’ai trouvé vos observations un peu sévères…
M. Jean-Pierre Brard. Mais justifiées !
M. François Baroin, ministre. ...sur nos travaux budgétaires tout au long de l’année. Évidemment, le gouvernement français aurait préféré qu’il n’y ait pas de crise en Grèce. À partir du moment où il y en avait une, il était normal que nous engagions la signature de la France et que nous le fassions devant le Parlement. De même, nous aurions préféré qu’on ne mette pas en place un fonds européen de stabilisation de 750 milliards ; mais c’est un choix de l’Union européenne, et vous sachant européen convaincu, monsieur Cahuzac, je ne doute pas que vous ayez trouvé naturel et légitime que le Gouvernement propose une nouvelle loi de finances rectificative à ce sujet. Bien sûr, nous aurions préféré ne pas nous trouver dans ces turbulences. Nous y trouvant, nous avons assumé nos responsabilités. Il n’y a pas à le regretter, même si cela demande une nouvelle loi de finances rectificative alors que Noël approche.
Sur ce collectif, nous avons bien travaillé, à l’Assemblée comme au Sénat. Je rends donc une nouvelle fois hommage au président de la commission des finances – une fois de trop à son goût, semble-t-il…
M. Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances. Au moins, que ce soit la dernière fois de l’année !
M. François Baroin, ministre. À quelques jours du Nouvel an, je crois pouvoir en prendre l’engagement ferme et définitif. (Sourires.) Nous aurons de nouveau rendez-vous l’an prochain, sur d’autres sujets.
Je voudrais également dire au rapporteur général combien, avec l’équipe dont j’ai la chance qu’elle m’accompagne dans cette mission exaltante et exigeante, nous avons apprécié d’accomplir avec lui et les administrateurs qui l’entourent un travail de qualité et de précision. Nous avons eu des points de désaccord, nous les avons résolus. l’Assemblée nationale a le dernier mot. Je le dis tout de suite, les conclusions de la CMP sont, à 99 %, satisfaisantes aux yeux du Gouvernement.
Je m’adresse enfin aux parlementaires, ceux de la majorité en premier lieu – l’opposition ne s’en offusquera pas –, pour les remercier du soutien qu’ils ont apporté à ce collectif qui n’est pas seulement une voiture-balai en fin d’exercice budgétaire, mais porte aussi sur des sujets de fond. Sur des sujets qui demandent qu’on leur consacre un peu plus de temps, comme les sociétés de personnes, nous avons trouvé des modalités d’accord et un équilibre qui a facilité les débats.
Je voudrais enfin remercier les présidents de séance, et vous en particulier, monsieur le président Le Fur. Sachez combien nous apprécions la haute vision qui est la vôtre, (Sourires) vous, le primus inter pares, qui êtes au niveau le plus élevé, mais pas au-dessus de vos collègues qui siègent au dernier rang de l’hémicycle, vous dont l’autorité naturelle de véritable chef d’orchestre a permis aux modestes musiciens que nous sommes de bien jouer leur partition.
S’agissant des résultats de la CMP, le déficit s’établit donc à 149,7 milliards d’euros. Le compromis sur la TGAP permet de ramener la diminution de ressources de l’ADEME à un niveau moindre que ce que le Sénat avait prévu ; ce résultat satisfait le Gouvernement. S’agissant du fonds d’aide aux départements en difficulté, doté de 150 millions d’euros,…
M. Patrick Lemasle. C’est bien juste !
M. François Baroin, ministre. …la CMP, par souci de cohérence, est revenue sur les critères de répartition du concours exceptionnel de 75 millions que verse la CNSA aux départements au titre de l’APA.
Si vous en êtes d’accord, monsieur le rapporteur général, le Gouvernement vous propose par conséquent de revenir sur cet amendement et de laisser inchangé pour 2011 les critères de répartition du concours pour l’APA. Nous en avons débattu avec le rapporteur général du budget au Sénat, M. Marini, qui voulait instaurer ce quatrième critère.
Je ne soutiens pas qu’il n’était pas pertinent mais, à ce stade, les trois critères retenus par le Gouvernement paraissent inattaquables à tous égards : personne ne peut contester le potentiel fiscal des départements ou la moyenne du potentiel fiscal des départements les uns par rapport aux autres. Ces critères constituent des points d’équilibre garantissant le caractère incontestable – au moins sur le plan politique – de la ventilation des fonds en question.
En ce qui concerne les questions douanières et fiscales, je salue, là encore, le sens du compromis de la CMP dont les conclusions reflètent fidèlement l’esprit de nos discussions. Le Gouvernement prend acte du texte issu de la CMP. Reste qu’un amendement de fond, en matière fiscale, vise à supprimer l’article 17 undecies relatif au montant minimum de la cotisation foncière des entreprises, article introduit par le Sénat et modifié par la CMP. Je compte sur la bienveillance de l’Assemblée.
Je reviens, pour finir, sur la question du tabac. Le Gouvernement a entendu votre message et le relaiera sans délai auprès de la Commission européenne dont je ne doute pas, du reste, qu’elle se soit d’ores et déjà penchée sur nos travaux.
Je vous remercie pour votre patience, pour votre implication et je me permets de souhaiter à vos familles, à vos collaborateurs et, bien sûr, à vous-mêmes, d’excellentes fêtes de fin d’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Gilles Carrez, rapporteur de la CMP. Très bien !
M. le président. C’est un président rougissant…
M. Patrick Lemasle. Rugissant !
M. le président. J’ai bien dit, un président « rougissant »…
M. Jean-Pierre Brard. Il reste de la place à gauche, monsieur le président !
M. le président. …qui donne la parole à M. Muet, premier orateur inscrit.
M. Pierre-Alain Muet. Je remercie à mon tour le président de la commission et le rapporteur général qui ont beaucoup contribué à la qualité de nos débats.
Le texte issu de la commission mixte paritaire comporte bien sûr des points positifs et d’autres qui ne le sont pas.
Parmi les premiers, je mentionnerai la « proratisation » du seuil à partir duquel on peut bénéficier du statut d’auto-entrepreneur. Comme le rappelle le rapporteur général, la commission a adopté cette disposition à l’unanimité. L’Assemblée aussi, et j’y suis d’autant plus sensible que l’unanimité, alors, c’était ma voix. (Sourires et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Autre sujet de satisfaction : la position de l’Assemblée a prévalu au sein de la commission mixte paritaire en ce qui concerne le versement transport, dont le seuil maximal a été porté à 0,85 % des salaires alors qu’il est aujourd’hui de 0,55 %. Tous les élus des agglomérations de 50 000 à 100 000 habitants souhaitaient que cette décision fût prise. Elle l’a été grâce à la sagesse de la CMP qui a ajouté que ce versement devait financer des transports en sites propres.
En revanche, pour ce qui est de la situation des départements, force est de reconnaître que les 150 millions d’euros du plan prévu par le présent texte, ne sont pas du tout à la hauteur des enjeux : comme le montre l’Association des départements de France, le déficit des départements dû à des décisions de l’État concernant les grandes allocations ne s’élève pas à 150 millions mais à 5,4 milliards d’euros ; c’est dire si nous sommes loin du compte.
Puisqu’il s’agit du dernier collectif budgétaire de 2010, je souhaite justement revenir sur l’année écoulée.
Monsieur le ministre, quand vous évoquez le projet de loi de finances pour 2011, vous parlez d’un texte historique. Or le mot « historique » peut déjà qualifier la réalité de 2010. Ainsi, le déficit des administrations publiques s’élève à environ 150 milliards d’euros. Vous mettez en avant la crise économique que la Cour des comptes n’estime pourtant responsable que d’un tiers du déficit. Il reste donc 100 milliards d’euros, abstraction faite des effets de la crise, soit un déficit historique de nos comptes publics.
On note une situation similaire quant à la dette. Mme Lagarde précisait que 210 milliards d’euros avaient été empruntés en 2010, à savoir plus d’un demi-milliard par jour ! Voilà aussi, malheureusement, un chiffre historique. En dix ans, de juin 2002 à juin 2012, la majorité aura doublé la dette de la France qui sera passée de moins de 900 milliards à plus de 1 800 milliards d’euros.
M. Patrick Lemasle. Encore bravo !
M. Pierre-Alain Muet. Là encore, quand on pense que les intérêts de cette dette – 55 milliards d’euros qui vont malheureusement croître – représentent l’équivalent du deuxième budget de l’État, et qu’ils approcheront peut-être même le premier budget, on se dit que si cette situation est certes historique, elle est surtout catastrophique.
Ensuite, le taux de chômage des jeunes entre quinze et vingt-cinq ans s’élève à 24 %, taux encore jamais atteint. Pour cela aussi vous invoquez la crise, mais d’autres pays l’ont connue. Ainsi l’Allemagne, dont le taux de chômage global, en 2008, était identique au nôtre, et qui a baissé depuis alors qu’il a augmenté en France ; divergence plus importante encore pour le seul chômage des jeunes qui ne dépasse pas 8 % outre-Rhin !
Le déficit du commerce extérieur aura sans doute lui aussi battu un record cette année : il approcherait le chiffre de 50 milliards d’euros. Il faut se souvenir que, de 1997 à 2002 voire 2003, la France bénéficiait d’un excédent extérieur de 20 à 30 milliards d’euros. Cet excédent s’est transformé en déficit à partir de 2004 et il n’a cessé de se creuser. La situation actuelle est des plus préoccupantes et la crise, en l’occurrence, n’y est pour rien puisque d’autres pays ont un excédent considérable, comme l’Allemagne, et puisque l’ensemble de la zone euro est en excédent. Cela démontre que notre compétitivité s’est dégradée depuis cinq ou six ans.
On constate que ni le projet de loi de finances pour 2011 ni le présent collectif budgétaire ne répondent aux défis de la dette, des déficits, de l’emploi ou de la compétitivité. On peut malheureusement caractériser la situation économique actuelle ainsi : explosion des déficits, explosion de la dette et explosion du chômage. Or, j’y insiste, rien dans le collectif budgétaire ne change la trajectoire suivie depuis plusieurs années ; c’est pourquoi le groupe SRC votera contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le ministre, vous avez parlé d’un débat de qualité. Cet hémicycle en a connu ; rappelez-vous : Jaurès et Barrès. Et si débats de qualité il y avait, ils se tenaient aussi bien à gauche qu’à droite. La différence avec aujourd’hui est qu’à l’époque la majorité n’imposait pas le silence à ses députés. J’éprouve ainsi de la compassion pour nos collègues de droite que vous transformez en poteaux télégraphiques, si j’ose dire, en les réduisant au silence. Et encore, quand on s’approche des poteaux télégraphiques, entend-on – n’est-ce pas, monsieur Soisson ? –, comme dans les collines de Saint-Bris, un bourdonnement. Or même cela est absent des bancs du groupe UMP tant vous imposez à vos députés la cloche qu’ils ne méritent néanmoins pas, tant on compte parmi eux de brillants esprits.
Je ne reviendrai pas sur le caractère indigeste de ce collectif budgétaire sans fil directeur, composé de 43 articles traitant à la fois du coq, de l’âne, de la cigale et de la fourmi tout en oubliant, néanmoins, une espèce que vous connaissez pour la fréquenter, monsieur le ministre : les requins de la finance.
Je ne reviendrai pas non plus sur les conditions de travail tout aussi inadmissibles que le Gouvernement impose à la représentation nationale. Certes, vous vous montrez onctueux, vous remerciez à gauche, à droite, devant, derrière, mais, entre le projet de loi de finances pour 2011 et le présent projet de loi de finances rectificative, c’est toujours la même logique qui est à l’œuvre.
J’aimerais insister sur le vrai problème, celui qui préoccupe l’immense majorité de nos concitoyens et que vous n’avez pas évoqué. Il s’agit évidemment du pouvoir d’achat, c’est-à-dire de la répartition actuelle des richesses. Selon le rapport Cotis, environ 7 % des profits vont actuellement aux salariés – en sus de leur salaire –, contre environ 36 % à la poignée de privilégiés qui détiennent le capital.
Ces dernières années, ce problème s’est encore aggravé avec l’accélération de la mondialisation, laquelle est en réalité largement une conséquence, sinon une exigence de la financiarisation de l’économie. Cette « économie casino » tourne au profit quasi exclusif des actionnaires. Ainsi, les revenus financiers ont explosé ces vingt dernières années : selon l’INSEE, ceux-ci ont augmenté de plus de 143 % depuis 1993. De même, les dividendes sont en croissance régulière, et ce même pour les entreprises qui licencient massivement. Alors qu’ils représentaient 5 % de la valeur ajoutée en 1980, ils ont quintuplé pour atteindre 25 % aujourd’hui.
L’économie des actionnaires dont, j’y insiste, vous n’avez pas parlé, c’est celle d’Air-France-KLM : de 5 centimes en 2004, le montant du dividende est passé à 58 centimes en 2008. Or, en juin 2009, l’entreprise annonce la suppression de 3 000 postes. Cette économie, c’est celle de Sanofi-Aventis avec ses 8 milliards de bénéfices nets en 2009 et la suppression de 3 000 emplois en 2010.
Il ne s’agit évidemment pas de cas isolés, mais bien d’exemples emblématiques du fonctionnement actuel de l’économie et de la répartition des richesses qu’elle produit.
L’envers de la politique du dividende et de la rente spéculative, c’est la stagnation des salaires, ce sont les délocalisations, les plans sociaux, la casse des services publics et des acquis sociaux.
Évidemment, monsieur le ministre, le passé n’est pas sombre pour tout le monde. À titre d’exemple, les exonérations de cotisations patronales coûtent plus de 30 milliards d’euros par an, contre seulement 1,9 milliard en 1992. Selon notre regretté Philippe Séguin, ces exonérations n’ont jamais eu d’effet quantifiable sur l’économie et la croissance. Et notre bon rapporteur général, Gilles Carrez, a regretté que « les exonérations ne soient même pas plafonnées ».
M. Nicolas Forissier. Merci les 35 heures !
M. Jean-Pierre Brard. En dépit des déclarations tonitruantes du Gouvernement sur les niches fiscales, le coût de celles-ci reste exorbitant. Le Gouvernement fait, d’une certaine manière, valser l’anse du panier même si, habilement, il a changé le nom des niches fiscales parce que, comme aurait dit Tartuffe : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ! » Or ces niches de toute nature coûtent chaque année 140 milliards d’euros à la nation ; le voilà, le déficit ! De cadeaux fiscaux aux plus riches en exonérations de cotisations, les recettes de l’État restent très proches des recettes d’il y a trente ans, alors que les richesses produites ont augmenté d’environ 70 % sur la même période.
Pour justifier cette gabegie au seul profit des grands groupes et des grosses fortunes, vous n’avez qu’un mot à la bouche : la concurrence internationale et la compétitivité de la France.
Enfin, permettez-moi de conclure sur le dernier « dada » de Sa Majesté Impériale : le modèle allemand.
Lors du dernier conseil des ministres franco-allemand, Nicolas Sarkozy a récidivé : « Avec François Fillon – disait-il lors de la conférence de presse finale – nous avons décidé la convergence de nos fiscalités avec l’Allemagne ». Comme s’il revenait au Président de la République de décider de quoi que ce soit en la matière ; mais passons. Est-ce à dire, monsieur le ministre, que la France va, à l’instar de l’Allemagne, supprimer la taxe d’habitation et instaurer un impôt sur les poissons rouges, les chats et les chiens ? (Sourires.)
M. François Baroin, ministre. Ce serait une bonne idée !
M. Jean-Pierre Brard. Écoutez le ministre, mes chers collègues : le rapprochement fiscal entre la France et l’Allemagne avance ! Bien entendu, tout cela se réglera sur le pont de Kehl.
Les impôts sur le patrimoine, sur les successions, ainsi que la taxation sur la bière, qu’il faudra créer, seront-ils donc prochainement levés au profit des seules régions ? Le Président de la République a, comme d’habitude, parlé sans avoir réfléchi. Il est vrai qu’il a besoin d’attrape-nigauds pour occuper le devant de la scène ; ce rapprochement fiscal entre l’Allemagne et la France en est un.
Tout d’abord, il existe une différence essentielle entre nos deux pays : l’Allemagne a préservé la base industrielle que vous, vous bazardez. Chez Daimler-Benz ou chez Volkswagen, lorsque les commandes diminuent, on ne licencie pas, contrairement à M. Ghosn, l’Attila de l’automobile, qui, en même temps qu’il empoche ses 8 millions de salaires, supprime des emplois.
Ensuite, n’oublions pas que le modèle allemand produit aussi des dégâts sociaux. Ainsi, les soupes populaires que l’on voit aujourd’hui à Berlin rappellent les arrière-cours des années vingt, et l’on sait comment cela s’est terminé. Les classes moyennes ne sont pas épargnées : pour elles aussi, c’est la stagnation, voire la baisse des salaires. Au cours de la période 1999-2007, le coût unitaire de la main-d’œuvre a crû de moins de 2 % en Allemagne, alors qu’il a augmenté de 28 à 31 % en Grèce, en Irlande, au Portugal et en Espagne et de 17 % en France.
Enfin, le marché intérieur reste atone et, à long terme, la stratégie allemande, axée quasi exclusivement sur les exportations, ne peut fonctionner que si tous ses partenaires, dont la France, continuent de creuser leurs déficits commerciaux.
Monsieur le ministre, Noël approche, et je suis certain que, si vous n’avez pas écrit de lettre au Père Noël, en revanche, vous lisez très attentivement celles que vous envoient mamie Liliane, M. Afflelou et quelques autres, qui attendent leurs cadeaux avec gourmandise. Pour vous inciter à la sagesse, je veux vous rappeler quelques paroles fortes.
Le 21 novembre 1979, Jean-Paul II, qui n’était pas un gauchiste, déclarait, dans une homélie prononcée au Yankee stadium de New York : « Ne laissez pas aux pauvres que les miettes du festin. » C’est pourtant ce que vous faites, vous ! Romain Rolland écrivait, quant à lui, dans Le Buisson ardent : « Tout homme qui possède plus qu’il n’est nécessaire à sa vie, à la vie des siens et au développement normal de son intelligence est un voleur. » Monsieur le ministre, vous qui croyez en certaines opinions, vous devriez méditer cette phrase de Jean Rostand : « La persistance d’une opinion ne prouve rien en sa faveur. Il y a encore des astrologues. » Enfin, permettez-moi de conclure en citant ce mot d’Einstein, qui me semble bien s’appliquer à vous et à mes collègues de l’UMP : « Un préjugé est plus difficile à casser qu’un atome. » (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
M. le président. Merci pour ce florilège, mon cher collègue.
La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période budgétaire s’achève avec l’examen du quatrième collectif pour 2010 tel qu’il est issu des délibérations de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier après-midi.
Je veux tout d’abord remercier les services de la commission des finances – qui ont beaucoup souffert, compte tenu des conditions d’examen souvent difficiles de ces textes –, ceux de nos collègues – ils ne sont plus qu’une poignée – qui continuent à travailler au sein de la commission des finances dans des conditions également très difficiles, comme le rappellent le rapporteur général et le président de la commission, et notre jeune ministre, avec lequel nous avons pu entretenir un dialogue qui, après avoir été momentanément interrompu par une deuxième délibération, a pu se renouer au Sénat, puis dans notre assemblée ; en ces temps difficiles, il n’est pas simple d’être chargé des comptes publics.
Ce collectif de fin d’année sera pour moi l’occasion de dire à nouveau, au nom du groupe Nouveau Centre, l’urgence du rétablissement de nos comptes publics. J’évoquerai tout d’abord brièvement, avec le recul dont nous disposons à ce jour, les fondamentaux de ce projet de loi de finances rectificative, puis je mentionnerai les avancées que comporte ce texte, notamment celles qui ont été acquises à l’initiative du groupe Nouveau Centre.
En ce qui concerne les grands équilibres de l’exercice budgétaire 2010, nous devons être conscients, s’agissant des dépenses, que les économies réalisées – 3,1 milliards d’euros, dont 2,2 milliards réalisés sur les intérêts de la dette – sont temporaires. Il s’agit en effet d’économies de constatation, mais elles gagent des dépenses supplémentaires, à hauteur d’environ 3,3 milliards, qui sont, quant à elles, reconductibles. Le dérapage des dépenses d’intervention atteint 3,3 milliards d’euros, dont 2,5 milliards pour les guichets sociaux. Quant au budget de la défense, il enregistre également un dérapage important, de l’ordre de 237 millions d’euros, au titre des opérations extérieures. Je rappelle que, depuis un certain temps, nous proposons de provisionner 800 à 850 millions d’euros en loi de finances initiale pour les OPEX, car chacun sait que nous ne parvenons pas à financer celles-ci avec les crédits ouverts.
Mes chers collègues, nous le savons bien, les économies de ce PLFR sont, pour l’essentiel, je le répète, des économies de constatation, non reconductibles en 2011. Sur 3,1 milliards d’euros d’économies, 2,2 milliards proviennent des intérêts de la dette. Entre les prévisions et les réalisations anticipées, ceux-ci passent en effet de 43 à 40,8 milliards, en raison de la baisse des taux des bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté et des emprunts liés aux dépenses d’avenir. À quoi, il faut ajouter 560 millions d’euros d’économies non reconductibles sur le prélèvement européen.
La vérité, c’est que les dépenses dérapent d’environ 1 %, et l’ordre de grandeur est le même pour les recettes.
La baisse de 2,1 milliards d’euros des recettes fiscales par rapport aux prévisions figurant dans le dernier collectif est gagée par une hausse exceptionnelle de la recette fiscale de 1,8 milliard d’euro. Toutefois, ces recettes sont liées à la réforme de la taxe professionnelle et, surtout, à une hausse exceptionnelle de 2,5 milliards des recettes non fiscales. in fine, après redressement, on peut donc conclure que la baisse constatée de 3,5 milliards d’euros du solde budgétaire par rapport au dernier collectif est, en fait, une hausse de l’ordre de 3 milliards. Voilà qui est inquiétant, mes chers collègues : l’exécution du budget pour 2010 démontre qu’il nous faudra, en 2011, durcir la politique budgétaire en gelant une part considérable de la réserve de 7 milliards.
J’en viens maintenant aux réformes contenues dans ce projet de loi de finances rectificative. À cet égard, le groupe Nouveau Centre salue l’esprit d’ouverture du Gouvernement, qui a permis de faire avancer plusieurs dossiers.
S’agissant de la réforme annoncée de la fiscalité du tabac, nous avons su nous mobiliser afin d’éviter une officialisation de la contrebande. En effet, le projet initial entendait, d’une part, abroger l’article 575 G du code général des impôts, qui rend obligatoire la détention d’un document d’accompagnement en cas de détention de plus d’un kilogramme de tabac après sa vente au détail, et, d’autre part, supprimer, dans le même code, toute notion de quantité de tabacs manufacturés pouvant être détenue. Le retour au statu quo ante a le mérite de conserver des règles claires en matière de transport de tabac par les particuliers, à savoir la limitation des achats transfrontaliers de tabac à deux kilogrammes maximum par personne, soit dix cartouches de cigarettes. Ainsi, l’objectif de santé publique est respecté et la direction générale des douanes dispose de moyens efficaces de contrôle et de sanction. Ce dispositif est également déterminant pour les buralistes, notamment ceux des régions frontalières, qui souffrent en permanence d’une distorsion de concurrence.
Toutefois, monsieur le ministre, à terme, seule une harmonisation des droits d’accises du tabac au niveau européen permettra de résoudre le problème.
M. Nicolas Forissier. Très juste !
M. Charles de Courson. En effet, selon les analyses marketing de grands cigarettiers, la proportion de la consommation de tabac importé clandestinement s’élèverait, en France, à 22 %. Il s’agit bien entendu, d’une moyenne ; cette proportion est beaucoup plus élevée et atteint 35 %, voire 40 %, dans le sud-ouest, l’écart entre les prix français et les prix espagnols étant le plus élevé – et je ne parle pas de l’Andorre –…
M. Jean-Pierre Brard. Qui est le co-prince d’Andorre ?
M. Charles de Courson. …ainsi que dans le nord et le nord-est, en raison de la proximité de la frontière avec la Belgique et le Luxembourg. Il est donc urgent d’agir, et le groupe Nouveau Centre se félicite d’avoir obtenu du Gouvernement qu’un rapport soit remis au Parlement sur l’action menée par la France en faveur de l’harmonisation des droits d’assises au niveau communautaire.
S’agissant de la réforme des taxes locales d’urbanisme, nous considérons que la fusion des dix-sept prélèvements au sein de la taxe d’aménagement est une bonne chose qui participe de la simplification de notre droit.
En ce qui concerne le fonds exceptionnel de soutien aux départements en difficulté, nous sommes conscients que cette solution est purement temporaire. Le problème du financement des prestations légalement obligatoires des départements nécessite en effet une réforme fondamentale. Ainsi, nous avons proposé que les trois prestations et les actions menées dans le domaine de l’aide sociale à l’enfance soient regroupées au sein d’un budget annexe, financé par un dispositif de CSG soumis à péréquation et encadré par des normes de dépenses qui tiennent compte de la spécificité de chaque département, de sorte que la responsabilité et la bonne gestion de ces prestations seraient encouragées.
Le fonds exceptionnel de soutien, doté de 150 millions d’euros et financé par redéploiement à partir de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et du Fonds national des solidarités actives, s’inscrit dans une logique de péréquation qui a la faveur du groupe Nouveau Centre.
S’agissant de la contribution des sociétés d’assurance au fonds de garantie universelle des risques locatifs, introduite par le Sénat, la CMP a décidé, avec beaucoup de sagesse, de renvoyer le problème de la distorsion entre garantie des risques locatifs et garantie des loyers impayés à un accord conventionnel entre les professionnels concernés. Toutefois, nous avons convenu que, si cet accord n’intervenait pas avant le début du mois de janvier, il nous faudrait agir au plan législatif.
En ce qui concerne le dispositif dit Scellier, un amendement en CMP a précisé que la conclusion de l’acte de vente authentique qui déclenche l’avantage fiscal devait être antérieure au 31 janvier 2011. Cette mesure est logique, compte tenu de la difficulté de trouver un notaire en fin d’année pour les investisseurs.
Enfin, s’agissant du financement des chambres de commerce et d’industrie, les 53 millions d’euros qui leur faisaient défaut seront compensés en 2011 et nous avons maintenu, pour le moment, le dispositif dont nous avons été, pour l’essentiel, les inspirateurs à l’Assemblée nationale.
Mes chers collègues, le groupe Nouveau Centre, qui ne saurait cesser d’être vigilant quant aux dérapages des comptes publics en cette période difficile, approuvera ce collectif budgétaire de fin d’année 2010.
M. le président. La parole est à M. Yves Censi.
M. Yves Censi. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission mixte paritaire, monsieur le rapporteur de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, au moment d’examiner les conclusions de la commission mixte paritaire, qui s’est réunie hier, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2010, vous me permettrez de remercier ceux de mes collègues qui ont participé avec assiduité à la commission mixte paritaire, Gilles Carrez, notre rapporteur général, et son homologue de la Haute assemblée, pour l’indispensable et conséquent travail qui a été fourni en amont et qui a très efficacement éclairé nos débats, et, enfin, M. le ministre, pour sa disponibilité.
Sans trop entrer dans le détail, je crois utile de rappeler les principales orientations de ce quatrième et dernier collectif de l’année 2010, qui témoigne du respect des objectifs fixés par le Gouvernement et la majorité, en matière tant de dépenses que de recettes.
S’agissant des dépenses, la norme du « zéro volume » fixée pour 2010 sera bien respectée.

Le plafond de dépenses, établi à 352,3 milliards d’euros, ne sera donc pas dépassé. Je n’ignore pas que la raison en est notamment l’évolution favorable des intérêts de la dette – j’ai entendu les réserves exprimées tout à l’heure à ce sujet par le président de la commission des finances, qui a souligné le caractère exceptionnel et, selon lui, artificiel, de cette opportunité, mais aussi le caractère exceptionnel de certaines recettes, notamment le prélèvement sur la Caisse des dépôts.
Quoi qu’il en soit, les recettes pour 2010 sont conformes à celles présentées dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances initiale et s’élèveront à 255 milliards d’euros. Dans ce contexte, le déficit budgétaire devrait s’établir en exécution à 149,7 milliards, ce qui représente une légère amélioration par rapport au déficit prévu dans le cadre de la précédente loi de finances rectificative, de l’ordre de 152 milliards d’euros.
Au-delà de nos débats sur l’effort consenti par l’État, mais aussi et surtout par nos concitoyens, pour maintenir nos recettes et contraindre la dépense, je veux rappeler que le Gouvernement et la majorité ont tenu, face à l’ampleur de la crise qui nous a frappés de plein fouet, à voter un collectif qui nous permette de compenser les besoins constatés cette année en matière de politiques de l’emploi et de solidarité.
C’est un équilibre difficile à tenir : il faut réduire le déficit public et, dans le même temps, soutenir, dans un environnement plus que jamais instable, la mobilisation de nos concitoyens en matière économique en termes d’innovation et d’investissement, en matière de protection de l’environnement et en matière sociale, à travers les politiques d’insertion et de lutte contre la pauvreté et la politique de l’emploi.
L’opposition pourra toujours dire, monsieur le ministre, que nous n’en faisons pas assez sur la lutte contre le déficit. Les chiffres constatés en fin d’année montrent pourtant le contraire, et je reste pour ma part intimement convaincu que nous avons résolu, en 2010, cette très difficile équation entre la recherche de l’équilibre des comptes et le soutien que nos concitoyens sont en droit d’attendre de l’État dans une période aussi difficile que celle que nous connaissons. Je rappelle d’ailleurs qu’avec le projet de loi de finances que nous avons voté la semaine dernière, nous poursuivrons en 2011 l’effort de redressement de nos comptes publics.
Mes chers collègues, je voudrais citer, sur ce collectif, quelques mesures fiscales particulièrement importantes, ayant pour objet de poursuivre les réformes ambitieuses que mènent le Gouvernement et la majorité. Il s’agit tout d’abord de moderniser la fiscalité foncière des entreprises. Le premier volet concerne la révision des valeurs locatives foncière, qui était tant attendue. En effet, les valeurs locatives des entreprises seront désormais assises sur des valeurs calculées à partir des loyers constatés et seront révisées automatiquement chaque année. Le second volet porte sur la simplification des taxes d’urbanisme, dont le rapporteur général a rappelé le dispositif tout à l’heure.
En second lieu, ce collectif propose plusieurs mesures destinées à favoriser les comportements respectueux de l’environnement. Je ne reviens pas sur le barème du malus automobile ni sur la taxe sur les sacs en plastique, que nous avons votés en CMP.
En troisième lieu, nous souhaitons renforcer l’attractivité de notre pays en réformant le régime fiscal des sociétés de personnes.
M. Jean-Pierre Brard. Cadeaux, cadeaux !
M. Yves Censi. À ce titre, nous pouvons saluer le compromis, proposé par le rapporteur général, que nous avons su trouver sur ce sujet lors de l’examen de ce collectif par le Parlement.
M. Jean-Pierre Brard. Compromis ou compromission ?
M. Yves Censi. Enfin, ce projet de loi de finances rectificative a pour objectif de simplifier un certain nombre de procédures fiscales et douanières, notamment en matière de modalités de déclaration d’impôt ou de plan d’épargne logement. Sur ce dernier point, nous pouvons nous féliciter du recentrage du plan d’épargne logement sur son objet principal, à savoir le financement de l’acquisition de logement destiné à l’habitation principale.
Au-delà de ces mesures fiscales, nous avons également souhaité répondre aux départements qui sont aujourd’hui en situation de difficulté financière en créant un mécanisme exceptionnel de soutien à ces départements. Si la mesure que nous proposons n’apporte qu’une réponse partielle, au moins a-t-elle le mérite d’exister.
Je veux vous remercier à l’avance, monsieur le ministre, de relayer le message du Parlement quant à la limitation du transport de tabac. Sur les dispositions que j’ai évoquées comme sur beaucoup d’autres, le Parlement a largement enrichi le texte qui est soumis aujourd’hui à notre examen, jusqu’à la commission mixte paritaire, dont je tiens encore à saluer le travail.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP votera avec conviction les conclusions de la commission mixte paritaire sur ce dernier collectif pour 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité intervenir, à la fin de l’examen de la loi de finances pour 2011 et de la loi de finances rectificative pour 2010, pour poser cette simple question : l’État est-il en mesure de tenir ses engagements à l’égard du pays, à l’égard de nos concitoyens et de la représentation nationale ? Plus particulièrement, est-il en mesure de tenir ses engagements pour ce qui est du renouvellement urbain et de l’aménagement du Grand Paris ? Sur ces deux points, l’imbroglio procédural est tel qu’il nous a fallu beaucoup de temps pour comprendre quelles étaient les intentions réelles du Gouvernement.
Pour ce qui est du renouvellement urbain, je rappelle qu’en vertu de la loi de 2003, l’État s’engageait à hauteur de 6 milliards d’euros sur un budget total de 12 milliards d’euros. À l’heure actuelle, l’État a mis moins d’un milliard d’euros – un peu plus de 900 millions d’euros – sur la table, le reste des engagements qu’il avait pris ayant été tenu par des partenaires, qu’il s’agisse d’Action Logement – l’ex « 1 % logement » – ou des crédits immobiliers. Comme vous le savez, la loi de finances prévoit un prélèvement sur les bailleurs sociaux – d’un montant de 175 millions d’euros aux termes de la CMP – opéré sur leur potentiel financier, auquel s’ajoutera le prélèvement sur la contribution de garantie des risques locatifs. Ce dispositif, qui a pour objet de faire passer la bosse de financement de l’ANRU pour l’année prochaine, constitue un manquement inacceptable aux engagements de l’État et une rupture manifeste avec la volonté qu’il affichait, il y a encore quelques mois, de les assumer.
Pour ce qui est du Grand Paris, il y a moins d’un an, Christian Blanc en engageait ici même le dispositif, en soulignant deux aspects de son plan financier. Premièrement, l’État devait mettre 4 milliards d’euros sur la stratégie ; deuxièmement, les patrimoines et les espaces situés autour des gares feraient l’objet d’une valorisation. À l’heure actuelle, la loi de finances pour 2011 et la loi de finances rectificative pour 2010 ne contiennent aucun élément relatif au versement d’un seul centime d’euro par l’État au bénéfice de la stratégie du Grand Paris.
Par ailleurs, la loi rectificative a instauré une taxe supplémentaire d’équipement sur le Grand Paris : les entreprises, les habitants, les propriétaires de la région Île-de-France vont payer une taxe destinée à la société chargée de construire le grand réseau, qui devra verser 95 millions d’euros en trois ans à l’Agence de renouvellement urbain.
Mme Sandrine Mazetier. C’est du racket !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin, le dispositif de valorisation des espaces situés autour des gares, instauré par la loi du Grand Paris, se trouve abrogé moins d’un an après !
Mes chers collègues, il faut poser clairement la question : comment les gouvernements successifs peuvent-ils prendre, lors des débats avec la représentation nationale, des engagements qu’ils remettent en cause quelques mois plus tard ? Ce comportement est grave pour les autres acteurs du renouvellement urbain : les collectivités, les établissements de coopération intercommunale, les régions, les bailleurs sociaux, la Caisse des dépôts, Action Logement. Il est grave aussi pour la Société du Grand Paris et tous ceux qui vont contribuer à l’édification de ce nouveau réseau, notamment la région Île-de-France et les huit conseils généraux de ce territoire. C’est d’autant plus incroyable que, dans le même temps, on vient d’annoncer que l’État va enfin engager les financements pour participer au plan de mobilisation sur les transports, comme il a l’obligation de le faire ! Cela fait beaucoup d’engagements non tenus !
Mes chers collègues, je le dis avec amertume au nom de tous les acteurs du logement, du renouvellement urbain et d’une nouvelle stratégie d’organisation des transports pour le territoire francilien : si l’État n’est pas capable de tenir ses engagements, de grâce, que le Gouvernement cesse de les prendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bouvard.
M. Michel Bouvard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Yves Censi a brillamment exposé les avancées obtenues lors du débat au Sénat et le résultat des travaux de la commission mixte paritaire. Pour ma part, je voudrais insister sur deux points : d’une part, la réforme des taxes d’urbanisme, d’autre part, la politique immobilière de l’État.
Pour ce qui est de la réforme des taxes d’urbanisme, un équilibre a, semble-t-il, été trouvé, permettant de simplifier les régimes existants et de laisser une liberté d’action aux départements dans les arbitrages à rendre entre ce qui sera consacré à la protection des espaces naturels sensibles et l’action de conseil – portée, dans un certain nombre de départements, par les CAUE. Je regrette qu’à l’occasion des travaux de la commission mixte paritaire, la majoration de taux qui avait été autorisée pour les départements de montagne n’ait pas pu être maintenue. Il est vrai que cette majoration de taux n’avait de signification que si les départements pouvaient moduler la taxe prélevée en fonction des sites pour contribuer à des dépenses de préservation du tissu environnemental, plus coûteuses dans les régions d’altitude, notamment en raison du plus grand nombre d’espèces protégées.
Pour ce qui est de la politique immobilière de l’État, le Sénat a choisi de suivre l’Assemblée nationale sur la réduction des crédits qu’il était prévu d’inscrire en décret d’avance, pour permettre le logement des services de la Chancellerie. Il a été procédé à une réfaction de 72 millions d’euros sur l’inscription budgétaire, ce qui est pour nous tous – je pense en particulier à notre collègue Yves Deniaud – une grande satisfaction, dans la mesure où il s’agit là d’une économie définitive pour le budget de l’État, mais aussi de la démonstration qu’il est possible de parvenir à une meilleure gestion du patrimoine immobilier de l’État.
Au-delà de cette satisfaction, la question est maintenant de savoir si nous allons passer aux actes. En clair, la chancellerie, qui envisageait le relogement de ses services, va-t-elle effectivement les transférer dans l’immeuble de la porte de Bagnolet plutôt que dans celui de la porte d’Issy – cette dernière option ayant été rejetée par l’Assemblée nationale et le Conseil de l’immobilier de l’État en raison de son coût plus élevé ? Nous entendons dire que face à la diminution de crédits, le ministère de la justice envisagerait le statu quo, consistant à rester dans les locaux actuels, loués pour plusieurs dizaines de millions d’euros par an.
Monsieur le ministre, cela me semble exemplaire de la volonté de réforme de la politique immobilière de l’État. Je veux dire clairement, au nom des parlementaires qui se sont engagés dans cette affaire, que si, d’aventure, le statu quo prévalait, il faudrait que le Parlement aille jusqu’au bout de la logique, c’est-à-dire que nous procédions à une réfaction supplémentaire sur les crédits de fonctionnement de la Chancellerie pour obliger au déménagement.
Nous avons trouvé une solution intelligente, économique et qui, de surcroît, répond à l’attente de la majorité des personnels du ministère de la justice,…
M. Richard Mallié. C’est vrai !
M. Michel Bouvard. …lesquels ont été consultés et ont visité les locaux.
Personne ne comprendrait, dans les circonstances budgétaires actuelles, que l’on se prive d’une économie immédiate sur des dépenses de fonctionnement en choisissant le statu quo au motif que le lieu ne convient pas à quelques hauts fonctionnaires ou magistrats, quelle que soit par ailleurs leur qualité.
C’est le Parlement qui vote le budget, qui autorise l’engagement des dépenses ; le Parlement n’entend pas autoriser le statu quo.
M. Richard Mallié. Très bien !
M. Michel Bouvard. Je voulais le souligner solennellement, en étant sûr que le ministre des comptes publics serait sensible à cet appel ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Carcenac.
M. Thierry Carcenac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l’examen de la loi de finances rectificative pour 2010, nous constatons que l’État se déclare enfin conscient des difficultés financières rencontrées par les départements pour financer les dépenses de solidarité nationale qui mettent en péril leur équilibre financier.
Cependant, la réponse apportée par le Gouvernement, dans la ligne des constatations effectuées tant par le rapport Jamet que par le groupe de travail consacré à la maîtrise des dépenses locales présidé par MM. Carrez et Thénault, n’est pas à la hauteur des problèmes rencontrés. Même le rapporteur général a rappelé, lors des débats, que « ces solutions ne sont pas à l’échelle du problème structurel qui se pose à nous ».
En effet, les dépenses de solidarité nationale des départements continuent de progresser, alors que les recettes de compensation stagnent. On estime que, en 2010, les dépenses pour le RSA socle, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap s’élèveront à 13,6 milliards d’euros, les compensations s’établissant à 8,2 milliards d’euros. Le reste à charge est de 5,4 milliards d’euros, dont 4,2 milliards pour l’APA. Le taux de couverture de la CNSA s’établit à 28 %, loin des 50 % initiaux annoncés dans les débats budgétaires lors de la mise en place de l’APA. La Cour des comptes estime quant à elle que « la capacité du système existant à faire face à l’avenir reste incertaine ».
Vous comprendrez que la mise en place du fonds exceptionnel de soutien en faveur des départements en difficulté financière, doté de 151 millions d’euros, est loin du compte, même si l’on ajoute le concours du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion à hauteur de 500 millions d’euros. Monsieur le ministre, vous avez précisé, lors de votre discours d’ouverture, que vous aviez « entendu l’appel des départements ». L’écho devait être encore trop faible pour qu’ils soient pleinement entendus !
Par ailleurs, le débat sur la dépendance, annoncé pour cet automne, puis reporté, ne réglera rien pour 2011. Il conviendra bien évidemment d’aborder à nouveau le sujet en cours d’année. Dès lors, les débats ont essentiellement porté sur l’affectation de 75 millions d’euros provenant de la CNSA. Les critères de répartition, tels qu’ils résultent des débats en CMP, paraissent acceptables.
Il n’en est pas de même pour les 75 autres millions d’euros provenant du FNSA, sur la répartition desquels vous n’apportez aucune précision. Comment allez-vous procéder pour que cette attribution, qui reste discrétionnaire, soit transparente et impartiale ?
Je réitère ma proposition de passage devant la commission consultative d’évaluation des charges, dont la mission principale réside dans le contrôle de la compensation financière allouée par l’État en contrepartie des transferts de compétences.
La décentralisation sociale illustre les ambiguïtés des compensations des transferts de compétences et une méconnaissance de la situation budgétaire des collectivités territoriales – des départements en particulier –, alors que vous détenez tous les éléments comptables grâce aux payeurs départementaux.
Vous comprendrez que le groupe SRC, qui a fait des propositions visant à créer un fonds exceptionnel de péréquation de la compensation des allocations individuelles de solidarité, ne peut s’estimer satisfait de la réponse financière apportée, qui va laisser perdurer cette situation et conduit à l’étranglement financier de nombreux départements.
Dans ces conditions, nous ne pourrons que nous joindre à l’expression de rejet de cette loi de finances rectificative déjà formulée par notre collègue Pierre Alain Muet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Texte de la commission mixte paritaire

M. le président. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais appeler l’Assemblée à statuer d’abord sur les amendements dont je suis saisi.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 4.
M. François Baroin, ministre. Monsieur le président, je vais, si vous me le permettez, faire une présentation groupée des amendements, sans m’appesantir sur ceux qui ont un caractère purement rédactionnel. Il y en a deux sur lesquels je souhaite appeler particulièrement l’attention de l’Assemblée.
Il s’agit d’abord de l’amendement n° 2, qui tend, comme je l’ai évoqué en répondant au rapporteur général et au président de la commission des finances, à supprimer l’article 17 undecies tel qu’issu de la commission mixte paritaire.
Cet article instaure en effet, je le rappelle, un plafonnement de la base de la cotisation minimum de CFE à 2 000 euros pour les redevables qui réalisent moins de 100 000 euros de recettes en cas d’absence de délibération de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale. Il fait ainsi peser sur le budget de l’État, sachez-le, le coût de cette baisse du niveau de la base minimum, qui représente 20 millions d’euros. On est donc loin des quelques milliers de bénéficiaires annoncés, mais nous devions vous donner des éléments d’appréciation. Le dispositif profiterait à environ 200 000 contribuables situés dans 800 communes.
Le Gouvernement considère qu’il est de la responsabilité des communes de prendre une délibération fixant la cotisation minimum au niveau souhaité. La CMP n’avait pas à sa disposition, lorsqu’elle a adopté ce texte, les éléments de chiffrage que je viens d’indiquer. À la lumière de ces chiffres, j’espère que votre assemblée pourra, sans trahir l’esprit des débats intervenus en CMP, réviser son jugement.
L’amendement n° 3, ensuite, vise à modifier l’article 34. Il s’agit de supprimer la disposition, introduite par la CMP, substituant le critère de potentiel financier à celui de potentiel fiscal. Ainsi que je l’ai déjà évoqué s’agissant de l’affectation des 75 millions au sein du fonds d’aide aux départements en difficulté : le Gouvernement ne remet pas en cause le choix de la CMP de retenir le critère de potentiel financier pour la répartition de l’aide exceptionnelle aux départements gérés. En revanche, la nouvelle disposition que vous proposez pour introduire ce critère dans la répartition du concours de la CNSA au titre de l’APA pose une difficulté. Ses effets, monsieur le rapporteur général, sont mal évalués, nécessitent des simulations détaillées et ne sont pas compatibles avec une réforme immédiate. Cette analyse détaillée est d’autant plus indispensable que les incidences financières pour les départements sont potentiellement significatives ; j’ai parlé de 1,5 milliard.
Ce sujet nécessite donc un débat approfondi au sein du conseil de la CNSA et dans le cadre de la réforme de la dépendance. C’est la raison pour laquelle je demande à la représentation nationale de bien vouloir revenir à une position antérieure.
Les autres amendements, monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, sont de nature rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 4, qui est donc rédactionnel ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement mérite un commentaire. J’appelle particulièrement l’attention de M. Bouvard, car il vise à lever le gage pour permettre de soumettre au bénéfice agricole l’activité de chien d’attelage.
M. Michel Bouvard. Je l’avais bien compris !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. C’est une percée conceptuelle majeure ! (Rires.)
Merci, monsieur le ministre, de la générosité dont vous faites preuve vis-à-vis des mushers ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Je regrette vivement l’intervention du rapporteur général, car je voulais taire ce qui constitue la création d’une niche… pour abriter des chiens de traîneau ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La position du rapporteur général m’impose d’abattre mes cartes. Nous avons évidemment, dans notre bienveillance, décidé d’accompagner la profession, mais je pose la question à M. Bouvard : qu’est-ce que l’on fait pour les chiens qui sont dans les plaines ? Ce n’est pas seulement une affaire de montagnards ! (Sourires.)
M. le président. Si je comprends bien, monsieur le rapporteur général, vous êtes favorable à l’amendement n° 4.
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Je suis en effet favorable à cette levée de gage. Honnêtement, je ne peux pas faire autrement, monsieur le président !
(L’amendement n° 4 est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 8 est de coordination.
(L’amendement n° 8 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. Il en va de même de l’amendement n° 7 rectifié.
(L’amendement n° 7 rectifié, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 2 a été soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement appelle quelques commentaires.
Nous avons souhaité traiter la question du niveau minimum de la cotisation foncière des entreprises, payée par les petits commerçants, par exemple, les petits contribuables assujettis à la taxe professionnelle.
On a observé ces dernières semaines que, outre la question des auto-entrepreneurs, pour laquelle on a trouvé une solution avec l’exonération pendant trois ans de la CFE, il y a, ici ou là, des augmentations sensibles de cotisation foncière des entreprises.
Or, d’une manière générale, la réforme de la taxe professionnelle a conduit à une baisse substantielle d’imposition,…
M. Patrick Lemasle. Pas pour tout le monde !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. …sauf pour les contribuables qui ne payaient que la cotisation foncière, puisque la réforme a consisté à supprimer de l’assiette les équipements et biens mobiliers, les EBM, en les remplaçant par la valeur ajoutée, tout en conservant telle quelle l’assiette foncière.
M. Patrick Lemasle. Tout cela a été mal évalué !
M. Gilles Carrez, rapporteur général. D’où des augmentations, pour toutes sortes de raisons, tel le financement de la chambre de commerce.
L’amendement que j’avais fait adopter visait à traiter une partie de ces cas. Nous pensions effectivement, monsieur le ministre, que cet amendement représentait un enjeu inférieur à 10 millions d’euros. En réalité, c’est le double. Nous qui avons constamment plaidé pour une réduction plus ambitieuse du déficit et qui souhaitons absolument protéger les ressources de l’État, nous comprenons votre position, même si nous la regrettons.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Il n’est quand même pas simple d’expliquer à nos concitoyens que l’on a fait une réforme de la taxe professionnelle pour en abaisser le poids, alors que l’on constate que 170 000 personnes environ – des tout petits, puisque leurs recettes sont inférieures à 100 000 euros –, ne payant pas la partie EBM, ont une augmentation parfois sensible de leur contribution. L’amendement Carrez essayait donc d’atténuer le mal, si je puis dire. Le Gouvernement n’est pas d’accord.
Je veux donc revenir sur les deux arguments avancés.
Le premier consiste à dire que cela coûte 20 millions. Je n’aurai pas l’outrecuidance de rappeler à mes collèges que la réforme de la taxe professionnelle a coûté 7 milliards brut et 5 milliards net, c’est-à-dire 1,5 milliard de plus que ce qui était prévu. Par rapport à cela, ces 20 millions représentent vraiment l’épaisseur du trait !
Le second argument du ministre consiste à dire que les collectivités locales ont été dotées d’un outil qui leur permettait, avant le 1er octobre 2010, de voter une cotisation minimale entre 200 et 2 000 euros. Mes chers collègues, vous êtes nombreux, ici présents, à être membres de la commission des finances. Quels sont ceux parmi vous qui connaissaient cette disposition ? Quels sont ceux, parmi ceux qui la connaissaient, qui l’ont utilisée ? Levez la main ! (Sourires.) Personne ne la connaissait !
M. Patrick Lemasle. Même le ministre ne la connaissait pas !
M. Charles de Courson. Il paraît que seulement un ou deux conseils municipaux ont utilisé cette disposition totalement inconnue.
Il y aurait une solution, monsieur le ministre, puisque vous vous étiez donné une enveloppe maximale de 10 millions d’euros : c’est de rectifier le montant proposé par notre rapporteur général, fixé à 2 000 euros, ce qui représentait le haut de la fourchette, en le faisant passer à 2 500 euros, mais pour la seule année en cours. Là, vous serez à moins de 10 millions.
J’ai fait faire des simulations dans mon secteur, en zone rurale : pour vous donner un ordre de grandeur, je vous indique que l’essentiel des cotisations minimales est, sauf dans des villes importantes où l’on peut dépasser 2 000, 2 200, voire 2 500 euros, plutôt entre 800 et 1 200 euros. Cela concerne donc essentiellement des zones urbaines, mais des petits contribuables.
Seriez-vous d’accord, monsieur le ministre, pour remonter de 2 000 à 2 500 plutôt que de supprimer le texte résultant de l’amendement Carrez, qui avait au moins le mérite d’essayer de résoudre une partie du problème ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. On vous voit, monsieur le ministre, placide à votre place, patient, endurant et stoïque sous les coups de Charles-Amédée du Buisson de Courson (Sourires), qui découvre d’un seul coup que les manants sont les victimes des dispositions gouvernementales !
Mais il n’y a que les nigauds qui pouvaient penser le contraire ! Quelle est la vocation de ce Gouvernement ? C’est de beurrer la tartine de ceux qui font du cholestérol…
M. Jean-Marc Lefranc. Merci, docteur !
M. Jean-Pierre Brard. …et de plumer ceux qui sont déjà passés à l’essoreuse !
Le service d’information du Gouvernement pratique le storytelling, qui consiste non pas à dire quelles sont les mesures gouvernementales à prendre, mais à raconter de belles histoires aux gens pour les endormir et leur faire avaler la pilule !
M. Jean-Marc Lefranc. Ça s’appelle le communisme !
M. Jean-Pierre Brard. C’est ce qui s’est passé avec la taxe professionnelle : les assujettis ont cru qu’ils ne la paieraient pas. Comme le disait La Fontaine, on apprend toujours à ses dépens ! Ce qui est extraordinaire, c’est que plus de trois siècles après, les nigauds n’ont pas fini d’apprendre, même quand ils ont pour porte-voix Charles-Amédée de Courson. Ce qu’il a dit est très intéressant, chers collègues de l’UMP, car il va falloir que vous expliquiez aux petits garagistes, aux marchands de bonbons visités par les enfants, aux petits boulangers que 20 millions, c’est l’épaisseur du trait. Mais dès lors qu’il s’agit de faire un geste pour les petits, à ce moment-là, vous sortez les crocs pour défendre les privilégiés ! Voilà la réalité ! M. de Courson l’a dit et il faut le répéter, car, vous le savez, mes chers collègues, quand on est sur ces bancs, il faut faire de la pédagogie pour expliquer les turpitudes que vous êtes en train d’accomplir. Notre collègue de Courson a employé des mots qui ont du sens : 170 000 petits à tondre, même si cela ne représente que 20 millions d’euros, cela n’a pas de prix pour vous, puisque c’est pour remplir l’escarcelle des privilégiés !
Si je parle ainsi, c’est pour que les gens qui nous regardent sachent à quel point ils ont eu tort de voter pour vous et combien il faudra se le rappeler en 2012 !
(L'amendement n° 2 est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 6.
La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. C’est un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Favorable.
M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.
Mme Sandrine Mazetier. Je ne m’exprimerai pas particulièrement sur cet amendement, mais je souhaiterais que le ministre réponde à ceux de nos collègues qui lui ont posé des questions très précises.
Je pense à Jean-Yves Le Bouillonnec qui a rappelé les engagements pris et non tenus par le Gouvernement en matière d’aménagement de la région capitale, de financement du Grand Paris, de ponctionnement des recettes futures de la Société du Grand Paris organisé par les sénateurs, alors que vous aviez vous-même indiqué ici, monsieur le ministre, à l’occasion du débat sur la loi de finances rectificative, que vous n’étiez pas vraiment d’accord avec cette manœuvre. Répondez donc à Jean-Yves Le Bouillonnec sur le financement du renouvellement urbain en France ! Il n’y a aucune raison pour que les Franciliens financent le renouvellement urbain pour toute la France et que l’État se désengage à ce point d’un objectif national.
Par ailleurs, Michel Bouvard a posé une question très précise et je ne voudrais pas que l’absence de réponse du ministre se traduise par une ponction sur le budget du ministère de la justice. Les atermoiements de certains – pour être aimable – ne devraient pas se traduire par des fuites d’eau dans la majeure partie de nos tribunaux. Notre justice, en effet, est pathétiquement pauvre et n’arrive pas à répondre aux demandes des justiciables. M. Bouvard rappelait les excellentes propositions et réflexions sur l’immobilier de l’État et sur la manière de faire des économies. J’estime que cela mérite une réponse et un engagement précis de la part du Gouvernement.
(L'amendement n° 6 est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 5 a été défendu.
(L'amendement n° 5, accepté par la commission, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d'un amendement n° 3 qui a été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Gilles Carrez, rapporteur général. Cet amendement mérite quelques observations.
Tous les conseillers généraux, présidents de conseils généraux, responsables des finances départementales considèrent qu’il faut aujourd’hui substituer la notion de potentiel financier à celle de potentiel fiscal. C’est ce que nous avons fait dans tous nos travaux liés, d’une part, aux dotations de l’État du type DGF et, d’autre part, aux péréquations que nous mettons en place dès l’année 2011 pour les départements.
Nous nous sommes aperçus, en suivant nos collègues sénateurs – en l’occurrence sur un problème de péréquation – qui nous ont demandé d’adopter la notion de potentiel financier plutôt que celle de potentiel fiscal, que cette dernière subsistait au titre de la répartition de montants qui ne sont pas négligeables, s’agissant de presque 1 milliard d’euros chaque année : je veux parler des allocations de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – la CNSA. Charles de Courson a également proposé de substituer la notion de potentiel financier au titre des attributions de la CNSA.
Il est exact que cela peut entraîner des modifications dans les répartitions et je comprends parfaitement, monsieur le ministre, que vous ne souhaitiez pas que cette substitution soit rétroactive et qu’elle s’applique à l’année 2010. Mais la question se pose pour 2011, a fortiori pour 2012. Aussi, j’aimerais connaître votre position. Si nous attendons la réforme de la dépendance, ce n’est qu’au plus tôt en 2012 – et encore ! – que le potentiel financier remplacera le potentiel fiscal. Or il me semble que nous avons intérêt à avoir les mêmes critères, les mêmes notions, pour définir les différentes allocations qui vont aux différents échelons de collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre. Ce débat n’est pas médiocre, mais nous avons essayé de trouver un point d’équilibre. J’ai rappelé le coût pour les finances publiques de la simple transformation du potentiel fiscal en potentiel financier : nous passons de 150 millions d’euros, qui est la matrice de l’enveloppe, au-delà des 100 millions demandés, mais qui n’est qu’un complément pour passer le cut de la fin du budget 2010 et du budget 2011, pour la petite quinzaine de départements en grande difficulté, dans l’attente de la refonte de la question de la dépendance, à 1,5 milliard, montant que nous ne pourrons pas atteindre.
Ensuite, je ne voudrais pas procéder à la revue, monsieur le rapporteur général, des « plus » et des « moins » du passage du potentiel fiscal au potentiel financier…
M. Gilles Carrez, rapporteur général. En 2010.
M. François Baroin, ministre. …en 2010, sur la base de 2009. Il y a des éléments tellement spectaculaires qu’il ne faudrait pas, à ce stade de la compétition, ouvrir la boîte de Pandore. Toutefois, compte tenu de l’importance du sujet, je prends l’engagement d’en discuter à nouveau dans le courant du premier semestre et, quoi qu’il en soit, avant la loi de finances de l’an prochain.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. M. le rapporteur général a rappelé ce qui s’est passé hier après-midi en commission mixte paritaire. Pour ma part, monsieur le ministre, je vous fais une proposition. Votre thèse est défendable pour 2010, mais pas pour 2011, car la notion de potentiel fiscal n’a plus de sens dès lors qu’il y a eu la réforme. Seriez-vous d’accord pour ne pas supprimer l’alinéa 13, en précisant que le dispositif ne sera applicable qu’au 1er janvier 2011 ? Cela répondrait aux objections que vous venez de soulever.
Il y a, bien sûr, des écarts entre l’ancien critère et le nouveau. Dès lors que l’on change un critère, il y a des « plus » et des « moins », puisqu’il s’agit d’une enveloppe fermée. Mais la vraie question est la suivante : cela va-t-il dans le sens de la justice ? Le potentiel financier paraît à nos collègues – de toutes sensibilités politiques – plus juste que le potentiel fiscal. Monsieur le ministre, seriez-vous d’accord pour renoncer à votre amendement et en déposer un autre précisant que la mesure ne s’appliquerait qu’au 1er janvier 2011 ?
(L'amendement n° 3 est adopté.)


M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe GDR.
M. Jean-Pierre Brard. D’abord, je voudrais faire écho à ce que disait tout à l’heure Michel Bouvard, en soulignant le consensus qu’il y a en commission des finances pour suivre cette affaire de près. La nomenklatura d’État qui, pour partie, siège place Vendôme, ne veut pas être déportée en Sibérie ! Imaginez ces hauts magistrats traînant leurs chaînes et passant la place de la Bastille, ayant l’impression de cheminer vers le Goulag en lointaine Sibérie ! (Rires et exclamations sur divers bancs.) Eh bien non, la porte de Bagnolet, voisine de Montreuil, ce n’est pas le Goulag, ce n’est pas la déportation, c’est la vie réelle. Cela fera du bien à certains, y compris de prendre le métro ! Et si le ministère de la justice avait une mesure de faveur à prendre, nous pourrions suggérer à M. Mercier d’accorder le transport gratuit par le métro à tous ces hauts magistrats afin qu’ils fréquentent la plèbe qu’ils retrouvent parfois dans le prétoire.
Vous l’aurez compris, monsieur le président, il ne s’agissait pas d’une explication de vote ! (Rires.)
Pour ce qui est de ma véritable explication de vote, je la ferai en deux phrases. La pédagogie, il n’y a que cela de vrai ! D’un côté, la loi de finances et le projet de loi finances rectificative : je mets au défi les gens qui nous regardent à la télévision ou sur internet, monsieur le ministre, d’avoir compris un seul mot de ce que vous avez dit. Mais pour éclairer leur lanterne, je leur recommande simplement la lecture du Journal du Dimanche du 19 décembre qui indique : « Une entreprise sur quatre cotée au CAC 40 a échappé en 2009 à l’impôt sur les bénéfices. » Michel Bouvard est très attentif à mes propos parce qu’il partage mon opinion. Total, malgré un bénéfice mondial de plus de 8 milliards d’euros, n’a pas eu à débourser un seul centime dans l’hexagone. Même chose pour Danone, Suez, Essilor ou Saint-Gobain. C’est pourquoi je dis aux Françaises et aux Français : « Faites la comparaison entre la façon dont sont traités les privilégiés et celle dont on traite les honnêtes gens ! Réfléchissez, la trêve des confiseurs y incite, et prenez de bonnes résolutions qui ouvrent les portes de l’avenir et qui nous débarrassent de ces injustices ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe SRC.
M. Pierre-Alain Muet. J’ai rappelé, dans la discussion générale, tout ce qui, dans ce collectif budgétaire, aurait dû être traité et a été oublié. Or ce collectif clôt l’année 2010. Et celle-ci est caractérisée par un déficit historique : même si l’on ne tient pas compte des effets de la crise et que l’on réduit le déficit de 150 à 100 milliards, nous n’avons jamais connu une telle situation. C’est un endettement considérable, car la dette a augmenté de 210 milliards. Elle aura doublé en dix ans. Avec 210 milliards cette année, c’est plus d’un demi-milliard tous les jours !
Cette situation est caractérisée par une explosion du chômage, avec un taux de chômage des jeunes de 24 %, ce que nous n’avions jamais connu jusqu’à présent dans notre pays. Je le répète, ce n’est pas la crise qui explique notre situation. D’autres pays ont subi les effets de la crise, l’Allemagne notamment, mais ont réussi à faire baisser leur taux de chômage. En Allemagne, le taux de chômage des jeunes n’est que de 8 %.
Il y a aussi, comme l’a évoqué Jean-Pierre Brard, une explosion des inégalités. Nous connaissons une situation totalement aberrante puisque les plus grandes entreprises, qui réalisent des profits considérables, ne paient pas l’impôt sur les sociétés. Les inégalités résident aussi, bien sûr, dans l’imposition sur le revenu, puisque les dix plus hauts revenus arrivent à s’exonérer en partie du barème de l’imposition sur le revenu et sont loin d’être soumis à la tranche de 40 %. Mais c’est vrai aussi pour les entreprises du CAC 40 qui paient non pas 33 %, mais 8 % en moyenne de l’impôt sur les sociétés.
Lorsque nous avons débattu du projet de loi de finances, puis du projet de loi de finances rectificative nous n’avons eu de cesse de faire des propositions pour rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace. Le Conseil des prélèvements obligatoires a évoqué, dans un remarquable rapport, toutes les réformes qui pouvaient contribuer à la réduction du déficit. Vous avez balayé ces propositions d’un revers de main. Nos amendements auraient permis de réaliser entre 8 et 10 milliards d’économies. Vous nous avez répondu que nous verrions cela plus tard, lorsque nous examinerons la réforme de l’imposition du patrimoine. Je considère, pour ma part, qu’il y a urgence à conduire une autre politique, laquelle est contraire à celle que traduisent le projet de loi de finances et le projet de loi de finances rectificative. Le groupe socialiste votera évidemment contre ce projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.
M. Charles de Courson. Nous voterons pour le projet de loi de finances rectificative.
M. Patrick Lemasle. Quelle surprise !
M. Charles de Courson. Nous ne cesserons toutefois de dénoncer le léger dérapage dans l’exécution, de l’ordre de 1 % sur les dépenses et de 1 %, sur les recettes réelles, hors élément exceptionnel.
M. Patrick Lemasle. Cela mériterait un vote contre !
M. Charles de Courson. Nous l’avons dit tout à l’heure : il faut inciter le Gouvernement à utiliser la réserve pour tenter d’éviter le dérapage des finances publiques en 2011.
M. Jean-Pierre Brard. Charles-Amédée est un bourgeois de Calais ! (Sourires.)
M. Charles de Courson. En effet, mes chers collègues, le débat, qui devrait être le même de quelque bord que l’on soit, se résume ainsi : où faut-il réaliser les économies justes ? Le jour où la classe politique française sera capable de débattre véritablement sur cette question, nous aurons beaucoup progressé ! Je regrette que cette discussion se limite à la majorité et que l’opposition ne joue pas son rôle en la matière. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
M. Pierre-Alain Muet. C’est incroyable !
Vote sur l'ensemble
M. le président. Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)

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