mercredi 27 octobre 2010

Commission Européenne : des associations portent plaintes

Des associations portent plainte auprès de la Commission européenne au sujet des reconduites de Roms à la frontière
Huit associations de défenses des droits de l’homme ont déposé le 22 octobre 2010 une plainte à Bruxelles, dénonçant les conditions juridiques dans lesquelles s’effectuent les expulsions de Roms 
 Lisez ci-dessous le texte de la plainte
 
Pour en savoir plus et connaître les positions des ministres, reportez-vous à vos médias préférés qui relayent régulièrement les propos de Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat aux affaires européennes. 


Madame Viviane Reding
Vice-présidente de la Commission européenne en
charge de la justice, des droits fondamentaux et de la
citoyenneté
BE - 1049 Bruxelles
Paris, le 22 octobre 2010
Objet :  Plainte contre la France pour violation du droit communautaire en matière de libre
circulation des personnes (mise à jour de la Plainte du 31 juillet 2008).
Madame la Vice-présidente,
Le 31 juillet 2008, huit associations françaises ont saisi vos services d'une plainte
contre la France pour violation du droit communautaire. Dans cette requête, nous faisions état,
de manière détaillée et avec des documents à l.appui (présentés dans les annexes), de textes
de droit interne et de nombreuses pratiques administratives qui méconnaissent les droits de
citoyens de l'Union : le droit à un examen individuel de la situation en matière de séjour et
d'éloignement, le droit à un recours effectif, l.interprétation de la notion de menace à l'ordre
public non conforme aux critères établis de longue date par la Cour de justice, etc.
Le 1er décembre 2008, en réponse au courrier de M. Jacques Barrot, commissaire à
l.époque en charge du sujet, où il nous « remerciait » pour notre « rapport » (alors qu.il
s.agissait bel et bien d.une plainte), nous avons encore porté à la connaissance de vos services
un Avis du Conseil d.Etat en date du 26 novembre 2008 (cf. infra), sur les obligations de
quitter le territoire (OQTF) prises à l.encontre de citoyens de l.Union. Le Conseil d.Etat était
saisi par certaines associations intervenues aux côtés de M. Silidor, requérant principal, afin
de saisir la Cour de justice de Luxembourg d.une question préjudicielle. La haute juridiction
administrative a rendu cet avis, lourd de conséquences  pour les droits de ressortissants
communautaires ayant fait l.objet d.une mesure d.éloignement : refus du droit à une
procédure contradictoire préalable à la prise de décision et notion de « charge déraisonnable
au système d.aide sociale » allant à l.encontre des éléments dégagés par le juge de l'Union et
la Commission européenne elle-même. L.administration française a traduit cet Avis  par une
circulaire du 19 mai 2009 sur les OQTF prises à l.encontre citoyens des autres Etats membres
de l.Union européenne1 (voir section I). Ainsi, quelles que soient les garanties procédurales
que de nouveaux textes internes à la France pourront apporter à l'avenir aux citoyens de
l'Union menacés d'éloignement, la jurisprudence « Silidor » et la circulaire du 19 mai 2009
qui en tire les conséquences, continueront à priver les communautaires d'un examen
contradictoire de leur droit au séjour précédant une mesure d'éloignement, et permettront
l'éloignement de citoyens ayant de faibles ressources, mais ne percevant aucune aide sociale
et ne grévant donc en rien les finances publiques de la France.
1 Circulaire du 19 mai 2009 relative aux étrangers. Obligations de quitter le territoire français prises à l'encontre
des ressortissants des autres Etats membres de l'Union européenne, des Etats parties à l'accord sur l'Espace
Economique Européen, et de la Confédération Suisse.
http://www.gisti.org/IMG/pdf/norimim0900064c.pdf
Le 29 septembre 2010, la Commission européenne a décidé d.envoyer une « lettre de
mise en demeure à la France en demandant la transposition complète de la directive, à moins
qu'un projet de mesure de transposition ainsi qu'un calendrier précis pour son adoption ne
soit transmis avant le 15 octobre 2010 »2. Elle a également décidé de poser aux autorités
françaises des questions détaillées concernant la mise en .uvre « des assurances politiques »
que ces mêmes autorités ont données à la Commission sur l.application effective et non
discriminatoire du droit de l.UE, en conformité avec le Traité et la Charte de l.UE sur les
droits fondamentaux.
Les associations signataires souhaitent, par ce nouveau texte, vous démontrer que, en
dépit des assurances données par les autorités françaises, il existe des pratiques radicalement
contraires au droit communautaire. Cela n.est pas seulement le fait d.agents de l.Etat agissant
de manière isolée, mais le résultat d.une volonté politique au plus haut niveau de l.Etat
français. Le texte que nous portons à votre connaissance, la circulaire du 10 septembre 2010
contenant les instructions du ministre de l.immigration sur l'application des textes français de
transposition relatifs aux conditions d.exercice du droit de séjour des ressortissants de l.UE, le
démontre. Il s'agit d'un texte très récent : c'est la première circulaire a être adoptée depuis les
dernières modifications importantes de la loi et la réglementation française visant les
communautaires (en 2006 et 2007).
Sans oublier le projet de loi relatif à l.immigration, à l.intégration et à la nationalité
qui vient d'être voté en première lecture par l.Assemblée nationale et sera bientôt porté devant
le Sénat dont plusieurs dispositions visent à faciliter l.éloignement des ressortissants
communautaires.
Vous avez été par ailleurs directement saisie par plusieurs ressortissants roumains de
questions relatives à l.application de la directive, le 23 avril 2010 (plaintes reçues par vos
services les 10 et 11 mai 2010 - dates d.accusés réception des lettres envoyées par
recommandés, aucun avis officiel de réception n.ayant encore été adressé par la Commission
à leur conseil chez lequel elles étaient domiciliées) :
a) Mme Angelica BERARI
b) Mme Florica STANCA
c) Monsieur Remus CALIN
d) Madame Vagnita RADU
e) Monsieur Alin Dorel MIRON
f) Madame Angelica BERARI
g) Madame Victoria CIOBOTARU
Ces plaintes dénonçaient l.absence de transposition et la violation des articles 28
(examen individuel sérieux) et 30.2 (motivation précise et complète) de la directive du 29
avril 2004 (cf. annexe 2).
De même, d.autres plaintes ont été déposées pour protester contre l.absence d.accès
effectif au juge (refus d.allouer l.aide juridictionnelle), contraires à l.article 18 du Traité et à
l.article 31.1 de la directive du 29 avril 2004.
Ces plaintes ont été numérotées comme suit :
2 Communiqué de presse de la Commission européenne, IP/10/1207, Bruxelles, le 29 septembre 2010
http://europa.eu/rapid/pressReleasesAction.doreference=IP/10/1207&format=HTML&aged=0&language=FR&g
uiLanguage=en
Madame Naica RADU (numéro CHAP(2010)00511)
Madame Olguta PANAGHITA (numéro CHAP(2010)00521)
Madame Victoria CIOBOTARU (numéro CHAP(2010)00524)
Madame Lucica CONSTANTIN (numéro CHAP(2010)00554)
Monsieur Viorel CONSTANTIN (numéro CHAP(2010)00555)
Monsieur Florin BUZGAU (numéro CHAP(2010)00520)
Monsieur Florin BUZGAU (numéro CHAP(2010)00520)
Madame Ana Maria GOMAN (numéro CHAP(2010)00523)
Monsieur Florinel ALEXANDRU (numéro CHAP(2010)00552)
Madame Maria CIRPACI (numéro CHAP(2010)00553)
Madame Caliopa CRISTEA (numéro CHAP(2010)00522).
La Commission européenne, en tant que gardienne des traités et responsable du respect
du droit de l.Union dans une matière aussi fondamentale que celle qui nous préoccupe ici, ne
peut se contenter de prendre acte des assurances gouvernementales. Une enquête approfondie
et impartiale doit être menée. Nous vous demandons par conséquent de donner suite à notre
plainte du 30 juillet 2008 ainsi qu'au présent texte d.actualisation, qui porte notamment, mais
pas exclusivement, sur des faits récents.
I. Eloignement de ressortissants communautaires
C.est un des points qui soulève le plus d.interrogations et de problématiques au regard du
droit de l.Union.
Quelque soit la teneur des nouveaux textes qui seront adoptés par le France dans les semaines
et mois à venir, l.Avis « Silidor » du Conseil d.Etat, évoqué ci-dessus, continuera à priver les
citoyens UE des protections essentielles contre l.éloignement.
C.est pourquoi, il est important de comprendre comment cet Avis a défini la procédure
d.éloignement applicable aux citoyens de l.Union dans un sens qui leur est défavorable.
A. Avis   du Conseil d.Etat, «   Silidor   », 26 novembre 2008, n° 315441
(annexe 1)
A l.occasion d.un recours contre un refus de séjour assorti d.une obligation de quitter le
territoire français (OQTF) à l.égard d.un ressortissant communautaire, le tribunal
administratif de Cergy-Pontoise avait décidé de surseoir à statuer et de poser trois questions
au Conseil d.Etat, pour avis, sur le fondement de l.article L. 113-1 du code de justice
administrative. Selon cette disposition, il doit s.agir de questions de droit nouvelles,
présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges.
Les trois questions sur lesquelles le Conseil d.Etat devait se prononcer sont les suivantes :
1) Les dispositions de l.article 24 de la loi du 12 avril 2000 (loi n° 2000-321, 12 avril, JO 13
avril), sur la procédure applicable aux décisions devant être motivées sont-elles applicables à
une décision de refus de séjour assortie d.une obligation de quitter le territoire prise à
l.encontre d.un ressortissant communautaire ?
2) A qui revient la charge de la preuve pour apprécier si la durée du séjour est inférieure ou
supérieure à trois mois ?
3) Le caractère suffisant des ressources prévu à l.article L. 121-1 du Ceseda peut-il être
opposé à un ressortissant communautaire inactif et sans ressources, mais non pris en charge
par le système d'aide  sociale français ?
Par cet Avis, la haute juridiction administrative a répondu en faisant une interprétation
erronée, à nos yeux, du droit communautaire.
L.application du « principe du contradictoire »
La première question posée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise est ainsi formulée :
« lorsque l.autorité préfectorale constate qu.un ressortissant communautaire séjourne depuis
plus de trois mois sur le territoire national sans répondre aux conditions fixées par l.article L.
121-1 du Ceseda, alors même que ce ressortissant n.a pas sollicité la délivrance d.un titre de
séjour, les dispositions de l.article 24 de la loi du 12 avril 2000 trouvent-elles à
s.appliquer ? »
Rappelons le contenu de l.article 24 de la loi du 12 avril 2000 : « Exception faite des cas où il
est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en
application de [la loi du 11 juillet 1979] n.interviennent qu.après que la personne intéressée
a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande,
des observations orales ».
Sur cette question, la Haute juridiction administrative confirme ses précédents avis des 19
octobre et 28 novembre 2007 (CE, avis, 19 nov. 2007, n° 3068214 ; CE, avis, 28 novembre
2007, n° 306901). A ces deux reprises, le Conseil d.Etat avait estimé, à propos de la
procédure de refus de séjour assortie d'une mesure d'éloignement, qu.en vertu de l.article L.
512-1 du Ceseda « le législateur a entendu déterminer l.ensemble des règles de procédure
administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l.intervention et l.exécution des
décisions par lesquelles l.autorité administrative signifie à l.étranger l.obligation dans
laquelle il se trouve de quitter le territoire français ». L.avis du 28 novembre 2007 précise, en
outre, que les dispositions de l.article 24 de la loi du 12 avril 2000  s.appliquent en revanche
lorsque le préfet décide d.office de retirer un titre de séjour ou une autorisation provisoire de
séjour.
Dans son avis du 26 novembre 2008, la réponse du juge administratif à cette première
question va dans le même sens que dans les avis précités : le « principe du contradictoire »
prévu à l.article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne s.applique pas pour un refus de séjour portant
obligation de quitter le territoire français sur le fondement de l.article L. 511-1 du Ceseda, « y
compris à l.encontre d.un ressortissant communautaire, et même si celui-ci n.a pas sollicité
la délivrance d.un titre de séjour ». Le Conseil d.Etat estime toutefois que si la décision de
refus de séjour, de refus de délivrance ou de renouvellement d.une carte de séjour ou de retrait
est prise par le préfet sur le fondement de l.article L. 121-4 du Ceseda, sans être accompagnée
d.une obligation de quitter le territoire, « une telle décision doit être assortie de la procédure
prévue par l.article 24 de la loi du 12 avril 2000, dont les exigences, notamment de délai,
dépendent des circonstances de l.espèce ».
Cette décision est lourde de conséquences  pour les citoyens européens, parce qu.ils ne se
trouvent pas dans la même situation que les étrangers de pays tiers. En effet, il doit être
rappelé qu.en vertu de l.article L. 121-2 du Ceseda, les citoyens de l.Union ne sont plus
obligés à la détention d.un titre de séjour, même lorsqu.ils sont soumis à une période
transitoire sauf en cas d.exercice d.une activité professionnelle. Par conséquent, dans la
mesure où l.intéressé ne fait aucune demande de titre de séjour et où la préfecture prend une
décision  de « non maintien de séjour » assortie d.une obligation de quitter le territoire
français, de sa propre initiative, le principe du contradictoire  ne sera pas  respecté.  C'est-à-
dire que le communautaire n.aura pas la possibilité de faire valoir les éléments en faveur de
son droit au séjour, les dispositions de l.article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne trouvant pas à
s.appliquer selon l.analyse du Conseil d.Etat dans l.Avis Silidor.
La position du Conseil d'Etat sur ce point est clairement contraire à la jurisprudence constante
de la Cour de justice, dans le sens que, toute restriction au droit fondamental de circuler
librement dans l.Union européenne et d.y séjourner (certes, sous certaines conditions) doit
être interprétée strictement et entourée de garanties.
Elle est également contraire, à notre avis, à la directive 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative
au droit des citoyens de l.Union qui pose un certain nombre de conditions et de garanties,
parmi lesquelles celles fixées par son article 14 :
.Dans certains cas spécifiques lorsqu.il est permis de douter qu.un citoyen de l.Union ou les
membres de sa famille remplissent les conditions énoncées aux articles 7, 12 et 13, les Etats
membres peuvent vérifier si c.est effectivement le cas. Cette vérification n.est pas
systématique..
Par ailleurs, l.article 28 impose à l.Etat d.accueil de démontrer un certain nombre d.éléments
précis sur la situation du ressortissant européen.
Il est invité à recueillir notamment et au minimum des éléments sur :
la durée du séjour de l.intéressé sur son territoire
 son âge
 son état de santé
 sa situation familiale et économique
 son intégration sociale et culturelle dans l.Etat membre d.accueil
l.intensité de ses liens avec son pays d.origine
En l.absence de procédure contradictoire, il serait impossible de recueillir de telles
informations. Aussi, la procédure contradictoire apparaît-elle comme un préalable
indispensable à une décision d.éloignement.
En conséquence, et contrairement à ce qu'affirme le Conseil d.Etat, il nous paraît
indispensable que la procédure contradictoire préalable posée à l.article 24 de la loi du
12 avril 2000 s.applique aux citoyens européens lorsque la préfecture a des doutes sur leur
situation administrative et leur droit au séjour, et qu.elle décide d.office de s.assurer qu.ils
remplissent les conditions leur permettant de bénéficier d.un droit au séjour au-delà de trois
mois de présence en France. Et ce d'autant plus lorsque ces décisions sont assorties d.une
obligation de quitter le territoire français, ce qui est en général le cas.
Il faut noter que, même si les préfectures visent  l.article 24 de la loi du 12 avril 2000 dans les
OQTF qu.elles prennent à l.encontre de citoyens de l.Union, il n.y a jamais d'entretien avec
l'intéressé(e) préalable à la prise de décision, et par conséquent, il n.y a pas de procédure
contradictoire. Celle-ci ne sera respectée, au mieux, que lors du recours introduit contre la
mesure d.éloignement auprès du tribunal administratif compétent. Pour s.en convaincre, il
suffit de lire attentivement les OQTF prises par la préfecture de la Seine-Saint-Denis (voir ci-
dessous les annexes 3 à 7), qui ne constituent qu.un échantillon de plus d.une centaine de
décisions rendues en l.espace de quelques mois. On voit pour certaines de ces décisions que
des dizaines de mesures d.éloignement ont été prises dans la même journée par un ou deux
agents. Peut-on légitimement (ou sincèrement) penser que les services préfectoraux ont
respecté cette procédure contradictoire en amont eu égard au droit de séjour, même si le texte
est visé sur les décisions d.éloignement ? De toute évidence, la réponse est non.
Du reste, ces décisions ne comportent pas de numéro d.étrangers (fichier AGDREF -
« Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France », qui rassemble
des fichiers départementaux et un fichier national des dossiers des ressortissants étrangers en
France), ce qui est bien la preuve qu.aucune procédure n.a été mise en .uvre en amont de la
décision d.éloigner.
Ainsi, la jurisprudence du Conseil d.Etat français conduit à reconnaître au ressortissant
européen moins de droits et de garanties, au regard de la procédure d.éloignement, qu'à un
ressortissant de pays tiers !
En  effet,   le   ressortissant   de   pays   tiers   visé   par   une  OQTF,   va  de   fait   bénéficier   d.une
procédure contradictoire précédant l'éloignement, puisqu.une obligation de quitter le territoire
français se fonde sur un  refus de séjour suite à un demande de  la part  de  l'intéressé.  Une
demande est accompagnée des arguments et des pièces que  le demandeur a pu faire valoir, la
procédure est donc bien contradictoire.
Rappelons  que  la Préfecture   se   trouve dans  une  situation  particulière  quand  elle   vient  à
s.interroger sur la situation administrative d.un citoyen européen en France. Elle n.a pas été
saisie d.une demande de titre de séjour puisque le ressortissant européen n.est pas obligé d.en
détenir un. L.intéressé bénéficie en principe d.un droit au séjour dont la matérialisation par un
titre n.est pas nécessaire. Par conséquent, la Préfecture s'-« auto-saisit » de la question de la
situation administrative du citoyen européen dont  elle doit  démontrer   la perte du droit  au
séjour.
Il serait paradoxal que cette garantie significative de l.effectivité de la libre circulation
des citoyens sur le territoire des Etats membres de l.UE (pas de nécessité de détenir un
titre  de   séjour)   rende   en   fait   plus   vulnérables   les   ressortissants   européens   que   les
ressortissants de pays tiers en les privant d.une procédure contradictoire.
La charge de la preuve
Par la deuxième question, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise demande au Conseil
d.Etat de déterminer sur quelle partie repose la charge de la preuve de la date d.entrée en
France du citoyen de l.Union et par quelles modalités cette preuve peut ou doit être
administrée.
La Haute juridiction administrative estime qu.il « incombe à l.administration, en cas de
contestation sur la durée de séjour d.un citoyen de l.Union européenne dont elle a décidé
l.éloignement, de faire valoir les éléments sur lesquels elle se fonde pour considérer qu.il ne
remplit plus les conditions pour séjourner en France. Il appartient à l'étranger qui demande
l'annulation de cette décision d'apporter tout élément de nature à en contester le bien-fondé,
selon les modalités habituelles de l'administration de la preuve ». Le juge administratif relève
par ailleurs que la présomption « non irréfragable » prévue à l.article L. 121-2 du Ceseda,
selon laquelle les citoyens de l.Union qui n.ont pas respecté l.obligation d.enregistrement
auprès de la mairie du lieu de résidence sont réputés être en France depuis moins de trois
mois, n.est pas en vigueur tant que l.arrêté fixant le modèle d.attestation d.enregistrement
n.est pas paru (D. n° 2007-371, 21 mars 2007, art. 6).
Selon la jurisprudence constante de la cour de Luxembourg, les ressortissants
communautaires tirent directement du Traité le droit d.entrée et de séjour sur le territoire de
l.Etat membre d.accueil, sans autre formalité préalable que la présentation d.un passeport ou
d.une carte d.identité en cours de validité (CJCE, 23 mars 2006, grande chambre,
Commission C/ Belgique, aff. C-408/03). Aucune obligation de visa d.entrée ou de sortie ne
peut leur être imposée. De même, le fait d.apposer sur le passeport d.un ressortissant
communautaire une mention autorisant son entrée sur le territoire d.un Etat membre pour six
mois constitue l.équivalent d.un visa d.entrée prohibé par le droit communautaire (CJCE, 3
juillet 1980, Pieck, aff. 157/79).
Dans le même ordre d.idées, le juge communautaire estime que la liberté de circulation étant
une liberté fondamentale, elle ne peut être limitée que par des mesures nationales qui satisfont
aux principes communautaires de proportionnalité et de nécessité (CJCE, 19 janvier 1999,
Donatella Calfa, aff. C-348/96).
En application de cette jurisprudence de la CJUE, il faut tenir compte de la situation
particulière d.un citoyen de l.Union qui, usant de son droit à la libre circulation, ne peut pas
apporter la preuve de l'infériorité de trois mois de son séjour en France. Faire peser la charge
de la preuve sur le citoyen de l.Union est disproportionné car il ne pourra le faire que très
difficilement.
Or, la position du Conseil d.Etat dans l'Avis « Silidor » est ambiguë. Elle pourrait laisser
penser que la charge de la preuve est partagée entre l.Etat d.accueil et le ressortissant
européen éloigné. En outre, son application par les cours administratives d.appel revient à
faire peser la charge de la preuve de l.entrée sur le citoyen européen.
En effet, par exemple dans un arrêt du 14 septembre 2010, la cour administrative d.appel de
Versailles a considéré :
« M. ISTFAN soutient qu.à la date de la décision attaquée, il se trouvait en France depuis le
23 novembre 2007, soit moins de trois mois avant la décision attaquée, et fait valoir que la
charge de la preuve de la date de son entrée en France incombe au préfet du Val-d.Oise, il ne
conteste pas avoir préalablement déclaré à l.administration être entré en 1999, comme le
préfet du Val-d.Oise l.a mentionné dans sa décision, laquelle a été notifiée à l.intéressé après
lecture faite en présence d.un interprète ; qu.en se bornant à relever que l.identité de la
personne qui a recueilli ses déclarations, ainsi que l.identité de l.interprète, dont il n.est pas
précisé s.il s.agit d.un interprète en langue roumaine, ne sont pas indiquées, et à faire valoir
qu.il refusait de signer le bulletin de notification, M. ISTFAN n.apporte aucun élément de
nature à établir qu.en considérant qu.il résidait en France à la date de la décision litigieuse
depuis plus de trois mois, le préfet du Val d.Oise se serait fondé sur des faits matériellement
inexacts. »
Ainsi, alors même que Monsieur ISTFAN déclarait qu.il ne pouvait être donné aucune
certitude sur la date d.entrée qui figurait sur la décision d.éloignement qu.il contestait en
indiquant qu.aucun interprète n.était présent ce jour là, et en faisant valoir qu.on ne
connaissait pas même l.identité de la personne qui avait apposé cette date sur la mesure
d.éloignement, la cour d.appel a rejeté son recours.
De nombreuses autres décisions ont été rendues par la cour administrative d.appel de
Versailles dans ce sens.
Le droit de séjour des inactifs
Par cette troisième et dernière question, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise demande
au Conseil d.Etat des précisions sur les conditions du droit au séjour d.un citoyen de l.Union
dit « inactif » : la condition de « ressources suffisantes » pour que celui-ci ne devienne pas
une charge pour le système d.assistance sociale peut-elle lui être opposée sans qu.il soit pris
en charge par le système d.assistance sociale français ?
Le Conseil d.Etat estime sur ce point et selon lui, au regard des dispositions nationales, que
« l.insuffisance des ressources peut être opposée par le préfet pour prendre une décision
d.éloignement à l.encontre d.un ressortissant communautaire qui séjourne en France depuis
plus de trois mois, alors même que l.intéressé n.est pas encore effectivement pris en charge
par le système d.aide sociale ».
Au-delà des dispositions du droit interne, il est opportun d.interpréter cette notion au regard
du droit communautaire. Ainsi, l.Etat membre d.accueil ne peut procéder au refus ou au
retrait du droit au séjour d.un citoyen de l.Union qu.en justifiant d.un intérêt légitime :
protection de l.ordre public (menace grave et actuelle affectant un intérêt fondamental de la
société) ou la protection des finances publiques. C.est ce dernier souci que traduit la
possibilité de refuser le droit au séjour à un ressortissant européen qui constitue « une charge
déraisonnable pour le système d.assistance sociale ». Le simple fait d.être dépourvu de
ressources ne peut donc justifier l.adoption d.une décision de refus de séjour. A l.inverse, une
décision de refus de séjour sur le simple fait de ne pas disposer de ressources suffisantes ne
respecte pas le principe de subordination des limitations d.un droit fondamental du citoyen de
l.Union à la recherche de la protection d.un intérêt légitime.
Il est  regrettable que le Conseil d.Etat n.ait pas posé une question préjudicielle sur ce point
qui, à notre connaissance, n'a pas encore été tranché par la CJUE. Il s.agit de l.interprétation
d.une notion relevant du droit communautaire qui doit être uniforme dans l.ensemble des
Etats. C.est donc à la Cour de justice de l.UE qu'il revient de déterminer si la condition de
ressources suffisantes peut-être opposée à un citoyen de l.Union même si celui-ci n.a jamais
été pris en charge par le système d.aide sociale de l.Etat membre d.accueil.
Par ailleurs, la question qui se pose est celle de la licéité de la mesure d.éloignement. Quand
bien même le droit au séjour pourrait, le cas échéant dans certaines circonstances, être refusé à
un citoyen européen n.ayant pas de ressources suffisantes, ni d.assurance maladie, son
éloignement ne peut pas être prononcé s.il ne constitue pas une charge déraisonnable.
B. Non respect d  es garanties procédurales  
:1° la situation personnelle et individuelle de chaque personne concernée par la
 mesure d.éloignement n.est pas prise en compte (article 28 directive 2004/38/CE)   ;
2° absence de motivation précise et complète de la décision (article 30 du même texte)
Sur ces questions, nous nous remettons aux conclusions soulevées par Maître Tamara Lowy,
lors de la saisine de la Commission européenne de plusieurs plaintes individuelles le 23 avril
2010 (annexe 2).
Ces conclusions (violation des articles 28 et 30 de la directive 2004/38/CE) sont corroborées
par d.autres décisions d.éloignement prises par différentes préfectures françaises. Ainsi :
- quarante-deux OQTF de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, en date du 28 avril
2010, rédigées toutes de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date
et lieu de naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe
3 a) et b)) ;
- neuf OQTF de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, en date du 14 août 2010,
rédigées toutes de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date et
lieu de naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe
4) ;
- dix OQTF de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, en date du 19 août 2010,
rédigées toutes de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date et
lieu de naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe
5) ;
- douze OQTF de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, en date du 27 août 2010,
rédigées toutes de la même manière à la seule différence des nom, prénom, date et lieu
de naissance. La nationalité (bulgare) a été remplie préalablement (annexe 6) ;
- vingt OQTF de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, en date du 2 septembre 2010,
rédigées toutes de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date et
lieu de naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe
7) ;
- vingt-cinq OQTF de la préfecture de la Seine-Saint-Denis, en date du 9 septembre
2010, rédigées toutes de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date
et lieu de naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe
8) ;
- onze OQTF de la préfecture de la Gironde, en date du 10 juin 2010, rédigées toutes
de la même manière à la seule différence des nom, prénom, date et lieu de naissance
(annexe 9 a) et b)) ;
- vingt-neuf OQTF de la préfecture du Val-de-Marne, en date du 12 août 2010,
rédigées toutes de la même manière à la seule différence des nom, prénom, date et lieu
de naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement  (annexe 10
a) et b)) ;
- vingt-six OQTF de la préfecture de l.Essonne, en date du 30 juillet 2009, rédigées
toutes de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date et lieu de
naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe 11 a)
et b)) ;
- onze OQTF de la préfecture de l.Essonne, en date du 14 septembre 2009, rédigées
toutes de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date et lieu de
naissance. La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe 12) ;
- onze OQTF de la préfecture de la Loire, en date du 30 juillet 2010, rédigées toutes
de la même manière à la seule différence du nom, prénom et date et lieu de naissance.
La nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe 13 a) et b)) ;
- cinq OQTF de la préfecture de la Loire, en date du 31 août 2010, rédigées toutes de
la même manière à la seule différence du nom, prénom et date et lieu de naissance. La
nationalité (roumaine) a été remplie préalablement (annexe 14) ;
- vingt OQTF de la préfecture du Rhône, en date du 20 août 2010, rédigées toutes de la
même manière à la seule différence du nom, prénom et date et lieu de naissance.
Toutes ces informations, y compris celle de la nationalité (roumaine) ont été remplies
préalablement. Ces décisions ont été notifiées à de dates différentes, les 24 et 30 août
2010 (annexe 15 a) et b)).
Il est évident au regard du nombre de décisions d.éloignements parfois distribuées le même
jour par une ou deux personnes maximum, que la situation individuelle de chaque individu
n'a pas été examinée au regard des critères de l.article 28 de la directive, étant précisé
qu.aucun examen n.est effectué en amont pour les raisons exposées au I, A ci-dessus (défaut
d'examen contradictoire sur le droit au séjour). Nous rappelons que la plupart de ces décisions
ne comportent pas de numéro AGDREF d.étranger puisque les intéressés ne se sont jamais
rendus à la préfecture, et que la préfecture ne les connaît pas.
Ces décisions, bien que prises par différentes préfectures, et à des dates différentes, sont
rédigées d'une manière semblable. Elles se limitent à transposer le contenu juridique de
l.article L. 121-1 du Ceseda pour ensuite affirmer que la personne concernée ne dispose pas
d.un droit au séjour car elle n'a ni ressources suffisantes ni assurance maladie. Il est parfois
précisé, par ailleurs, qu'elle « constitue une charge déraisonnable pour l.Etat français ». La
préfecture indique alors que son droit au séjour ne peut pas être « maintenu » ou qu'il est
refusé.
A l'exception, pour certaines décisions, de la mention spécifique du lieu où les personnes
habitent ou du fait qu.elles se trouvent sans domicile fixe et, pour d'autres, de celle de la date
d.entrée en France, il n.y a aucun autre élément sur la situation individuelle de chaque
personne qui permette de comprendre pourquoi celle-ci n.a pas (ou elle n'a plus) un droit au
séjour. Quelle est sa situation personnelle ? Quel est le montant des revenus retenus ? Quelle
en est la source ?
Bénéficie-t-elle des aides sociales ? Si oui, lesquelles ? Depuis combien de temps ? Pour
quel(s) motif(s) ?
A-t-elle fait une demande d.Aide médicale d.Etat ?
A-t-elle été hospitalisée en France ? Où ? Pour combien de temps ? Se fait-elle soigner en
France ? Si oui, où et depuis combien de temps ?
A-t-elle bénéficié du dispositif de l.hébergement en urgence ? Si oui, quand ? Pour combien
de jours ?
A-t-elle des enfants ? Si oui, combien ?  En France ? En Roumanie ? Sont-ils scolarisés ?
Quelle est leur intégration sociale et culturelle ?
Quels sont les liens de l'intéressé avec le pays d.origine ?
Aucun de ces faits ne figure dans ces différentes décisions, quelle que soit leur date, le lieu, et
l.autorité ayant signé l.OQTF à l.encontre de ces ressortissants communautaires. Et pour
cause, il s'agit le plus souvent du premier contact nominatif / individuel de ces personnes avec
l'administration préfectorale. Quand le premier contact est une notification d'une mesure
d'éloignement,  il est clair que les autorités françaises ne garantissent pas les droits dont
disposent les citoyens de l.Union en matière procédurale.
Le témoignage de Madame Luminita Apostol, de nationalité roumaine, ne fait que le
corroborer.  Le 9 septembre 2010, alors qu.elle se trouvait présente sur un des terrains situés
sur le département de la Seine-Saint-Denis, mais seulement de passage, elle a été tout de
même l.objet d.une OQTF alors qu.elle a déclaré avoir présenté sa carte vitale et sa pièce
d.identité et attesté du fait qu.elle n'habite pas sur ce terrain mais à Paris (annexe 16). 
En plus du  non-respect de ces garanties, d.autres observations peuvent être faites à l.égard de
ces décisions :
1° Certaines préfectures (Val-de-Marne, Loire, Gironde) continuent d'affirmer que si la
personne objet de la mesure d.éloignement n.a pas quitté le territoire français dans le délai
d.un mois, « elle s.exposera aux peines d.emprisonnement et d.amende prévues par l.article
L. 621-1 du Ceseda pour tout étranger séjournant irrégulièrement en France ».
Comme nous avons déjà eu l.occasion de le dire lors de la plainte du 31 juillet 2008, cette
affirmation est tout à fait illégale et contraire au droit communautaire. Certes, l.article L. 621-
1 du Ceseda punit le séjour illégal d.un étranger, mais cela ne concerne que les ressortissants
des pays tiers et aucunement les communautaires. Ceux-ci ne peuvent en aucun cas être
poursuivis, voire condamnés, à une peine de prison pour séjour irrégulier.
2° La Préfecture de la Gironde a procédé, lors de la notification d.OQTF le 10 juin 2010, à la
confiscation des passeports des communautaires concernés par ces décisions (voir annexe 9 a)
et b)). Il leur a été notifié un document intitulé « récépissé contre remise de document de
voyage », en application de l.article L. 611-2 du Ceseda. Or, comme pour les observations
précédentes, cette confiscation (car c.en est une) ne concerne que les ressortissants de pays
tiers, en aucun cas les communautaires. Cela démontre soit la très mauvaise connaissance des
textes tant de droit interne qu.européen de la part d.un agent de l.Etat de haut rang, soit la
volonté claire d.appliquer à des ressortissants communautaires des dispositions de droit
commun, même si cela va à l.encontre de leurs droits et du droit de l.Union.
Sur la question de l'absence de transposition de l.article 30 de la directive de 2004 et
l.obligation qui pèse sur les autorités administratives françaises d.une motivation précise,
claire et complète, certaines juridictions administratives (dont la cour administrative d.appel
de Versailles dans une décision du 22 juin 2010), ont cautionné cette insuffisance de
motivation en estimant que « contrairement à ce que soutient M. [XX], les dispositions
précitées de l.article 30 de la directive du 29 avril 2004, qui ne renvoient pas à celles de
l.article 28 de la même directive, ne comportent pas d.exigences de motivation supérieures à
celles résultant de la loi du 11 juillet 1979, et notamment, ne prévoient pas que l.autorité
administrative serait tenue de préciser en quoi la situation particulière de l.intéressé ne ferait
pas obstacle à la mise en .uvre d.une décision limitant sa libre circulation ; qu.il s.ensuit
que le requérant n.est pas fondé à soutenir que les dispositions de l.article 30 précité de
directive susvisée n.auraient pas été transposées en droit interne » (annexe 17).
Par conséquent, force est de constater que l'exercice du « contrôle du juge », souvent invoqué
ces derniers temps par les autorités françaises comme garantie de la légalité des mesures
d'éloignement, s'avère insuffisant voire inefficace.
C. Notification des décisions d.éloignement
Lors de la notification de décisions d.éloignement, nous avons pu relever plusieurs
anomalies :
1° Les OQTF notifiées par la préfecture de la Seine-Saint-Denis ne comportent pas l.heure de
la notification (voir celles datées du 28 avril 2010 (annexe 3), 19 août 2010 (annexe 5), 27
août 2010 (annexe 6), 2 septembre 2010 (annexe 7), 9 septembre 2010 (annexe 8)). Seules
celles qui ont été notifiées le 14 août comportent ces informations. Ne comportent non plus
l'heure de notification les décisions de la préfecture du Rhône (voir annexe 15 a) et b).
2° Certains actes de notification indiquent le même jour, la même heure, le même agent
notifiant et le même interprète pour deux décisions différentes. C.est le cas des OQTF de la
préfecture de la Gironde du 10 juin 2010 notifiées le même jour à 7h25 par l.agent B
ARREBOT NATOU et avec le même interprète, pour lesquelles on ne voit qu.une signature
mais aucune identification possible (annexe 18).
3° Il n.y a pas toujours d.interprète. On peut voir des décisions où ne figure aucune signature
d.un interprète. Pour d.autres OQTF, l.identification de l.interprète est impossible (voir les
OQTF de préfectures de la Gironde et du Val-de-Marne, annexes 9 et 10). Pour autant, la cour
administrative de Versailles a considéré que les mentions figurant sur les décisions
d.éloignement apportaient la preuve des « déclarations » des ressortissants européens.
4° Le délai de notification est extrêmement court . Pour certaines OQTF, le délai entre chaque
notification est de cinq minutes. L.intéressé est supposé prendre connaissance de la décision
et des conséquences qu.elle comporte dans ce bref espace de temps.
D. Expulsion de terrains et éloignement  du territoire de ressortissants
Roumains et Bulgares appartenant à la minorité ethnique Rom.
Malgré les assurances du gouvernement français de ne pas faire une application
discriminatoire du droit de l.Union, on ne peut que constater que les ressortissants roumains et
bulgares appartenant à la minorité ethnique rom ont été l'objet cet été 2010, mais aussi
précédemment, et ce de manière massive, d.expulsions de terrains et de mesures
d.éloignement du territoire français.
Nous portons à votre connaissance quelques témoignages de ces opérations, qui sont bien
évidemment loin d.être les seules. Ces témoignages reflètent pour la plupart la pression, le
harcèlement, les violences dont sont parfois objet ces personnes.
1° Document de Romeurope sur l.agression, le maintien forcé dans un gymnase et le retour
« volontaire » contraint de familles Roms roumaines de Massy (Essonne), qui a eu lieu entre
le 8 et le 11 mars 2010 (annexe 19). Voir également les articles de presse parus dans le
journal Le Monde, « Des Roms expulsés de Massy vers la Roumanie », 11 mars 2010 et  Le
Parisien, « 200 Roms hébergés dans un gymnase », 10 mars 2010 (annexe 20) ;
2° Communiqué du collectif Romeurope 94, où sont dénoncées les opérations d.expulsion de
terrain et notifications « en masse » des OQTF par la préfecture du Val-de-Marne, le 12 août
2010 (annexe 21) ;
3° Témoignage de Monsieur Georges Gunther, membre du collectif de solidarité avec les
Roms à Saint-Etienne sur l.expulsion de terrain et notification de nombreuses décisions
d.éloignement (OQTF et APRF) à l.encontre de Roms roumains, le 31 août 2010 (annexe
22) ;
4° Témoignage de Monsieur Pierre Germain sur la notification d.une OQTF au camp de
Moulin Galant (Essonne) le 15 septembre 2010 à un ressortissant roumain, ayant expliqué
clairement et montré les preuves de sa présence en France depuis moins de trois mois. Malgré
cela, la gendarmerie lui a notifié la mesure d.éloignement (annexe 23) ;
5° Récit et témoignage sur la situation de Roms en Essonne, au camp de Moulin Galant, et à
Fleury-Mérogis où il y a eu une expulsion de terrain (avec copie de la carte d.identité d.un des
membres du collectif du soutien, Monsieur Serge Guichard) (annexe 24 a) et b)) ;
6° Témoignage du journaliste et photographe Alain Keller sur l.expulsion qui a eu lieu à
Fleury-Mérogis, le 27 septembre dernier. Ce témoignage est accompagné de sa carte de
presse, et d.une photo qui montre un gendarme le poussant pour l'empêcher d'être témoin des
faits se déroulant sur ce campement, ce qui corrobore son témoignage (annexe 25) ;
7° Copie du dépôt de plainte de quatre personnes auprès du Procureur de la République de
Pontoise (95) pour les délits d.atteinte volontaire à la dignité de la personne, d.atteinte
volontaire à l.intégrité de la personne, de violation de domicile, de destruction, dégradation et
détérioration d.un bien lors d.une procédure d.expulsion d.un terrain l'Aumône, situé à Saint-
Ouen, le 13 avril 2010 (annexe 26) ;
8° Témoignage de Geneviève Molina, médecin bénévole à Médecins du Monde, sur la
distribution d.OQTF et de menaces d.expulsion à Toulouse, cet été 2010 (annexe 27) ;
9° Document de Médecins du Monde sur la « Situation des Roms à Marseille : esquisse d.un
état des lieux juridique », septembre 2010 (annexe 28) ;
10° Communiqué de presse de l'association Ordre de Malte, du 17 septembre 2010, sur la
mise en rétention au centre de Lesquin (Nord) de deux familles Roms roumaines (avec
enfants en bas âge), habitant le département de l'Essonne, alors qu'ils avaient déposé une
demande d'aide juridictionnelle et que leur recours était suspensif. Ce communiqué est
accompagné de la copie des décisions d'éloignement (OQTF) et de mise en rétention
(annexe 29).
11° Témoignage de M. Stéphan Covaci, de nationalité roumaine. Il était en Roumanie en
septembre 2010, pour la naissance de sa fille, le 19 septembre. Il est revenu en France le 7
octobre 2010. Le lendemain, le 8 octobre, la préfecture du Rhône lui a notifié une OQTF en
date du 20 août 2010. La date initiale de notification a été corrigée par la police avec du tipex
(annexe 30).
E. Délai de recours de quarante-huit heures
L'accession de la Roumanie et de la Bulgarie à l'Union européenne n'a pas mis un terme à
l'utilisation à l'encontre de leurs nationaux d'une mesure d'éloignement appelée « arrêté
préfectoral de reconduite à la frontière » (APRF, prévue à l'article L. 511-1, II, du Ceseda).
Contrairement à l'OQTF, dont le délai de recours est d'un mois, l'étranger faisant l'objet d'un
APRF ne dispose que de 48 heures (d'heure à heure) pour former un recours suspensif contre
la légalité de la mesure.
Ce délai extrêmement bref n'est, à notre sens, conforme ni aux articles 30 et 31 de la directive
2004/38/CE, ni à l'exigence de proportionnalité de la mesure. Le Conseil d'Etat, juridiction
administrative suprême, a pourtant validé la prise d'APRF à l'encontre de ressortissants
communautaires.
F. Mesures d.éloignement pour menace à l.ordre public
Les préfectures françaises continuent de prendre des arrêtés de reconduite à la frontière
(APRF) à l'encontre de certains ressortissants communautaires sur la base de la « menace à
l'ordre public » (article L. 511-1, II, 8° du Ceseda). Comme nous l'avions souligné lors de la
plainte du 31 juillet 2008, ces décisions ne correspondent pas à la notion dégagée par la
jurisprudence de la CJUE ni à celle prévue par la directive 2004/38/CE.
En effet, ces décisions sont prises pour occupation illégale de terrain, vol et vols en réunion,
etc. Ci-joint, un arrêté de la préfecture des Pyrénées Orientales du 17 août 2010 (annexe
31) et deux arrêtés de la Préfecture de Seine et Marne, en date du 6 octobre 2010 (annexe
32). Il faut noter, s'agissant de ces deux dernières décisions, qu'aucune raison valable n'est
donnée pour ne pas accorder un délai de trente jours pour le départ effectif du territoire,
comme c'est prévu tant par le droit communautaire que par la législation française.
Les décisions de tribunaux administratifs sont encore contradictoires sur ce point. Certaines
estiment que ces faits ne constituent pas une menace pour l'ordre public au regard du droit
communautaire, comme celle du tribunal administratif de Lille du 27 août 2010 (annexe
33 a) ou celle du même tribunal en date du 31 août 2010 (annexe 33 b) ou encore le
jugement de la cour administrative d'appel de Douai, du 30 juillet 2009 selon lequel une
interpellation lors d.une tentative de vol d.une bouteille de whisky dans un rayon d.un
magasin « n.était pas, à lui seul, en l.absence de tout autre élément, de nature à établir que le
comportement de l.intéressé aurait constitué une menace grave pour l.ordre public » justifiant
ainsi l.adoption d.un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière à l.encontre d.un
ressortissant roumain (annexe 34).  D'autres tribunaux, en revanche, jugent que le vol
peut être un fait de « nature suffisamment grave, portant atteinte à l'intérêt fondamental de
l'Etat ». Voir dans ce sens, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon, du 10 juin 2010
(annexe 35).
Par conséquent, dans de nombreux cas les citoyens de l'Union risquent l'éloignement du
territoire français pour des motifs non constitutifs d'une atteinte à l'ordre public au regard de
la jurisprudence de la CJUE, alors que le contrôle du juge est trop hésitant dans ce domaine
pour constituer une protection contre l'éloignement.
En dernier lieu, l'article L. 511-1, II, 8° du Ceseda a servi de fondement à l'éloignement de
ressortissants communautaires soumis à la période transitoire, et qui avaient travaillé en
France sans autorisation. Ce fondement juridique a été validé par un récent arrêt du Conseil
d'Etat, alors que la directive ne prévoit pas que le travail illégal est un motif légitime
d'éloignement du territoire.
II. Textes de droit interne
A) Circulaire du ministre de l.immigration en date du 10 sept. 2010 relative
« aux conditions d.exercice du droit de séjour des ressortissants de l.Union européenne, des
autres Etats parties à l.Espace économique européen et de la Confédération suisse, ainsi que
des membres de leur famille »3 (annexe 36).
La législation française a transposé en plusieurs étapes les dispositions de la directive
2004/38/CE du 29 avril 2004 : d.abord, et ce de manière anticipée, par la loi du 26 novembre
2003 (loi n° 2003-1119 du 26 nov. 2003 ; JO 27 nov. 2003) et ensuite par la loi du 24 juillet
3 Circulaire n° NOR : IMIM1000116C. Texte non publié au Journal officiel.
2006 (loi n° 2006-911 du 24 juill. 2006 ; JO 24 juill. 2006), complétée par le décret n° 2007-
371 du 21 mars 2007 (JO 22 mars 2007), dont les articles ont été intégrés dans la partie
réglementaire du code de l.entrée et du séjour des étrangers et du droit d.asile (Ceseda).
Il restait ainsi l.adoption de la circulaire d.interprétation sur les différentes notions prévues en
droit interne, à l.attention des fonctionnaires chargés de leur application (principalement les
préfectures).
La circulaire en question précise les différents motifs de séjour d.un communautaire ou
assimilé et des membres de leur famille, les modalités de délivrance d.un titre de séjour, les
pièces exigées. Une remarque générale peut néanmoins être faite à ce stade : elle met l.accent
sur les aspects qui, aux yeux du ministre de l.immigration, permettent de faire cesser le droit
au séjour et à la libre circulation des communautaires, tout en leur donnant une interprétation
très large. Cela va  à l.encontre même de l.esprit du droit de l.Union qui veut que le principe
fondamental est celui de la libre circulation et que ce n.est que dans des cas très précis que les
autorités d.un Etat membre peuvent y déroger . 
Nous pouvons d.ores et déjà relever certains points contraires au droit de l.Union
 A-1. sur le droit au séjour pour une durée inférieure à trois mois
Selon les termes de la circulaire, « Les citoyens de l.Union et assimilés sont réputés disposer,
pendant toute cette période de trois mois, des ressources et moyens d.existence leur
permettant de subvenir à leurs besoins ». Et elle ajoute : « Cette présomption est la condition
nécessaire pour permettre un exercice effectif de la liberté de circulation ».
Le ministre semble oublier l.article 6 de la directive 2004/38/CE, repris par l.article R. 121-1
du Ceseda, selon lesquels ces personnes « ont le droit de séjourner pour une période allant
jusqu.à trois mois, sans autre conditions ou formalités que l.exigence d.être en possession
d.une carte d.identité ou d.un passeport en cours de validité ». Certes, les articles 14 de la
directive 2004/38/CE et R. 121-3 du Ceseda prévoient que les ressortissants communautaires
disposent de ce droit « tant qu.ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le
système d.aide sociale ». Mais cela ne permet en aucun cas d.établir une présomption
selon laquelle ce droit à la libre circulation est conditionné à la possession de ressources
suffisantes. On peut penser qu.un ressortissant communautaire qui, tout en n.ayant pas de
ressources, ne présente pas une charge déraisonnable pour le système d.aide sociale (ce qui
est en pratique très difficile à obtenir pendant cette période au regard du droit français 4), ne
perd pas l.exercice de son droit.
 A  - 2.  Sur l.exercice d.une activité salariée par les personnes relevant de la
période transitoire
Comme le rappelle l.article R. 121-16 du Ceseda, les communautaires soumis à la période
transitoire qui ont eu accès au marché du travail pour une période égale ou supérieure à douze
mois, n.ont pas besoin de demander une nouvelle autorisation de travail mais seulement le
renouvellement de leur titre de séjour.
A ce propos, la circulaire précise que « l.autorisation de travail peut être limitée à certaines
activités professionnelles ou zones géographiques. Dans le cas d.un changement d.employeur
ou de lieu d.exercice de l.activité, une nouvelle autorisation de travail devra être sollicitée
4 Sur ce point, voir plainte du 31 juillet 2008, point II, A, 2, pages 4 et 5.
par le citoyen de l.UE concerné s.il est titulaire d.un contrat à durée déterminée qui ne lui
permet pas, par définition, d.accéder au marché du travail. En revanche, le salarié titulaire
d.un contrat à durée indéterminée, admis sur le marché du travail et employé depuis plus
d.un an n.est pas soumis à l.obligation de solliciter une nouvelle autorisation de travail ».
Ces affirmations sont donc en contradiction avec les règles rappelées ci-dessus et prévues par
le traité d'adhésion. En effet, il suffit d.avoir été admis au marché du travail pour une période
égale ou supérieure à douze mois, que cela soit un CDD ou un CDI, sans qu.il faille, en plus,
avoir déjà travaillé effectivement  pendant plus de douze mois comme la circulaire l.exige.
 A-3. Sur l.exercice d.une activité non salariée par les personnes relevant
de la période transitoire
Comme nous l.avions déjà relevé dans notre saisine du 31 juillet 2008, aucune restriction
particulière ne peut être appliquée aux citoyens de l.Union soumis à cette période, en ce qui
concerne l.accès à une activité non-salariée. Aucune raison valable ne permet aux autorités
françaises donc d.exiger l'obtention d'un titre de séjour des personnes qui exercent une
activité professionnelle indépendante (non-salariée).
  A-4. L  es prestataires de services et les salariés détachés
Sur ce point, la circulaire affirme : « Les ressortissants des Etats membres relevant du régime
transitoire ainsi que les ressortissants de pays tiers qui sont détachés en France pour exercer
une activité salariée pendant plus de trois mois [sachant que l'on est dans le cadre de la
prestation de services et de travailleurs détachés] doivent être munis de cette même carte de
séjour, dont la durée devra être également alignée sur celle de la prestation ».
La circulaire différencie la question du permis de travail de celle du titre de séjour. Or les
travailleurs détachés, même s.ils sont salariés, viennent dans le cadre d.une opération de
prestation de services. Il n.y a donc pas, juridiquement, de mobilité intracommunautaire du
salarié détaché, qui n'est pas admis au marché du travail de l'Etat membre d'accueil du fait de
la nature temporaire de la prestation, ainsi que l.a jugé la Cour (CJCE, 21 octobre 2004, aff.
C-445/03, Commission c/Luxembourg). On peut donc s.interroger sur la compatibilité de
l.exigence en toutes circonstances d.un titre de séjour pour les détachés roumains et bulgares.
  A  - 5. S  ur le maintien au droit au séjour en cas de cessation de l.activité
professionnelle
Sur cette question, la circulaire reprend les termes de l.article R. 121-6 du Ceseda. Nous
rappelons, à cette occasion, les observations faites par la Commission lors de son rapport sur
l.application de la directive 2004/385. En effet, selon celle-ci, la France n.a pas correctement
transposé les dispositions de l.article 7 § 3 de la directive qui prévoit le maintien de la qualité
de « travailleur », plus protectrice que le « droit au séjour ». Au-delà de son impact sur le droit
au séjour, « le maintien de la qualité de travailleur [.] confère une protection
supplémentaire contre l.éloignement, la possibilité d.acquérir le droit au séjour permanent à
des conditions plus favorables et un droit illimité à l.égalité de traitement », affirme la
Commission dans son rapport.
5 Rapport de la Commission au Parlement et au Conseil sur l.application de la directive 2004/38/CE relative au
droit des citoyens de l.Union et de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats
membres, COM (2008) 840 final, Bruxelles, le 10 décembre 2008.
  A-6. L  e séjour pour recherche d.emploi
Selon la circulaire, les citoyens de l.Union doivent avoir la possibilité de venir sur le territoire
national afin d.y rechercher un emploi pendant une période de six mois, s.ils y sont inscrits en
qualité de demandeurs d.emploi. Elle ajoute : « Ce dispositif n.est pas accessible aux citoyens
de l.UE qui relèvent du régime transitoire ». Par ailleurs, « les citoyens de l.UE qui viennent
en France pour y rechercher un emploi ne peuvent pas revendiquer le droit de séjourner en
qualité de travailleurs ».
Cela appelle trois observations :
- C.est en vertu du traité lui-même que la qualité de « travailleur » est reconnue aux citoyens
de l.Union venant pour la recherche d.un emploi, cette possibilité n.étant pas ouverte
seulement à ceux qui seraient inscrits en qualité de demandeurs d.emploi ;
- La période de six mois ne peut être mentionnée qu'à titre indicatif, alors qu'aux termes de la
circulaire, il s'agit d'une durée maximale. La circulaire devrait indiquer les deux conditions de
la directive : recherche active d'emploi et chances raisonnables d'en trouver ;
- L'exclusion des Roumains et Bulgares de cette catégorie ouvrant droit au séjour de plus de
trois mois est contraire au droit communautaire. Il n.y a pas de norme européenne qui prohibe
à un Roumain ou à un Bulgare de venir en France pour la recherche d.un emploi. S.il ne peut
certes pas s.inscrire auprès de l.organisme de placement dans l'état actuel des textes internes,
il peut néanmoins faire cette recherche de travail et une fois trouvé un employeur, faire les
démarches en vue de l.obtention de l.autorisation de travail.
Ce paragraphe de la circulaire aura pour conséquence immédiate et systématique de priver les
chercheurs d'emploi roumains et bulgares de la possibilité de séjourner régulièrement en
France au-delà de trois mois.
  A-7 .  Le séjour des citoyens de l.UE et assimilés qui n.exercent pas
d.activité professionnelle
S.agissant des inactifs, la circulaire est très contestable à plusieurs titres.
1° D.abord, il est affirmé que, pour l.exercice d.un droit au séjour en cette qualité, il faut
réunir deux conditions : posséder des ressources suffisantes et une assurance maladie
complète pour le citoyen de l.Union et les membres de sa famille. Quant aux ressources, la
circulaire fait référence uniquement au montant (qui doit être équivalent à celui du revenu de
solidarité active (RSA) ou, si l.intéressé remplit la condition d.âge pour l.avoir, le montant de
l.allocation de solidarité aux personnes âgées). Or, il n est fait mention nulle part que
l.autorité administrative compétente doit d.abord et avant tout examiner la situation
personnelle de l.intéressé, comme c.est très clairement prévu par l.article R. 121-4 du Ceseda
et par la directive 2004/38/CE.
2° De plus, comme la Cour de justice de l.Union européenne l.a d.ores et déjà affirmé, « les
Etats membres peuvent indiquer une certaine somme comme montant de référence, mais non
en ce sens qu.ils pourraient imposer un montant de revenu minimal au-dessous duquel tout
regroupement familial serait refusé (.) » (CJUE, 4 mars 2010, affaire C-578/08, Chakroun).
Même si cet arrêt a été rendu dans le cadre de la directive relative au regroupement familial,
les principes sont parfaitement transposables à la matière qui nous occupe.
3° Ensuite, la circulaire précise que la justification des ressources peut se faire par tout moyen
de preuve. Elle poursuit néanmoins : « En pratique, cette justification nécessitera la
production de documents à caractère administratif (tels que, par exemple, des relevés de
comptes bancaires ou des bulletins de pension) établissant de manière certaine le montant
des ressources (.) ». Il n.y a pourtant aucun motif valable pour restreindre, comme la
circulaire le fait, les moyens de preuve aux seuls documents administratifs, d.autant plus que
nous sommes, même au regard des inactifs, dans le cadre de l.exercice du droit à la libre
circulation et installation.
4° Enfin, le ministre de l.immigration estime, dans le texte en question, que « la vérification
de ces conditions [des ressources suffisantes et une assurance maladie] pourra s.opérer tout
au long du séjour de l.intéressé en France, avant l.acquisition du droit au séjour
permanent ». L.article 14 de la directive 2004/38/CE est pourtant catégorique. En effet, aux
termes de cette disposition : « Dans certains cas spécifiques lorsqu.il est permis de douter
qu.un citoyen de l.Union ou les membres de sa famille remplissent les conditions [de séjour],
les Etats membres peuvent vérifier si c.est effectivement le cas. Cette vérification n.est pas
systématique ».
A-8 L  es membres de famille   : cas du ressortissant d.un pays tiers
ascendant d.un mineur européen dont il assume la prise en charge
Il est évoqué, à ce propos, l.arrêt de la cour de Luxembourg du 19 octobre 2004 (CJCE, aff.
C-200/02, Zhu and Chen). La circulaire affirme : « Si le parent justifie remplir ces conditions,
vous lui reconnaîtrez un droit au séjour sous couvert d.une carte de séjour « visiteur » ou
autorisant l.exercice d.une activité professionnelle sous réserve des autorisations adéquates,
notamment, dans le cas d.une activité salariée, d.une autorisation de travail ».
La Commission ne peut que condamner avec fermeté une telle interprétation restrictive et
erronée de la jurisprudence Zhu and Chen, qui va tout à fait à l.encontre de la décision du juge
de Luxembourg et des principes qu.il a dégagés lors de cet arrêt qui a été rendu, il faut le
rappeler, en grande chambre.
B) Projet de loi relatif à l.immigration, à l.intégration et à la nationalité
résultant des délibérations de l.Assemblée nationale et adopté par celle-ci en première lecture
le 12 octobre 2010 (annexe 37).
Il ne s.agit certes pas encore d'un texte normatif, mais il est fort possible que ce projet  soit
adopté en l.état, ou en tout cas, pour ce qui nous concerne ici, lors des débats ultérieurs au
Sénat. Quoi qu.il en soit, ce projet de loi ne fait que refléter la politique gouvernementale
selon laquelle une certaine catégorie de ressortissants communautaires ne viendrait en France
que pour profiter du système d.aide sociale, ce qui constituerait un « abus du droit ».
Voici le projet d.article qui nous intéresse :
 Article 25 6
Après l.article L. 511-3 du même code, il est inséré un article L. 511-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 511-3-1. . L.autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger
un ressortissant d.un État membre de l.Union européenne, d.un autre État partie à l.accord
6 Voir sur le site de l.Assemblée nationale,
http://www.assemblee-nationale.fr/13/ta-pdf/2814_reporte.pdf
sur l.Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa
famille, à quitter le territoire français lorsqu.elle constate :
« 1° Qu.il ne justifie plus d.aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 121-1, L.
121-3 ou L. 121-4-1 ;
 « 2° Ou que son séjour est constitutif d.un abus de droit. Constitue notamment un abus de
droit le fait de renouveler des séjours de moins de trois mois dans le but de se maintenir sur
le territoire alors que les conditions requises pour un séjour d.une durée supérieure à trois
mois ne sont pas remplies. Constitue également un abus de droit le séjour en France dans le
but essentiel de bénéficier du système d.assistance sociale, notamment l.assurance maladie,
l.aide sociale et les prestations publiques à caractère social.
« L.étranger dispose, pour satisfaire à l.obligation qui lui a été faite de quitter le territoire
français, d.un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa
notification. À titre exceptionnel, l.autorité administrative peut accorder un délai de départ
volontaire supérieur à trente jours.
« L.obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il sera renvoyé
en cas d.exécution d.office. »
Le ressortissant communautaire qui viendrait en France de manière répétée avec pour seul but
de se maintenir en France sans remplir les conditions exigées pour les séjours supérieures à
trois mois, « abuserait » ainsi de son droit à la libre circulation.
Il faut tout d'abord s.interroger.  Comment prouver qu.une personne renouvelle des séjours de
moins de trois mois,  a priori sans  aucun moyen de preuve en dehors du cas où
l'administration peut établir qu'elle est installée en France ? Comment prouver que le
communautaire ne vient que « dans le but essentiel de bénéficier du système d'assistance
sociale » ?
Au-delà de l'élément probatoire, cet amendement est contraire au droit communautaire, selon
lequel il y a un droit de séjour de moins de trois mois quasiment absolu, sauf à présenter une
menace pour l'ordre public, dans les limites imposées par le droit de l'Union.
Par rapport à la notion d'abus du droit, il existe certes le principe selon lequel « les justiciables
ne sauraient abusivement ou frauduleusement se prévaloir des normes communautaires » qui
est constant dans la jurisprudence de la Cour et figure parmi les principes généraux de l'ordre
communautaire. Pour la Cour « abuse du droit celui qui en est le titulaire quand il l'exerce de
manière déraisonnable pour obtenir, au préjudice d'autrui, des avantages illicites et
manifestement étrangers à l'objectif poursuivi par le législateur lorsque celui-ci confère au
particulier une position subjective donnée ».
Selon l'avocat général Trstenjak, dans une affaire Koller (affaire C-118/09), « la Cour
considère que la constatation qu.il s.agit d.une pratique abusive nécessite, d.une part, un
ensemble de circonstances objectives d.où il résulte que, malgré un respect formel des
conditions prévues par la réglementation communautaire, l.objectif poursuivi par cette
réglementation n.a pas été atteint. Elle requiert, d.autre part, un élément subjectif consistant
en la volonté d.obtenir un avantage résultant de la réglementation communautaire en créant
artificiellement les conditions requises pour son obtention ».
De ces observations, on peut en déduire que le seul fait de faire des allers/retours ne signifient
pas en soi un « abus du droit ». Encore faut-il prouver que cela se fait pour échapper à la
réglementation nationale « en vue de l'obtention des avantages sociaux ».
Pour les séjours de plus de trois mois, on ne voit pas ce que cette nouvelle disposition apporte
à la réglementation existante, y compris au niveau national, à savoir, la possibilité de mettre
fin au séjour d'un ressortissant communautaire si celui-ci ne démontre pas qu'il réunit les
conditions de séjour en tant qu'inactif et après un examen individuel de la situation.
III. Fichiers
A. Fichier OSCAR
Le fichier OSCAR, a été crée par un décret n° 2009-1310 du 26 octobre 2009 (JO du 28
octobre 2009). Il met en place un traitement automatisé de données à caractère personnel
relatives aux étrangers bénéficiant du dispositif de l'aide au retour volontaire géré par l'Office
français de l'immigration et de l'intégration (OFII).
Il a comme finalités :
a) De liquider l'aide en permettant de déceler une nouvelle demande présentée par une
personne ayant déjà bénéficié de cette aide, le cas échéant sous une autre identité ;
b) De permettre le suivi administratif, budgétaire et comptable des procédures d'aides au
retour gérées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration
c) D'établir des statistiques relatives à ces procédures et à leur exécution.
Trois associations (LDH, IRIS et GISTI) ont déféré ce décret auprès du Conseil d'Etat, en
soulevant les contradictions et violations qu'il comporte à l'égard du droit national et
communautaire. Vous trouverez le texte de ce recours ci-joint (annexe 38). La décision a
été rendue le 21 octobre 2010.
Il faut également remarquer la résolution du parlement européen du 7 septembre dernier
laquelle, s'agissant du fichage biométrique des Roms, souligne « que le relevé des empreintes
digitales des Roms expulsés est illégal et contraire à la Charte des droits fondamentaux de
l'Union européenne [...], aux traités et au droit de l'Union européenne [...], et qu'il constitue
une discrimination fondée sur l'origine ethnique ou nationale ».
C.est pourtant précisément ce que la France se propose de faire. Certes, le fichier OSCAR,
vise l.ensemble des étrangers susceptibles de bénéficier d'une aide au retour. Mais, en
pratique, ce sont majoritairement les Roms, qu.ils soient ressortissants bulgares ou roumains,
qui sont visés puisqu.ils représentent 90% des personnes qui se voient attribuer une aide au
retour « humanitaire ». La raison en est simple : les pouvoirs publics ont développé une
stratégie consistant, lors de l.évacuation d.un campement de Roms roumains ou bulgares, à
leur forcer la main pour qu.ils acceptent l.aide au retour « humanitaire », sous peine d.être
placés en garde à vue ou d.encourir des poursuites pénales.
Dès décembre 2006, une circulaire a prévu, en dehors de tout cadre et fondement légal, la
possibilité d.allouer à ces ressortissants européens l.ARH, qui jusque là n.était qu.un
dispositif embryonnaire (548 personnes en 2006, 757 du 1er janvier 2007 au 31 août 2007) et
exceptionnel. En 2007, un amendement à la loi sur l.immigration autorise le fichage
biométrique des bénéficiaires de l.aide au retour déjà prévu par la circulaire de 2006, donnant
une base législative au décret de création du fichier OSCAR.
Les statistiques de l'aide au retour humanitaire sont dès lors intégrées parmi les indicateurs de
la politique du chiffre. Ainsi, dans une conférence d.octobre 2008, l'ancien ministre de
l'immigration, M. Brice Hortefeux se félicitait d.avoir réalisé l.objectif de 26 000
« reconduites à la frontière » grâce à la multiplication par quatre en un an du nombre d.aides
au retour, passé de 1 760 à 8 349.
Les statistiques officielles de l.aide au retour attestent de cette stratégie : avant le 1er janvier
2007, les ressortissants de Roumanie et de Bulgarie constituaient 25% du nombre total de
migrants irréguliers expulsés. Après l.accession de ces pays à l.UE, le nombre d.aides au
retour humanitaire a brusquement augmenté, passant de moins de 400 en 2005 et 2006 à près
de 3 000 en 2007, plus de 10 000 en 2008 (81% accordées aux Roumains et 9% aux
Bulgares), et plus de 12 000 en 2009 (83% pour les Roumains et 7% pour les Bulgares).
Afin de confirmer ces éléments, vous trouverez les témoignages suivants :
1° Témoignages de quatre ressortissants roumains, qui, ayant été l'objet de mesures
d'éloignement, ont accepté cette aide au retour volontaire. Ils datent du 23 et du 24 septembre
2010 (annexe 39) ;
2° Communiqué de presse du collectif de soutien aux familles roms de Roumanie, du 30
septembre 2010, sur une opération de police qui a eu lieu le 28 septembre 2010 sur un terrain
situé à Méry-sur-Oise où des empreintes digitales et génétiques ont été prises sur les habitants
(annexe 40).  Ces faits sont encore confirmés par d'autres témoignages : celui de M. Jean-
Pierre Dacheux, membre du même collectif (annexe 41) mais aussi celui de M. Robert
Ene, ressortissant roumain et qui a dû se prêter lui-même à cette opération (annexe 42).
Enfin, trois articles de presse du Val d'Oise matin du 29 septembre 2010, du VO news du 30
septembre 2010 et celui du journal Libération du 8 octobre 2010 (annexes 43 à 45).
B. Fichier MENS
Selon des informations apportées par la presse en France dès le 8 octobre 2010, un autre
fichier intitulé MENS (minorités ethniques non sédentarisées) a été crée par l'Office central de
lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI). Voir article du journal Le Monde du 8 octobre
2010 (annexe 46). Une plainte au pénal a été déposée contre ce fichier auprès du
Procureur de la République par les associations « La voix des Roms », l'Union Française des
Associations Tsiganes (UFAT), la Fédération nationale des associations solidaires d'action
avec les Tsiganes et les Gens du voyage et l'Association Nationale des Gens du Voyage
Catholique (ANGVC).
Un article de presse du journal Rue 89 du 18 octobre 2010 démontrerait que ce fichier existe
bel et bien, malgré les dénégations des autorités françaises (annexe 47).
Tous ces éléments nous ont permis de démontrer sans conteste la violation du droit
communautaire par la France, tant au niveau des textes que des pratiques administratives qui
persistent, sans pour autant que les juridictions compétentes sanctionnent toujours ces
manquements. Par conséquent, nous vous demandons, Madame la Vice-Présidente, en qualité
de « gardien des traités et du droit communautaire dérivé » de vous saisir de ce dossier afin
d'entamer une procédure d'infraction et le cas échéant, de former un recours en manquement
contre la France devant la Cour de justice de l'Union européenne.
Pour les associations signataires,
Stéphane Maugendre
Président GISTI

Liste des associations signataires
Collectif National Droits de l'Homme Romeurope
c/o FNASAT Gens du voyage
59 rue de l'Ourcq
75019 PARIS
Composé par les associations suivantes :
ALPIL, AMPIL, ASAV, ASET, Association de soutien aux Roms de Saint-Maur, Association
Solidarité   avec   les   familles   roumaines,  CLASSES,   FNASAT,  Hors   la  Rue,  LDH,  Lien
Tsigane,  Médecins du Monde,  MRAP,  PARADA,  PROCOM,  Rencontres Tsiganes,  Roms
Action, Association « Une famille . un toit 44 », URAVIF, Comité de soutien aux familles
Rroms dans  le Val   d'Oise  et   les Yvelines,  Réseau Solidarité aux  familles  Rroms  . Saint
Etienne, Comité de soutien du Val de Marne, Comité de soutien aus familles Rroms de Limeil
. Bonneuil (94), Mouvement catholique des gens du voyage.
Cimade
Patrick Peugeot, président
64 rue de Clisson
75013 PARIS
Fédération des associations de solidarité avec les travailleurs immigrés (Fasti)
Cédric Gratton, co-président
58 rue des Amandiers
75020 PARIS
Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti)
Stéphane Maugendre, président
3 villa Marcès
75011 PARIS
Hors la Rue
Edouard Donnelly, président
9 rue Domrémy
75013 PARIS
Ligue des Droits de l'Homme (LDH)
Jean-Pierre Dubois, président
138 rue Marcadet
75018 PARIS
Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP)
Mouloud Aunit, membre du collège de la présidence
43 boulevard Magenta

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