vendredi 8 octobre 2010

Séjours irréguliers et constitutionnalité

La pénalisation du séjour irrégulier est-elle constitutionnelle ? 
Le 7 octobre dernier, la chambre du tribunal de grande instance de Bobigny a renvoyé devant la cour de cassation la question prioritaire de constitutionalité déposée par un citoyen : Communiqué de ses avocats

LA PENALISATION DU SEJOUR IRREGULIER

EST-ELLE CONSTITUTIONNELLE ?



Monsieur Sidi DRAME est sans-papiers. Il réside sur le territoire français depuis près de dix ans. Son épouse, avec laquelle il a trois enfants nés en 2004, 2006 et 2008, est titulaire d’une carte de résident.

            Il a déposé le 12 mars 2009 une demande de titre de séjour à la préfecture de l’Essonne et n’a pas reçu de réponse à ce jour.

            Le procureur du Tribunal de grande instance de Bobigny a choisi de le poursuivre pour séjour irrégulier malgré sa situation familiale et l’absence manifeste de trouble à l’ordre public.

            Il est bien évident que si l’Administration avait examiné sa situation et répondu à sa demande de titre de séjour dans un délai normal, Monsieur DRAME n’aurait pas été placé en garde à vue pour séjour irrégulier et n’aurait pas fait l’objet de poursuites pénales.

            Au vu de son dossier, le préfet n’a pas cru bon de prendre à son endroit un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière ce qui n’a pas empêché le parquet de le poursuivre et de demander son placement en détention provisoire qui a été heureusement refusé par le Juge des libertés et de la détention.

            Monsieur DRAME n’est pas soupçonné d’avoir commis une autre infraction pénale que celle du séjour irrégulier et il ne l’aurait pas commise sans la carence de l’Administration.

            Il entend soulever la question du caractère inconstitutionnel des articles L 621-1 et L 621-2 du CESEDA qui définissent et répriment l’entrée et le séjour irrégulier d’un étranger en France.

La définition d’une infraction pénale constituée par l’entrée ou le séjour irrégulier d’un étranger en France existait, avant l’entrée en vigueur du CESEDA, dans l’article 19 de l’ordonnance du 2 novembre 1945 reprenant pour l’essentiel les dispositions de l’article 2 du décret-loi du 2 mai 1938 qui instaurait déjà une peine d’un an de prison.

Ces articles de loi n’ont jamais été soumis à la censure du Conseil constitutionnel dans la mesure où les dispositions litigieuses sont apparues dans l’édifice juridique français avant 1958 et n’ont donc pas fait l’objet d’un contrôle de constitutionnalité lors de l’examen des lois successives définissant la politique d’immigration.

L’article  8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 prévoit que « La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée ».

L’infraction de séjour irrégulier est-elle conforme à ce principe ?

Les sanctions prévues, une peine d’emprisonnement d’un an et une interdiction du territoire de trois ans, sont manifestement disproportionnées par rapport à l’ampleur de l’infraction, à supposer même que ce comportement soit ainsi qualifié.

            Il est donc impératif que le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité à la constitution de cette infraction pénale.

            Si le Conseil constitutionnel devait décider d’abroger ces deux articles, le délit de solidarité devrait également disparaître.

            Le lien artificiellement créé par certains entre immigration et délinquance s’explique en partie par cette pénalisation du séjour irrégulier qui renforce la surpopulation carcérale.

            Monsieur DRAME demandera, par l’intermédiaire de ses avocats, la transmission au Conseil constitutionnel de la question prioritaire de constitutionnalité lors de sa comparution devant la 16ème chambre du Tribunal de grande instance de Bobigny le 7 octobre 2010 à 13 h.
  avocats :

Me Nawel GAFSIA
Me Henri BRAUN

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