lundi 1 novembre 2010

Christophe Robert : expert engagé

Portrait d'acteur

 

L'expert engagé

Par Olivier Berthelin
Gazette des communes 25/02/2008
Directeur des études de la Fondation abbé Pierre, Christophe Robert se tient en équilibre entre l'analyse scientifique et l'engagement.
L'hiver représente pour Christophe Robert et les autres spécialistes du mal-logement une période d'intense activité. Il faut agir ! Le froid rend l'opinion publique et, par conséquent, les collectivités et l'Etat sensibles au sort des sans-abri. Le directeur des études de la Fondation abbé Pierre mène de front la préparation du consistant rapport annuel, les « rounds » de concertation avec les parlementaires chargés de mission et les services ministériels et, au cas par cas, prend position lors de manifestations mettant ces questions à la une des médias. Comme tous ses collègues du monde associatif, il insiste pour préciser : « Les problèmes et les souffrances des plus démunis ne disparaissent pas avec les beaux jours. Mais nous pouvons, à ce moment de l'année, plus facilement ­interpeller les décideurs, avec l'espoir de faire un peu avancer les dossiers. » Néanmoins, Christophe Robert tient une place à part dans le concert des porte-parole des divers mouvements engagés dans la complexe bataille du logement. Sa ­manière d'aborder les questions et d'agir le différencie des travailleurs sociaux porteurs de projets et des militants ­adeptes de l'action spectaculaire.
Rigueur et conviction. Ce jeune responsable de 35 ans pèse ses mots, même lorsqu'il prend position à l'issue d'une réunion tendue ou d'une manifestation houleuse. Il garde les réflexes du professeur de sociologie enseignant la rigueur scientifique. Mais quand, loin des micros, il anime des colloques de spécialistes, il ne craint pas de quitter la neutralité de l'expert pour poser des questions sensibles, avec la conviction d'un homme de terrain. Lycéen, puis étudiant et jeune universitaire, il s'est engagé dans des actions de soutien scolaire dans des milieux défavorisés. Les liens tissés alors avec des familles, et toujours maintenus depuis, le rendent sensible aux conséquences humaines des recherches qu'il dirige par ailleurs. « L'abbé Pierre a créé la fondation à côté ­d'Emmaüs car il voulait, en plus de l'action dans l'urgence, un outil capable d'étudier les phénomènes qui génèrent la pauvreté et d'apporter des ­réponses concrètes », précise-t-il pour justifier une attitude qui l'oblige parfois à se transformer en funambule intellectuel devant concilier recherche scientifique et engagement. « Je vis très mal les débats où des interlocuteurs cherchent à m'instrumentaliser en ­cataloguant nos prises de positions dans la démarche d'un clan politique ou d'un autre. Notre travail s'appuie sur des décennies de statistiques et d'analyses, et envisage des solutions sur le long terme », confie le directeur des études. Analysant avec un esprit critique les politiques publiques menées par les gouvernements successifs, les élus locaux de toutes tendances, il n'épargne personne. Même les mouvements tsiganes, dont il discute la représentativité, sont étudiés sans complaisance.
Totale indépendance. Ayant longtemps coopéré avec un cabinet d'études travaillant pour les collectivités, le sociologue reconnaît avoir refusé des missions. « Informer de l'état des hôtels insalubres conduit à la fermeture des établissements, nous devons donc nous questionner sur le relogement des familles concernées », remarque le sociologue. Il a rejoint la Fondation abbé Pierre car celle-ci, forte des dons de 350 000 particuliers, lui assure une totale indépendance. Certains dénoncent son manque de radicalité en évoquant les partenariats liant la fondation et de grandes entreprises. D'autres l'accusent d'être trop proche des publics défavorisés et des activistes qui les soutiennent. Sans crainte, le chercheur demande alors que la qualité des études qui fondent ses engagements soit jugée selon les critères scientifiques.
BIO-EXPRESS
1994 – 2004 : il coopère avec un bureau d'études parisien sur les questions de l'habitat et de l'exclusion. En outre, il poursuit sa formation et dispense des cours à l'université Paris 10.
2004 : directeur des études de la Fondation abbé Pierre.
2006 : soutenance de sa thèse de sociologie.
2007 : publication de la thèse sous le titre « Eternels étrangers de l'intérieur ».
Février 2008 : publication du rapport de la Fondation abbé Pierre « L'état du mal logement en France ».

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