Ghislaine Durand : Elue tsigane

Portrait d'actrice

 

Elue tzigane

Par Olivier Berthelin

Gazette des communes18/10/2010

Ghislaine Durand, élue locale dont la carrière est marquée par des collaborations avec des ministres, enseignante de profession, fait partie de la communauté rom.

A la fois conseillère municipale de Bron (Rhône) et déléguée des Tsiganes français au Forum européen des Roms, Ghislaine Durand échappe à toutes les classifications. Elégante dame mûre, à l'aise aussi bien dans les caravanes que dans les bureaux des ministères, elle ne correspond jamais aux étiquettes qu'on lui attribue. Peut-on être à la fois élue locale et Tsigane ? Peut-on être enseignante, lettrée, signant parfois des articles sportifs dans le quotidien régional, et profondément enracinée dans la culture des gens du voyage ? Peut-on être une femme politique fréquentant les cercles du pouvoir et mère de famille tsigane ? L'intéressée rit de ces apparents paradoxes. « Dans notre culture, les femmes décident les déplacements et gèrent les aspects pratiques. Il n'y a rien d'étonnant à ce que vous en trouviez à la tête d'associations et en première ligne dans les combats politiques », explique-t-elle, refusant de se laisser enfermer dans des distinctions entre nomades et sédentaires.

Citoyenne engagée.

Avec le phrasé vif d'une collaboratrice d'hommes politiques de premier plan, tel Roland Dumas, qui oblige ses interlocuteurs à puiser dans leurs connaissances pour suivre ses démonstrations, elle rappelle des évidences et déplore le manque d'information des élus et des cadres des collectivités. Pour elle et la plupart des descendants de Tsiganes vivant en France depuis le Moyen Age, les déplacements sont liés à des métiers itinérants. « Je suis institutrice, cela ne m'empêche pas d'être une parfaite romanichelle (*). Je ne vais pas, sous prétexte que mes ancêtres circulaient le long du Rhône, gagnant leur vie en halant des péniches avec des chevaux, me déguiser en diseuse de bonne aventure et me promener en caravane. Mon métier n'est pas d'amuser les enfants mais de leur apprendre à lire, à écrire et à compter. » Observateur particulièrement concerné, son époux confirme qu'il a bien été adopté par une belle-famille de vrais Tsiganes, dont aucun ne correspond aux stéréotypes du nomade miséreux, guitariste et danseur de flamenco.
« Les décideurs ne nous connaissent pas et inventent des dispositifs coûteux et inadaptés », insiste Ghislaine Durand, dans son rôle d'élue locale au fait des problématiques d'aménagement du territoire et économe des deniers publics. « Il faut éviter les aires d'accueil - ghettos qui aggravent le racisme et l'exclusion sans rien résoudre », plaide-t-elle, en déplorant que les annonces gouvernementales du 28 juillet visant gens du voyage français et les Roms migrants aient été un rendez-vous manqué. « Comme toutes les populations, nous avons notre lot de délinquants, mais les policiers savent bien que les trafiquants ne s'exhibent pas dans des campements, où ils se feraient prendre. Le Président aurait dû profiter de l'occasion pour aborder les vrais problèmes de discrimination », martèle la conseillère municipale, qui n'a pas de mots assez durs pour dénoncer le laxisme du maire de Bron en matière de sécurité.

Pragmatisme.

« En matière de politique, nous sommes comme les Alsaciens et les Bretons, nous nous déterminons d'abord comme citoyens français, avant d'être membres d'une communauté », précise la militante de l'Union française des associations tsiganes. Petite fille d'un Tsigane résistant communiste torturé par la Gestapo, fille d'un policier longtemps membre du parti socialiste, aujourd'hui élu sur une liste « majorité présidentielle » tout en restant proche du député PS Jean-Louis Touraine, Ghislaine Durand assume son parcours politique. A ceux qui la voient comme un électron libre opportuniste, elle rétorque que son ouverture d'esprit et son pragmatisme sont un héritage de sa culture romanichelle.

BIO-EXPRESS

1975 : devient institutrice.
1986 : membre fondateur du club de réflexion géostratégique Democratie.
1990 : devient directrice d'école dans le Rhône.
2008 : membre fondateur de l'Union française des associations tsiganes. Elue conseillère municipale de Bron (liste « majorité présidentielle »).
2009 : déléguée de la France au Forum européen des Roms (Conseil de l'Europe).

(*) Membre du peuple rom.