lundi 8 novembre 2010

la justice administrative reconnaît qu’un terrain familial est une solution

Logement


Droit au logement opposable : la justice administrative reconnaît qu’un terrain familial est une solution

Le 15 octobre dernier, le tribunal administratif de Clermont Ferrand a enjoint le préfet de la Haute Loire d’attribuer dans le cadre du Droit au logement opposable (DALO), soit un habitat adapté, soit un terrain familial à une mère de deux enfants coincée sur une aire d’accueil des gens du voyage. Ce jugement précise trois points jusqu’à lors assez flou
-          Les aires d’accueil sont des lieux d’habitats temporaires uniquement destinés à faciliter le stationnement des itinérants.
-          Un bénéficiaire du DALO peut légitimement refuser des propositions de logements sociaux ne correspondant pas à sa situation. En l’occurrence un propriétaire de caravane n’est pas obligé d’abandonner sa résidence mobile pour entrer dans un HLM classique.
-          Un terrain familial fait parti des possibilités offertes au préfet pour répondre aux besoins de logements.

L’affaire est arrivée devant le tribunal administratif car la préfecture de Haute Loire considérait que Mme L, reconnue par la commission de recours du DALO comme étant prioritaire pouvait, rester soit sur l’aire d’accueil des gens du voyage soit, entrer dans un HLM. La première option est rendue impossible du fait de la loi du 5 juillet 2000 qui précise que les aires d’accueil sont dédiées aux stationnements temporaires. En raison de son état de santé et ne pratiquant pas pour l’instant de métiers itinérants, Mme L n’a donc pas lieu d’occuper une place sur une aire d’accueil. Disposant d’un habitat salubre qu’elle désire légitimement conserver, Mme L n’a pas non plus lieu de prendre un logement HLM classique inadapté à sa situation et qui pourrait être attribué à un autre ménage. Pour sa part le préfet renvoie le problème vers le Maire de la commune. Il considère que les deux solutions retenues par la Commission de médiation soit un habitat individuel adapté de type PLAI, dans le cadre du PDALPD, soit un terrain familial dépendent de la mise à disposition d’une parcelle par la commune.
Le juge rappel que le préfet a l’obligation et le pouvoir de trouver avec l’OPAC une parcelle soit pour un habitat adapté soit pour un terrain familial.
Textes mentionnés : 
-          loi 2000-614 du 5 juillet 2000
-          loi 2007-290 du 5 mars 2007
-          article L.441-2-3-II du code de la construction et de l’habitation
-          article R.778-2 du code de justice administrative

Document : Jugement N°1001445 du 13 octobre 2010 TA de Clermont Ferrand


TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE CLERMONT-FERRAND


1001445
___________

Mme Christiane L
___________

M. Jullière
Président rapporteur
___________

Audience du 13 octobre 2010
Lecture du 15 octobre 2010 
___________






RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand,
                            Le président,





Vu la requête, enregistrée le 18 août 2010, présentée par Mme Christiane L, élisant domicile au CCAS de Brioude Mairie de Brioude à Brioude (43100) ; Mme L demande que le tribunal enjoigne au préfet de la Haute-Loire de lui attribuer un logement adapté en application de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ;

Elle fait valoir que, constatant qu’elle vivait avec ses enfants en caravane sur l'aire d'accueil des gens du voyage de Brioude, la commission de médiation de la Haute-Loire l’a, par décision du 9 avril 2010, reconnue prioritaire et devant être logée d'urgence au titre du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, dans un logement adapté à sa situation ; que la commission a défini comme logement adapté soit un logement dans le parc public pour le public prioritaire relevant du plan d'aide au logement des personnes défavorisées (PDALPD), soit un terrain familial attribué dans le cadre du schéma départemental pour l'accueil et l’habitat des gens du voyage ; que la seconde formule aurait sa préférence eu égard à son appartenance à la communauté des gens du voyage ; qu’elle appréhende l'arrivée de la saison hivernale, compte tenu de son âge et de ses problèmes de santé ;

Vu la décision favorable de la commission de médiation de la Haute-Loire ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2010, présenté par le préfet de la Haute-Loire, tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que :

1- La requête est irrecevable :

- elle est tardive au regard des dispositions de l'article R. 778-2 du code de justice administrative ;

- Mme L n'a pas « qualité pour agir » sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction de l'habitation dès lors que, non dépourvue de logement puisque habitant  une caravane installée sur l'aire d'accueil des gens du voyage à Brioude, légalement affectée à cet usage, et la caravane n’étant manifestement pas suroccupée, elle n'entre dans aucune des catégories définies à l'article L.  441-2-3-II du code de la construction et de l'habitation et, par suite, n'était pas recevable à saisir la commission départementale de médiation ;


2- La demande d'injonction n'est pas fondée :

- il ne peut être donné suite aux propositions de la commission de médiation car, d'une part, il n’existe pas à Brioude de logements pour le public prioritaire relevant du PDAPLD, d'autre part,  si la commission d'attribution des logements de l’OPAC a renouvelé son accord de principe pour la construction d’une maison individuelle du type PLAI, la réalisation d'un tel projet, adapté à la famille de Mme L, est subordonnée à la mise à disposition d'un terrain par la commune de Brioude ;
- Mme L a refusé d'envisager avec l’OPAC la location d'un logement à titre permanent ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

Vu la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 relative au droit au logement opposable et la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir, au cours de l'audience du 13 octobre 2010, présenté son rapport ;

Les parties n’étant ni présentes ni représentées ;


Sur la fin de non-recevoir opposé par le préfet de la Haute-Loire :

Considérant que le préfet de la Haute-Loire, comme il le reconnaît du reste expressément, n'est pas en mesure d'établir la date à laquelle Mme L a reçu la notification, effectuée par courrier en date du 15 avril 2010, de la décision de la commission de médiation de la Haute-Loire du 9 avril 2010 reconnaissant l'intéressée comme prioritaire devant être logée d'urgence au titre du II de l'article L.  441-2-3 du code de la construction et de l'habitation ; que, dès lors, le préfet n'est pas fondé à opposer l'irrecevabilité de la requête présentée par Mme L sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code précité, enregistrée au greffe du tribunal administratif le 18 août 2010, au motif qu'elle aurait été enregistrée après l'expiration du délai de quatre mois prévu par l'article R. 778-2 du code de justice administrative ;



Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, issu de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 et modifié par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 : « I.-Le demandeur qui a été reconnu par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être logé d'urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. Le demandeur peut être assisté par les services sociaux, par un organisme bénéficiant de l'agrément relatif à l'ingénierie sociale, financière et technique prévu à l'article L. 365-3 ou par une association agréée de défense des personnes en situation d'exclusion. (…) Le président du tribunal administratif  ou le magistrat qu'il désigne, lorsqu'il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'Etat et peut assortir son injonction d'une astreinte. Le montant de cette astreinte est déterminé en fonction du loyer moyen du type de logement considéré comme adapté aux besoins du demandeur par la commission de médiation. Le produit de l'astreinte est versé au fonds institué en application du dernier alinéa de l'article L. 302-7 dans la région où est située la commission de médiation saisie par le demandeur. » ;


Considérant que ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé leur adoption, fixent une obligation de résultat pour l’Etat, désigné comme garant du droit au logement opposable reconnu par le législateur ; qu’elles font obligation au juge, auquel il n'appartient pas lorsqu'il est saisi en application de l'article L. 441-2-3-1 d’apprécier la légalité de la décision de la commission départementale de médiation, d’adresser au préfet l’injonction qu’elles prévoient, dès lors qu’il constate que la demande a été reconnue comme prioritaire par la commission de médiation, qu’elle doit être satisfaite d’urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités ;


Considérant que, par décision en date du 9 avril 2010, la commission de médiation de la Haute-Loire a désigné Mme L, mère de deux enfants, comme prioritaire et devant être logée en urgence, au motif qu'elle vivait avec ses enfants dans une caravane stationnée sur l'aire d'accueil des gens du voyage de Brioude ;


Considérant que la loi du 5 juillet 2000 susvisée n'autorise le stationnement de caravane sur les aires d'accueil prévues à cet effet qu'à titre provisoire ; que, par suite, et eu égard à la situation de famille de Mme L, sa demande doit être satisfaite d'urgence ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Loire d'assurer à Mme L et à ses deux enfants, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, la disposition d’un logement tenant compte des besoins et des capacités de cette famille tels que définis par la commission de médiation, à savoir soit un logement du type de ceux réservés au public prioritaire relevant du plan d'aide au logement des personnes défavorisées (PDAPLD), soit un « terrain familial » attribué dans le cadre du schéma départemental pour l'accueil et l'habitat des gens du voyage ;





D E C I D E :


Article 1er : Il est enjoint au préfet de la Haute-Loire d'assurer à la famille de Mme Christiane L, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement, la disposition d’un logement répondant aux caractéristiques ci-dessus énoncées.

Une copie sera transmise, pour information, à la commune de Brioude.


Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme Christiane L et au préfet de la Haute-Loire.







Lu en audience publique le 15 octobre 2010 





Le président rapporteur, 


Signé : JP. JULLIERE
     Le greffier,


Signé : C. DAS NEVES






La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Loire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme :
P/Le greffier en chef,
Le greffier,

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