vendredi 5 novembre 2010

Portrait : Michèle Créoff Protectrice de l'enfance

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Portrait d’actrice

Protectrice de l'enfance

Par Olivier Berthelin
Publié dans la gazette des communes le 24/05/2010
Directrice générale adjointe du conseil général du Val-de-Marne, chargée du pôle enfance et famille, Michèle Créoff s'inquiète de devoir gérer, en 2010, des situations de détresse plus visibles qu'au début de sa carrière dans les années 80.
«Nous voyons réapparaître les bidonvilles qui avaient disparu depuis des décennies. Plus terrible encore, nous commençons à nous habituer au spectacle d'enfants et de femmes enceintes vivant sous des cartons », déplore Michèle Créoff. Dans les années 70, lorsqu'elle a vécu entre les immeubles et les pavillons du Nord-Est parisien, les baraques insalubres bricolées avec tout ce qui passe par la main appartenaient déjà à l'histoire. Issue d'une famille enracinée depuis des générations au-delà des portes de Paris et y ayant toujours habité, même pendant les années passées dans les bureaux du ministère des affaires sociales, elle ne nourrit pas de nostalgie particulière. « De la violence, de la misère, des mineurs en perdition, il y en avait proportionnellement autant, c'est notre regard qui a changé et notre seuil de tolérance face à la détresse qui a baissé. »

Militante de terrain.

Si certains sujets comme l'hébergement d'urgence en hôtel, ou la pratique qui consiste à déplacer les campements précaires d'une commune à l'autre la font visiblement sortir de ses gonds, elle ne hausse pourtant pas le ton. « Pour nous, Michèle Créoff est avant tout une militante de terrain doublée d'une juriste extrêmement rigoureuse », confirme un directeur d'organisme impliqué dans l'accompagnement des mineurs étrangers, qui la rencontre dans les milieux associatifs. La conviction de la DGA du conseil général du Val-de-Marne se mêle à une profonde humilité. « Avec 3 000 agents éparpillés dans 150 sites, confrontés à des situations difficiles, il faut constamment expérimenter de nouvelles solutions, savoir reconnaître les erreurs, sans les déstabiliser », remarque-t-elle. Elle n'a pas oublié l'usure morale endurée lorsqu'elle était inspectrice de la protection de l'enfance au début de sa carrière. « Il arrive un moment où il est indispensable de prendre du recul par rapport au terrain et à la proximité avec la détresse », justifie-t-elle en se demandant ce qu'elle aurait vécu si elle avait réussi le concours de la magistrature et réalisé son rêve de jeune fille d'être juge pour enfant. Elle a grimpé les échelons, nomadisant entre les administrations d'Etat et des conseils généraux en restant fidèle au fil rouge de la protection de l'enfance qui la guide depuis le début. « J'ai été formée à l'époque de la première décentralisation et j'ai pu m'imprégner des cultures des deux administrations à la fois sur le terrain pour le compte de l'Etat et du conseil général de Seine-Saint-Denis, et au niveau de la réflexion sur les politiques à mettre en œuvre », raconte Michèle Créoff.

La distance de l'analyste.

Profondément attachée à sa collectivité, qu'elle défend avec vigueur contre les critiques parfois virulentes de ses amis du milieu associatif, elle garde la distance de l'analyste. « Les politiques locales sont de plus en plus éclatées. Nous ne pouvons gérer les problèmes au niveau de la commune et du département, car les mineurs en difficulté ne vivent pas en tenant compte des partages des compétences administratives », remarque la DGA. « Les collectivités ne détiennent pas seules la clé des problèmes qui ne peuvent se régler ponctuellement au niveau local. Toutes les politiques qui avaient été esquissées au niveau global, il y a une dizaine d'années, ont été mises à mal sans avoir été réellement mises en œuvre et véritablement remplacées par d'autres », critique Michèle Créoff en évoquant le malaise des agents de terrain qui peinent à définir le sens de leurs actions.
BIO-EXPRESS
1982 : diplôme de droit privé, inspectrice de la Dass.
1985 : Ecole nationale de santé publique.
1986-1995 : inspectrice de l'aide sociale à l'enfance au conseil général de Seine-Saint-Denis.
1995 : retour dans le giron de l'Etat à la direction régionale de l'action sanitaire et sociale.
1996-2000 : participe à l'élaboration des politiques de protection de l'enfance au ministère.
Depuis fin 2001 : DGA au conseil général du Val-de-Marne

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