mardi 14 juin 2011

Le Pape évoque le génocide des tsiganes




Le 11 juin dernier, le Pape Benoist 16 a solennellement déploré le génocide des tsiganes et le racisme qu’ils subissent encore. L’engagement fort et très médiatisés des autorités catholiques, moins connu des instances protestantes, d’organisations juives et localement musulmanes ne doit pas masquer une très grande diversité. En France, l’émergence d’associations laïques comme l’UFAT qui ne se définit pas par rapport aux opinions religieuses ou philosophiques de ses membres, indiquent que l’ensemble des courants de pensées sont présents.

 
Discours de Benoît XVI lors de la rencontre avec les communautés tsiganes et roms au Vatican le 11 juin 2011

Chers frères et sœurs

o Del si tumentsa!  (le Seigneur soit avec vous !)

C’est pour moi une grande joie de vous rencontrer et de vous saluer cordialement à l’occasion de votre pèlerinage à la tombe de l’apôtre Pierre. Je remercie Mgr Antonio Maria Veglio, président du Conseil pontifical de la pastorale pour les migrants et les itinérants, des propos qu’il m’a adressés en votre nom et pour avoir organisé cet événement. . J’exprime aussi ma gratitude à la fondation Migrantes de la Conférence épiscopale italienne, au diocèse de Rome et à la Communauté de Sant’Egidio pour avoir contribué à la réalisation de ce pèlerinage et pour ce qu’ils font jour après jour en faveur de votre accueil et de votre intégration. Un « merci » particulier à vous, enfin, pour avoir offert vos témoignages, vraiment significatifs.

Vous êtes venus à Rome de toutes les parties d’Europe pour manifester votre foi et votre amour pour le Christ, pour l'Église - qui est une maison pour vous tous - et pour le pape. Le Serviteur de Dieu Paul VI adressa aux Tsiganes, en 1965, ces paroles inoubliables : « Vous, dans l'Église, vous n'êtes pas aux marges, mais, sous certains aspects, vous êtes au centre, vous êtes au cœur. Vous êtes au cœur de l'Église. » Moi aussi, je le redis aujourd'hui avec affection : vous êtes dans l'Église ! Vous êtes une portion aimée du Peuple de Dieu en pèlerinage et vous nous rappelez que « la cité que nous avons ici-bas n'est pas définitive : nous attendons la cité future » (He 13, 14). À vous aussi est parvenu le message du salut auquel vous avez répondu avec foi et espérance, enrichissant la communauté ecclésiale de laïcs croyants, de prêtres, de diacres, de religieuses et de religieux tsiganes.

Votre peuple a donné à l’Église le bienheureux Zefirino Gimenez Malla dont nous célébrons le 150e anniversaire de la naissance et le 75e anniversaire du martyre. L’amitié avec le Seigneur a fait de lui un témoin authentique de la foi et de la charité. Au travers de l’intensité avec laquelle il adorait Dieu et découvrait sa présence en toute personne et dans tout événement, le bienheureux Zefirino aimait l’Église et ses pasteurs. Tertiaire franciscain, il resta fidèle à son appartenance tsigane, à l’histoire et à l’identité de sa communauté. Marié selon la tradition des Gitans, il décida avec son épouse de valider ce lien dans l’Église par le sacrement du mariage.

Sa profonde religiosité s’exprimait par sa participation quotidienne à la messe et par la récitation du Rosaire. Précisément, le chapelet qu’il avait toujours dans sa poche fut la cause de son arrestation et fit du bienheureux Zefirino un authentique martyr du Rosaire, parce qu’il ne laissa personne lui arracher des mains son chapelet, même au prix de la mort. Aujourd’hui, le bienheureux Zefirino vous invite à suivre son exemple et vous indique le chemin : la dévotion à la prière, en particulier celle du Rosaire, l’amour pour l’Eucharistie et pour tous les sacrements, l’honnêteté, la charité et la générosité envers le prochain, spécialement envers les pauvres ; cela vous renforcera face au risque que des sectes ou d’autres groupes ne mettent en péril votre communion avec l’Église.
Votre histoire est complexe et, à certaines périodes, douloureuse. Vous êtes un peuple qui, au cours des siècles passés, ne s’est pas livré aux idéologies nationalistes, n'a pas aspiré à posséder une terre ou à dominer d'autres peuples.  Vous êtes restés sans patrie et vous avez considéré symboliquement le continent entier comme votre maison. Cependant, des problèmes graves et préoccupants demeurent, comme les rapports souvent difficiles avec les sociétés dans lesquelles vous vivez. Malheureusement, à travers les siècles vous avez connu la saveur amère du refus de l’accueil et, parfois, de la persécution, comme durant la seconde guerre mondiale : des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants ont été tués de manière barbare dans les camps d’extermination. Ce fut, selon votre expression, le Porrajmos, la « grande dévoration », un drame encore peu reconnu et dont on mesure difficilement les proportions mais que vos familles portent marqué dans leur cœur.  Durant ma visite au camp de concentration d'Auschwitz-Birkenau, le 28 mai 2006, j'ai prié pour les victimes de la persécution et je me suis incliné devant la stèle en langue romani, qui rappelle vos disparus.

La conscience européenne ne peut pas oublier une aussi grande douleur ! Que votre peuple ne soit plus jamais l'objet de vexations, de rejet et de mépris ! Quant à vous, recherchez toujours la justice, la légalité, la réconciliation et efforcez-vous de ne jamais être cause de la souffrance d'autrui ! Aujourd’hui, grâce à Dieu, la situation est en train d’évoluer : de nouvelles possibilités s’offrent à vous tandis que vous en prenez conscience. Vous avez créé une culture aux expressions significatives, comme la musique et le chant, qui ont enrichi l’Europe. De nombreux groupes ne sont plus nomades mais recherchent la stabilité avec de nouvelles attentes face à la vie. L’Église vous accompagne et vous invite à vivre selon les fortes exigences de l’Évangile, confiants dans la force du Christ, vers un avenir meilleur. L’Europe, qui démantèle les frontières et considère comme une richesse la diversité des peuples et des cultures, vous offre de nouvelles possibilités. Je vous invite chers amis a écrire ensemble une nouvelle page d’histoire pour votre peuple et pour l’Europe ! La recherche de logements et d’emplois dignes et d’instruction pour vos enfants sont les bases sur lesquelles il faut construire cette intégration dont vous tirerez bénéfice tout comme l’ensemble de la société. Apportez vous aussi votre collaboration active et loyale afin que vous familles puissent prendre place dignement dans le tissu social européen. Nombreux sont parmi vous les enfants et les jeunes qui désirent s’instruire, vivre avec les autres et comme les autres. Je les regarde avec une affection particulière, convaincu que vos enfants ont droit à une vie meilleure. Que leur bien soit votre plus grande aspiration. Défendez la dignité et la valeur de vos familles, petites Églises domestiques afin qu’elles soient de véritables écoles d’humanité (cf. Gaudium et spes, 52). Que les institutions, pour leur part, s’emploient à vous accompagner de manière adéquate sur ce chemin.

Enfin, vous êtes vous aussi appelés à participer activement à la mission évangélisatrice de l’Église, en promouvant l’activité pastorale dans vos communautés. La présence parmi vous de prêtres, de diacres et de personnes consacrées qui appartiennent à vos ethnies, est un don de Dieu, un signe positif du dialogue des Églises locales avec votre peuple, qu’il faut maintenir et développer. Accordez votre confiance et votre écoute à vos frères et sœurs et offrez leur ensemble l’annonce cohérente et joyeuse de l’amour de Dieu pour le peuple tsigane, comme pour tous les peuples !  L’Église souhaite que tous les hommes se reconnaissent fils du même Père et membres de la même famille humaine. Nous sommes à la veille de la Pentecôte quand le Seigneur envoya son Esprit sur les Apôtres qui commencèrent à annoncer l’Évangile dans les langues de tous les peuples. Que l’Esprit Saint répande ses dons en abondance sur vous tous, sur vos familles, sur vos communautés présentes à travers le monde et fasse de vous des témoins généreux du Christ ressuscité. Que la très sainte Marie, si chère à votre peuple et que vous invoquez comme « Amari Devleskeridej » (Notre Mère de Dieu) vous accompagne sur les chemins du monde et que le bienheureux Zefirino vous soutienne par son intercession.

(en langue romani) Je vous remercie tous du fond du cœur d’être venus au siège de Pierre pour manifester votre foi, votre amour pour l’Église et pour le Pape. Que le bienheureux Zefirino soit pour vous l’exemple d’une vie vécue pour le Christ et pour l’Église, en observant les commandements de l’amour envers le prochain. Le pape est proche de chacun d’entre vous et se souvient de vous dans ses prières. Que le Seigneur vous bénisse ainsi que vos communautés, vos familles et votre avenir. Que le Seigneur vous donne la santé et le succès. Soyez fidèles à Dieu !

(traduction La Croix)





 
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