lundi 11 avril 2011

Urbanisme Un EPCI ne peut pas localiser les aires d’accueil à sa guise



 


La cour administrative d’appel de Nantes a condamné la Communauté de communes de Dinan pour avoir décider de l’implantation d’une aire d’accueil dans une commune qui n’avait pas été préalablement concernée par le schéma départemental d’accueil signé en 2002
La contestation de la délibération adoptée par l’EPCI a été lancée par une association de riverains.




Cour Administrative d’Appel de Nantes


N° 09NT01135

Inédit au recueil Lebon

2ème Chambre


M. PEREZ, président

Mme Catherine BUFFET, rapporteur

M. DEGOMMIER, rapporteur public

BONNAT, avocat(s)



lecture du vendredi 10 décembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 12 mai et 9 juin 2009, présentés pour l’ASSOCIATION BIEN ETRE, représentée par son président en exercice, dont le siège est Bel Air à Trélivan (22100), par Me Bonnat, avocat au barreau de Rennes ; l’ASSOCIATION BIEN ETRE demande à la Cour :


1°) d’annuler le jugement n° 06-812 du 12 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de la délibération 5a du 19 décembre 2005 du conseil de la communauté de communes de Dinan en tant qu’elle décide l’implantation d’une aire d’accueil des gens du voyage sur la parcelle cadastrée AZ n° 20 à Quévert et approuve le principe de l’acquisition de cette parcelle au prix de 28 381 euros, et de la délibération 7a du 9 juillet 2007 de ce même conseil en tant qu’elle approuve le projet définitif d’aire d’accueil des gens du voyage sur ladite parcelle et autorise le président de la communauté de communes à déposer une demande de permis de construire sur ladite parcelle ;


2°) d’annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;


3°) de mettre à la charge de la communauté de communes de Dinan une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;


...................................................................................................................


Vu les autres pièces du dossier ;


Vu la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ;


Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;


Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 novembre 2010 :


- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;


- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;


- et les observations de Me Collet, avocat de la communauté de communes de Dinan ;




Considérant que par jugement du 12 mars 2009, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté les demandes de l’ASSOCIATION BIEN ETRE tendant à l’annulation de la délibération 5a du 19 décembre 2005 du conseil de la communauté de communes de Dinan en tant qu’elle décide l’implantation d’une aire d’accueil des gens du voyage sur la parcelle cadastrée AZ n° 20 à Quévert et approuve le principe de l’acquisition de cette parcelle au prix de 28 381 euros, et de la délibération 7a du 9 juillet 2007 de ce même conseil en tant qu’elle approuve le projet définitif d’aire d’accueil des gens du voyage sur ladite parcelle et autorise le président de la communauté de communes à déposer une demande de permis de construire sur ladite parcelle ; que l’ASSOCIATION BIEN ETRE interjette appel de ce jugement ;


Sur les fins de non-recevoir opposées par la communauté de communes de Dinan :


Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que l’objet social de l’ASSOCIATION BIEN ETRE, tel qu’il est défini à l’article 3 de ses statuts, est la défense du bien être, de la tranquillité et de la sécurité des habitants des communes membres de la communauté de communes de Dinan (CODI), la défense des intérêts des riverains des terrains désignés par la CODI pour accueillir les gens du voyage, la défense du patrimoine architectural, agricole et environnemental des communes membres de la CODI ; que, par suite, l’association requérante justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour contester les délibérations des 19 décembre 2005 et 9 juillet 2007 du conseil de la communauté de communes de Dinan relatives à la création d’une aire d’accueil des gens du voyage sur la parcelle susmentionnée sise sur le territoire de la commune de Quévert, membre de la communauté de communes de Dinan ;


Considérant, d’autre part, que l’assemblée générale de l’association a, par délibérations des 26 janvier 2006, 20 juillet 2007 et 27 mars 2009, autorisé son président, respectivement, à introduire un recours pour excès de pouvoir contre la délibération du 19 décembre 2005 du conseil de la communauté de communes, à introduire un recours pour excès de pouvoir contre la délibération du 9 juillet 2007 de ce même conseil et à faire appel du jugement du 12 mars 2009 du Tribunal administratif de Rennes rejetant ses demandes tendant à l’annulation de ces deux délibérations ; que, dans ces conditions, alors même que l’article 13 des statuts de l’ASSOCIATION BIEN ETRE prévoit que le conseil d’administration peut décider d’agir en justice, le président de cette association doit être regardé comme ayant été valablement autorisé à introduire ses actions en justice tant devant le tribunal administratif que devant la cour ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par la communauté de communes de Dinan et tirée de l’absence de qualité pour agir du président de l’ASSOCIATION BIEN ETRE doit être écartée ;


Sur les conclusions à fin d’annulation :


Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 5 juillet 2000 susvisée relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage en vigueur : I - Les communes participent à l’accueil des personnes dites gens du voyage et dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles. II - Dans chaque département, au vu d’une évaluation préalable des besoins et de l’offre existante, notamment de la fréquence et de la durée des séjours des gens du voyage, des possibilités de scolarisation des enfants, d’accès aux soins et d’exercice des activités économiques, un schéma départemental prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil et les communes où celles-ci doivent être réalisées. - Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma départemental. (...) ; qu’aux termes de l’article 2 de cette loi : I - Les communes figurant au schéma départemental en application des II et III de l’article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en oeuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d’accueil, aménagées et entretenues. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement de coopération intercommunale chargé de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l’aménagement et à l’entretien de ces aires d’accueil dans le cadre de conventions intercommunales (...) ;


Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que les communes de plus de 5 000 habitants sont inscrites obligatoirement au schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage et sont tenues, à ce titre, de participer à sa mise en oeuvre, sous la forme de mise à la disposition des gens du voyage d’une ou plusieurs aires d’accueil aménagées et entretenues ; que si la loi du 5 juillet 2000 susvisée prévoit la possibilité pour ces communes de transférer cette compétence à un établissement de coopération intercommunale, ce dernier qui est chargé par la loi de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental relatives aux obligations mises à la charge desdites communes, ne peut, dans le cadre de l’exercice de cette compétence, sauf disposition particulière prévue par une convention passée entre les communes concernées, décider de créer une aire d’accueil dans une commune de moins de 5 000 habitants non inscrite à ce schéma, aux lieu et place d’un autre site d’implantation retenu par ledit schéma dans une commune de plus de 5 000 habitants ;


Considérant que le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage des Côtes d’Armor, arrêté le 4 décembre 2002, énumère les communes de plus de 5 000 habitants figurant obligatoirement au schéma, parmi lesquelles la commune de Dinan, qui sont tenues de participer à sa mise en oeuvre, sous la forme d’une mise à la disposition des gens du voyage d’une ou plusieurs aires d’accueil aménagées et entretenues ; qu’il identifie, par pays, l’ensemble des implantations d’aires d’accueil existantes, à réhabiliter et à créer et précise, s’agissant du pays de Dinan, qu’une aire d’accueil doit être réalisée, sur le territoire de la commune de Dinan ;


Considérant que, par les délibérations contestées, le conseil de la communauté de communes de Dinan a décidé, dans le cadre de la mise en oeuvre du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage des Côtes d’Armor, de créer une aire d’accueil sur un terrain sis sur le territoire de la commune de Quévert ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette aire d’accueil, située à proximité de la commune de Dinan, se substitue à celle prévue par le schéma départemental sur le territoire de cette dernière commune ; que, toutefois, ledit schéma départemental ne prévoit, en matière de création d’aire d’accueil, aucune disposition particulière en ce qui concerne la commune de Quévert, dont le nombre d’habitants est inférieur à 5 000 ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’une convention intercommunale a été conclue entre ces deux communes en vue de l’aménagement d’une aire d’accueil à Quévert ; que, par suite, la communauté de communes de Dinan, qui se borne à soutenir qu’elle a reçu de la part des communes membres, compétence en matière de recherche, d’étude, de financement, d’aménagement et de gestion des terrains destinés à accueillir les gens du voyage et qu’elle est, de ce fait, seule compétente pour fixer le site retenu pour l’aire d’accueil des gens du voyage sur le territoire de l’une des communes au sein de son périmètre, ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées de la loi du 5 juillet 2000, décider d’implanter une aire d’accueil sur le territoire de la commune de Quévert et non sur celui de la commune de Dinan, inscrite au schéma départemental et tenue, ainsi qu’il a été dit, de mettre à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires permanentes d’accueil ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la délibération 5a du 19 décembre 2005 du conseil de la communauté de communes de Dinan en tant qu’elle décide l’implantation d’une aire d’accueil des gens du voyage sur la parcelle AZ n° 20 à Quévert et approuve le principe de l’acquisition de cette parcelle au prix de 28 381 euros, ainsi que la délibération 7a du 9 juillet 2007 de ce même conseil en tant qu’elle approuve le projet définitif d’aire d’accueil des gens du voyage sur ladite parcelle et autorise le président de la communauté de communes à déposer une demande de permis de construire, sont entachées d’illégalité et doivent être annulées ;


Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ASSOCIATION BIEN ETRE est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes ;


Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :


Considérant, d’une part, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la communauté de communes de Dinan le versement d’une somme de 2 000 euros à l’ASSOCIATION BIEN ETRE au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, d’autre part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’ASSOCIATION BIEN ETRE, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la communauté de communes de Dinan demande au titre des frais de même nature qu’elle a exposés ;



DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du 12 mars 2009 du Tribunal administratif de Rennes est annulé.

Article 2 : La délibération 5a du 19 décembre 2005 du conseil de la communauté de communes de Dinan en tant qu’elle décide l’implantation d’une aire d’accueil des gens du voyage sur la parcelle cadastrée à la section AZ sous le n° 20, sur le territoire de la commune de Quévert et approuve le principe de l’acquisition, à cet effet, de cette parcelle au prix de 28 381 euros (vingt-huit mille trois cent quatre vingt un euros), et la délibération 7a du 9 juillet 2007 de ce même conseil en tant qu’elle approuve le projet définitif d’aire d’accueil des gens du voyage sur cette parcelle et autorise le président de la communauté de communes à déposer une demande de permis de construire sur ladite parcelle, sont annulées.

Article 3 : La communauté de communes de Dinan versera à l’ASSOCIATION BIEN ETRE une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la communauté de communes de Dinan tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’ASSOCIATION BIEN ETRE et à la communauté de communes de Dinan (Côtes d’Armor).

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