Le 11 février dernier le Conseil d’Etat a condamné la préfecture de l’Aude pour avoir décidé de refuser une aide communautaire à un agriculteur. Cette décision étant de fait une sanction aurait du être prise à l’issue d’une enquête prenant en compte les observations de l’exploitant agricole.
Conseil d'État
N° 336258
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
M. Martin, président
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur
Mme Cortot-Boucher Emmanuelle, rapporteur public
BLANC, avocat
lecture du vendredi 11 février 2011
N° 336258
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
3ème et 8ème sous-sections réunies
M. Martin, président
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur
Mme Cortot-Boucher Emmanuelle, rapporteur public
BLANC, avocat
lecture du vendredi 11 février 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 février et 4 mai 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL LAURENTI, dont le siège social est 5 rue de la Contrescarpe aux Riceys (10340) ; la SARL LAURENTI demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08NC00668 du 7 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 13 mars 2008 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision du 7 juillet 2005 du préfet de l'Aube, confirmée sur recours gracieux, l'excluant du bénéfice des aides compensatoires aux surfaces cultivées au titre de l'année 1996, et, d'autre part, à l'annulation des décisions attaquées ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel et d'enjoindre à l'administration de lui verser les aides compensatoires aux surfaces cultivées au titre de l'année 1996, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil, du 30 juin 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992 ;
Vu le règlement (CEE) n° 3887/92 de la Commission, du 23 décembre 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Blanc, avocat de la SOCIETE LAURENTI,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Blanc, avocat de la SOCIETE LAURENTI ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL LAURENTI, qui a repris en 1996 l'exploitation agricole de plusieurs parcelles situées sur le territoire de la commune des Riceys, a saisi le préfet de l'Aube d'une déclaration de surfaces en vue de bénéficier, au titre de l'année 1996, des aides compensatoires prévues par le règlement (CEE) n° 1765/92 du Conseil du 30 juin 1992 instituant un régime de soutien aux producteurs de certaines cultures arables ; qu'à la suite de contrôles sur place effectués par des agents de l'Office national interprofessionnel des céréales les 30 juillet et 9 août 1996, le préfet de l'Aube a exclu la société du bénéfice du régime d'aides par une décision du 20 février 1997 ; qu'après l'annulation de cette première décision par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 juin 2004, le préfet de l'Aube a pris le 7 juillet 2005 une nouvelle décision, confirmée sur recours gracieux le 29 août suivant, excluant la SARL LAURENTI du bénéfice des aides compensatoires aux surfaces cultivées au titre de l'année 1996, au motif que le contrôle effectué sur place le 30 juillet 1996 avait fait apparaître des anomalies constitutives de fausse déclaration par négligence grave ; que la SARL LAURENTI se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 7 décembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a confirmé le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 13 mars 2008 rejetant son recours contre les décisions des 7 juillet et 29 août 2005 ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement n° 1765/92 du 30 juin 1992 : 1. Les producteurs communautaires de cultures arables peuvent revendiquer un paiement compensatoire (...) / 2. (... ) / Le paiement compensatoire est accordé pour la superficie consacrée aux cultures arables ou au gel des terres (...) ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement (CEE) n° 3508/92 du Conseil, du 27 novembre 1992, établissant un système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires : 1. Pour être admis au bénéfice d'un ou de plusieurs régimes communautaires soumis aux dispositions du présent règlement, chaque exploitant présente, pour chaque année, une demande d'aides surfaces (...) ; qu'aux termes de l'article 8 du même règlement : 1. L'Etat membre procède à un contrôle administratif des demandes d'aides (...) ; qu'aux termes de l'article 6 du règlement (CEE) n° 3887/92 du 23 décembre 1992 de la Commission, portant modalités d'application du système intégré de gestion et de contrôle relatif à certains régimes d'aides communautaires : (...) / 5. Les contrôles sur place sont effectués d'une manière inopinée et portent sur l'ensemble des parcelles agricoles ou des animaux couverts par une (ou plusieurs) demande(s). Un préavis limité au délai strictement nécessaire, qui en règle générale ne peut dépasser les quarante-huit heures, peut toutefois être donné. (...) / 7. La détermination de la superficie des parcelles agricoles se fait par tout moyen approprié défini par l'autorité compétente (...) ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 9 du même règlement : Lorsqu'il est constaté que la superficie déclarée dans une demande d'aides surfaces dépasse la superficie déterminée, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie effectivement déterminée lors du contrôle. (...) / Au cas où l'excédent constaté est supérieur à 20 % de la superficie déterminée, aucune aide liée à la superficie n'est octroyée. / Toutefois, s'il s'agit d'une fausse déclaration faite délibérément ou par négligence grave : / - l'exploitant en cause est exclu du bénéfice du régime d'aides concerné au titre de l'année civile en cause (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 12 du même règlement : Chaque visite de contrôle doit être consignée dans un rapport qui indique notamment les motifs de la visite, les personnes présentes, le nombre des parcelles visitées, celles qui ont été mesurées, (...). / L'exploitant ou son représentant a la possibilité de signer ce rapport attestant, le cas échéant, au minimum de sa présence lors du contrôle ou en indiquant ses observations y relatives ;
Considérant que la décision que prend l'administration à l'issue du contrôle administratif prévu par le règlement n° 3887/92 revêt le caractère d'une sanction administrative lorsque l'écart constaté entre la déclaration de l'exploitant et le résultat du contrôle a pour effet de priver l'intéressé d'une part de l'aide plus que proportionnelle à cet écart ou de l'exclure pendant une certaine période du bénéfice du régime d'aides concerné ; qu'il en résulte notamment que l'administration doit respecter les droits de la défense et mettre l'intéressé en mesure de faire valoir ses observations sur les résultats du contrôle avant toute sanction ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Nancy a commis une erreur de droit dans l'application du règlement n° 3887/92 en jugeant, par les motifs adoptés des premiers juges, que l'administration n'était pas tenue de mettre l'exploitant contrôlé en mesure de présenter ses observations sur les résultats du contrôle ; que, dès lors, la SARL LAURENTI est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SARL LAURENTI de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 7 décembre 2009 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : L'Etat versera à la SARL LAURENTI une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SARL LAURENTI et au ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
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