lundi 1 novembre 2010

Fernand Milo Delage : Voyageur résistant

Portrait d'acteur

 Voyageur résistant

Par Olivier Berthelin
Gazette des communes 24/09/2007
Combattant de la cause tzigane, Fernand Delage s'est fixé comme mission d'imposer une image positive des gens du voyage.
«Ces gens-là nous ont envahis, mais je dois reconnaître que Monsieur Delage s'est montré très coopératif et qu'il a tenu tous ses engagements », confie Chantal Gambut, maire du Bourget-du-Lac (Savoie). « Des élus, jusqu'alors farouchement opposés aux nomades, me ­demandent le retour du groupe », affirme Didier Proust, ­directeur du service d'accueil des gens du voyage de l'agglomération de La Rochelle. Des Alpes à la côte Atlantique, ­Fernand Delage a acquis la réputation d'un homme capable de convertir les plus réticents à leur accueil. « Je me bats pour que mes enfants soient enfin considérés comme des citoyens à part entière », lance-t-il. En 2004, le commerçant participe à la création de l'association la Vie du voyage, qui structure de grands groupes laïques.
Aiguillons nécessaires. Aujourd'hui, à 56 ans, Fernand ­Delage est devenu l'un des interlocuteurs incontournables des autorités. Il vient d'ailleurs de créer France liberté voyage, un mouvement exclusivement dirigé par des nomades. « Ceux qui ne vivent pas sur le voyage ne connaissent pas ­notre mode de vie de l'intérieur et ne peuvent pas combattre à notre place », précise-t-il. Tout en affirmant sa laïcité, il entretient sur le terrain des relations suivies avec les deux autres mouvements d'envergure nationale qui, en plus de l'identité tzigane, affichent des particularités religieuses.
« Nous avons perçu la loi "Sarkozy" de 2003 comme une nouvelle tentative pour nous sédentariser de force. Je me suis alors véritablement engagé dans la militance, car il devenait nécessaire que nous prenions nos affaires en main », raconte le père de famille, qui collectionne les attestations positives délivrées par les communes. Les lois réprimant le stationnement sauvage ont accru les déplacements en grands groupes. La nécessité d'organiser la vie quotidienne dans les villages éphémères a renforcé l'influence des associations dirigées et animées par des ­Tziganes. S'il évoque les souffrances de ses parents au camp de sédentarisation forcée de Montreuil-­Bellay (Maine-et-Loire) durant la guerre, Fernand Delage ne se pose pas en victime. Pour lui, les pages les plus sombres du passé démontrent que les voyageurs capables de s'adapter aux besoins des sédentaires représentent des aiguillons néces­saires au développement de la société.
Tranquille assurance. Parler d'égal à égal avec ce Tzigane déroute de nombreux élus. Ils n'ont guère l'habitude de négocier avec un marchand de meubles ambulant ayant commencé à travailler comme brocanteur itinérant à l'âge de 19 ans. Mais ce juriste aguerri par une longue pratique des textes de loi leur oppose une tranquille assurance. « Le jour de notre installation, il faut passer beaucoup de temps à expliquer. Ensuite, les relations deviennent plus intéressantes car les responsables de la commune se rendent compte que nous sommes des gens normaux, qui travaillent, entretiennent le terrain sur lequel ils vivent et respectent les voisins », raconte-t-il.
Fernand Delage milite pour que le carnet de circulation qui l'assimile à un individu sous contrôle judiciaire devienne une banale carte d'identité. S'il ne s'offusque pas des fréquents contrôles policiers, il lui arrive de perdre patience quand, pour la deuxième fois de la journée, un escadron de gendarmerie fortement armé surgit. Il dégaine alors son ­téléphone, interpelle le préfet, mobilise les nombreux élus de sa connaissance ainsi que la presse locale, qu'il soigne dès son arrivée. « J'espère que nous pourrons bientôt continuer à vivre tranquillement, à notre manière, sans être obligé de recourir à ce genre d'expédients », soupire-t-il.
BIO-EXPRESS
1951 : naissance.
1970 : inscription au registre du commerce.
1985 : participe aux réflexions des cercles tziganes pour faire émerger un mouvement national non confessionnel.
2004 : contribue à la fondation de l'association de commerçants nomades la Vie du voyage.
2007 : porte-parole lors de la seconde rencontre organisée par le réseau Idéal et la commission nationale consultative. Elu en septembre président de France liberté voyage.

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