Nous avons été alerté par des lecteurs savoyards, craignant de ne pouvoir renouveler leur contrat provisoire d’électricité du fait d’étranges formulaires d’ERDF, faisant référence à un décret de mars 2010 et exigeant que l’électricité ne puisse être utilisée pour a des fins d’habitations. Mais, ce décret relatif aux attestations de conformité relative aux installations définitives. « Elle n'est pas exigible lorsque le raccordement de l'installation n'a qu'un caractère provisoire ou lorsque la mise sous tension n'est demandée que pour une période limitée, en vue de procéder aux essais de l'installation », précise le décret. Autrement dit ce texte ne peut nullement fonder quelconque exigence quand à l’utilisation que l’usager fait de l’électricité, qui est un service public accessible à tous (loi 2000-108 du 10 février 2000). Seul l’éloignement du réseau nécessitant d’importants travaux peut justifier un refus de raccordement provisoire dispositif qui ne nécessite nulle autorisation.
Ne pas confondre contrat provisoire et contrat définitif
L’électricité comme l’eau et la scolarisation sont des biens de première nécessité indispensables à la vie. L’accès, provisoire à ces services publics sont totalement indépendant d’éventuels litiges concernant le droit de propriété ou le code de l’urbanisme. (Article 8 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, cité par le Conseil d’Etat 15 décembre 2010). Le contrat provisoire doit être renouvelé autant de fois qu’il est nécessaire jusqu’à l’autorisation d’un branchement définitif donné par le maire et les services d’urbanisme, ou la disparition de l’installation ordonnée par un juge à l’issue de procédures d’expropriation ou d’expulsion. En cas de litige, le maire peut s’opposer à un branchement définitif (article L111-6 du code de l’urbanisme), mais cette décision de l’élu peut être contestée par l’usager (Conseil d’Etat, février 2011). Dans l’attente de la décision finale l’administré ne peut être privé de l’accès provisoire à l’électricité.
L’électricité provisoire : un casse tête pour les élus et les services des collectivités
Pour les élus, leurs collaborateurs et les différents acteurs de l’urbanisme, les branchements provisoires peuvent être vécus comme étant la source de nombreuses difficultés. Les règlements définitifs de litiges peuvent prendre de très longues années. De son côté, ERDF qui revendique que la responsabilité soit porté par les élus, tend de plus en plus à demander l’avis des maires avant d’effectuer son métier qui consiste seulement à effectuer des branchements garantissant la sécurité des utilisateurs. Pour ces acteurs la tentation est donc grande d’utiliser les renouvellements de branchements provisoires comme une arme pour rendre la vie des usagers difficiles et les contraindre de partir en faisant l’économie d’interminables procédures à l’issue aléatoires. Parfois, les élus se trouvent confrontés à de véritables problèmes de responsabilité morale et juridique lorsque l’installation est située sur des parcelles dangereuses. D’autres fois les motifs de ces méthodes pour le moins discutables, sont le fruit de pressions de riverains ou d’opposants politiques. La complexité des questions d’urbanisme vis-à-vis de type d’habitats aux statuts mal définis comme les résidences mobiles et les habitations légères, ne simplifient pas non plus la tâche des élus. La dispersion de l’habitat, la préservation des terres agricoles, la maîtrise du foncier par les collectivités territoriales représentent de véritables enjeux. Régulièrement des modifications législatives sont proposées dans le but de renforcer le pouvoir des services de l’Etat et des élus locaux. L’article 90 de la Loppsi 2, retoqué par le conseil constitutionnel était une de celles là.
Olivier Berthelin, avec l’aide de juristes…
Documents raccordements électriques
Décret
DECRET
Décret n°72-1120 du 14 décembre 1972 relatif au contrôle et à l'attestation de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité en vigueur.
Version consolidée au 24 mars 2010
Décret n°72-1120 du 14 décembre 1972 relatif au contrôle et à l'attestation de la conformité des installations électriques intérieures aux règlements et normes de sécurité en vigueur.
Version consolidée au 24 mars 2010
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre de l'intérieur, du ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme, du ministre de l'agriculture et du développement rural, du ministre du développement industriel et scientifique et du ministre de la santé publique,
Vu l'avis du conseil supérieur de l'électricité et du gaz.
Pour l'application du présent décret, une installation intérieure est constituée par l'installation électrique située en aval du point de raccordement au réseau public de distribution d'électricité.
Doit faire l'objet, préalablement à sa mise sous tension par un distributeur d'électricité, d'une attestation de conformité aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements en vigueur pour le type d'installation considérée :
- toute nouvelle installation électrique à caractère définitif raccordée au réseau public de distribution d'électricité ;
- toute installation de production d'électricité d'une puissance inférieure à 250 kilovoltampères raccordée au réseau public de distribution d'électricité et requérant une modification de l'installation intérieure d'électricité ;
- toute installation électrique entièrement rénovée alimentée sous une tension inférieure à 63 kilovolts, dès lors qu'il y a eu mise hors tension de l'installation par le distributeur à la demande de son client afin de permettre de procéder à cette rénovation.
Par installation électrique entièrement rénovée, on entend une installation dont l'ensemble des éléments déposables et situés en aval du point de livraison ont été déposés et ont été reposés ou remplacés.
L'attestation établie et visée dans les conditions précisées aux articles 2 et 4 ci-après doit être remise au distributeur par l'abonné :
- au plus tard à la date de demande de mise en service du raccordement dans le cas d'une installation nouvelle ;
- préalablement à la remise sous tension lorsqu'il y a eu rénovation totale d'une installation électrique avec mise hors tension de l'installation par le distributeur.
Elle n'est pas exigible lorsque le raccordement de l'installation n'a qu'un caractère provisoire ou lorsque la mise sous tension n'est demandée que pour une période limitée, en vue de procéder aux essais de l'installation.
Les installations électriques non entièrement rénovées au sens du présent décret ou dont la rénovation n'a pas donné lieu à mise hors tension par un distributeur d'électricité peuvent faire l'objet d'une attestation de conformité sur la demande du maître d'ouvrage. Lorsque la rénovation n'a été que partielle, l'attestation mentionne les circuits électriques de l'installation au sens de la norme NF C 15-100 dont elle atteste la conformité ; lorsque certains circuits n'ont été que partiellement rénovés, l'attestation précise les parties de ces circuits qu'elle ne couvre pas. L'attestation précise également que les circuits ou les parties de circuits rénovés sont compatibles, du point de vue de la sécurité, avec les parties non rénovées. L'attestation de conformité est soumise au visa d'un organisme mentionné à l'article 4 ci-après, dans les mêmes conditions que pour les attestations obligatoires au sens du présent décret. Elle est conservée par le maître d'ouvrage.
L'attestation de conformité est établie par écrit et sous sa responsabilité par l'installateur. En cas de pluralité d'installateurs, chacun établit l'attestation pour la partie de l'installation qu'il a réalisée.
Lorsque le maître d'ouvrage procède lui-même à l'installation ou la fait exécuter sous sa responsabilité, il lui appartient d'établir l'attestation.
L'attestation de conformité est obligatoirement soumise, par son auteur, au visa d'un des organismes visés à l'article 4 ci-après. Cet organisme fait procéder ou procède au contrôle des installations qu'il estime nécessaire, le cas échéant sur la base d'un échantillon statistique des installations considérées dans les conditions approuvées par le ministre chargé de l'électricité et doit subordonner son visa à l'élimination des défauts de l'installation constatés au cours de ce contrôle.
Les délais et conditions d'apposition du visa sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'électricité.
Modifié par Décret 2001-222 2001-03-06 art. 1 V, VI JORF 13 mars 2001
Modifié par Décret n°2001-222 du 6 mars 2001 - art. 1 JORF 13 mars 2001
Modifié par Décret n°2001-222 du 6 mars 2001 - art. 1 JORF 13 mars 2001
La remise au distributeur d'énergie électrique de l'attestation de conformité ainsi visée ne dispense pas l'usager ou le maître d'ouvrage des autres obligations qui lui incombent, en application de la réglementation en vigueur, notamment en ce qui concerne la sécurité dans les établissements recevant du public, les immeubles de grande hauteur et la protection des travailleurs.
Au cas où une vérification de la conformité de l'installation a été réalisée, notamment dans le cadre de réglementations autres que celle prévue au présent décret, le rapport remis à l'usager ou au maître d'ouvrage à la suite de cette vérification, ou la partie de ce rapport concernant l'installation intérieure, est joint à l'attestation de conformité soumise au visa.
Les dispositions de l'alinéa précédent s'appliquent en particulier aux installations industrielles et agricoles employant des travailleurs où, sauf cas exceptionnel, l'organisme chargé du visa ne peut procéder lui-même aux vérifications, mais doit s'assurer que le rapport donne toutes précisions utiles sur la conformité des installations électriques aux prescriptions de sécurité imposées par les règlements en vigueur.
Le visa des attestations de conformité est confié à des organismes de droit privé à but non lucratif, associant en nombre égal, dans leur conseil d'administration, des représentants de chacune des trois catégories énumérées ci-après :
Distributeurs d'énergie électrique (E.D.F. et entreprises non nationalisées) ;
Installateurs électriciens (entrepreneurs et professionnels du secteur des métiers) ;
Usagers de l'électricité (représentés par les organisations groupant respectivement les collectivités concédantes, les usagers, les maîtres d'ouvrage, les entreprises de bâtiment non visées ci-dessus).
Ces organismes se constituent librement, mais sont soumis, en vue de l'exercice de la mission qui doit leur être confiée en exécution du présent décret, à l'agrément donné par le ministre chargé de l'électricité, en fonction des garanties qu'ils offrent à l'administration.
Les frais exposés par les organismes précités dans l'exercice de cette même mission leur sont remboursés par l'auteur de l'attestation de conformité dans les limites d'un barème arrêté par le ministre chargé de l'électricité.
En cas d'inobservation des obligations d'un organisme agréé, le ministre chargé de l'électricité peut procéder au retrait de l'agrément après avoir entendu les représentants de l'organisme concerné.
Les dispositions arrêtées par les conseils d'administration des organismes agréés pour l'exercice de leur mission, et singulièrement les conditions dans lesquelles il est procédé au contrôle prévu à l'article 2 ci-dessus, les rapports d'activité et les comptes annuels des organismes agréés sont soumis pour avis aux ministres intéressés.
Le ministre de l'intérieur, le ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme, le ministre de l'agriculture et du développement rural, le ministre du développement industriel et scientifique et le ministre de la santé publique sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Signataires :
Le Premier ministre : PIERRE MESSMER.
Le ministre du développement industriel et scientifique, JEAN CHARBONNEL.
Le ministre de l'intérieur, RAYMOND MARCELLIN.
Le ministre de l'aménagement du territoire, de l'équipement, du logement et du tourisme, OLIVIER GUICHARD.
Le ministre de l'agriculture et du développement rural, JACQUES CHIRAC.
Le ministre de la santé publique, JEAN FOYER.
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Document :
Conseil d’Etat L’article 8 de la convention européenne des droit de l’homme ne permet pas de priver d’électricité des familles.
Conseil d’État
N° 323250
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
8ème et 3ème sous-sections réunies
M. Stirn, président
M. Guillaume Prévost, rapporteur
Mme Escaut Nathalie, commissaire du gouvernement
SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN ; SCP COUTARD, MAYER, MUNIER-APAIRE, avocat(s)
Lecture du mercredi 15 décembre 2010
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 décembre 2008 et 11 mars
2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Sandra A, demeurant 36, rue
de la Fontaine à Gouvernes (77400) ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 07PA01761 du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de
Paris a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement n° 0406457 du 15 février 2007 du tribunal
administratif de Melun rejetant sa demande tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet
opposée par le maire de la commune de Gouvernes à sa demande, en date du 20 septembre 2004,
tendant au raccordement du terrain dont elle est propriétaire au réseau d’eau potable ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à sa requête ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1
du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi du 2 mai 1930 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Guillaume Prévost, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A, et de la SCP Coutard,
Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de Mme A et à la
SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la commune de Gouvernes ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A a installé sur un
terrain dont elle est propriétaire situé à Gouvernes (Seine-et-Marne) deux caravanes dans lesquelles elle
habite avec son compagnon et leurs cinq enfants ; que ce terrain étant situé en zone ND du plan
d’occupation du sol, dans le périmètre d’un site classé et dans le périmètre de protection d’un monument
historique, l’installation des caravanes y était interdite par les dispositions en vigueur de l’article R. 449-
9 du code de l’urbanisme ; que le maire de la commune de Gouvernes a implicitement rejeté sa demande
en date du 20 septembre 2004 tendant au raccordement de ce terrain au réseau d’eau potable ; que Mme
A se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 16 octobre 2008 par lequel la cour administrative d’appel de
Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Melun du 15 février 2007
qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cette décision implicite ;
Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de
l’homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et
familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité
publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle
constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la
sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des
infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés
d’autrui. ;
Considérant que la décision par laquelle le maire refuse, sur le fondement de l’article L. 111-6 du code
de l’urbanisme, un raccordement d’une construction à usage d’habitation irrégulièrement implantée aux
réseaux d’électricité, d’eau, de gaz ou de téléphone a le caractère d’une ingérence d’une autorité
publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations précitées de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, si une
telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d’urbanisme et
de sécurité ainsi que la protection de l’environnement, il appartient, dans chaque cas, à l’administration
de s’assurer et au juge de vérifier que l’ingérence qui découle d’un refus de raccordement est, compte
tenu de l’ensemble des données de l’espèce, proportionnée au but légitime poursuivi ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en jugeant que le refus implicite de raccordement du
terrain au réseau d’eau potable opposé par le maire de la commune de Gouvernes à la demande
présentée par Mme A ne pouvait être regardé comme une ingérence dans son droit au respect de la vie
privée et familiale, la cour a commis une erreur de droit et méconnu les stipulations de l’article 8 de la
convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, dès
lors et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander
l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Gouvernes
le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code
de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la
présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par elle et non
compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er
L’arrêt du 16 octobre 2008 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé.
Article 2
L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3
La commune de Gouvernes versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du
code de justice administrative.
Article 4
Les conclusions de la commune de Gouvernes tendant à l’application des dispositions de l’article L.
761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5
La présente décision sera notifiée à Mme Sandra A, à la commune de Gouvernes et au ministre de
l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
___________________________________________________________________________
Document
Raccordements électriques
Décision du Conseil d’Etat : Le refus d’autorisation de raccordement définitif peut faire l’objet de recours
Conseil d’État
N° 343442
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
2ème et 7ème sous-sections réunies
M. Stirn, président
M. Yves Doutriaux, rapporteur
Mme Bourgeois-Machureau Béatrice, rapporteur public
RICARD ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocat(s)
lecture du jeudi 24 février 2011
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi, enregistré le 23 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour Mme Paule André A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 101708 du 9 septembre 2010 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice, statuant sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté sa demande, tendant, d’une part, à la suspension de l’exécution de la décision révélée par un courrier d’Electricité Réseau Diffusion France (ERDF) du 19 avril 2010 par laquelle la commune de Saint-Laurent du Var a rejeté la demande de raccordement au réseau public d’électricité de son immeuble situé au 116 avenue des Oliviers ainsi que, en tant que de besoin, de la décision qui résulterait de la lettre du maire de Saint-Laurent-du-Var en date du 12 avril 2010 n’émettant un avis favorable à la demande de raccordement qu’à la condition que le nombre de logements autorisés dans le bâtiment reste inchangé, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de ces décisions, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à l’administration de prendre une décision dans les quinze jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent-du-Var le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d’Etat,
- les observations de Me Ricard, avocat de Mme A, et de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Saint-Laurent-du-Var,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Ricard, avocat de Mme A, et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Saint-Laurent-du-Var ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nice que Mme A est copropriétaire indivis de l’immeuble pour lequel elle a demandé un raccordement supplémentaire au réseau public d’électricité pour un appartement issu d’une division ; que la seule circonstance, retenue par le juge des référés, que la requérante aurait entrepris sans autorisation des travaux sur cet immeuble, n’est pas de nature à la priver d’intérêt à contester le refus de raccordement qui lui a été opposé ; qu’ainsi, en jugeant que la requérante ne justifiait pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir à l’encontre de ce refus, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de qualification juridique des faits ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A est fondée à demander l’annulation de cette ordonnance ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande présentée par Mme A en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;
Sur l’exception aux fins de non-lieu à statuer soulevée par la commune :
Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune de Saint Laurent du Var, le refus opposé à la requérante n’a pas cessé de produire ses effets ; que, par suite, le litige n’a pas perdu son objet ; qu’il y a donc lieu d’y statuer ;
Sur les conclusions aux fins de suspension :
Considérant que la décision de la commune de Saint Laurent du Var, laquelle est susceptible de recours, rejetant la demande de raccordement au réseau électrique d’un appartement de l’immeuble dont Mme A, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, justifie d’un intérêt lui donnant qualité à agir, est copropriétaire indivis a pour effet de l’empêcher de percevoir les revenus locatifs de cet appartement alors qu’elle a réalisé des travaux intérieurs et de remise aux normes, pour lesquels elle supporte les échéances des prêts souscrits à cet effet ; que, dans ces conditions, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie ;
Considérant que le moyen de Mme A tiré de ce que les conditions permettant au maire, en vertu de l’article L. 111-6 du code de l’urbanisme, de s’opposer au raccordement litigieux n’étaient pas, en l’espèce, réunies, est de nature, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse ; qu’en revanche, pour l’application des dispositions de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, les moyens tirés de ce que la requérante aurait dû être mise en mesure de présenter ses observations sur le refus qu’on se proposait de lui opposer en vertu de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, de ce que ce refus n’est pas suffisamment motivé, de ce qu’il serait entaché de détournement de pouvoir et de ce qu’il méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas de nature à faire naître un tel doute ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme A est fondée à demander la suspension de l’exécution de la décision litigieuse ;
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
Considérant que l’exécution de la présente ordonnance implique que la demande de Mme A soit réexaminée ; qu’il y a lieu, par suite, d’enjoindre à la commune de Saint Laurent du Var de procéder à ce réexamen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente décision ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction de l’astreinte demandée par Mme A ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de la commune de Saint Laurent du Var le versement à Mme A de la somme de 3 000 euros ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Mme A, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d’une somme au titre des frais exposés par la commune de Saint Laurent du Var et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 9 septembre 2010 est annulée.
Article 2 : L’exécution de la décision du 12 avril 2010 du maire de Saint-Laurent-du-Var refusant d’autoriser le raccordement au réseau public d’électricité de l’immeuble dont Mme A est propriétaire est suspendue.
Article 3 : Il est enjoint à la commune de Saint-Laurent-du-Var de procéder au réexamen de la demande de Mme A dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 4 : La commune de Saint Laurent du Var versera à Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des conclusions du pourvoi et de la demande de première instance est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Paule André A et à la commune de Saint Laurent du Var.
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