samedi 16 octobre 2010

Stationnement de véhicules habitables

« Une interdiction générale de stationnement des caravanes sur l'ensemble du territoire communal reposant soit sur le fondement des pouvoirs de police générale du maire, soit sur le fondement d'un règlement d'urbanisme serait illégale, quelle qu'en soit la durée », rappelle le ministère de l’Ecologie et du développement durable en réponse à une question du député d’Indre et Loire Philippe Briand.
Le ministère évoque l’article R 111-37 du code de l’Urbanisme, pour les installations sur des terrains privés. Les articles R 417-9 à R 417-13 du code de la Route concernant le stationnement sur la voie publique de véhicules de plus de 20 mètres carrés. L’article L.2213-2 du code général des Collectivités territoriales.

Dans sa question sur la règlementation du stationnement des caravanes, l’élu précise « hors gens du voyage » et le ministère tient compte de la « notion d’usage de loisir ». Sur la difficulté voire l’impossibilité d’appliquer des règles différentes selon des catégories socioprofessionnelles (gens du voyage/touriste), et d’établir si une résidence mobile est utilisée pour le loisir ou pour l’habitation permanente, la Haute autorité de lutte contre les discriminations apporte des éléments de réponse dans ces délibérations n°2010-51 du 22 février 2010 et 2010-3 du 25 janvier.

Trois documents:
1 Question de M. Philippe Briand, Réponse du gouvernement
2 Délibération Halde n°2010-51 du 22 février 2010

3 Délibération n°2010-3 du 25 janvier 2010

13ème législature

Question N° : 78608
de M. Philippe Briand ( Union pour un Mouvement Populaire - Indre-et-Loire )
Question écrite

Ministère interrogé > Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère attributaire > Écologie, énergie, développement durable et mer

Rubrique > tourisme et loisirs
Tête d'analyse > camping-caravaning
Analyse > autocaravanes. stationnement. réglementation

Question publiée au JO le : 11/05/2010 page : 5186
Réponse publiée au JO le : 05/10/2010 page : 10842
Date de changement d'attribution : 13/07/2010

Texte de la question

M. Philippe Briand attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur la réglementation relative au stationnement des caravanes et camping-cars (hors gens du voyage). En effet, constatant l'effet de mode de ce nomadisme touristique, il souhaiterait savoir s'il existe un texte spécifique interdisant le stationnement d'une caravane plusieurs jours de suite sur un trottoir, causant des troubles de voisinage (visibilité), ou si les règles de stationnement de droit commun s'appliquent.

Texte de la réponse

Le stationnement sur la voie publique de caravanes et autocaravanes est soumis à plusieurs réglementations qui relèvent du code de la route et du code général des collectivités territoriales. Certaines dispositions relèvent du code de l'urbanisme pour ce qui concerne le stationnement sur le domaine privé. En premier lieu, selon l'article R. 111-37 du code de l'urbanisme, un camping-car ou une autocaravane est assimilé à une caravane : « sont regardés comme des caravanes les véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent en permanence des moyens de mobilité leur permettant de se déplacer par eux-mêmes ou d'être déplacés par traction et que le code de la route n'interdit pas de faire circuler ». Le stationnement des caravanes est soumis aux articles R. 417-9 à R. 417-13 du code de la route concernant le stationnement dangereux ou gênant. Dans le cadre de ces articles, le stationnement ininterrompu d'un véhicule en un même point de la voie publique pendant une durée excédant sept jours, ou une durée inférieure fixée par l'autorité investie du pouvoir de police, est considéré comme abusif. En outre, dans les zones touristiques délimitées par l'autorité investie du pouvoir de police, le stationnement gênant d'un véhicule de plus de 20 mètres carrés de surface maximale est également considéré comme abusif lorsqu'il s'est poursuivi plus de deux heures après l'établissement du procès-verbal constatant l'infraction pour stationnement gênant. Par ailleurs, l'article L. 2213-2 du code général des collectivités territoriales prévoit que le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation ou de la protection de l'environnement, réglementer l'arrêt ou le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux. Il y a enfin lieu de souligner qu'une interdiction générale de stationnement des caravanes sur l'ensemble du territoire communal reposant soit sur le fondement des pouvoirs de police générale du maire, soit sur le fondement d'un règlement d'urbanisme serait illégale, quelle qu'en soit la durée.




Délibération n°2010-51 du 22 février 2010
Gens du voyage – Arrêté municipal interdisant le camping et le stationnement de caravanes et de mobil-homes sur l’ensemble du territoire de la commune –Discrimination indirecte – Recommandations.
Une commune a adopté un arrêté municipal interdisant le camping et le stationnement de caravanes et de mobil-homes sur l’ensemble du territoire de la commune, hors les terrains de camping aménagés. Ce stationnement est autorisé sur l’ensemble du territoire exclusivement, chaque année, du 15 juin au 15 septembre. La mairie indique que l’arrêté a été pris afin de lutter contre le stationnement sauvage des caravanes et des mobil-homes qui pourraient porter atteinte à la conservation des paysages et des milieux naturels. Adopté en application des règles du code de l’urbanisme, cet arrêté n’a pas vocation à s’appliquer aux caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs. Toutefois, le Collège relève que l’arrêté litigieux, en visant la totalité du territoire communal pendant neuf mois de l’année, aboutit à exclure toute possibilité de passage et de stationnement –même temporairement et sur un terrain privé-, pour les gens du voyage qui habitent traditionnellement en caravane tout ou partie de l’année. Il considère que l’arrêté municipal engendre une discrimination indirecte en raison de l’appartenance à la communauté des gens du voyage. Le Collège recommande au maire la modification de l’arrêté litigieux et la suspension des mesures contentieuses prises sur la base de cet arrêté.
Le Collège ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ;
Vu la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite « Loi Besson » ;
Vu la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
Vu la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ;
Vu le décret n°2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ;
Sur proposition du Président ;
Décide :
La haute autorité a été saisie le 15 juin 2007 par l’intermédiaire d’une association de la communauté des Gens du Voyage d’une réclamation de Madame X relative à l’interdiction qui lui a été faite par le maire de A de stationner sa caravane sur un terrain dont elle est propriétaire, situé en zone naturelle non constructible.
L’association estime que l’arrêté municipal, sur lequel se fonde le maire pour enjoindre la réclamante à retirer sa caravane, relève d’une discrimination indirecte à l’égard des gens du voyage.
L’arrêté municipal en date du 14 juin 2001 interdit dans son article 1 le stationnement de caravanes et de mobil-homes sur l’ensemble du territoire de la commune hors terrains de camping aménagés. L’article 2 de l’arrêté prévoit une exception à l’interdiction générale de stationnement pendant la période du 15 juin au 15 septembre permettant le stationnement sur toute la commune. L’article 3 prévoit qu’en dehors de cette période d’utilisation, les caravanes et les mobil-homes peuvent être garés sur les terrains de camping autorisés, dans les garages collectifs de caravanes et librement dans les bâtiments et remises et sur le terrain où est implantée la construction constituant la résidence principale de l’utilisateur. La procédure engagée contre la réclamante a abouti le 8 novembre 2005, en première instance devant le tribunal correctionnel, à la condamnation de Madame X. En appel, la Cour d’appel, dans son arrêt du 22 septembre 2006, a relaxé la réclamante des poursuites en raison de l’absence de signalisation de l’interdiction prévue par l’arrêté sur les voies d’accès de la commune. La commune ayant par la suite mis en place cette signalisation, elle s’oppose à nouveau au stationnement des caravanes de Madame X sur son terrain.
Interrogé par la haute autorité, le maire a indiqué que « le 14 juin 2001, à la suite de [l’] élection au sein du Conseil Municipal, il a été décidé et approuvé à l’unanimité par délibération que les parcelles situées en zone naturelle « N » et en Espace Boisé Classé « E.B.C » feraient l’objet d’un arrêté en interdisant l’accès du 15 septembre au 15 juin ». Selon lui, « cette décision a été prise de façon à éviter que des sites dits remarquables deviennent comme c’était le cas à cette époque des endroits sales, dégradés, laissés à l’abandon, laissant pousser les ronces à travers les vitres de caravanes elles-mêmes abandonnées ou le stationnement de plusieurs caravanes et mobil-homes pendant toute l’année ».
Enfin, l’arrêté municipal aurait été adopté en application des règles du droit de l’urbanisme. Conformément à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) : « 1.- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2.- Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
Dans un important arrêt Chapman (CEDH, Chapman c/ Royaume-Uni, 18 janvier 2001, n°27238/95), la Cour européenne des droits de l’homme a intégré le droit au respect du mode de vie traditionnel tsigane dans le champ d’application de l’article 8, dont la vie en caravane et le voyage sont les composantes essentielles.
Par l’affaire Connors (CEDH, Connors c/ Royaume-Uni, 27 mai 2004 n°66746/01, §§ 81-86), la Cour a considérablement limité la marge d’appréciation laissée aux Etats mentionnant que « la vulnérabilité des Tsiganes […] implique d’accorder une attention spéciale à leurs besoins et à leur mode de vie propre tant dans le cadre réglementaire considéré que lors de la prise de décision dans des cas particuliers. Dans cette mesure, l’article 8 impose donc aux Etats contractants l’obligation positive de permettre aux Tsiganes de suivre leur mode de vie ».
Par ailleurs, la HALDE a souligné à plusieurs reprises que si les gens du voyage sont « présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, [ils] apparaissent en pratique comme un groupe identifié ayant en commun d’être victimes des mêmes différences de traitement, du fait de leur appartenance, réelle ou supposée, à la communauté tzigane » (Délibération n°2007-372 du 17 décembre 2007).
La chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé que les différences de traitement visant les voyageurs, tsiganes ou autres, doivent être considérées comme des discriminations fondées sur l’origine (Cass. crim. 28 novembre 2006, 06-81-060, Publié au bulletin) La loi Besson du 5 juillet 2000 impose aux communes de plus de 5000 habitants de créer des sites où les voyageurs peuvent résider temporairement. L’article 9 de la même loi prévoit que « dès lors qu’une commune remplit les obligations qui lui incombent […], son maire […] peut, par arrêté, interdire en dehors des aires d’accueil aménagées le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles […]).
Or, la commune, qui a 1256 habitants, n’a pas d’obligation en matière d’accueil des gens du voyage au sens de la loi Besson.
En revanche, conformément aux articles L2213-2 et L2213-3 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), la commune a compétence pour réglementer le stationnement. De plus, conformément aux articles R. 111-38 et suivants du Code de l’urbanisme depuis le 1er octobre 2007, le maire est également compétent pour réglementer le stationnement des caravanes sur le territoire de la commune.
Toutefois, seul le caravanage à usage de loisir est réglementé par ces dispositions qui n’ont pas vocation à s’appliquer aux « caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs » visées par l’article L.444-1 du code de l’urbanisme.
Concrètement, le stationnement des caravanes peut être interdit par des règles nationales ou locales d’urbanisme.
L’interdiction nationale est prévue par l’article R.111-38 du Code de l’urbanisme. Au sens de cet article, l’installation des caravanes, quelle qu’en soit la durée, est interdite : dans les secteurs où est prohibée la pratique du camping isolé ou la création de terrains de camping en application de l’article R.111-42 du code de l’urbanisme (rivages de la mer, sites,…) ; dans les espaces boisés classés par un plan local d’urbanisme (PLU) et dans les forêts classées en pplication du titre Ier du code forestier.
L’interdiction peut aussi résulter de règles locales (article R.111-43 du Code de l’urbanisme) : soit dans le cadre d’un PLU ou le document d’urbanisme en tenant lieu; soit par arrêté municipal pris après avis de la commission départementale d’action touristique (pour des raisons de sécurité et de salubrité publiques).
Toutefois, le maire peut autoriser l’installation des caravanes dans ces zones pour une durée qui peut varier selon les périodes de l’année, sans pouvoir dépasser quinze jours. L’arrêté pris par le maire doit préciser les emplacements pris à cet usage (article R.111-39 du Code de l’urbanisme).
Par exception au principe selon lequel les mesures réglementaires n’ont pas à être motivées, les mesures prises par le maire pour réglementer la circulation et le stationnement doivent faire l’objet d’une motivation en vertu du CGCT. La motivation doit être écrite et mentionner les motifs de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Les motifs de droit sont les textes généraux en matière de police contenus dans le CGCT ou des textes plus précis de portée particulière ; les considérations de fait sont celles qui justifient l’édiction de la mesure de police. La motivation ne doit pas être stéréotypée, mais précise et circonstanciée.
De manière classique et conformément à la jurisprudence Benjamin (CE, 19 mai 1933, Benjamin, Sirey 1934.3.1), le juge administratif annule systématiquement une mesure de police ayant un champ d’application spatial et temporel trop général et absolu. Ce double critère de la proportionnalité de la mesure de police, dans le temps et dans l’espace, a fréquemment été appliqué aux mesures de police concernant les gens du voyage (CE, 20 janvier 1965, Ministre de l’intérieur C/Dame Vicini, RD publ. 1965, p. 463 et TA Nancy, 21 décembre 1982, Commissaire de la République du département des Vosges c/Commune d’Igney).
En l’espèce, l’arrêté municipal du 14 juin 2001 été pris sur la base des anciens articles R.443- 2 et suivants du code de l’urbanisme -qui figuraient à l’ancien chapitre III intitulé « Camping et stationnement des caravanes »- comportant des dispositions applicables au stationnement des caravanes.
L’arrêté a donc été adopté en application des règles du code de l’urbanisme.
L’article 1 de cet arrêté interdit le stationnement de caravanes et de mobil-homes sur l’ensemble du territoire de la commune hors terrains de camping aménagés. L’article 2 prévoit une exception à l’interdiction générale de stationnement pendant la période du 15 juin au 15 septembre permettant le stationnement sur toute la commune.
Or, alors que l’article R.443-3 ne prévoyait que la possibilité d’interdire le stationnement de caravanes « dans certaines zones », la commune s’est basée sur cet article pour prendre un arrêté portant sur l’ensemble de son territoire.
En outre, si le conseil municipal avait décidé et approuvé à l’unanimité le fait que seules les parcelles en zone naturelle N et en espace boisé classé fassent l’objet d’un arrêté d’interdiction, il apparaît qu’en fait l’arrêté interdit le stationnement sur l’ensemble du territoire de la commune entre ces périodes, allant par conséquent au-delà de ce que le conseil municipal avait décidé.
A ce stade, il est permis d’émettre des doutes quant à la légalité d’une mesure dont les motifs de droit et de fait seraient contraires à la loi et à la jurisprudence administrative.
Par ailleurs, l’arrêté litigieux, en visant la totalité du territoire communal pendant neuf mois de l’année, aboutit à exclure toute possibilité de passage et de stationnement –même temporairement et sur un terrain privé-, pour les gens du voyage qui habitent traditionnellement en caravane tout ou partie de l’année, alors même que le code de l’urbanisme ne s’y oppose pas.
Concrètement, l’effet combiné des champs d’application spatial et temporel de l’arrêté municipal du 14 juin 2001, est susceptible de caractériser l’existence d’une discrimination indirecte à l’égard des personnes membres de la communauté des gens du voyage dans la jouissance de leur droit de propriété.
L’article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations dispose : « Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa [notamment l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race], un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ».
Ainsi, la rédaction de l’arrêté du 14 juin 2001 peut être qualifiée « d’apparemment neutre » car elle ne concerne pas uniquement les gens du voyage.
Cette pratique a néanmoins un effet préjudiciable car, en interdisant le stationnement des caravanes sur l’ensemble du territoire de la commune entre le 15 septembre et le 15 juin, elle place les gens du voyage qui vivent habituellement en caravane en position de désavantage.
La commune appuie son argumentation sur des considérations d’ordre environnemental et tenant à la salubrité, la tranquillité et la sécurité publiques. Sa volonté serait en effet de lutter contre le stationnement sauvage des caravanes et des mobil-homes qui pourraient porter atteinte à la conservation des paysages naturels et urbains et des milieux naturels.
L’objectif poursuivi semble légitime en l’espèce. Cependant, la mesure doit également être proportionnée à l’objectif poursuivi, c’est-à-dire que les moyens pour l’atteindre doivent être nécessaires et appropriés.
Or, les moyens utilisés pour satisfaire à l’exigence de sauvegarde des zones protégées ne sauraient être qualifiés de nécessaires et d’appropriés en ce que l’arrêté ne se limite pas aux zones concernées.
Par conséquent, le Collège de la haute autorité considère que l’arrêté municipal du 14 juin 2001 engendre une discrimination indirecte en raison de l’appartenance à la communauté des gens du voyage.
De surcroît, il convient de préciser que l’occupation des terrains familiaux semble avoir été reconnue au titre de la vue privée et familiale par le juge européen.
Ainsi, dans l’arrêt Connors précité, la Cour EDH a jugé que l’expulsion par les autorités locales de Tsiganes en voie de sédentarisation qui séjournaient, depuis de nombreuses années, sur un terrain aménagé pour leur accueil, méconnaissait les stipulations de l’article 8 de la CEDH protégeant le droit à la vie privée et familiale.
Au surplus, et à l’aune de cet arrêt, le TGI s’est prononcé récemment en défaveur d’une mesure d’expulsion contre des Tsiganes. Il a considéré que le campement dans lequel étaient installés les intéressés constituait leur domicile et que celui-ci était protégé au titre de l’article 8 de la CEDH. Rappelant le 2° de cette disposition et le fait que l’expulsion était une mesure légale visant à la protection du droit de propriété, les juges ont estimé qu’en l’espèce l’expulsion allait au-delà de ce qui était nécessaire pour protéger les droits du département (TGI de Lyon, Département du Rhône, 16 novembre 2009).
En conséquence, le Collège de la haute autorité recommande au maire la modification de l’arrêté litigieux, la suspension des mesures contentieuses prises sur la base de cet arrêté et demande à être tenu informé des suites réservées à sa délibération dans un délai de trois mois.
Le Président
Louis SCHWEITZER


Délibération n° 2010-3 du 25 janvier 2010
Origine – Biens et Service –Règlementation Service public – Recommandation
La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a été saisie d’une réclamation relative au règlement d’un camping municipal. L’article 1er de ce règlement réservait l’utilisation aux « touristes » en excluant expressément et systématiquement les gens  du voyage de l’accès au camping municipal. Durant l’enquête de la HALDE, le règlement a été réformé : il réserve toujours l’accès aux « touristes » mais ne comporte plus de définition excluant expressément les gens du voyage. La HALDE estime que ce règlement caractérise une discrimination indirecte à l’encontre des gens du voyage. Elle recommande au mis en cause de mettre l’arrêté litigieux en conformité avec la loi afin d’interdire toute discrimination dans l’accès au camping concerné.
Le Collège
Vu la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;
Vu la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ;
Vu le décret n°2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité ;
Sur proposition du Président
Décide :
La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a été saisie, par courrier en date du 20 septembre 2007, d’une réclamation de l’association X.
L’association s’oppose au règlement du camping municipal de la commune de A. L’article 1  du règlement intérieur de ce camping réservait l’utilisation aux touristes. Etaient définis comme touristes les personnes habitant de manière habituelle dans un domicile fixe.
Ainsi, se sont vus refuser l’accès au camping municipal des gens du voyage au motif qu’ils ne satisfaisaient pas aux conditions d’admission édictées par le règlement intérieur du camping.
Suite à une enquête menée par la haute autorité, le maire a communiqué l’arrêté municipal n°2000-31 du 1er mars 2000 relatif au règlement intérieur du terrain de camping municipal.
L’article 1er de cet arrêté prévoit : « Le terrain de camping municipal du « Moulin B» est réservé exclusivement aux touristes. Ne sont considérés comme touristes que les personnes qui en période habituelle habitent en domicile fixe. Toute personne ne disposant pas de domicile fixe ou exerçant une profession itinérante quelle qu’elle soit, artisan, commerçant ou autre de même que les travailleurs devant intervenir temporairement sur le territoire de la Commune, ne peuvent en aucun cas s’installer sur le terrain de camping. » Il interdit par ailleurs les caravanes double essieux.
Le maire a en outre transmis les éléments relatifs à la création d’une aire d’accueil des gens du voyage. Le maire a souligné que cet équipement était en cours de réalisation et permettrait, tout au long de l’année, l’accueil des gens du voyage dans de bonnes conditions. Cette aire d’accueil a été ouverte en mai 2008.
En réponse au courrier de notification des griefs, le maire de la commune de A a transmis l’arrêté municipal du 6 mars 2009 qui se substitue à celui du 1er mars 2000. Dans son article 1er, il prévoit désormais : « Le terrain de camping municipal Moulin B est réservé exclusivement aux touristes. La période d’ouverture du terrain est fixée au 1er avril au 30 septembre. En dehors de cette période, l’accès est absolument interdit sauf autorisation exceptionnelle ».
Après un premier examen de ce dossier par le Collège, des demandes complémentaires ont été adressées au Maire de la commune.
Par un courrier en date du 10 juillet 2009, le maire précise que le camping municipal de A a été classé en catégorie « Tourisme » deux étoiles par arrêté préfectoral du 4 juillet 1996. Il ajoute que le touriste « par définition est quelqu’un qui quitte son domicile pour des raisons personnelles pour une durée supérieure à 24 heures ».
Il indique par ailleurs que ce camping est situé en zone inondable, c’est pourquoi il ne peut donc pas être ouvert toute l’année, ni accueillir des caravanes à double essieux.
L’article 2 de la loi du 27 mai 2008 interdit : « Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race […] en matière […] d'accès aux biens et services ou de fourniture de biens et services […] », et notamment l’accès à un terrain de camping.
Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs visés, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.
Dans sa délibération n°2007-372 du 17 décembre 2007 sur les gens du voyage, ainsi que dans toutes ses délibérations ultérieures, la haute autorité a souligné les éléments suivants :
« Présentés par les textes nationaux comme une catégorie administrative définie par son mode de vie, les gens du voyage apparaissent en pratique comme un groupe identifié ayant en commun d’être victimes des mêmes différences de traitement, du fait de leur appartenance, réelle ou supposée, à la communauté Tzigane. Cette analyse est confortée par les positions prises, depuis de nombreuses années, par le Conseil de l’Europe comme par la Commission des Droits de l’Homme des Nations Unies qui considèrent que les différences de traitement visant les voyageurs, tziganes ou autres, doivent être considérées comme des discriminations fondées sur l’origine ».
L’exclusion des caravanes double essieux au regard de la nature des sols ne pourrait être justifiée que par des impératifs de sécurité qui ne sont pas présentés en l’espèce. Au demeurant, un critère de charge maximale à l’essieu serait plus pertinent ; à défaut cette exclusion peut caractériser une discrimination indirecte, les gens du voyage utilisant largement ce type de véhicules.
Par ailleurs, l’ancien article 1er de l’arrêté litigieux visait expressément les personnes ne disposant pas de domicile fixe, qui exercent une profession itinérante, artisan, commerçant ou autre, de même que le travailleur intervenant temporairement sur le terrain de la commune.
Cette formulation renvoyait directement à la loi n°69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, laquelle encadre notamment la délivrance et le contrôle des carnets et livrets de circulation des gens du voyage.
En outre, le Maire dans ses réponses fait explicitement le lien avec les textes municipaux concernant le stationnement des gens du voyage et la réalisation d’une aire d’accueil.
La HALDE souligne que l’existence d’une aire d’accueil ne peut aucunement justifier de refuser à certaines personnes, en raison d’un critère prohibé de discrimination, l’accès à un terrain de camping normalement ouvert à tous, sauf à légitimer le principe selon lequel ces personnes ne seraient pas autorisées à aller et venir librement comme tout autre citoyen.
Elle souligne que la loi « Besson » relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage instaure un dispositif d’action positive destiné à la fois à leur permettre de stationner, et à favoriser leur intégration dans la cité, et non à légitimer leur exclusion de tout espace autre que les seules aires d’accueil, lesquelles n’ont au demeurant pas toutes été créées à ce jour.
La situation antérieure caractérisait donc manifestement une atteinte discriminatoire à l’encontre des gens du voyage contraire aux lois en vigueur. Suite à l’enquête de la haute autorité, la définition excluant explicitement les gens du voyage a été retirée, mais l’exclusion des personnes autres que « touristes » demeure, la commune définissant cette notion comme visant celui qui « quitte son domicile pour des raisons personnelles pour une durée supérieure à 24 heures ». La commune n’explicite pas davantage le fondement juridique ni le sens à donner à cette définition au regard notamment de la situation des nomades.
Se pose alors la question de savoir, d’une part, quelle définition doit être retenue au regard des textes en vigueur et, le cas échéant, si elle est susceptible de légitimer l’exclusion des gens du voyage.
Au plan international, il n’existe pas de définition juridique contraignante du tourisme. Les dispositions dans ce domaine ne sont pas des normes destinées à encadrer ces activités, mais uniquement à harmoniser les modalités de mesures statistiques de l’activité touristique, afin de faciliter la comparaison entre les Etats.
Il en va ainsi des « Recommandations sur les Statistiques du Tourisme de l’ONU et de l’Organisation Mondiale du Tourisme » comme de la « Décision 1999/35/CE de la Commission du 9 décembre 1998 relative aux procédures d'application de la directive 95/57/CE concernant la collecte d'informations statistiques dans le domaine du tourisme ».
C’est dans cette perspective que ces textes donnent une définition du tourisme « comme les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans des lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année, à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs non liés à l’exercice d’une activité rémunérée dans le lieu visité ».
De ce point de vue, si la situation particulière des gens du voyage justifie qu’ils ne soient pas systématiquement décomptés comme touristes, rien n’interdit cependant qu’ils puissent, ponctuellement, être considérés comme tels.
La seule « norme » internationale en la matière résulte du Code mondial d’éthique du tourisme de l’ONU et de l’Organisation Mondiale du Tourisme qui, dans son article 7, stipule que le « droit au tourisme pour tous doit être regardé comme le corollaire de celui au repos et aux loisirs », et dont l’article 8 indique : « Les touristes et visiteurs bénéficient, dans le respect du droit international et des législations nationales, de la liberté de circuler à l’intérieur de leur pays comme d'un État à un autre, conformément à l’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; ils doivent pouvoir accéder aux zones de transit et de séjour ainsi qu’aux sites touristiques et culturels sans formalité exagérée ni discrimination. »
Au plan national, le code de l’urbanisme définit les formalités à accomplir pour créer un terrain de camping mais ne comporte aucune règle concernant directement les catégories de personnes susceptibles d’avoir accès aux campings.
L’article R111-37 vise « les véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisir, qui conservent en permanence des moyens de mobilité leur permettant de se déplacer par eux-mêmes ou d'être déplacés par traction et que le code de la route n'interdit pas de faire circuler », en précisant que ces caravanes peuvent notamment s’installer sur les terrains de campings.
A l’inverse, le code de l’urbanisme est muet sur la question de l’accès des caravanes à usage d’habitation à ces terrains. Il faut noter que ce code, qui a été fortement remanié, comporte désormais très peu de références aux caravanes à usage d’habitation qui se trouvent de ce fait fréquemment placées dans une zone de vide juridique.
S’agissant de l’argument de la commune tiré du classement « tourisme », il résulte de l’application de l’article R443-8 du code de l’urbanisme qui précise que « le bénéficiaire du permis d'aménager ne peut commencer l'exploitation du terrain de camping ou du parc résidentiel de loisirs qu'après avoir […] obtenu du préfet, dans les conditions prévues par le code du tourisme, un arrêté de classement qui détermine, le cas échéant, le mode d'exploitation autorisé ».
L’article D332-2 du code du tourisme précise que « les terrains aménagés de camping et caravanage et les terrains destinés uniquement à la réception de caravanes sont classés terrains de camping avec la mention " tourisme " si plus de la moitié du nombre d'emplacements dénommés emplacements " tourisme " est destinée à la location à la nuitée, à la semaine ou au mois pour une clientèle de passage ».
Ces dispositions ne renvoient donc pas à la définition de ce que serait, ou non, un touriste mais fixe un mode d’utilisation de ces terrains. Le classement « tourisme » ne permet donc pas de réserver l’accès au camping à une certaine catégorie de personnes mais peut uniquement justifier l’édiction de règles relatives à la durée du séjour sur le camping.
Ainsi, afin d’éviter un stationnement long, la commune aurait pu limiter la période autorisée de stationnement. Or en l’espèce, et de manière assez paradoxale, un « touriste » peut s’installer sur ce terrain de camping pendant toute la saison soit 6 mois. A l’inverse, une personne ayant par ailleurs une activité de commerçant ambulant, qu’il n’exercerait pas sur cette période, ne pourrait pas même y rester pour une nuit.
En conclusion, dans la version initiale de l’arrêté, les dispositions critiquées caractérisaient manifestement une discrimination directe à l’encontre des gens du voyage contraire aux dispositions de l’article 2 de la loi du 27 mai 2008.
Dans sa version actuelle, l’arrêté caractérise une discrimination indirecte car, bien que fondé sur un critère en apparence neutre, il aboutit à exclure de manière systématique les gens du voyage, alors même que seules des restrictions tenant au respect des règles communes, telles que la limitation de la durée du séjour et l’interdiction d’exercer une activité rémunérée sur un terrain de camping, sont légitimes au regard de la réglementation en vigueur.
Le Collège souligne à nouveau que l’existence d’aires d’accueil des gens du voyage ne peut aucunement justifier leur exclusion des espaces publics, une telle approche étant contraire à l’esprit de la loi « Besson » relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage et aux droits fondamentaux.
En conséquence, le Collège recommande au mis en cause de mettre l’arrêté du 6 mars 2009 en conformité avec la loi, et notamment l’article D322-2 du Code du tourisme, de manière à écarter toute discrimination dans l’accès au camping concerné.
Le Collège demande à être tenu informé des suites réservées à la présente délibération dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
La présente délibération est portée à la connaissance de l’association des maires de France
(AMF).
Le Président
Louis SCHWEITZER

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