Le 19 janvier dernier le Conseil d’Etat a rappelé que le conseil municipal devait fixer les tarifs des droits de places sur les marchés et non la société à laquelle à été confiée la gestion du marché
Droit de place sur les marchés
Conseil d'État
N° 337870
Publié au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Nicolas Polge, rapporteur
M. Dacosta Bertrand, commissaire du gouvernement
LE PRADO, avocat
lecture du mercredi 19 janvier 2011
N° 337870
Publié au recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Vigouroux, président
M. Nicolas Polge, rapporteur
M. Dacosta Bertrand, commissaire du gouvernement
LE PRADO, avocat
lecture du mercredi 19 janvier 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l'ordonnance du 15 mars 2010, enregistrée le 24 mars 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'État, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour par MM. B ;
Vu la requête, enregistrée le 2 décembre 2009 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris, et le mémoire, enregistré le 18 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour MM. Jean Paul et Bruno B, demeurant ... ; MM. B demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 0605819/2 du 13 octobre 2009 du tribunal administratif de Melun en tant que par ce jugement, le tribunal administratif, appréciant la légalité des stipulations de l'article 45 du traité conclu le 12 avril 1967 par la commune d'Orly avec MM. B pour l'exploitation des marchés communaux, les a déclarées illégales en tant qu'elles prévoient la révision des droits, autres que les droits de location du matériel, fixés aux articles 33 et 44 du même contrat ;
2°) de rejeter la demande présentée par la commune d'Orly devant le tribunal administratif de Melun ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Orly le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code des communes ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu l'ordonnance n°58-1374 du 31 décembre 1958 ;
Vu le décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de MM. B,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Le Prado, avocat de MM. B ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en vertu des principes généraux relatifs à la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, il n'appartient pas à la juridiction administrative, lorsqu'elle est saisie d'une question préjudicielle en appréciation de validité d'un acte administratif, de trancher d'autres questions que celle qui lui a été renvoyée par l'autorité judiciaire ; qu'il suit de là que, lorsque la juridiction de l'ordre judiciaire a énoncé dans son jugement le ou les moyens invoqués devant elle qui lui paraissent justifier ce renvoi, la juridiction administrative doit limiter son examen à ce ou ces moyens et ne peut connaître d'aucun autre, fût-il d'ordre public, que les parties viendraient à présenter devant elle à l'encontre de cet acte ; que ce n'est que dans le cas où, ni dans ses motifs ni dans son dispositif, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a limité la portée de la question qu'elle entend soumettre à la juridiction administrative, que cette dernière doit examiner tous les moyens présentés devant elle, sans qu'il y ait lieu alors de rechercher si ces moyens avaient été invoqués dans l'instance judiciaire, ainsi que les moyens qu'il lui revient de relever d'office, après avoir fait application, dans ce cas, des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, aux termes desquelles : Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'Etat, la sous-section chargée de l'instruction en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle la clôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué ;
Considérant que par ordonnance du 5 avril 2006, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil, saisi d'un litige opposant MM. B et Mme Françoise A à la commune d'Orly, a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée sur la question préjudicielle de la validité des stipulations de l'article 45 du contrat d'affermage conclu entre la commune d'Orly et les consorts A ; que pour déclarer ces stipulations illégales en tant qu'elles prévoient la révision des droits, autres que les droits de location du matériel, fixés aux articles 33 et 44 de ce contrat, le tribunal administratif de Melun s'est fondé sur la circonstance que seule l'assemblée délibérante de la commune pouvait fixer le tarif de droits de nature fiscale ; qu'il est constant que les parties n'ont pas été informées avant la séance de jugement que la décision du tribunal administratif était susceptible d'être fondée sur ce moyen relevé d'office ; que par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, l'article 1er du jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il déclare illégal l'article 45 du contrat en tant que cet article prévoit la révision des droits, autres que les droits de location du matériel, fixés aux articles 33 et 44 du contrat ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans cette limite et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune d'Orly devant le tribunal administratif de Melun ;
Sur la légalité de l'article 45 du contrat en tant qu'il prévoit la révision des droits, autres que les droits de location du matériel, fixés aux articles 33 et 44 du contrat :
Considérant que l'article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux et de bienfaisance, applicable aux droits de places perçus dans les halles et marchés, attribue spécialement compétence aux tribunaux judiciaires pour statuer sur toutes les contestations qui pourraient s'élever entre les communes et les fermiers de ces taxes indirectes, sauf renvoi préjudiciel à la juridiction administrative sur le sens et la légalité des clauses contestées des baux ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutiennent MM. B, la juridiction administrative, saisie en exécution d'une décision de renvoi de l'autorité judiciaire, est compétente pour apprécier la légalité d'une clause contractuelle d'indexation des droits de place perçus dans les halles, foires et marchés ; qu'il revient en revanche à la seule autorité judiciaire, lorsqu'elle est saisie par une commune et son fermier d'un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, d'apprécier si elle doit écarter le contrat et renoncer à régler le litige sur le terrain contractuel, eu égard à l'illégalité constatée, le cas échéant, par la juridiction administrative ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'avant de surseoir à statuer, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Créteil n'a limité ni dans les motifs ni dans le dispositif de son ordonnance la portée de la question qu'il entendait soumettre à la juridiction administrative ; que la commune d'Orly est par suite recevable, contrairement à ce que soutiennent MM. B, à invoquer pour la première fois devant le Conseil d'Etat le moyen tiré de ce que la fixation des modalités de révision du tarif de droits de nature fiscale relève de la compétence du conseil municipal et ne pouvait résulter d'un contrat passé par la commune ;
Considérant qu'il résulte tant des dispositions du décret du 17 mai 1809 mentionné ci-dessus, que de celles de l'article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales, qui reprennent celles de l'article L. 231-5 du code des communes, relatives aux recettes fiscales facultatives de la section de fonctionnement du budget communal, que le produit des droits de place perçus dans les halles foires et marchés présente le caractère d'une recette fiscale de la commune ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 2224-18 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions reprennent celles de l'article L. 376-2 du code des communes : Le régime des droits de place et de stationnement sur les halles et les marchés est défini conformément aux dispositions d'un cahier des charges ou d'un règlement établi par l'autorité municipale après consultation des organisations professionnelles intéressées ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales, identiques à ceux du premier alinéa de l'article L. 121-26 du code des communes : Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que seul le conseil municipal est compétent pour arrêter des modalités de révision de droits de nature fiscale tels que les droits de place perçus dans les halles, foires et marchés ou que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et la taxe de balayage, également énumérées à l'article L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales et régies par les articles 1379, 1520 à 1523 et 1528 du code général des impôts ; que ces modalités de révision ne peuvent résulter des stipulations impératives d'un contrat passé par la commune ; qu'en revanche, si la commune peut légalement souscrire à des stipulations contractuelles fixant les règles d'évolution de redevances pour services rendus à son cocontractant, ces stipulations, qui sont alors relatives à des prix au sens des dispositions du 3 de l'article 79 de l'ordonnance du 30 décembre 1958, aujourd'hui reprises à l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, ne peuvent, en application de ces dispositions, prévoir une indexation fondée sur les prix des biens, produits ou services n'ayant pas de relation directe avec l'objet de la convention ou avec l'activité de l'une des parties ;
Considérant qu'aux termes de l'article 45 du contrat en cause : En raison de la situation économique pouvant se présenter dans le cours de l'exploitation, il est convenu que le tarif journalier des perceptions autorisées, fixé à l'article 33, comme celui de la surtaxe de balayage fixée à l'article 44 et les redevances et indemnités versées à la ville en application des articles 42 et 44, seront révisés chaque fois que les charges de l'exploitation feront apparaître une modification de cinq pour cent par rapport aux conditions du présent traité sans toutefois, en cas de baisse, revenir à des tarifs inférieurs à ceux initialement fixés, sauf accord contraire à réaliser entre les parties sur ce point particulier. / Pour faciliter l'application de cette clause, les parties décident, à défaut de justifications particulières qui auraient pu avoir une influence sensible sur l'application de la révision, de modifier les conditions proportionnellement aux variations constatées en fonction de la formule suivante : (...) ; que ces stipulations, qui fixent de manière impérative les modalités de révision des tarifs prévus au contrat, ne peuvent qu'être déclarées illégales en tant qu'elles s'appliquent aux droits de place prévus à l'article 33 du contrat et aux droits de stationnement ou de déchargement des véhicules, également prévus à cet article, qui constituent l'accessoire des droits de place, dès lors que, ainsi qu'il a été dit, la définition de ces droits relève de la seule compétence du conseil municipal, sans que la commune puisse s'engager par contrat en cette matière ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 du contrat : Les concessionnaires verseront en sus de leurs redevances une indemnité annuelle de trente mille francs à titre de participation aux travaux de balayage et enlèvement des immondices réalisés par la ville. Cette indemnité sera éventuellement majorée d'une somme annuelle de vingt francs pour chacune des places supplémentaires occupée régulièrement au marché du Domaine Gazier, au-dessus des 260 premières (...) ; que l'indemnité ainsi prévue n'est pas assise selon les règles fixées aux articles 1520 à 1523 et 1528 du code général des impôts et imposée aux personnes mentionnées à ces articles ; qu'elle ne présente pas la nature de recette fiscale que les articles L. 2331-3 du code général des collectivités territoriales et 1379 du code général des impôts confèrent à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères et à la taxe de balayage, relevant de la seule compétence du conseil municipal, hors du cadre contractuel, mais présente le caractère d'une redevance pour service rendu, dont la fixation peut résulter d'un contrat approuvé par le conseil municipal ; que le coefficient en proportion duquel l'article 45 du contrat impose de réviser cette indemnité est calculé, aux termes des stipulations de cet article, en fonction d'un indice du salaire horaire moyen dans l'industrie du bâtiment, d'un coefficient de charges sociales pour le bâtiment et la maçonnerie et de trois indices des prix du bois de sapin de menuiserie et de la peinture, de la quincaillerie et de la serrurerie employées en construction ; que les biens, produits et services sur les prix desquels se fonde cette indexation sont sans relation directe avec l'objet des stipulations relatives aux travaux de balayage et d'enlèvement des déchets exécutés par la commune au bénéfice des titulaires du contrat ou avec l'activité de l'une des parties ; que les stipulations de l'article 45 du contrat doivent par suite être également déclarées illégales en tant qu'elles s'appliquent aux indemnités prévues à l'article 44 ;
Sur les conclusions présentées par la commune d'Orly devant le Conseil d'Etat en ce qui concerne la légalité de l'article 45 du contrat en tant qu'il prévoit la révision des droits de location du matériel fixés à l'article 33 et des redevances prévues à l'article 42 :
Considérant que les redevances dues par les titulaires du contrat à la commune d'Orly en application de son article 42, au titre de l'exploitation des marchés concédée par la commune, et les droits de location du matériel fixés à l'article 33, perçus sur les commerçants par les titulaires du contrat en contrepartie de la fourniture d'abris, de tables et de tréteaux, ne présentent pas le caractère de recettes fiscales, mais entrent dans le champ d'application des dispositions de l'article 79 de l'ordonnance du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959, reprises à l'article L. 112-2 du code monétaire et financier ;
Considérant que si la commune d'Orly conteste avoir confié aux titulaires du contrat, par deux avenants de 1974 et 1976, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Melun, les opérations de réhabilitation et de construction d'un marché communal conformément à l'article 4 du contrat du 12 avril 1967, il résulte des articles 39 et 41 de ce contrat que des travaux de dallage du marché du Domaine Gazier incombaient aux titulaires du contrat, ainsi que la charge financière des annuités de l'emprunt contracté par la commune pour la réalisation des travaux immobiliers d'aménagement d'un marché dans l'ancienne propriété Larousse ; qu'ainsi, les biens, produits et services sur les prix desquels se fonde l'indexation prévue à l'article 45 et qui repose, ainsi qu'il a été dit, sur l'évolution des salaires et des charges sociales dans l'industrie du bâtiment, ainsi que sur celle des prix du bois de sapin de menuiserie et de la peinture, de la quincaillerie et de la serrurerie employées en construction , sont en relation directe avec l'objet des stipulations relatives aux droits versés par les commerçants en contrepartie de la fourniture d'abris, de tables et de tréteaux, d'une part, et aux redevances versées par les titulaires du contrat à la commune au titre de l'exécution du service qui leur a été confié par celle-ci ;
Considérant que la commune d'Orly n'est donc pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Melun a jugé légal l'article 45 du contrat en tant qu'il prévoit la révision des droits de location du matériel fixés à l'article 33 et des redevances prévues à l'article 42 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Orly qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par MM. B et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. B, sur le fondement des mêmes dispositions, le versement à la commune d'Orly de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Melun est annulé en tant qu'il déclare illégal l'article 45 du contrat conclu entre la commune d'Orly et MM. B le 12 avril 1967 en tant qu'il prévoit la révision des droits et indemnités, autres que les droits de location du matériel, fixés aux articles 33 et 44 de ce contrat.
Article 2 : L'article 45 du contrat conclu entre la commune d'Orly et MM. B le 12 avril 1967 est déclaré illégal en tant qu'il prévoit la révision des droits de place et des droits de stationnement et de déchargement des véhicules fixés à l'article 33 du même contrat ainsi que des indemnités prévues à l'article 44 de ce contrat.
Article 3 : MM. B verseront à la commune d'Orly la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de MM. B tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le surplus des conclusions de la commune d'Orly sont rejetés.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul B, à M. Bruno B et à la commune d'Orly.
Copie en sera adressée à Mme Françoise A.
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