FOCUS sur : La Loppsi 2 votée au Sénat, documents et réactions
La Loppsi 2 sera étudiée en seconde lecture à l'assemblée nationale le 5 octobre 2010.
Voici autour de l'article 32 terA
1 une présentation du texte voté par le sénat
2 des réactions d'acteurs
3 Un retour sur la circulaire du 24 juin 2010 demandant aux préfets d'engager des opérations contre les campements illicites
La Loppsi 2 organise l’évacuation des campements illicites
La première loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Loppsi 1) avait déjà abordé la question de l’évacuation des stationnements illicites et la loi sur la sécurité intérieure de mars 2003, qui avait suivi, avait durci le dispositif pour permettre aux communes ayant rempli leurs obligations au regard de loi Besson de procéder plus facilement à l’évacuation des caravanes en stationnement illicite. Un dispositif s’appliquant uniquement aux résidences mobiles.
Sept ans plus tard, la Loppsi 2 organise l’évacuation d’office des campements illicites constitués d’habitations de fortune.
Au cœur de l’été, alors que le président de République exige l’évacuation de 300 campements illicites, dont en premier lieu ceux des Roms, le gouvernement dépose un amendement à la Loppsi 2, visant à étendre les dispositions sur stationnements illégaux de caravanes aux campements illicites.
Accédant à la demande du gouvernement, les sénateurs votent, en première lecture, ces nouvelles dispositions. En cas « de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques », le préfet pourra ainsi mettre les occupants en demeure de quitter les lieux dans un délai qui ne pourra pas toutefois être inférieur à 48 heures. Si les personnes visées ne quittent pas les lieux, le préfet pourra décider l’évacuation forcée et demander l’autorisation au tribunal de grande instance de procéder à la destruction des constructions illicites. En revanche, les sénateurs refusent que ces nouvelles dispositions s’appliquent aux sites bâtis, c'est-à-dire les squats, comme le souhaitait le gouvernement.
DT
Document :
Le texte adopté par le Sénat en première lecture le 10/09/2010
Article 32 ter A
I. - Lorsqu'une installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d'y établir des habitations comporte de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l'État dans le département, ou, à Paris, le préfet de police, peut mettre les occupants en demeure de quitter les lieux.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions prévues au II, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des lieux, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. Le cas échéant, le préfet saisit le président du tribunal de grande instance d'une demande d'autorisation de procéder à la destruction des constructions illicites édifiées pour permettre l'installation en réunion sur le terrain faisant l'objet de la mesure d'évacuation. Le président du tribunal ou son délégué statue, en la forme des référés, dans un délai de 48 heures.
Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain fait obstacle à l'exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, dans un délai qu'il fixe.
Le fait de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est puni de 3 750 euros d'amende.
II. - Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au I, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l'exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.
I. - Lorsqu'une installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à une personne publique ou privée en vue d'y établir des habitations comporte de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l'État dans le département, ou, à Paris, le préfet de police, peut mettre les occupants en demeure de quitter les lieux.
La mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d'affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d'usage du terrain.
Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours dans les conditions prévues au II, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des lieux, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain dans le délai fixé pour l'exécution de la mise en demeure. Le cas échéant, le préfet saisit le président du tribunal de grande instance d'une demande d'autorisation de procéder à la destruction des constructions illicites édifiées pour permettre l'installation en réunion sur le terrain faisant l'objet de la mesure d'évacuation. Le président du tribunal ou son délégué statue, en la forme des référés, dans un délai de 48 heures.
Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain fait obstacle à l'exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l'atteinte à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, dans un délai qu'il fixe.
Le fait de ne pas se conformer à l'arrêté pris en application de l'alinéa précédent est puni de 3 750 euros d'amende.
II. - Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au I, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l'exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.
Les réactions
1 – Associations et mouvements impliqués dans les questions du logement
Le 21 septembre des représentants de plusieurs associations, syndicats et partis se sont réunis à Paris à l’initiative du DAL et de Halem, pour étudier les conséquences pratiques de ce texte. « Nous restons très attentifs vis-à-vis de la manière dont la commission des lois de l’assemblée qui se réunit le 29 septembre va préparer la seconde lecture de ce texte », remarque Jean Baptiste Eyraud, porte-parole du Dal. « Nous craignons que le champ d’application de cette loi touche tous les habitats hors normes. Nous analysons que cette loi pourra s’appliquer non seulement lors de l’installation, mais également à tout moment, même lorsque les occupants sont là depuis plusieurs années. La Loppsi2 concerne des publics beaucoup plus larges que les seules familles Roms en difficulté ».
La notion de campement illicite vise, selon luis tout sorte d’habitat sur des terrains privés. «Tous les habitants dans des habitats qui ne sont pas titulaires d’un permis de construire, comme les habitants de bidonvilles, de campements, de cabanes, de toute formes d’habitat choisi léger, comme beaucoup de propriétaires de maisons dans les DOM-TOM, même lorsque les occupants sont propriétaires du terrain », ajoute t-il.
La Loppsi 2 représente un virage à 180 degrés par rapport à la loi Vivien, qui, dans les années 1970, organisait la résorption des bidonvilles par le relogement, et celle de 2000 qui organise le relogement des habitants de logements insalubres, en péril ou précaires. Le texte de 2010 va déplacer les problèmes. Que vont devenir ceux qui seront expulsés dans le cadre de cette nouvelle loi sans jugement, sans procédure contradictoire, en violation des principes légaux protégeant le domicile. demande le responsable associatif. Ils s’installeront un peu plus loin et seront de nouveau chassés, pourchassés à vie ?»
Le 21 septembre des représentants de plusieurs associations, syndicats et partis se sont réunis à Paris à l’initiative du DAL et de Halem, pour étudier les conséquences pratiques de ce texte. « Nous restons très attentifs vis-à-vis de la manière dont la commission des lois de l’assemblée qui se réunit le 29 septembre va préparer la seconde lecture de ce texte », remarque Jean Baptiste Eyraud, porte-parole du Dal. « Nous craignons que le champ d’application de cette loi touche tous les habitats hors normes. Nous analysons que cette loi pourra s’appliquer non seulement lors de l’installation, mais également à tout moment, même lorsque les occupants sont là depuis plusieurs années. La Loppsi2 concerne des publics beaucoup plus larges que les seules familles Roms en difficulté ».
La notion de campement illicite vise, selon luis tout sorte d’habitat sur des terrains privés. «Tous les habitants dans des habitats qui ne sont pas titulaires d’un permis de construire, comme les habitants de bidonvilles, de campements, de cabanes, de toute formes d’habitat choisi léger, comme beaucoup de propriétaires de maisons dans les DOM-TOM, même lorsque les occupants sont propriétaires du terrain », ajoute t-il.
La Loppsi 2 représente un virage à 180 degrés par rapport à la loi Vivien, qui, dans les années 1970, organisait la résorption des bidonvilles par le relogement, et celle de 2000 qui organise le relogement des habitants de logements insalubres, en péril ou précaires. Le texte de 2010 va déplacer les problèmes. Que vont devenir ceux qui seront expulsés dans le cadre de cette nouvelle loi sans jugement, sans procédure contradictoire, en violation des principes légaux protégeant le domicile. demande le responsable associatif. Ils s’installeront un peu plus loin et seront de nouveau chassés, pourchassés à vie ?»
Propos recueillis par O. B.
- Pour en savoir plus
Lire le communiqué du collectif avec la liste des associations signataires sur les blogs et sites hébergeant les Dépêches
2 - Christophe Robert, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, sociologue spécialiste des GDV
« Cette loi réveille des inquiétudes récurrentes depuis les débats sur la première loi Besson. Beaucoup craignent qu’elle ne soit utilisée pour chasser les voyageurs des terrains privés et les obliger à être uniquement dans les espaces dédiés et contrôlés. Mais dans l’état actuel du texte rien ne permet de dire si elle sera effectivement applicable aux terrains familiaux privés des voyageurs et d’autres personnes vivant dans des habitations mobiles ou légères. Néanmoins elle renforce l’arsenal répressif et représente une pression supplémentaire sur les familles »
« Cette loi réveille des inquiétudes récurrentes depuis les débats sur la première loi Besson. Beaucoup craignent qu’elle ne soit utilisée pour chasser les voyageurs des terrains privés et les obliger à être uniquement dans les espaces dédiés et contrôlés. Mais dans l’état actuel du texte rien ne permet de dire si elle sera effectivement applicable aux terrains familiaux privés des voyageurs et d’autres personnes vivant dans des habitations mobiles ou légères. Néanmoins elle renforce l’arsenal répressif et représente une pression supplémentaire sur les familles »
Propos recueillis par OB
3 - Des responsables d’associations tsiganes
- Alice Januel, présidente de l’Association nationale des gens du voyage catholiques (ANGVC)
« Ce texte nous inquiète beaucoup car elle s’attaque aux terrains familiaux. Elle va décourager des familles d’acquérir des terrains et renforcer les difficultés qu’éprouvent ceux qui en possèdent pour obtenir l’eau et l’électricité. Où aller ? Les rares aires d’accueil qui existent sont dotées de règlements humiliants, souvent illégaux, et sont invivables. »
- Fernand Delage, vice-président de l’Union française des associations tsiganes (Ufat)
« Cette loi semble surtout viser ceux qui ne voyagent plus beaucoup. Nous sommes inquiets bien sûr, mais nous avons vu déjà tellement de loi annoncées à grands cris pour nous réprimer qui, au final, s’appliquent très peu que nous ne leur donnons pas trop d’importance. Ils ne peuvent pas aller trop loin sans remettre en cause le droit de propriété. Nous sommes beaucoup plus inquiets pour les Roms et étrangers et les malheureux qui vivent dans des bidonvilles. Cela ne sert à rien de les chasser, il faut leur permettre de travailler et d’avoir des logements décents. »
Retour sur : la circulaire du 24 juin
Une circulaire d’anticipation
Première des trois circulaires sur « les campements illicites » ayant fait l’objet de vifs débats entre les gouvernants français et la Commission européenne, le texte du 24 juin 2010 éclaire de manière très particulière les évènements des dernières semaines.
Dès le 24 juin, Brice Hortefeux et Eric Besson avaient conjointement signé une instruction officielle aux préfets ayant pour objet la lutte contre les campements illicites.
« Sans attendre l’entrée en vigueur de modifications législatives et réglementaires actuellement en préparation, la présente circulaire vise à vous rappeler les conditions dans lesquelles vous pouvez : procédez à l’évacuation de campements illicites ; prendre des mesures d’éloignement de leurs occupants, lorsque ceux-ci n’ont pas la nationalité française et se trouvent en situation irrégulière sur notre territoire », écrivaient les deux ministres. En exergue de ce texte, ceux-ci éprouvaient le besoin de justifier leur démarche en expliquant que le gouvernement entend lutter contre le développement de ces campements qui, dans les grandes agglomérations, « portent atteinte au droit de propriété, donnent à leurs occupants des conditions inacceptables et incompatibles avec tout projet crédible d’intégration et peuvent abriter des activités délictuelles ».
Très détaillé, fourmillant de conseils pratiques pour inciter les propriétaires et les parquets à porter plainte et à additionner tous les motifs de poursuites pénales, ce texte contient une sélection des jurisprudences les plus défavorables aux occupants, en pareil cas. Ne sont pas mentionnées les décisions de justice s’opposant à des expulsions ou impliquant des procédures de relogement.
La circulaire rappelle aussi que « la procédure de mise en demeure et d’évacuation forcée ne s’applique qu’aux gens du voyage, et que les autres types de campements nécessitent l’intervention du juge ». « La lutte contre les campements illicites constitue une priorité sur laquelle nous vous demandons de vous impliquer personnellement », insistent, en conclusion, les ministres.
« Sans attendre l’entrée en vigueur de modifications législatives et réglementaires actuellement en préparation, la présente circulaire vise à vous rappeler les conditions dans lesquelles vous pouvez : procédez à l’évacuation de campements illicites ; prendre des mesures d’éloignement de leurs occupants, lorsque ceux-ci n’ont pas la nationalité française et se trouvent en situation irrégulière sur notre territoire », écrivaient les deux ministres. En exergue de ce texte, ceux-ci éprouvaient le besoin de justifier leur démarche en expliquant que le gouvernement entend lutter contre le développement de ces campements qui, dans les grandes agglomérations, « portent atteinte au droit de propriété, donnent à leurs occupants des conditions inacceptables et incompatibles avec tout projet crédible d’intégration et peuvent abriter des activités délictuelles ».
Très détaillé, fourmillant de conseils pratiques pour inciter les propriétaires et les parquets à porter plainte et à additionner tous les motifs de poursuites pénales, ce texte contient une sélection des jurisprudences les plus défavorables aux occupants, en pareil cas. Ne sont pas mentionnées les décisions de justice s’opposant à des expulsions ou impliquant des procédures de relogement.
La circulaire rappelle aussi que « la procédure de mise en demeure et d’évacuation forcée ne s’applique qu’aux gens du voyage, et que les autres types de campements nécessitent l’intervention du juge ». « La lutte contre les campements illicites constitue une priorité sur laquelle nous vous demandons de vous impliquer personnellement », insistent, en conclusion, les ministres.
Questions autour de la circulaire
Publié le jour d’une manifestation contre la réforme des retraites dans un contexte marqué par des débats sur l’utilisation des fonds publics par certains ministres, ce document pose plusieurs questions.
- Les actions de communication lancées à partir des évènements de Saint-Aignan (17 juillet), et de la réunion interministérielle du 28 juillet annonçant de manière spectaculaire des mesures contre les Roms et les gens du voyage étaient-elles le fruit d’une stratégie planifiée ?
- Quel est le rôle des préfets ? Ces haut fonctionnaires sont-ils les garants des lois ou peuvent-ils être utilisés pour mener des actions anticipant des textes non encore votés ?
- Quelle transparence pour les services de l’Etat ? Dès fin juin, les « Dépêches tsiganes » ont reçu des témoignages de responsables d’associations signalant l’existence d’instructions venues « d’en haut ». Les interlocuteurs racontaient le malaise de préfets évoquant le cas d’autres préfets qui justifiaient des expulsions de campements par l’obéissance aux ordres. Les élus de Saint-Denis étaient d’ailleurs intervenus pour obtenir un délai jusqu’à la fin de l’année scolaire pour les familles installées sur le site du Hanul. A l’époque, personne n’avait pu se procurer le texte de ces fameuses instructions, aucun fait divers particulier n’en justifiant la mise en oeuvre.
O. B.
- En savoir plus et trouvez le texte intégral de la circulaire sur :
www.rencontrestsiganes.asso.fr
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